Livre très intéressant sur la place d'Eve dans l'histoire de la peinture et tout particulièrement à la fin du XIXème siècle. Il croise les visions de cette femme à la fois créatrice et destructrice par Gauguin, Rodin, Bonnard ou encore des fauves. le textes est riches et très intéressant. Les illustrations sont aussi bien choisies et je regrette de ne pas avoir vu certaines de ces peintures de visu comme l'homme et la femme de Bonnard ou l'indolente du même artiste. L'ensemble est très riche. Néanmoins des reproductions des tableaux dans une taille plus grande afin que l'on puisse réellement les admirer aurait été appréciées.
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C'est sans doute la représentation d'Eve coché, allongée sur l'herbe qui compose un nouveau groupe déjà inventé par Raphael, repris avec une certaine abondance par Rubens chez qui les chairs pleines, généreusement colorées sont empruntes d'une qualité atmosphérique qui allège, savamment, leur volume. Ce groupe avec une vénus couchée marque en quelque sorte l'éclipse du thème, désormais remplacé, puisque le pêché avait heureusement disparu, par les Vénus de Titien et le beau nu de Velasquez.
es observations ténues de son environnement, de l'infiniment grand comme de l'infiniment petit, produisent ce que Guy Cogeval a nommé " la texture imaginaire du réel", ce sentiment si particulière que l'on ressent inévitablement devant chacun de ses tableaux, en particulier ceux de la fin de sa vie; ceux qui ont une texture donc - un derme et un épiderme, dans lequel le temps est suspendu, ouvrant ainsi un sillon, une voie que beaucoup suivront.
les écoles flamandes suivent à peu près la même évolution. Seule la partie supérieure de l'agneau mystique de Jan Van Eyck, dans la cathédrale de Saint Bavon, à Gand, présente une figure d'Eve peu flattée; les cheveux pendant et gras, elle semble affligée par la futur maternité qui déforme son corps. Ce "réalisme" du portrait ou ce caractère de vie notée sera à peu près sans autre exemple.
Les apparitions proprement théâtrales des femmes de Gustave moreau, couvertes de légers voiles comme si leur peau était tissée de tatouages arachnéens, sont l'onirisme même du passé et le voile de l'histoire qui nous en approche tout en maintenant le caractère insaisissable du temps révolu: il n'est accessible que par le rêve qui a été sa véritable matrice.
A quoi rêve Bonnard, sinon à accomplir, à travers l'homme, la quête d'un idéal dans une esthétique immuable de la contemplation et du ré-enchantement du monde? Le peintre aime mêler éléments naturalistes familiers à d'autres plus symbolistes, imaginant ainsi son Paradis terrestre fait de sensibilité épidermique, de vibration de la lumière couleur.