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Critiques filtrées sur 3 étoiles  
Le Marchand De Venise est une pièce difficile entre toutes à interpréter de nos jours. Et cela, essentiellement en raison de l'histoire récente, c'est-à-dire du XXème siècle, mais on se rend compte en allant plus loin que cette pièce a été très diversement interprétée même auparavant, en fonction de l'air du temps.

Pourquoi cela ? Après tout, une pièce de théâtre c'est une pièce de théâtre, donne-t-on des interprétations diamétralement opposées de Roméo Et Juliette ou de Macbeth en fonction des époques ? Bien sûr, ici, on marche sur des œufs car il y est question d'un Juif en la personne de Shylock. Et comme à chaque fois qu'il est question d'un Juif autrement qu'en termes élogieux, les banderoles de l'antijudaïsme et de l'antisémitisme ne sont jamais très loin.

Il y a pourtant, ce me semble, une différence notable entre un William Shakespeare, qui met des nuances, qui taille des costumes à diverses communautés, qui ne généralise jamais les travers à l'ensemble d'une communauté et un Martin Luther, par exemple, qui lui signe un véritable brûlot contre les Juifs.

De quoi est-il question dans cette pièce ? Nous sommes à Venise à une époque non clairement spécifiée mais deux ou trois indices nous portent à croire qu'il s'agit de l'époque contemporaine de Shakespeare. Nous y voyons un noble, Bassanio, beau de sa personne et de manières élégantes mais qui n'a malheureusement plus le sou à force de flamber à droite à gauche.

Il sollicite donc l'aide financière de son grand ami (certains ont vu une relation homosexuelle possible, moi, je n'en sais rien) Antonio, le marchand de Venise, afin de pouvoir aller courtiser la belle Portia, qui fait palpiter son cœur. Jusque là, rien de très intéressant, une scène sentimentale et sirupeuse comme je les déteste.

Ce qui devient plus intéressant, c'est le contraste que Shakespeare va créer entre un commerçant juif et son marchand de Venise, brave chrétien, et qui en tant que brave chrétien, aurait honte de prêter de l'argent avec intérêt. L'ennui, c'est que précisément en ce moment, il est en attente du retour de plusieurs de ses bateaux si bien qu'il manque de liquidités à présenter de suite.

Et c'est ici qu'intervient le personnage le plus intéressant (et le plus controversé) de la pièce, à savoir, le Juif Shylock, qui lui est un champion de l'usure, un vrai banquier aux dents longues. Et il est vrai que ce personnage de Shylock est extrêmement peu attachant : cupide, calculateur, procédurier, hargneux, rancunier, double, etc.

Tous les personnages principaux du Marchand De Venise ont des noms à consonance italienne ou méditerranéenne sauf lui, Shylock, un nom qui, pour le public anglais de l'époque n'est pas sans signification : shy, timide et lock, la serrure, le verrou, le cadenas. Donc un nom qui possède déjà en soi un certain potentiel comique en tant que métonymie du coffre-fort qui ne s'ouvre que timidement. De nos jours, Shylock est un nom devenu tellement célèbre qu'il désigne carrément le type même de l'usurier cupide et sans scrupule. Nul doute, donc, que c'est bien Shylock le véritable personnage principal de la pièce, bien avant celui d'Antonio.

C'est une caricature de l'usurier juif et la caricature est, ce me semble, l'un des traits saillants de la comédie. Je signale au passage que Shakespeare donne dans cette même pièce une caricature de l'Écossais type (radin), de l'Anglais type (inculte), de l'Allemand type (ivrogne) et du Français type (fanfaron écervelé), toutes moins reluisantes les unes que les autres. Faut-il s'en offusquer et y percevoir un sentiment anti écossais, anti anglais, anti allemand et anti français ?

D'ailleurs, très intelligemment, William Shakespeare montre que Shylock a été copieusement brocardé par les chrétiens et qu'au moins une partie de son comportement vient en réaction de mauvaises actions perpétrées par les chrétiens à son encontre.

Je ne pense nullement que Shakespeare ait voulu s'en prendre à l'ensemble de la communauté juive, car il présente la fille de Shylock, Jessica comme un personnage positif (qui certes se convertit au christianisme). Je crois que ce que fustige Shakespeare au travers de Shylock, c'est le comportement de l'usurier, du banquier.

Car à l'époque de Shakespeare, la mutation de la société du moral au vénal, du religieux vers l'argent est déjà très palpable (sans jeu de mot) et le personnage qui incarne le mieux cette mutation ne peut être qu'un banquier. Et comme la religion chrétienne encore très présente à tous les niveaux voyait d'un mauvais œil cette profession, celle-ci était très souvent occupée par des Juifs.

Mais de là à généraliser au fait que tous les Juifs soient banquiers, fielleux et rancuniers il y a un pas, un gigantesque pas et que, selon moi, Shakespeare ne franchit absolument pas. L'auteur s'en prend à Shylock et au seul Shylock. Son côté chicanier et procédurier est risible mais c'est justement en tombant sur un as de la chicane qu'il se fait avoir. (Je vous passe sous silence l'identité de cet as de la chicane car cela vaut son pesant de cacahuètes et je vous laisse le découvrir par vous-même.)

À aucun moment Shakespeare ne reproche une quelconque malhonnêteté à Shylock ; il spécifie même qu'il possède un véritable talent pour les affaires, un flair très aiguisé. C'est donc quelqu'un de très doué dans sa profession. Ce qu'il lui reproche, c'est de pratiquer l'usure et d'avoir tendance à passer l'amour de l'argent avant l'amour du prochain. Je vois dans son obstination à réclamer 500 grammes de chair d'Antonio une volonté de faire souffrir celui qui l'a auparavant beaucoup fait souffrir. Je vois plus du " œil pour œil, dent pour dent " qu'une réelle méchanceté gratuite.

En somme, j'ai encore le sentiment que c'est un mauvais procès qu'on fait à Shakespeare, comme souvent de nos jours quand on ose avancer la moindre critique vis-à-vis d'un Juif, on brandit illico l'étiquette antisémite. Par exemple, l'autre grand auteur anglais, Charles Dickens, qui a écrit un livre entier pour condamner l'intolérance religieuse (Barnabé Rudge) notamment pratiquée par les Protestants, mais on lui reproche toujours son fameux personnage juif de Fagin dans Oliver Twist.

Donc, maintenant que vous savez qu'aussi bien Dickens que Shakespeare sont des antisémites notoires, que peut-on encore dire de cette pièce ? Le rôle des femmes y est prépondérant mais les historiettes amoureuses à répétition qui s'y trament m'ont semblé ennuyeuses : trop de bons sentiments, trop de simplicité, trop d'intrigues téléphonées. Pour obtenir la main de la belle Portia, il faut passer l'épreuve imaginée par son père avant de mourir ; choisir parmi trois coffrets : l'un empli d'or, l'autre l'argent et le troisième de plomb. Seul le bon coffret — selon les critères du père — contient le portrait de sa fille et donc l'autorisation au mariage. Mmouais… probablement pas ce que Shakespeare a fait de mieux…

De même, le personnage malheureux du marchand de Venise, c'est-à-dire Antonio, le bon et brave chrétien, est d'un mièvre à pleurer, d'une bonté surnaturelle sauf à l'endroit du Juif qu'il ne peut supporter. De même, la belle et bonne Portia se montre franchement raciste lorsqu'il s'agit du prince Maroc, que l'auteur présente de façon plutôt élogieuse. Preuve, s'il en était besoin après Othello que Shakespeare s'attache à la valeur des hommes pris individuellement et ne s'attaque pas à des communautés en tant que communautés. Mais ça, ce n'est que mon avis, c'est-à-dire, pas grand-chose, libre à vous de penser tout autrement.
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Ah l'argent... Celui qui ne fait pas le bonheur quand il est en abondance, mais ne le fait pas non plus quand il manque !
Mais qu'est-ce qui fait tourner notre vie ? L'argent ? L'amitié ? L'amour ?
Voilà une des questions à laquelle tente de répondre le Marchand de Venise, une pièce qui nous compte comment Antonio, un prospère marchand vénitien un peu trop sûr de lui en vient à mettre en gage une livre de sa propre chair si jamais la dette contractée par son ami n'était pas remboursée. Il se moque bien du créancier, le Juif Shylock lorsque celui-ci lui expose ses conditions.
Mais le Destin ne tourne jamais comme on s'y attendrait, alors....
Et bien sûr, comédie oblige, pendant ce temps les petites intrigues amoureuses vont bon train à Venise.

Pas sûr que l'argent fasse le bonheur, pas sûr non plus qu'il faille chercher la Justice/vengeance à tout prix. Ici, Shakespeare oppose la Loi du Talion avec le Pardon Chrétien. La Justice (des hommes) est aveugle mais la compassion vient du coeur, alors autant laisser ce don divin l'emporter.

On retrouve dans cette pièce beaucoup de citations célébrissimes de Shakespeare - à tel point qu'on en oublie qu'elles sont de lui - comme par exemple "Love is blind" (l'amour est aveugle), "all that glitters is not gold" (tout ce qui brille n'est pas de l'or) pour ne citer que ces deux là.
Il y a aussi, bien sûr, la fameuse tirade de Shylock dans l'acte III qui pourrait faire passer la pilule de tous ces clichés sur les non-Blancs et non-Chrétiens que contient cette pièce. Alors oui, un oeil du XXIème siècle aurait vite faite de qualifier cela de racisme, mais n'oublions pas de remettre l'oeuvre dans son contexte : à l'époque élisabéthaine (Renaissance), l'heure n'est pas encore aux conquêtes territoriales ou quelques ouvertures sur le monde. le marché s'ouvre pour commercer avec des étrangers, on s'intéresse à leur marchandise , il ne faut pas non plus trop en demander !

La pièce n'est donc pas mauvaise mais ne rejoindra pas mon podium des " 3 Best Shakespeare's plays", car ces propos un peu trop mielleux sur la morale chrétienne contre l'usure et les instincts primaires de revanche me laissent... plutôt indifférente.
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C'est rare de livre une comédie de Shakespeare, lui qui nous a habitué aux tragédies... C'était plutôt intéressant et divertissant, bien qu'il n'y excellente pas... Mais attention, lorsque je dis qu'il n'y excelle pas, il ne faut surtout pas penser que j'aurais fait mieux... C'est juste que ce que j'aime de cet auteur, c'est justement l'âme tourmentée de ses personnages et leurs envolées lyriques... Il rend tellement bien les ambiances oppressantes, mystérieuses, mystiques presque... Mais ici, ce n'est pas ça du tout. C'est un tout autre registre. Quelques scènes sont assez comiques et certaines répliques sont cinglantes, mais je le préfère tout de même dans les drames...
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Je suis moins séduit par cette pièce, et ses souvenirs en sont plus diffus, pourtant moins d'un an après sa lecture... La tirade très célèbre de Shylock est extraordinaire, et je pensais que la pièce se poserait en sublime premier défenseur littéraire de la discrimination envers les juifs... Mais ce n'est pas vraiment le cas, elle relève majoritairement de la comédie, et Shakespeare oppose les principes immuables de Shylock, à l'étonnement et la raillerie des autres personnages, qui rient à ses dépens... La pièce ne peut donc être entièrement lue comme plaidant la cause juive. Je pense qu'elle est victime du mélange des tons qu'aime Shakespeare, qui fait sa richesse, mais qui ne trouve son équilibre, à mon sens, que dans La Tempête.
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J'ai ici surtout apprécié le moment ou Nérissa et Portia se déguisement pour se jouer de leurs époux. Cette pièce de théâtre shakespearienne est très amusante au niveau des quiproquos que l'on retrouve beaucoup chez Shakespeare et dans le Baroque en général.
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Après les tragédies et les sonnets de Shakespeare, il était temps de passer aux comédies. Certes, vous n'allez pas éclater de rire, en tout cas ce ne fut pas mon cas, mais il y a des répliques qui font sourire surtout que pour l'époque, elles étaient assez osées.
Je commencerai par vous parler de l'illustre « le marchand de Venise » dont la tirade du juif est connue de tous (cf la tirade de Shylock ci-dessous). Si dans cette pièce le juif est lourdement critiqué et mis à mal, Shakespeare met en lumière l'intelligence de la femme puisque c'est une héroïne qui magistralement sauvera l'ami de son mari. L'histoire est réellement intéressante, les rebondissements se multiplient et le final est grandiose.

Résumé : Bassanio vit au-dessus de ses moyens. Il demande alors un prêt au juif Shylock. Shylock est enclin à faire ce geste quand il apprend qu'Antonio le marchand de Venise se porte garant de son ami. Antonio s'est souvent moqué du juif et Shylock lui voue une haine certaine. Aussi précise-t-il que si la somme engagée ne lui est pas remboursée à temps, il prélèvera une livre de chair à Antonio. Cela n'effraie en rien ce dernier dont le commerce est florissant et le marché est conclu.
Portia est une riche héritière qui doit se plier au voeu de son père défunt : elle sera mariée à celui qui choisira judicieusement entre trois coffres d'or, d'argent et de plomb recélant une énigme. Bassanio est attirée par cette jeune femme et c'est par ce biais qu'il compte rembourser son prêt. Mais le pari n'est pas gagné puisque de nombreux hommes ont déjà tenté leur chance en vain.
Malheureusement, comme dans toute bonne oeuvre de Shakespeare, rien ne se passera comme prévu et le temps pressera nos deux compagnons.

Acte II Scène 6 :
Lorenzo (parlant de Jessica la fille de Shylock) : Que je sois maudit, si je ne l'aime pas de tout mon coeur ! Car elle est spirituelle, autant que j'en puis en juger ; elle est jolie, si mes yeux ne me trompent pas ; elle est fidèle, comme elle me l'a prouvé. Aussi, comme une fille spirituelle, jolie et fidèle, régnera-t-elle constamment sur mon coeur.

Acte II Scène 7 :
Le prince de Maroc (évoquant Portia) : Eh ! c'est cette noble dame ! Tout le monde la désire : des qutre coins du monde, on vient baiser la châsse de la sainte mortelle qui respire ici. Les déserts de l'Hyrcanie, les vastes solitudes de l'immense Arabie, sont maintenant autant de grandes routes frayés par les princes qui visitent la belle Portia ! L'empire liquide, dont la crête ambitieuse crache à la face di ciel, n'est pas une barrière qui arrêtent les soupirants lointains : tous la franchissent, comme un ruisseau, pour voir la belle Portia.

Acte III Scène 1 :
Shylock explique les raisons de sa haine envers Antonio : Il m'a couvert d'opprobre, il m'a fait tort d'un demi million, il a ri de mes pertes, il s'est moqué de mes gains, il a conspué ma nation, traversé mes marchés, refroidi mes amis, échauffé mes ennemis ; et quelle est sa raison ? … Je suis un juif ! Un juif n'a-t-il pas des yeux ? Un juif n'a-t-il pas des mains, des organes, des proportions, des sens, des affections, des passions ? N'est-il pas nourri de la même nourriture, blessé des mêmes armes, sujet aux mêmes maladies, guéri par les mêmes moyens, échauffé et refroidi par le même été et par le même hiver qu'un chrétien ? Si vous nous piquez, est-ce que nous ne saignons pas ? Si vous nous chatouillez, est-ce que nous ne rions pas ? Si vous nous empoisonnez, est-ce que nous ne mourons pas ? Et si vous nous outragez, est-ce que nous ne nous vengerons pas ? Si nous sommes comme vous du reste, nous vous ressemblerons aussi en cela. Quand un chrétien est outragé par un juif, où met-il son humilité ? A se venger ! Quand un juif est outragé par un chrétien, où doit-il, d'après l'exemple chrétien, mettre sa patience ? Eh bien, à se venger ! La perfidie que vous m'enseignez, je la pratiquerai, et j'aurai du malheur, si je ne surpasse pas mes maîtres.

Acte III Scène 5 :
Jessica (à son mari Lorenzo) : Lancelot (valet de Shylock) me dit nettement qu'il n'y a point de merci pour moi dans le ciel, parce que je suis une fille de juif, et il prétend que vous êtes un méchant membre de la République parce qu'en convertissant les juifs en chrétiens, vous haussez le prix du porc.
Lorenzo (à Lancelot) : J'aurais moins de peine à me justifier de cela devant la République que vous de la rotondité de la négresse. La fille maure est grosse de vous, Lancelot.
Lancelot : Tant mieux, si elle regagne en embonpoint ce qu'elle perd en vertu. Ce la prouve que je n'ai pas peur de la Maure.
Lorenzo : Comme le premier sot venu peut jouer sur les mots ! Je crois que bientôt la meilleure grâce de l''sprit sera le silence, et qu'il n'y aura plus de mérite à parler que pour les perroquets.

Acte IV Scène 1 :
Portia (se faisant passer pour un docteur en droit) : La clémence ne se commande pas. Elle tombe du ciel, comme une pluie douce, sur le lieu qu'elle domine ; double bienfaisance, elle fait du bien à celui qui donne et à celui qui reçoit. Elle est la puissance des puissances. Elle sied aux monarques sur leur trône, mieux que leur couronne. Leur sceptre représente la force du pouvoir temporel, il est l'attribut d'épouvante et de majesté dont émanent le respect et la terreur des rois. Mais la clémence est au-dessus de l'autorité du sceptre, elle trône dans le coeur des rois, elle est l'attribut de Dieu même ; et le pouvoir terrestre qui ressemble le plus à Dieu est celui qui tempère la justice par la clémence. Ainsi, juif, bien que la justice soit ton argument, considère ceci : qu'avec la stricte justice nul de nous ne verrait le salut. C'est la clémence qu'invoque la prière, et c'est la prière même qui nous enseigne à tous à faire acte de clémence.

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