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Gallimard (06/09/2023)
3.91/5   305 notes
Résumé :
Shylock
« Je suis Juif. Un Juif n'a-t-il pas des yeux ? Un Juif n'a-t-il pas des mains, des organes, un corps, des sens, des désirs, des émotions ? N'est-il pas nourri par la même nourriture, blessé par les mêmes armes, sujet aux mêmes maladies, guéri par les mêmes moyens, réchauffé et refroidi par le même hiver et le même été, qu'un chrétien ? Si vous nous piquez, est-ce que nous ne saignons pas ? Si vous nous chatouillez, est-ce que nous ne rions pas ? Si ... >Voir plus
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Critiques, Analyses et Avis (24) Voir plus Ajouter une critique
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Le Marchand De Venise est une pièce difficile entre toutes à interpréter de nos jours. Et cela, essentiellement en raison de l'histoire récente, c'est-à-dire du XXème siècle, mais on se rend compte en allant plus loin que cette pièce a été très diversement interprétée même auparavant, en fonction de l'air du temps.

Pourquoi cela ? Après tout, une pièce de théâtre c'est une pièce de théâtre, donne-t-on des interprétations diamétralement opposées de Roméo Et Juliette ou de Macbeth en fonction des époques ? Bien sûr, ici, on marche sur des œufs car il y est question d'un Juif en la personne de Shylock. Et comme à chaque fois qu'il est question d'un Juif autrement qu'en termes élogieux, les banderoles de l'antijudaïsme et de l'antisémitisme ne sont jamais très loin.

Il y a pourtant, ce me semble, une différence notable entre un William Shakespeare, qui met des nuances, qui taille des costumes à diverses communautés, qui ne généralise jamais les travers à l'ensemble d'une communauté et un Martin Luther, par exemple, qui lui signe un véritable brûlot contre les Juifs.

De quoi est-il question dans cette pièce ? Nous sommes à Venise à une époque non clairement spécifiée mais deux ou trois indices nous portent à croire qu'il s'agit de l'époque contemporaine de Shakespeare. Nous y voyons un noble, Bassanio, beau de sa personne et de manières élégantes mais qui n'a malheureusement plus le sou à force de flamber à droite à gauche.

Il sollicite donc l'aide financière de son grand ami (certains ont vu une relation homosexuelle possible, moi, je n'en sais rien) Antonio, le marchand de Venise, afin de pouvoir aller courtiser la belle Portia, qui fait palpiter son cœur. Jusque là, rien de très intéressant, une scène sentimentale et sirupeuse comme je les déteste.

Ce qui devient plus intéressant, c'est le contraste que Shakespeare va créer entre un commerçant juif et son marchand de Venise, brave chrétien, et qui en tant que brave chrétien, aurait honte de prêter de l'argent avec intérêt. L'ennui, c'est que précisément en ce moment, il est en attente du retour de plusieurs de ses bateaux si bien qu'il manque de liquidités à présenter de suite.

Et c'est ici qu'intervient le personnage le plus intéressant (et le plus controversé) de la pièce, à savoir, le Juif Shylock, qui lui est un champion de l'usure, un vrai banquier aux dents longues. Et il est vrai que ce personnage de Shylock est extrêmement peu attachant : cupide, calculateur, procédurier, hargneux, rancunier, double, etc.

Tous les personnages principaux du Marchand De Venise ont des noms à consonance italienne ou méditerranéenne sauf lui, Shylock, un nom qui, pour le public anglais de l'époque n'est pas sans signification : shy, timide et lock, la serrure, le verrou, le cadenas. Donc un nom qui possède déjà en soi un certain potentiel comique en tant que métonymie du coffre-fort qui ne s'ouvre que timidement. De nos jours, Shylock est un nom devenu tellement célèbre qu'il désigne carrément le type même de l'usurier cupide et sans scrupule. Nul doute, donc, que c'est bien Shylock le véritable personnage principal de la pièce, bien avant celui d'Antonio.

C'est une caricature de l'usurier juif et la caricature est, ce me semble, l'un des traits saillants de la comédie. Je signale au passage que Shakespeare donne dans cette même pièce une caricature de l'Écossais type (radin), de l'Anglais type (inculte), de l'Allemand type (ivrogne) et du Français type (fanfaron écervelé), toutes moins reluisantes les unes que les autres. Faut-il s'en offusquer et y percevoir un sentiment anti écossais, anti anglais, anti allemand et anti français ?

D'ailleurs, très intelligemment, William Shakespeare montre que Shylock a été copieusement brocardé par les chrétiens et qu'au moins une partie de son comportement vient en réaction de mauvaises actions perpétrées par les chrétiens à son encontre.

Je ne pense nullement que Shakespeare ait voulu s'en prendre à l'ensemble de la communauté juive, car il présente la fille de Shylock, Jessica comme un personnage positif (qui certes se convertit au christianisme). Je crois que ce que fustige Shakespeare au travers de Shylock, c'est le comportement de l'usurier, du banquier.

Car à l'époque de Shakespeare, la mutation de la société du moral au vénal, du religieux vers l'argent est déjà très palpable (sans jeu de mot) et le personnage qui incarne le mieux cette mutation ne peut être qu'un banquier. Et comme la religion chrétienne encore très présente à tous les niveaux voyait d'un mauvais œil cette profession, celle-ci était très souvent occupée par des Juifs.

Mais de là à généraliser au fait que tous les Juifs soient banquiers, fielleux et rancuniers il y a un pas, un gigantesque pas et que, selon moi, Shakespeare ne franchit absolument pas. L'auteur s'en prend à Shylock et au seul Shylock. Son côté chicanier et procédurier est risible mais c'est justement en tombant sur un as de la chicane qu'il se fait avoir. (Je vous passe sous silence l'identité de cet as de la chicane car cela vaut son pesant de cacahuètes et je vous laisse le découvrir par vous-même.)

À aucun moment Shakespeare ne reproche une quelconque malhonnêteté à Shylock ; il spécifie même qu'il possède un véritable talent pour les affaires, un flair très aiguisé. C'est donc quelqu'un de très doué dans sa profession. Ce qu'il lui reproche, c'est de pratiquer l'usure et d'avoir tendance à passer l'amour de l'argent avant l'amour du prochain. Je vois dans son obstination à réclamer 500 grammes de chair d'Antonio une volonté de faire souffrir celui qui l'a auparavant beaucoup fait souffrir. Je vois plus du " œil pour œil, dent pour dent " qu'une réelle méchanceté gratuite.

En somme, j'ai encore le sentiment que c'est un mauvais procès qu'on fait à Shakespeare, comme souvent de nos jours quand on ose avancer la moindre critique vis-à-vis d'un Juif, on brandit illico l'étiquette antisémite. Par exemple, l'autre grand auteur anglais, Charles Dickens, qui a écrit un livre entier pour condamner l'intolérance religieuse (Barnabé Rudge) notamment pratiquée par les Protestants, mais on lui reproche toujours son fameux personnage juif de Fagin dans Oliver Twist.

Donc, maintenant que vous savez qu'aussi bien Dickens que Shakespeare sont des antisémites notoires, que peut-on encore dire de cette pièce ? Le rôle des femmes y est prépondérant mais les historiettes amoureuses à répétition qui s'y trament m'ont semblé ennuyeuses : trop de bons sentiments, trop de simplicité, trop d'intrigues téléphonées. Pour obtenir la main de la belle Portia, il faut passer l'épreuve imaginée par son père avant de mourir ; choisir parmi trois coffrets : l'un empli d'or, l'autre l'argent et le troisième de plomb. Seul le bon coffret — selon les critères du père — contient le portrait de sa fille et donc l'autorisation au mariage. Mmouais… probablement pas ce que Shakespeare a fait de mieux…

De même, le personnage malheureux du marchand de Venise, c'est-à-dire Antonio, le bon et brave chrétien, est d'un mièvre à pleurer, d'une bonté surnaturelle sauf à l'endroit du Juif qu'il ne peut supporter. De même, la belle et bonne Portia se montre franchement raciste lorsqu'il s'agit du prince Maroc, que l'auteur présente de façon plutôt élogieuse. Preuve, s'il en était besoin après Othello que Shakespeare s'attache à la valeur des hommes pris individuellement et ne s'attaque pas à des communautés en tant que communautés. Mais ça, ce n'est que mon avis, c'est-à-dire, pas grand-chose, libre à vous de penser tout autrement.
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S'il n'est pas un brulot contre l'antisémitisme . Ce texte n'en est pas moins la démonstration de la force de l'intelligence et de la raison lorsqu'elles s'appliquent à réfléchir sur la nature et la condition humaine avec perspicacité et liberté .
Le marchand de Venise est un texte qui ne brule pas . Mais il est une autre époque et il faut faire appel à des connaissances en histoire des mentalités pour que cela soit perceptible . Je qualifie ce texte de document historique idéal pour saisir le glissement des mentalités occidentales aux alentours de l'émergence du climat protestant , et de celui des lumières (je simplifie) .

Dans ce texte Shakespeare ne dénonce pas la judéo phobie ou ses variantes , mais il lâche quand même , ce qui équivaut à un magistral : » Les juifs sont des êtres humains aussi bordel ! »
Donc, non , ils n'ont pas les pieds fourchus ni des queues diaboliques ….. : ouf
Mais je vous rassure , il leur reste encore pas mal de défauts, que le personnage de l'auteur exprime à merveille et il en découle une condition sociale et matérielle que ce texte dessine à merveille également.

A plusieurs reprises le texte est insoutenable et poignant , il est tragique sans doute et il serait comique aussi certes , si on essayait d'abord d'essuyer et d'effacer le sang sur les murs qu'il contient tout de même en abondance .
Je parle de ce qui est à lire en filigrane et que j'intitulerais « le témoignage de premier témoin sur la condition juive et sur ses conséquences morales et psychologiques qui en découle » .
Alors : En vérité je vous le dit ( tournure hébraïque commune , qui n'appartient pas qu'au christ, mais qui est courante en hébreu (béhémet ani omér larhém )) : Ce marchand de Venise honore involontairement tous ces juifs qui au court des âges persistèrent à le rester au prix de leur vie ou des violences exercées sur les âmes comme sur les corps et il démontre , la force de l'élan qu'il y a eu conserver cet univers juif qui est enracinée dans la douleur et dans la joie .

Comme le dit le Talmud souvent brulé en place de grève : « la meilleure des vengeances : c'est d'être heureux » . Il n'y a pas que les martyrs qui furent brulés ou tourmentés , la joie aussi , mais c'est elle qui systématiquement par son aptitude à renaitre constamment est le secret de la permanence du peuple d'israel ( am yisrael ) couplée à la connaissance .

Shakespeare me fait penser à Juvénal , un auteur latin ( comme Shakespeare difficile d'accès ) qui dans ses fameuses satires , s'est permis comme lui de n'épargner personne et au contraire , d'accompagner le développement de la parole libre et de formuler l'intuition , tout en nourrissant le public qui avait besoin de ces formulations salutaires ….

Shakespeare , Juvénal donc ; ces magiciens qui démontrent que la parole est créatrice et qui nourrirent les consciences collectives en leur temps et qui permirent ainsi à aujourd'hui de naitre .



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Considérer le Marchand de Venise comme une diatribe antisémite me semble relever à la fois de l'évidence, de l'anachronisme et de la myopie.
Presque de la même façon qu'on verrait dans La Mégère apprivoisée un pamphlet misogyne … l'anachronisme en moins… quoique...

En effet, à première vue, le Marchand de Venise est un violent réquisitoire contre les Juifs, représentés par Shylock.
A seconde vue et avec une paire de lunettes il se lit plutôt, selon moi ,comme un plaidoyer pour une plus grande justice à leur égard. Doit-on dire que Shakespeare, en ayant la main aussi lourde, a ou n'a pas facilité la tâche de son public, aujourd'hui comme hier?

L'évidence
Elle brille dès le sous-titre, racoleur- il faut bien vivre-: "La très excellente histoire du marchand de Venise - Avec l'extrême cruauté du Juif Shylock envers ledit marchand dans son dessein de couper exactement une livre de sa chair; et l'obtention de Portia par le choix entre trois coffrets".
Prudent, l'auteur amende dans la foulée l'impression fâcheuse que pourrait produire la formule en qualifiant la pièce "histoire comique du marchand de Venise".
On imagine sans peine que la représentation de la cruauté d'un Juif ne peut qu'attirer la foule chrétienne de l'époque et ce d'autant plus qu'on lui promet qu'elle en rira.
L'intrigue se noue dès lors autour du contrat de prêt que Shylock fait signer au marchand Antonio. S'il ne peut rembourser, Antonio s'est engagé à accepter la clause imposée par Shylock stipulant lui prélever une livre de chair. Lorsque l'échéance inéluctablement arrive, il faut la subtile argutie développée par Portia -la chair, mais pas de sang- pour sauver le marchand du charcutage.
L'allusion au "ceci est ma chair, ceci est mon sang", un des points d'accrétion de la divergence entre le judaïsme et le christianisme, me semble évident.
Tout au long de la pièce, les chrétiens sont les bons, le juif est l'affreux. le jeu sur les deux sens du mot "gentil", sens courant de l'adjectif d'une part, dénomination des chrétiens pour les juifs d'autre part- est répété à l'excès dès que l'occasion s'en présente.
Enfin les deux seuls Juifs présents, Shylock et sa fille Jessica, sauvent leur sort mal engagé en se convertissant à la requête et la satisfaction de tous, la disparition de toute diversité religieuse résolvant de fait toute opposition.
Certains s'en amuseront surement. Plus antisémite, tu meurs.

L'anachronisme
Au XVIe siècle , avant et longtemps après, les juifs sont honnis par les chrétiens, probablement tout particulièrement dans le peuple, en tant que déïcides et aussi, probablement tout particulièrement dans la noblesse toujours à court d'argent, comme usuriers..
Le christianisme , après ses débuts difficiles et les persécutions du 1er au 3ème siècle, est devenu religion d'état avec Constantin et s'est imposé partout en Europe. le rapport de forces avec le judaïsme s'est progressivement inversé et les Églises chrétiennes, se vengeant des mauvais traitements subis du fait des Israélites à leur début, en sont venues à quasiment dogmatiser la culpabilité de tous les Juifs dans la mort de Jésus. Autant dire que toute l'Europe chrétienne est antisémite, par constitution et par éducation, sinon par conviction raisonnée. Réagir avec la mentalité d'aujourd'hui à ce qui, très vraisemblablement, apparaissait à l'époque de Shakespeare comme ordinaire et allant de soi, serait un anachronisme.

La myopie
Pour autant, les esprits éclairés ont existé de tout temps.
Il ne fait pas de doute, et le Marchand de Venise en est une claire illustration, que Shakespeare appartient à cette catégorie.
Si en Shylock il caricature le Juif selon les canons encore utilisés aujourd'hui, c'est peut-être parce que, pour vivre, il lui faut s'assurer que le public viendra nombreux et appréciera le spectacle. C'est surtout pour le besoin de sa démonstration.
Car il ne renonce nullement assurer une défense des Juifs, qu'on pourrait qualifier de "neutre au pire", en revendiquant pour eux le droit d'être considérés comme les autres, c'est-à-dire ni mieux ni pire que la foule des chrétiens. C'est en somme exactement l'argumentation de Shylock pour exposer et justifier sa position (I, III et IV, I).
La géniale trouvaille -l'extrême cruauté- de la livre de chair due donne évidemment dans l'excessif et pue la caricature mais elle est à mettre en balance avec la cruauté sociale extrême dont pâtissait les Juifs. Elle n'est que l'image réfléchie par le miroir du théâtre de l'inhumanité dont les chrétiens européens faisaient preuve dans leurs rapports quotidiens avec les juifs.
Moins antisémite, tu non-existes.
Je ressens une parenté avec Montaigne, se tenant toujours loin à la fois des buts grandioses et des troubles du discernement et s'appliquant à rétablir ce que lui dicte son amitié pour l'humanité considéré par le bon bout de sa raison.
Le prisme du théâtre corrige la myopie, n'est-il pas là pour ça?

Shakespeare a aussi voulu distinguer un second thème important de la pièce par la mise en exergue dans le sous-titre rappelé plus haut de "l'obtention de Portia par le choix entre trois coffrets".
Si on ne peut exclure que l'intention soit d'alimenter la curiosité du public avec une histoire de coffrets (qui s'avèreront montrer le principal, mais cacher l'essentiel) , il semble toutefois qu'à cette fin la livre de chair eût pu largement suffire. Je suis tenté de voir dans cette proximité voulue le rapprochement malicieux de deux conditions alors malmenées, dans des registres certes différents mais pas sans certains points communs, la condition des Juifs et celle des femmes. Là encore, le moyen utilisé par l'intrigue - la mise en loterie de Portia par son père- ne fait pas dans la dentelle. le parallélisme des destins -Shylock converti chrétien, Portia mariée à celui dont le premier acte posé fut de renier l'engagement pris auprès d'elle la veille ne laisse pas de pointer un parallélisme de combats, guerre des religions, guerre des sexes.

"Histoire comique" a-t-il cru bon de préciser. Merci Willy, c'eut été trop bête de commettre par inattention une grossière erreur de classification posthume.
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Ah l'argent... Celui qui ne fait pas le bonheur quand il est en abondance, mais ne le fait pas non plus quand il manque !
Mais qu'est-ce qui fait tourner notre vie ? L'argent ? L'amitié ? L'amour ?
Voilà une des questions à laquelle tente de répondre le Marchand de Venise, une pièce qui nous compte comment Antonio, un prospère marchand vénitien un peu trop sûr de lui en vient à mettre en gage une livre de sa propre chair si jamais la dette contractée par son ami n'était pas remboursée. Il se moque bien du créancier, le Juif Shylock lorsque celui-ci lui expose ses conditions.
Mais le Destin ne tourne jamais comme on s'y attendrait, alors....
Et bien sûr, comédie oblige, pendant ce temps les petites intrigues amoureuses vont bon train à Venise.

Pas sûr que l'argent fasse le bonheur, pas sûr non plus qu'il faille chercher la Justice/vengeance à tout prix. Ici, Shakespeare oppose la Loi du Talion avec le Pardon Chrétien. La Justice (des hommes) est aveugle mais la compassion vient du coeur, alors autant laisser ce don divin l'emporter.

On retrouve dans cette pièce beaucoup de citations célébrissimes de Shakespeare - à tel point qu'on en oublie qu'elles sont de lui - comme par exemple "Love is blind" (l'amour est aveugle), "all that glitters is not gold" (tout ce qui brille n'est pas de l'or) pour ne citer que ces deux là.
Il y a aussi, bien sûr, la fameuse tirade de Shylock dans l'acte III qui pourrait faire passer la pilule de tous ces clichés sur les non-Blancs et non-Chrétiens que contient cette pièce. Alors oui, un oeil du XXIème siècle aurait vite faite de qualifier cela de racisme, mais n'oublions pas de remettre l'oeuvre dans son contexte : à l'époque élisabéthaine (Renaissance), l'heure n'est pas encore aux conquêtes territoriales ou quelques ouvertures sur le monde. le marché s'ouvre pour commercer avec des étrangers, on s'intéresse à leur marchandise , il ne faut pas non plus trop en demander !

La pièce n'est donc pas mauvaise mais ne rejoindra pas mon podium des " 3 Best Shakespeare's plays", car ces propos un peu trop mielleux sur la morale chrétienne contre l'usure et les instincts primaires de revanche me laissent... plutôt indifférente.
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Je connaissais le "pitch" du "Marchand de Venise" sans jamais avoir lu la pièce, ni vu jouer. A présent, je suis impatiente que les théâtres rouvrent y la programme pour que je m'y précipite.

Sur un ton proche de l'excellente "Beaucoup de bruit pour rien", "Le Marchand de Venise" fleurte entre comédie et tragédie. Si la pièce ne recèle pas autant d'humour que "Beaucoup de bruit pour rien", elle met de même les femmes à l'honneur à travers le personnage fort de Portia, riche héritière, et de sa suivante Nérissa. Quant au fourbe usurier juif Shylock, on adore le détester.

Pièce en cinq actes très bien rythmée et aux personnages nombreux, "Le Marchand de Venise" m'a donné beaucoup de plaisir et de sourires et me conforte dans mon opinion que j'apprécie davantage le grand Will à travers ses comédies plutôt qu'à travers ses tragédies.


Challenge MULTI-DEFIS 2021
Challenge SOLIDAIRE 2021
Challenge RIQUIQUI 2021
Challenge COEUR d'ARTICHAUT 2021
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Citations et extraits (68) Voir plus Ajouter une citation
SHYLOCK : Vous disiez, il me semble, que vous ne prêtez ni n'empruntez
À profit.
ANTONIO : En effet, jamais.
SHYLOCK : Quand Jacob menait paître les moutons de son oncle Laban…
Ce Jacob était, après notre saint Abraham
(Grâce à ce que fit pour lui son ingénieuse mère),
Le troisième patriarche ; oui, le troisième.
ANTONIO : Eh bien ? Est-ce qu'il prêtait à intérêt ?
SHYLOCK : Non, pas à intérêt, à strictement parler
Pas à intérêt… Écoutez bien ce que fit Jacob :
Quand Laban et lui furent convenus
Que tous les agnelets rayés et tachetés
Reviendraient à Jacob comme salaire, les brebis étant en rut
À la fin de l'automne s'accouplèrent aux béliers,
Et tandis que l'œuvre de génération
Était en cours parmi ces laineux procréateurs,
L'astucieux berger se mit à peler des baguettes,
Et au moment où s'accomplissait l'acte de nature
Il les planta devant les brebis en chaleur,
Qui, concevant alors, au temps de l'agnelage
Mirent bas des agneaux bigarrés, et ceux-ci furent pour Jacob.
C'était là une façon d'obtenir un profit, et il en fut béni :
Et le profit est bénédiction quand il n'est pas volé.
ANTONIO : C'était là une aventure, monsieur, que Jacob ne maîtrisait pas,
Une chose qu'il n'était pas en son pouvoir de créer,
Mais qui était façonnée et réglée par la main du Ciel.
Était-ce là un argument pour justifier l'intérêt ?
Ou votre or et votre argent sont-ils brebis et béliers ?
SHYLOCK : Je ne saurais dire, mais je les fais se reproduire aussi vite.

Acte I, Scène 3.
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MAROC : Ne me rejetez pas à cause de mon teint,
C'est l'emblème ombragé du soleil éclatant,
Dont je suis le voisin, et le frère de sang.
Qu'on m'amène l'être le plus blanc né au nord,
Où le feu de Phébus fait à peine fondre les glaces,
Et pour l'amour de vous ouvrons-nous une veine,
Pour prouver qui des deux a le sang le plus rouge.
Je te le dis, ô dame, ce visage
A terrifié les plus vaillants (par mon amour je le jure),
Les vierges les plus honorées sous nos climats
L'ont aimé : je ne voudrais pas en changer la couleur,
Sauf pour dérober vos pensées, ma tendre reine.
PORTIA : Je ne suis pas guidée dans mon choix seulement
Par les conseils scrupuleux d'un regard de vierge :
D'ailleurs la loterie de ma destinée
M'ôte la faculté d'un libre choix.
Mais si mon père ne m'avait astreinte,
Et obligée, dans sa sagesse, à me donner
pour femme à qui me gagnera par le moyen que je vous ai dit,
Vous-même, illustre prince, pourriez aussi clairement
Que tous ceux que j'ai vus jusqu'ici
Prétendre à mon affection.

Acte II, Scène 1.
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SALARINO : Allons, je suis sûr que, s'il manque à l'échéance, tu ne prendras pas sa chair : à quoi servirait-elle ?
SHYLOCK : À appâter le poisson ! Si elle ne nourrit rien d'autre, elle va nourrir ma vengeance ; il m'a déshonoré, et m'a frustré d'un demi-million, il a ri de mes pertes, raillé mes bénéfices, méprisé ma nation, contrarié mes affaires, refroidi mes amis, échauffé mes ennemis… et quelle est sa raison ? Je suis Juif. Un Juif n'a-t-il pas des yeux ? Un Juif n'a-t-il pas des mains, des organes, un corps, des sens, des désirs, des émotions ? N'est-il pas nourri par la même nourriture, blessé par les mêmes armes, sujet aux mêmes maladies, guéri par les mêmes moyens, réchauffé et refroidi par le même hiver et le même été qu'un chrétien ? Si vous nous piquez, est-ce que nous ne saignons pas ? Si vous nous empoisonnez, est-ce que nous ne mourons pas ? Et si vous nous outragez, ne nous vengerons-nous pas ? Si nous sommes comme vous pour le reste, nous vous ressemblerons aussi en cela. Si un chrétien est outragé par un Juif, quelle est sa charité ? La vengeance ! Si un Juif est outragé par un chrétien, quelle devrait être sa patience, d'après l'exemple chrétien ? Eh bien, la vengeance ! L'infamie que vous m'enseignez, je la mettrai à exécution, et je me fais fort de surpasser mes maîtres.

Acte III, Scène 1.
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ANTONIO : Le diable peut citer l'Écriture à ses fins,
Une âme fourbe produisant de saints témoignages
Est comme un traître à la joue souriante,
Une belle pomme dont le cœur est pourri.
Oh ! quelle belle figure a la duplicité !
SHYLOCK : Trois mille ducats, c'est une belle et ronde somme.
Trois mois sur douze, alors, voyons le taux…
ANTONIO : Eh bien, Shylock, serons-nous vos débiteurs ?
SHYLOCK : Signor Antonio, maintes et maintes fois
Sur le Rialto, vous m'avez insulté
À propos de mon argent et de ce qu'il rapporte.
Je l'ai toujours supporté d'un patient haussement d'épaules
(Car souffrir est l'insigne de ma tribu),
Vous me traitez de mécréant, de chien d'égorgeur,
Et vous crachez sur ma houppelande de Juif,
Et tout cela pour l'usage que je fais de ce qui est à moi.
Or, il apparaît aujourd'hui que vous avec besoin de mon aide :
Alors, vous venez me trouver, et me dites :
« Shylock, nous voudrions de l'argent », vous me dites cela,
Vous qui vidiez vos crachats sur ma barbe,
Et me chassiez à coups de pied comme vous repoussez un roquet étranger
Loin du seuil de votre maison, vous voulez de l'argent.
Que devrais-je vous dire ? Ne devrais-je pas dire :
« Un chien a-t-il de l'argent ? Est-il possible
Qu'un roquet puisse prêter trois mille ducats ? » Ou bien
Dois-je courber bien bas, et sur un ton esclave,
Retenant mon souffle dans un murmure d'humilité,
Vous dire :
« Cher monsieur, vous avez craché sur moi mercredi dernier ;
Vous m'avez repoussé du pied tel jour ; une autre fois
Vous m'avez traité de chien ; et pour toutes ces courtoisies
Je vais vous prêter de l'argent » ?
ANTONIO : Il se peut bien que je te traite encore ainsi,
Que je crache encore sur toi, que je te repousse aussi.
SI tu prêtes cet argent, ne le prête pas
Comme à tes amis, car quand donc l'amitié
A-t-elle tiré profit du stérile métal confié à un ami ?
Prête-le plutôt à ton ennemi,
Et s'il manque à son engagement, tu pourras d'un meilleur front
Exiger son châtiment.

Acte I, Scène 3.
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SHYLOCK : Trois mille ducats pour trois mois, et Antonio garant.
BASSANIO : Votre réponse à cela.
SHYLOCK : Antonio est un homme de bien.
BASSANIO : Avez-vous jamais entendu quelque imputation contraire ?
SHYLOCK : Oh ! non, non, non, non : mon propos, quand je dis que c'est un homme de bien, est de vous faire comprendre qu'il est solvable… Pourtant ses ressources sont exposées : il a une caraque en route pour Tripoli, une autre pour les Indes, j'apprends en outre sur le Rialto qu'il en a une troisième au Mexique, une quatrième qui fait route vers l'Angleterre, et d'autres cargaisons éparpillées au loin… Mais les navires ne sont que des planches, les marins que des hommes, il y a des rats sur terre, et des rats sur mer, des voleurs sur terre, et des voleurs sur mer — je veux dire des pirates —, et puis il y a le péril des mers, des vents et des rochers ; l'homme est néanmoins solvable… Trois mille ducats… Je pense que je peux accepter son billet.
BASSANIO : Soyez assuré que vous le pouvez.
SHYLOCK : Je m'assurerai que je le peux ; et afin de pouvoir m'en assurer, je vais y réfléchir… Puis-je parler à Antonio ?
BASSANIO : S'il vous plaît de dîner avec nous.
SHYLOCK : Oui, pour sentir l'odeur du porc, pour manger de cet habitacle où votre prophète le Nazaréen conjura le diable d'entrer ! Je veux bien acheter avec vous, vendre avec vous, parler avec vous, marcher avec vous, et ainsi de suite ; mais je ne veux pas manger avec vous, boire avec vous, ni prier avec vous.

Acte I, Scène 3.
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Vidéo de William Shakespeare
En Europe comme aux États-Unis, la pièce "Macbeth" de William Shakespeare est entourée de superstitions, au point d'être devenue maudite. Mais d'où vient cette malédiction présumée ?
#theatre #culture #art #shakespeare #macbeth
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