Frankenstein fait partie de notre imaginaire collectif, à tel point que certains le connaissent sans jamais avoir lu le livre. Nous sommes donc bercés par une idée préconçue de l'histoire car bien souvent, les autres supports (films, séries, images) ont réadapté à leur convenance le roman.
Aussi, le livre de
Mary Shelley est bien loin du manichéisme que l'on a tendance à nous présenter avec un monstre très horrible et un savant fou complément dépassé.
Frankenstein de
Mary Shelley propose une lecture bien plus profonde que la simple histoire un peu terrifiante destinée à nous faire peur en cette nuit d'Halloween. L'autrice avait bien plus d'ambitions pour son livre et elle a développé quelques idées que ne reprennent malheureusement pas les adaptations plus contemporaines.
Ne vous fiez donc pas à ce que vous avez vu ou lu sur Frankenstein, il y a bien plus.
Il y a notamment une lutte entre deux volontés contraires qui s'entrechoquent tout au long du roman, de manière violente et tragique et dont le combat précipitera la chute des deux personnages. C'est d'abord une histoire qui pose un problème moral, qui va bien au-delà de la simple question du mythe de Prométhée, et qui questionne une époque : les rapports au monde des contemporains de
Mary Shelley.
Entre un créateur pétri d'orgueil, qui recherche la gloire à tout prix, et une créature malade de solitude, rejetée mais sensible dont le malheur provoque une vengeance terrible, il y a tout un monde. L'histoire ne repose tant pas sur la création en elle-même qui n'intéresse pas
Mary Shelley, mais l'après : comment la créature pourra-t-elle s'adapter au monde des hommes, comment le créateur pourra-t-il assumer ses actes ?
Le défaut de l'un qui abandonnera son monstre sans remords, et l'ostracisation brutale de l'autre permet à l'autrice d'illustrer le sentiment de culpabilité et la solitude qui ronge. C'est finalement cela Frankenstein : une longue litanie de regrets, d'actions avortés et de sentiment d'impuissance. Une complainte poignante du sentiment de rejet et d'injustice. C'est un roman très triste : une spirale infernale qui piège les deux personnages jusqu'à l'issue fatale.
Jusqu'à la fin, Victor Frankenstein aura été incapable de compassion et de pardon. Jusqu'à la fin, la créature incomprise souffrira dans la main des hommes.
Roman à l'atmosphère très sombre, dans lequel la nuit tient une grande place, le clair de lune faisant partie entière du décor, la nature hostile décrite par Mary est le parfait théâtre de cette lutte enragée et sombre.
Malgré ses atouts indéniables, Frankenstein ne m'aura pas ébloui. Peut-être parce que le livre baigne dans une atmosphère bien trop accablante pour que j'en éprouve vraiment un quelconque plaisir !