Justin prétend avoir vu un cadavre au milieu de la rue et l'assassin qui s'enfuyait, alors qu'il se rendait à la chapelle pour y servir la messe de six heures du matin. Comme d'autres témoignages contredisent son récit, les policiers le soupçonnent d'avoir menti pour se rendre intéressant. Seul Maigret attache au témoignage de l'enfant une certaine véracité, peut-être parce qu'il a lui aussi été enfant de choeur…
Une jolie enquête qui se déroule entièrement dans une ville de province où Maigret a été envoyé quelques mois pour réorganiser la Brigade régionale de police mobile (une des « Brigades du Tigre »). Contre toute évidence et contre l'opinion de ses collègues, il va prendre au sérieux ce que raconte un jeune garçon. Pourquoi ? Parce que, en se mettant à la place de Justin, ce que sa propre histoire va faciliter, il va assumer que celui-ci ne ment pas, même s'il n'a peut-être pas dit toute la vérité. Nous avons ici un Maigret intime, qui se souvient de son enfance avec ses goûts et ses sensations, et qui va « confesser » Justin en lui montrant que, lui aussi, a ses faiblesses, qu'il peut avoir peur par exemple, ou qu'il peut tricher un peu.
« Tiens ! passe-moi encore une fois mon tabac et ne dit pas à Mme Maigret que j'ai fumé trois pipes depuis que nous sommes là… Tu vois que les grandes personnes n'avouent pas non plus toujours la vérité entière… »
Maigret résout le mystère du cadavre disparu en trois temps : d'abord par une reconstitution en compagnie de l'enfant par un temps épouvantable – « Il pleuvait tout fin, et la pluie était froide. » –, ensuite par des discussions avec des témoins et enfin par les précisions de Justin, dans l'appartement des Maigret où le commissaire est confiné du fait d'une forte grippe. Ce n'est d'ailleurs pas la première fois que Maigret découvre la vérité depuis son lit, avec l'aide de Mme Maigret préparant les tisanes et transmettant les messages, comme on l'a vu dans le fou de Bergerac (1932).
La nouvelle est empreinte de souvenirs et d'une certaine nostalgie de l'enfance, celle de Simenon à travers Maigret, celle du petit Georges qui fit tant de fois le chemin de Justin à l'aube pour aller servir la messe (la ville décrite dans le roman est fortement inspirée de Liège). Pas surprenant donc que Maigret rappelle souvent l'enfant de choeur qu'il fut, dans L'affaire Saint Fiacre ou dans Maigret à l'école par exemple. Ou dans Maigret et le voleur paresseux, avec une évocation qui nous ramène intimement à la nouvelle :
« Cela remontait à plus loin encore que l'adolescence : à son enfance, quand il était enfant de choeur et servait la messe de six heures. Pourtant, il avait servi la même messe au printemps, en été, en automne. Pourquoi le souvenir qui lui en restait et qui lui revenait automatiquement était-il un souvenir d'obscurité, de gel, de doigts engourdis, de chaussures qui, sur le chemin, faisaient craquer une pellicule de glace ? »
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