La dernière conquête du major Pettigrew est le premier roman d'une certaine
Helen Simonson, auteure anglaise.
Nous sommes à Edgecombe Saint Mary, en Angleterre, dans le Sussex, bien avant le Brexit, mais je suis persuadé que rien n'a changé depuis lors là-bas. Ernest Pettigrew est un charmant jeune homme de soixante-huit printemps. Il s'apprête à tomber amoureux de Madame Ali, l'épicière du village, sa cadette de dix ans, mais il ne le sait pas encore, elle non plus.
Ce roman n'est pas la conquête littéraire du siècle, mais il s'en dégage un charme ineffable et désuet à souhait. Pour autant, même si parfois je me suis un peu ennuyé dans cette lecture, j'ai aimé deux voix très belles qui me restent après la lecture de ce roman.
Au premier abord, les personnages masculins m'ont révulsé. Mais j'ai bien compris que c'était voulu par l'auteure.
Nous découvrons une communauté masculine insupportable au possible, qui fréquente le Golf Club du coin, pratique la chasse avec des airs arrogants à l'encontre d'un voisinage soucieux de protection animale, vénère le cricket comme le seul sport international digne de ce nom et qui bien sûr a des opinions bien arrêtées sur certains sujets, partant d'un principe que les amitiés masculines sont le fondement d'une vie paisible...
Certains personnages féminins ne sont pas en reste non plus. Je pense aux dames patronnesses du même village, se mêlant du sort de chaque paroissien, et
Helen Simonson se plaît à les dépeindre dans leur authenticité agaçante et parfois même raciste. Bref ! le charme d'Edgecombe Saint Mary tient à son caractère universel.
Cependant, ce roman a la saveur d'une gorgée de thé, ou plutôt la saveur d'un instant où il est plaisant de boire un thé en charmante compagnie.
Ernest Pettigrew, retraité du régiment du Royal Sussex, veuf depuis quelques années, vient d'apprendre le décès de son frère Bertie. C'est l'occasion pour lui de faire un pas de côté sur son existence. À la faveur de cet événement, il apprend à mieux connaître une certaine Madame Ali, qui tient l'épicerie du village. Pour la première fois, une conversation se noue entre eux, ils découvrent tous deux qu'ils ont plusieurs points communs : ils sont veufs, Madame Ali vient de perdre son mari tout récemment, ont une passion commune pour les ouvrages
De Rudyard Kipling et ont une manière si proche de poser un regard tendre et non dénué d'un humour pince-sans-rire sur leurs contemporains. Une amitié se noue et plus car affinité...
Mais cette relation n'est pas du goût de tout le monde. Pensez donc, Madame Ali est pakistanaise, alors que le major Pettigrew est un digne sujet de la couronne britannique. Aujourd'hui on parlerait de couple mixte, ce qui est un crime de lèse-majesté dans le microcosme d'Edgecombe Saint Mary.
Les préjugés racistes y ont la peau dure, mais dans les familles respectives d'Ernest Pettigrew et de Jasmina Ali aussi. La belle-famille de Madame Ali est musulmane comme elle d'ailleurs, mais pratique un islam dur, proche de l'obscurantisme, ils ont eux aussi une opinion bien arrêtée et veulent sceller son destin de femme tel qu'ils l'imaginent : qu'elle cesse son activité d'épicière et qu'elle ne sorte plus de chez elle.
Le major souffre, quant à lui de l'attitude de son fils Roger, un jeune loup désinvolte et ingrat, qui s'indigne de l'attitude amoureuse de son père.
J'adore lorsque la littérature s'attelle par des récits romanesques à fissurer des certitudes et faire tomber des forteresses d'idioties.
Mais j'ai trouvé ce roman long et parfois ennuyeux. Deux cents pages de moins auraient suffi pour transmettre le même message et conquérir mon âme de lecteur.