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Un chapitre de six cents pages et un annuaire répertoriant les deux cent personnes croisées en une seule journée caniculaire dans les rues d'une ville du Sud donnent une première impression indigeste de ce roman segmenté en paragraphes allant de dix lignes à dix pages parfois commises en langage SMS ou WhatsApp.

Ces deux cents personnes (dont Julia Mamea, infirmière, homonyme de la mère d'un empereur romain qui avait trois seins) sont des proies potentielles pour les fourmis qui sont omni présentes avec leur macabre gourmandise qui nourrit l'intrigue à défaut de régaler le lecteur.

Les insectes, comme les humains, ont perdu l'usage du sourire et des mots Bonjour, Au revoir, Merci. La brutalité des rapports, la vulgarité des échanges, la sexualité débridée choqueront le lecteur peu familier du chelou et des dialogues admirablement traduits de l'espagnol :
- « keski fou tu cousin ; y veut quoi ce con »
- « il es correct mn cousin »
- « ben ki dégage » (p 494)

Jean-Jacques Rousseau avait prophétisé : “Les hommes ne sont point faits pour être entassés en fourmilières mais épars sur la terre qu'ils doivent cultiver. Plus ils se rassemblent, plus ils se corrompent. Les villes sont le gouffre de l'espèce humaine.”

Sud est la démonstration de cette corruption. Roman inoubliable et original l'est assurément ce cauchemar subi par Ana Galan, médecin urgentiste, épouse d'un Dioni à la sexualité ambiguë, mère d'un ado rebelle Guille, dont les destins basculent en cette funeste journée.

Merci aux éditions Rivages de m'avoir sorti de ma zone de confort à l'occasion d'une masse critique qui m'a permis de découvrir Antonio Soler, admirateur d'Ulysse de Joyce.
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L'épigraphe de « Sud », empruntée à l'écrivain mexicain Octavio Paz, « La ville, réalité immense et quotidienne qui peut se résumer en deux mots : les autres », donne le ton de ce livre aux 600 pages fiévreuses et poisseuses dont l'incandescence contamine son lecteur.

Connaissez-vous le terral ? Ce vent côtier, en Espagne, qui balaie les rues et les passages solitaires, lèche les façades et les vitres des fenêtres fermées, contraint les gens à cuire lentement à l'intérieur des maisons, à vivre dans l'obscurité de pièces surchauffées aux volets fermés. Un vent qui défile dans les torrents à la recherche de la mer, dans les ruelles des banlieues en modelant tout sur son passage, immeubles, personnages, automobiles et végétation. « Un vent qui gouverne les têtes, pénètre les pores, les oreilles et le moindre orifice ouvert dans le corps de n'importe quel humain, bête, machine, maison, porte, brèche, fenêtre, fissure, blessure ou plaie ». Déposant une patine d'aridité et de sécheresse couleur sepia, patine ondoyante en effluves de mirage. Faisant des insectes et notamment des fourmis les maitres des lieux.

Si eux s'en sortent, il n'en va pas de même des gens. Comme nous le montre Antonio Soler avec virtuosité, d'une plume nerveuse et tranchante. Oui Antonio Soler prend une ville espagnole, Malagà, sa propre ville, comme objet d'étude et personnage principal du roman, et y introduit une lame, la découpe au scalpel, ouvre ses chairs sanguinolentes et regarde. Il regarde juste, sans juger. D'un oeil presque froid. Il voit ce monde grouiller, asticots urbains, asticots humains desséchés, piégés dans leur ville, dans leur quartier, il observe d'un regard dénoué de pitié, dénoué de mépris. Dénoué d'empathie aussi. Il nous offre sur un plateau, comme en pâture, ce vrombissement, ces gesticulations, la vie tellement vaine de personnages dont le destin semble déjà écrit, tracé…glu dont ils n'arrivent pas à s'extraire.

« Sud » est une plongée en abime, sans concession, une caméra filmant, durant une journée caniculaire, la vie d'une kyrielle de personnages, alternant entre arrêts sur image, et travelings vertigineux. Deux cent personnages tous plus ou moins liés, fourmilière grouillante de vie, d'espoirs, de désenchantements, trajectoires implacables allant toutes au même endroit, comme ce soleil ardent qui suit tout simplement son cycle. Cette loupe se promène sur tous ces pauvres bougres, qui vivent la canicule comme une punition ou une malédiction, chaleur les engluant encore davantage dans les affres de l'urbanité, durant vingt-quatre heures, une loupe qui parfois grossit les faits et gestes de quelques-uns, parfois passe vite, liant en un geste rapide et flou les uns aux autres.
Adolescents en quête de sensations et débordant d'émotions, hommes et femmes tiraillés entre ardeur et désenchantement, entre désir poétique et érotisme pathétique, retraités, junkies, ouvriers, femmes au foyer, riches et pauvres, la loupe grossit démesurément leur solitude, leur absurdité, leur fragile condition, leur bonheur aussi parfois même si « le bonheur qui existe bel et bien n'a rien ou presque à raconter ».

Et les moments de communion dans la journée, lorsque tous plus ou moins font la même chose au même moment, comme le déjeuner au milieu de la journée.

« Ils mangent. L'athlète mange, son ancien ami, le meilleur au quatre cents mètre, Felipe Vicarià, mange, Consuelo la Géante mange avec ses petites dents, la soeur de Rafi Villaplana mange debout dans la cuisine, ils mangent. Ils mangent tous, le vent mange et les fourmis mangent, ils mangent des légumes secs, des déchets morts, de la viande coupée en morceaux, des poissons noyés hors de l'eau, des légumes bouillis et des animaux vidés de leur sang. Guille mange un sandwich aux poivrons et au miel, Piluca mange et Pedroche mange. Les molaires et les mâchoires. La docteur Galàn ouvre la bouche et reçoit la première gorgée de levure fermentée, amère, tout en pensant à son fils et à l'homme mort, au milieu du silence Cèspedes l'abattu avale sa première bouchée, Floren l'heureux mange et voit sa fille manger, Pedroche le craintif mange et Ismael avale la dernière cuillérée de lait aigre, les aliments glissent, descendent et coulent dans les bouches et les gorges. En route vers le puits obscur ».

Le début du livre m'a happée et si je l'ai pris sans hésiter, sans trop savoir dans quoi je plongeais, c'est pour son incipit. J'ai lu l'incipit dans ma librairie et je n'ai pu le lâcher. On entre dans ce livre comme on entre dans l'eau, enveloppée de cette résistance plaisante, une douceur qui caresse et opprime légèrement. Dès l'incipit, je savais que ce livre serait hors norme. Cette manière de parler de l'aube laiteuse avec un style de prime abord si flamboyant, cette manière ensuite de nous amener dans un plan très cinématographique- zooms, plans serrés et grand angle- au corps prostré et mourant d'un homme, dans un terrain vague, corps envahi de fourmi y compris dans les cavités nasales, buccales, dans les oreilles…Un fil tiré puis la pelote qui se vide, les fils qui relient les personnages nous parviennent, Antonio Soler tisse telle une araignée la trame de vies qui s'entrechoquent, se bousculent, se croisent. Magistralement écrit, magistralement orchestré, du grand art, une toile de plus en plus large et complexe, qui nous enserre jusqu'à l'étouffement, peut-être, j'en conviens, même si moi je l'ai vécu davantage comme un cocon enveloppant, hypnotisant plus précisément. Qui peut ne pas plaire donc, car il ne se passe rien dans ce livre, si ce n'est la vie, deux cent tranches de vie se superposant.

« le lait tiède du ciel se répand silencieusement sur toute chose. Les toits, les arbres endormis, les automobiles scintillantes. C'est une luminosité blanchâtre qui jaillit dans un soubresaut, épaisse, trouble. Elle tache les nuages et s'y suspend. On entend le halètement du jour qui vient, une respiration profonde qui s'arrête un moment, comme si la Terre était sur le point de s'immobiliser et de tourner dans l'autre sens avant de reprendre sa trajectoire et d'apporter un nouveau jour.
La nuit n'a pas pu refroidir le bitume, il est toujours là, somnolent et chaud, serpentant de toute sa croute de fièvre. le soleil monte, obstiné. La vue frémit. C'en est finit des heures vaines, de la pitrerie de la mort. le jour commence. Les insectes creusent la terre ».

Des histoires racontées comme celle narrée par une grand-mère, la fameuse histoire du « Vampire de la rue Molinillo », un journal intime (celle de l'Athlète) touchant, viennent ponctuer le récit apportant quelques bouffées d'oxygène à l'inexorable défilement du temps et aux faits et gestes qui s'enchainent. A noter : la liste des 200 personnages se trouvent à la fin du récit, personnellement je suis allée le consulter à deux ou trois reprises mais dans l'ensemble on ne se perd pas, les personnages sont bien identifiables.

L'auteur a été multirécompensé dans son pays pour ce livre, il a reçu notamment le Premio de la Crítica et le prix Juan Goytisoloet. Pas étonnant. Ce livre est d'une grande inventivité et d'un style percutant. Inoubliable pour ma part, j'ai été happée. Un coup de coeur !

« Ma vie, cette barque qui s'aventure dans la noirceur de la mer, ces lanternes qui brillent dans l'encre ».
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On dirait le Sud
Le temps dure longtemps
Et la vie sûrement
Plus d'un million d'années
Et toujours en été

Un scénario ? Un synopsis ? La description hyperdétaillée d'un projet de film en préparation ou peut-être d'une oeuvre déjà réalisée ?

Tout ici est terriblement visuel et en perpetuel mouvement, comme un traveling avant qui prend le temps de bien ingérer les images se présentant à la vorace caméra,  cinémascope, haute définition, couleurs by deluxe.

Un film choral alors, au générique pléthorique, au séquencement hyper rapide, syncopé et fluide en même temps, découpage au scalpel, hyper précis tracé au cordeau, fondu enchaîné, jamais au noir.

Les personnages : Un moribond envahi de fourmis, un pompiste vert de chez BP, un joggeur dégoulinant de transpiration, un couple de noctambules de hasard au bord d'une piscine au petit matin, un jeune homme qui ruine des étoffes à coups de ciseaux, un guitariste fauché et camé, une bande de zonards, une réceptionniste d'hôtel, son patron, un gamin qui boit du Fanta, une chirurgienne, une bombasse décolorée, un flic héroïque, une mère dépassée par sa progéniture, une édentée qui trimballe un caddy, un avocat qui aime les hommes, la géante, un homme plaqué par sa femme, une petite frappe, une jeune fille victime de son père incestueux, un prêtre …

Les décors : Un terrain vague, du béton, un taxi, un appartement, un autre, une station service, une villa avec piscine, des affiches publicitaires (literie, voiture…), un hôpital, un train, un hôtel, un square, un ascenseur, une moto défectueuse, une boutique d'encadrement, une plage, un bistrot, des voitures, une rue avec deux bancs, le parvis d'une église,  un commissariat, des bars de nuit…

Malaga, Espagne sud, Une ville sèche, poussiéreuse, chauffée à blanc par un vent brûlant qui ramollit le bitume et exacerbe les esprits ou les abrutit. Un enfer, pas de Dante, mais  de Picasso,  l'empreinte de Pablo marque la cité.

Ça couve, se réveille, s'invective, grouille, se douche, se baigne, se bat, mange, fantasme, bande, se flagelle…s'assassine

C'est ‘Babel' de Alejandro Gonzalez Iñarritu, ‘les uns et les autres' de Claude Lelouch, un kaléidoscope schizophrénique, la mosaïque d'une box internet (canal 0), les pièces d'un puzzle géant qui se mettent en place toutes seules, comme mues par sorcellerie, les nombreuses cellules autonomes d'un super organisme vivant qui sort de sa léthargie, les goutes de mercure d'un antique thermomètre explosé qui coulent et s'agglomèrent pour ne faire plus qu'une visqueuse flaque de métal liquide et éblouissant, des unités disparates et multiples qui, au final, ne forment qu'un tout, unique et indivisible : la ville.

Un Lego, non, un système en action, qui se meut, s'émeut.

Lumière ! Allumez les projos ! Tout s'anime, se met en branle, s'articule sous un soleil torride qui plombe déjà une atmosphère étouffante au matin levant.

Tout bourdonne, bout, se met bout à bout dans une boulimie de mouvement, se télescope et la ronde commence à tourner…

Manège mécanique ! Manège en chantier.

Entrez dans la danse, voyez comme on danse, chantez, dansez, embrassez qui vous voulez, non…qui vous pouvez ?

Plan de tournage de la journée : Près de la station service BP du pompiste vert, le flic héroïque interroge le guitariste camé qui devait rejoindre les zonards et l'édentée dans la rue avec deux bancs mais qui, dans le terrain vague, a découvert le moribond ‘enfourmillé' qui est l'avocat aimant les hommes et le mari de la chirurgienne qui s'occupera de lui elle-même en dépit de toute déontologie dans l'hôpital…

Autres lieux, autres mouvements: d'autres courent, se déplacent en voiture, en trains, à moto, à pieds, en ascenseur, s'absorbent à regarder par la fenêtre d'un immeuble, de sa voiture, de l'hôpital où du train, écrivent, se disputent, se battent, fantasment, fomente un cambriolage, s'allongent sur une plage, se piquent, se masturbent, baisent, mangent, font la manche, se foutent sur la gueule…meurent.

Le jeu du cadavre exquis !

Action ! Ça tourne : Tout s'emmêle, tous se mêlent, les trajectoires comme les histoires s'entremêlent et fusionnent pour ne devenir que l'unique respiration poussive de l'étouffante ville asthmatique emportée dans le tourbillon incessant d'une de ses journées habituelles toujours rythmées aux pas cadencé (dans la troupe, y'a pas d'jambe de bois…)

Zoom arrière : Vue d'en haut, d'une grue télescopique, d'un drone, d'un satellite, tous ces personnages atypiques ou ordinaires ne sont que les bactéries et les enzymes qui pullulent et fermentent dans les entrailles putrides de la bête à l'haleine fétide, avachie, alanguie près de la Méditerranée, abattue comme écrasée  par la touffeur hallucinatoire d'une journée d'été caniculaire, même ici, en bord de mer.

Le style : Une écriture changeante, chamarrée, lumineuse, nerveuse, poisseuse, massive aussi, entrez dans la dense, monolithique même, quand, parfois, les dialogues ou les actions des personnages s'encastrent sans réelle ponctuation, nous obligeant à deviner à qui s'exprime, susurre, éructe ou agit. Les actions ou les pensées des très nombreux protagonistes se ‘carambolent' souvent, avivant cette impression d'entité unique dispersée dans divers corps à la fois lointains et agglomérés, sexy ou fanés, actifs ou désespérément épuisés, vifs,  canailles, intelligents ou cancres, las. Un serpent gluant mais à sang chaud, un cas à part.

Tout s'agglomère et pourtant on s'y retrouve sans difficulté, pas d'égarement dans cette construction labyrinthique, pas besoin de fil d'Ariane. Malgré l'architecture atypique de ce roman en surchauffe, on emboite le pas des divers spectres hantant cette ville tentaculaire qui grouille de vie sous nos doigts qui tournent les pages, qu'elles soient trépidantes où passivement vécues, qu'elles soient celles de privilégiés agissant de leur plein gré, ou de pauvres loques qui ne voient que passer des jours, identiques entre eux, pareils, désespérants.

Par moments, la valse à mille temps se fige, la valse à mis le temps de s'arrêter, sentant la nécessité, par un flashback furtif ou un arrêt sur image de nous laisser entrapercevoir les traumatismes multiples que trimballent certains personnages, les torturent et les font avancer : la troublante découverte de son homosexualité pour l'un, une fausse couche imaginaire pour l'autre ou une rupture pour cause de flagrant délit d'adultère, un plan à trois et une confusion libertine, le souvenir d'un fait divers impliquant un…vampire.

C'est comme une respiration alors, une bulle d'oxygène, un changement de tempo, une ronde entre deux noires, mais un ralentissement seulement car jamais le frein à main n'est actionné, jamais, et bientôt, le rythme effréné vas reprendre le dessus. le système va s'ébranler.
Coup d'accélérateur ! Vroum, vroum, gaz d'échappement, odeur de gomme sur l'asphalte  !!!

Tournez manèges. Attrapez la queue du Mickey !
Et le final, waouh ce final en apothéose ! Unité de temps, pas de lieux ! Une cinquantaine de pages incandescentes, de la lave en fusion qui coule le long du profil abrupt du bouillonnant  volcan de la narration. Une pulsation de damné au bord de l'asphyxie donne son rythme au récit où tous les protagonistes s'enchevêtrent en une transe diabolique, point d'orgue d'une journée hors norme d'un été comme à jamais caniculaire.

Au service étroit de la narration, la traduction aussi est excellente, elle jongle avec les styles divers et variés, le rythme, le vocabulaire ou les expressions qui collent parfaitement aux personnages racontés, aux milieux traversés et nous restitue avec réalisme et virtuosité le souffle étouffant d'une ville multiple abrutie par une chaleur torride qui ne laisse que très peu de place au bonheur ou à la poésie. 

Malaga, le sud: 24 heures chromo dans la lumière vive d'une cité incendiaire !

24 heures : une tranche de ville.

24 heures, seulement, pour tout un roman ! Il est vrai que dans ce Sud
Le temps dure longtemps
Et la vie sûrement
Plus d'un million d'années
Et toujours en été !
 

 

 
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La canicule implacable, l'air brûlant d'un été en ville.
C'est dans cette atmosphère moite et troublante que se déploie le dernier roman d'AntonioSoler, l'ardeur électrique d'une seule journée d'été, dès le lever du jour :« le soleil monte obstiné. La vie frémit.. C'en est fini des heures vaines, de la pitrerie de la mort. le jour commence. Les insectes creusent la terre. »
Cela débute dans une décharge, le corps inanimé d'un homme, des fourmis rouges qui s'immiscent dans toutes ses cavités, et alors, comme le terral, ce vent chaud et sec qui brûle le moindre recoin de la ville, la narration prend son envol et balaye les personnages de cette journée, l'immense fourmilière humaine qui grouille dans les rues, les maisons, sur les plages, dans les voitures, partout.
Rien n'échappe au regard scrutateur et envoûtant de Soler, il décortique, dépèce, retranscrit les espoirs, exhibe les plaies, les cruautés. Dans un flux continu, la narration se déplace d'un personnage à l'autre, sans transition ou presque, dans un perpétuel mouvement, celui des heures qui s'écoulent pour les près de 200 personnages qui défilent sous le microscope de Soler. Ismael et ses triangles, la belle Amelia, Céspedes , l'Athlète et son journal intime, l'histoire du Vampire de la rue Molinillo de la grand-mère, la double vie de Dioni , Guille et sa bande de copains,... Tout, Soler nous montre tout de ces vies parallèles qui finissent toujours par se croiser et se suspendent parfois dans une soudaine instantanéité (merveille de l'heure du repas).
C'est poisseux, cru, désespérant et tellement impressionnant. Je me suis laissée complètement envoûtée par cette ambiance urbaine et oppressante, par cette virtuosité cinématographique d'une écriture qui embrasse mille destins d'un seul regard. J'ai eu tellement chaud, et j'ai désiré la nuit avec les personnages, et le soir est enfin venu: « La nuit se déploie […], elle s'étend comme l'immense peau d'un animal récemment chassé, qui saigne encore. La nuit respire, la nuit a un pouls […]. »

Soler a remporté de nombreux prix en Espagne avec ce roman dont le #PremioNacionaldelaCrítica et raconte que c'est lors d'une visite à Dublin pour le Bloomsday, journée-hommage à James Joyce et à son "Ulysse" qu'il a eu l'idée se ce roman, en transposant son propos dans sa ville de Màlaga. Il faudra un jour que je m'attaque à ce monument la littérature mondiale mais je lirai d'abord d'autres romans de Soler

Vous l'aurez compris, coup de chaud, coup de coeur !
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On aurait adoré aimer ce livre dont on a lu de belles critiques dans la presse écrite et c'est vrai que ce roman d'Antonio Soler est de qualité, roman ambitieux et intellectuel avec des références à Ulysse de Joyce assez régulières... Mais trop de personnages qui se croisent- sur une seule journée, trop de redondances, trop dense, trop étouffe chrétien, on se perd dans les personnages les lieux et on a du mal à aller au bout de ces 700 pages en se disant qu'on se désole de ne pas etre aussi intelligents et brillants que son auteur et que ceux qui l'ont idolâtré
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Comme je le disais dans la chronique de la mauvaise herbe d'Agustín Martínez, il y a une singularité dans la littérature espagnole que je lis qui se confirme avec Sud d'Antonio Soler, nouveauté Rivages de cette rentrée littéraire 2022, sortie en VO en 2018, reliant plusieurs Prix Littéraire. Et ce point commun est la chaleur.

Attention, Sud n'est pas une petite chose. C'est une lecture puissante, une oeuvre majeure, une performance littéraire. Antonio Soler, intransigeant dans son style, livre une performance en comprimant la vie espagnole dans une journée caniculaire. D'innombrables personnages s'entrecroisent dans un théâtre infernal. Voix multiples et singulières, destins cachés, relations humaines qui se cherchent une finalité dans ce monde insensé. Les relations fuyantes comme les sentiments comprimés donnent à Sud cette impression de solitudes. Chacun cherche une voie qui n'existe pas.

Sud n'est pas un roman qui peut enthousiasmer avec des facilités mais par sa puissance dans l'évocation d'un monde en train de fondre sous une chaleur surréaliste, tout autant physique que symbolique. Antonio Soler m'impressionne avec cet oeuvre grandiose et tragique.
Lien : http://livrepoche.fr/sud-ant..
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Un roman inclassable et marquant. JLBlecteur lui a mis 5 étoiles et il cite Malaga, ville où je suis en vacances alors que je me lance dans ma critique en vous recommandant celle du lecteur qui est magnifique. Comme une chevelure, j'ai été emportée dans une tornade de vent ( le terral), de gens (plus de 200 ), de lieux que je visite en même temps, de tranches de vie, etc. Les phrases s'emmêlent comme les cheveux, on est aveuglé, on ne sait plus qui parle, où on est, perdu et hop les cheveux retombent et on y voit plus clair. C'est fascinant, je suis étonnée d'avoir traversé cette épopée longue et rude car rien n'est rose et les vies cabossées se succèdent. Très visuel comme une BD, sensuel, sexuel voire porno, drôle, pathétique, romantique, tragique, vrai. La fin présage une suite car beaucoup de personnages restent cachés sous mes cheveux, ils attendent le prochain coup de vent… L'exploit se déroule sur 24 heures et le suspense avance à la vitesse de la lumière qui décroît. Un voyage dans la société espagnole qui décoiffe, bravo!


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J'ai reçu ce roman dans le cadre d'une Masse critique, et ça a été une découverte intéressante. L'histoire se déroule comme une sorte de très long plan séquence, sans aucun chapitre, mais avec une galerie de personnages extrêmement varié. Ce roman est dense, touffu, complexe. Comme il n'y a pas de chapitres, il n'y a pas de moment de respiration ; c'est bien adapté au contexte de la ville plongée dans la canicule, où tout est moite et lourd. On suit les destins d'une variété de personnages qui finissent tous liés d'une manière ou d'une autre.
L'écriture est particulière, mais pas trop désagréable malgré quelques lourdeurs. Certains passages étaient trop longs à mon sens pour apporter réellement quelque chose. Je trouve qu'il peut être compliqué de vraiment se plonger dans le texte, qui ne laisse pas aborder facilement. Globalement, je ne lisais pas ce livre quand j'avais envie de me détendre et de ne pas me prendre la tête. le style de l'auteur est cru, sans fard sur l'humanité et les comportements humains jusqu'aux plus déviants, mais par contre, j'ai rarement vu autant de passages qui traitent de sexe dans un roman ; à force ça devient quand même un peu pénible parce qu'on finit par savoir à quoi s'attendre de la plupart des personnages...

En bref, je suis plutôt contente d'avoir lu ce roman, qui était une expérience particulière !
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Quoi de mieux que 18h caniculaires dans une ville sans nom au sud de la péninsule ibérique pour se perdre dans les méandres d'une quinzaine d'âmes humaines ?

Sud est une lecture organique qui suinte, dégouline, colle, où les fourmis bavent, le sperme coule à flot, les tétons de ces salopes, putes ou pétasses (ça dépend) pointent sous les tee-shirt moulants, où les phrases sont vomies d'un seul jet sur une double page – peut-être l'effet de la chaleur qui carbonise les esprits.

J'aime beaucoup la citation d'ouverture : "Putain de réalité patiente comme un tireur d'élite". Sinon… La plume est crue, la structure lourde même si les destins sont bien agencés, des partis déjà mille fois pris, les pages pullulent avec une linéarité effrayante. Six cents pages ont été avalées, l'indigestion commence à poindre… Je suis complètement passée à côté de ce roman.
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Je remercie les éditions Rivages pour ce livre reçu dans le cadre de la masse critique.
Je commence par les points positifs de ce livre : une très belle couv' (c'est ce qui a attiré mon attention), un résumé alléchant (une journée caniculaire, une galerie de personnages...) et une écriture qui m'a plutôt emballée.
Mais voilà, très vite je me suis perdue et ennuyée ! Je m'attendais à des longueurs au vu du thème bien évidemment, mais c'est un pavé de longueurs. Quant aux personnages ils sont beaucoup trop nombreux pour moi. Je pense également que la structure du livre n'arrange pas les choses : pas de chapitres, tout s'enchaîne et se mélange.
Je pense toutefois que c'est un bon livre mais pas pour moi.
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