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EAN : 9782253013112
Le Livre de Poche (01/03/1991)
3.78/5   74 notes
Résumé :
C'est une Chine hallucinante que Lucien Bodard fait revivre dans ce roman. Une Chine de misère et de famine, de fastes, de mendicité, qui sent le cadavre et l'excrément, la Chine des mouches, des espions, des lépreux et des têtes coupées, un pays grouillant, un chaos livré aux ambitions rivales des étrangers et dévasté par les «Seigneurs de la guerre » qui pillent, qui brûlent, qui rançonnent. On se croirait au fond des âges. Pourtant, c'est, dans cette Chine médiév... >Voir plus
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Critiques, Analyses et Avis (6) Voir plus Ajouter une critique
Un très grand livre écrit par un grand écrivain qui livre ses souvenirs d'enfance lorsqu'il avait une dizaine d'années. Pas n'importe quel enfant, pas n'importe où et pas n'importe quels souvenirs ! Lucien Bodard était, dans les années 20, le fils du consul de France à Chengdu, capitale du Sichuan (à l'époque on disait Sseu Tchouan). Il dresse un portrait parfois tendre mais souvent sans concession de ses parents et nous fait découvrir une Chine terrible et fascinante.
Rien ne nous est épargné de la misère, de la cruauté, des cataclysmes climatiques ou des incendies qui ravagent périodiquement la cité parce qu'un des seigneurs de la guerre en a décidé ainsi.
Le consul a l'ambition ultime de désenclaver le Sichuan en prolongeant jusqu'à Chengdu la ligne de chemin de fer qui reliait Hanoï à Kunming depuis 1910. Une manière de détourner les échanges par bateau qui descendaient et remontaient le Yang Tsé Kiang vers Shanghaï dominée par les Anglais. Une manière de se mettre en valeur et d'obtenir le poste d'ambassadeur qu'il mérite.
Les embuches sont nombreuses ; les évidentes qui viennent des consuls anglais ou japonais, des seigneurs de la guerre (ceux du Sichuan affrontant ceux du Yunan, ceux du Yunan qui se méfient les uns les autres), des sociétés secrètes mafieuses et les plus inattendues car venant de compatriotes affairistes, sans scrupules et prêts à tout y compris à menacer physiquement le consul et sa famille (« l'enfant est-il en danger ? » demande sa mère). Tout le monde veut faire main basse sur l'opium, les affairistes pour « faire du fric », les sociétés étrangères pour « faire des affaires », les puissances coloniales pour augmenter leur influence et les seigneurs de la guerre pour acheter des armes qui leur permettraient de liquider tous les autres.
On apprend comment s'est créé puis développé Shanghai, d'abord le Bund des Anglais puis la concession française. Comment la concession a été pacifiée avec le concours de la « bande bleue », on pense alors à « Tintin et le lotus bleu » pour réaliser que les fleurs de lotus ne sont pas bleues. On voit défiler le gouverneur de l'Indochine française en visite officielle, trop bien marié à une jeunesse qui lui rend trente ans et un appétit qu'il n'a plus. On assiste aux négociations, tractations et organisations de coups bas de toutes sortes ; on suit le gamin qui circule librement dans la ville chinoise, uniquement accompagné d'un soldat lépreux chargé de l'escorter; il voit tout et comprend tout « Je pense à la vie de petit seigneur que j'ai eue…Dans ce Sseu Tchouan tout au cours de mon enfance, j'ai reçu mon éducation de la cruauté. Cela se déroulait au milieu de la gaité chinoise, cette formidable capacité de jouir quand les autres crèvent».
Le consul et son épouse sont magnifiques sur la photo officielle de 14 juillet mais leur fils nous les dépeint aussi dans leur intimité et leurs affrontements et c'est nettement plus intéressant.
On est souvent saisi d'horreur pour dix pages plus loin éclater de rire : par exemple au récit d'une fin de banquet qui a mal tourné pour un officier anglais « c'est ainsi qu'est tombé le costaud, victime du devoir, de sa trop grande participation à la politique de l'entrain, faite pour le service de sa Majesté. le type revient rapidement à lui. Ses premières paroles sont héroïques : encore du champagne. »
La langue est superbe, facile à lire et ce roman magistral se dévore en quelques heures jusqu'au dernier paragraphe qui ne l'est pas moins :
« J'avais découvert la tristesse. Il me semblait que le consulat avait été atteint de pourriture, tout me paraissait affreux : ces Seigneurs de la guerre, ce Dumont, cette Chine. Pour la première fois de ma vie j'avais jugé mes parents. J'avais discerné la vanité bête de mon père, l'orgueil détraqué de ma mère. Tous deux étaient comme des fétus face à un destin qui allait les écraser. Moi, j'étais déchiré car je devenais semblable à eux : je n'étais pas un vrai Chinois, mais un bâtard moral, un gosse hybride qui allait, avec eux, être entrainé dans ces cupidités dangereuses ; celles où il y avait le chemin de fer, les combines et sans doute le désastre au bout ».
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En redonnant vie à ses souvenirs d'enfance les plus marquants, Lucien Bodard nous propulse dans l'atmosphère de la Chine des seigneurs de la guerre. Il évoque la vie quotidienne d'un consulat français égaré dans l'Asie profonde. Un havre de paix enclavé sur une terre chamboulée où la vie humaine ne vaut rien. Sur ce terreau où la mort est un spectacle quotidien, le jeune Bodard vit comme un petit roi. Il s'éveille précocement alors que ses parents commencent à s'entredéchirer sous ses yeux. Il choisit d'emblée le camp de sa mère et dresse un portrait tantôt au vitriol tantôt bienveillant de son diplomate de père incarné par ses ambitions et ses faiblesses. Une oeuvre magistrale où rayonne son double talent de romancier et de grand reporter.
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« Monsieur le consul ».
Jusqu'en 1973, on affublait Lucien Bodard du surnom de « Prince des grands reporters ». On disait également que sa monumentale histoire de la guerre d'Indochine avait certainement plus de qualités romanesques que le plus romanesque des romans. C'était sans compter le génie de l'auteur qui en 1973, avec la sortie de « Monsieur le Consul » se fait romancier. Et quel romancier !
Le petit Lulu voit tout d'une Chine encore médiévale, mise à sac par les seigneurs de la guerre… Il raconte tout, de l'élégance parfois arrogante d'Anne Marie, sa mère bien-aimée, à la misère, aux têtes coupées, aux fastes de Shanghai.
Les souvenirs de Lucien Bodard constituent un témoignage unique sur la Chine au début du XXe siècle. Fils du consul de France à Shanghai, né à Chongqinq, l'auteur brosse ici le tableau d'un pays au bord du gouffre. Une lecture unique !
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Monsieur le Consul de Lucien BODARD



Lucien Bodard "Monsieur le consul" - Vidéo Ina.fr

adresse d'un site pour écouter Lucien Bodard à APOSTROPHES chez Bernard Pivot en 1973. Lucien Bodard est né en CHINE en 1914 et il a vécu 10 ans durant son enfance à CHENGDU.



Lucien Bodard nous dresse un tableau de la CHINE des années 20 d'une dureté incroyable, d'une saleté repoussante. La vie du pauvre coolie ne compte pas. Il nous donne également une très mauvaise opinion de son père le Consul.

Durant une séance d'opium dans son délire sous l'emprise de la drogue l'auteur m'a donné le sentiment qu'il réglait ses comptes avec la religion, les fonctionnaires expatriés etc... On ne sort pas indemne de cette lecture. Ce roman a reçu le prix Interallié. Comme dans la Vallée des RosesLucien Bodard a des longueurs qui m'ont ennuyé. Il faut reconnaitre sa richesse de vocabulaire il en use et en abuse selon mon avis. Sa mère est épargnée. Mariage de raison, elle méprise son mari.J e ne regrette pas d'avoir lu Monsieur le Consul...un peu difficile par certains passages rébarbatifs.
Mireine
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J'ai vraiment mais vainement tenté d'achever ce pavé de 540 pages et c'est dans la dernière ligne droite que j'ai fini par craqué. Tout y était pourtant: l'ambiance, le contexte, le style, l'histoire...
Mais à trop prendre de chemins détournés, l'on finit par ne plus y arriver. Je me suis perdu la-haut dans un monastère, dans les vapeurs de l'opium, entre un père et un fils, entre un consul et son gouverneur général. Une Chine pourtant fascinante mais qui est venu à bout de mon énergie.
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Citations et extraits (18) Voir plus Ajouter une citation
Mais enfin, Anne-Marie, vous ne m'aimez pas.
Comment voudriez vous ? Vous oubliez que vous m'avez achetée. Je me souviens très bien comment vous m'avez jaugée, sur les quais de la gare d'Ancenis, un jour que je revenais de Nantes. L'oeil d'un maquignon faisant son marché. Ca n'a pas traîné. Le lendemain , sur votre trente et un, vous vous présentiez chez nous avec votre frère, le capitaine moustachu, celui que vous étiez venu voir dans sa garnison. Et tout de suite vous avez demandé ma main à ma mère. Moi, je ne voulais pas. Mais mon père venait de mourir ruiné. Il avait bu sa fortune et personne ne m'épouserait dans le pays.Toutes ces bouches campagnardes de demi-hobereaux, de vieilles demoiselles, d'oncles plus ou moins gâteux mais ayant du bien, me répétaient c'est votre devoir Anne-Marie.
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Dans ce Sseu Tchouan sans l’ombre de services publics où rien ne fonctionne, la poste marche très bien. C’est un apport capital de la France à la Chine. Si les gentlemen anglais sont les maîtres des douanes officielles, ce sont de petits messieurs français secs et barbichus qui, même dans cette province perdue depuis des siècles, ont organisé un courrier d’une régularité exemplaire. Même quand des milliers de gens meurent tout autour, pour une raison ou pour une autre, les lettres arrivent avec leurs cachets, leurs timbres, le facteur se présente avec son registre où il faut signer pour les plis recommandés.
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Le consul d’Angleterre, mon père ne l’aime pas, malgré l’Entente cordiale en cours. Car lui aussi veut mettre le Sseu Tchouan dans sa poche. Curieusement, c’est un monsieur aussi 1900 que mon père, mais en Anglo-Saxon. Comme lui pas petit mais faisant petit. Comme lui très bourgeois des ambassades, également bien pris et bien tourné, comme lui un mélange de vanité bienveillante envers la société et de minutie acharnée dans son métier. L’Anglais est presque un bébé avec son visage poupin, ses yeux bleus, sa petite moustache blonde. Mais un baby à la façon d’Albion, c’est-à-dire coriace.
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La jeune femme, ses grands cheveux noirs sur son front ovale, un sourire énigmatique sur le visage, regarde l'entrée des gorges : une sorte de trou. Son mari se tient à côté d'elle, circonspect, digne, net, briqué, la moustache bien brossée et la raie bien faite, disant les mots qu'il faut : "N'ayez pas peur, Mimi." La jonque craque. Le timonier chinois est accroché à sa barre comme un supplicié. Tout autour les eaux tourbillonnent.
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L’Indochine, c'est une machine qui leur appartient, une mécanique de précision dont il ne faut pas desserrer une seul vis. Un chef d’œuvre, croient-ils grâce à leur belle administration sans faille : un indic sur dix habitants, un flic sur cent, par-ci par-là, un mandarin à leur botte...
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Videos de Lucien Bodard (14) Voir plusAjouter une vidéo
Vidéo de Lucien Bodard
Jacqueline Duhême Une vie (extraits) conversation avec Jacqueline Duhême à la Maison des artistes de Nogent-sur-Marne le 8 février 2020 et où il est notamment question d'une mère libraire à Neuilly, de Jacques Prévert et de Henri Matisse, de Paul Eluard et de Grain d'aile, de Maurice Girodias et d'Henri Miller, de Maurice Druon et de Miguel-Angel Asturias, de dessins, de reportages dessinés et de crobards, d'Hélène Lazareff et du journal Elle, de Jacqueline Laurent et de Jacqueline Kennedy, de Marie Cardinale et de Lucien Bodard, de Charles de Gaulle et du voyage du pape en Terre Sainte, de "Tistou les pouces verts" et de "Ma vie en crobards", de Pierre Marchand et des éditions Gallimard, d'amour et de rencontres -
"Ce que j'avais à faire, je l'ai fait de mon mieux. le reste est peu de chose." (Henri Matisse ). "Je ne sais en quel temps c'était, je confonds toujours l'enfance et l'Eden – comme je mêle la mort à la vie – un pont de douceur les relie." (Miguel Angel Asturias)
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