Un récit absolument invraisemblable à l'ambiance un peu désuète, d'un romantisme exacerbé, mais qui se lit sans déplaisir. C'est l'histoire d'un prince qui n'a aucun gout pour le pouvoir, lui préfère l'étude des lettres et s'adonne à la chasse ou à la contemplation de la nature. Marié à Séraphine, il lui abandonne les rênes du royaume. Celle-ci en se laissant manipuler par un conseiller avide et sans scrupule précipitera le pays dans la guerre et ira jusqu'à trahir son époux en acceptant de signer un arrêt qui le fait exiler et emprisonner…
Après bien des péripéties, le prince et sa moitié se retrouvent.
Le sujet principal c'est l'amour et le pardon et les limites qu'on peut lui fixer :
« Quand on a appris comme moi, à connaitre les défauts de son caractère, quand on en est venu à ne plus se considérer que comme un simple toton titubant au travers de la vie, on commence, voyez-vous, à se faire de nouvelles idées au sujet du pardon. le jour où je me serai pardonné à moi-même, je me sentirais capable de ne plus pardonner aux autres, pas avant. »
« Mais n'y a-t-il pas des pardons qui déshonorent ? demande Othon. le respect qu'on se doit à soi-même n'impose-t-il pas une borne à la tolérance ? »
La question méritait d'être posée et la réponse assez surprenante est certainement révélatrice des préoccupations de l'auteur qui place l'amour au-dessus de tout.
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Le lendemain matin, à six heures moins un quart, le docteur Gotthold était déjà à son bureau dans la bibliothèque.
Une petite tasse de café noir près de lui, laissant de temps en temps errer son regard parmi les bustes et sur les longs rayons de livres aux reliures multicolores, il passait tranquillement en revue son travail de la veille. C’était un homme d’environ quarante ans, blond de cheveux, aux traits fins et un peu fatigués, à l’œil brillant quoique un peu fané. Se couchant et se levant tôt, il avait voué sa vie à deux choses : l’érudition et le vin du Rhin.
Une amitié de vieille date existait, mais à l’état latent, entre lui et Othon ; ils se rencontraient rarement, mais c’était toujours pour reprendre sur-le-champ le fil de leur intimité interrompue. Gotthold, le prêtre virginal du savoir, avait pendant quelques heures porté envie à son cousin, ce fut au jour de son mariage : il ne lui envia jamais son trône.
La lecture n’était pas un divertissement fort goûté à la cour de Grunewald, et cette grande et belle galerie ensoleillée, remplie de livres et de statues, était devenue en fait le cabinet particulier de Gotthold.
Ce mercredi matin, cependant, il venait à peine de se mettre à son manuscrit, quand la porte s’ouvrit et le prince entra dans l’appartement. Pendant qu’il s’approchait, recevant tour à tour de chaque fenêtre un chaud rayon de soleil, le docteur Gotthold l’observait curieusement. Othon avait l’air si gai, marchait si légèrement, était si correctement vêtu, si bien brossé, frisé, tiré à quatre épingles, d’une élégance si souveraine, qu’un léger ressentiment s’en éleva contre lui dans le cœur de son cousin l’ermite,
— Bonjour, Gotthold, dit Othon, se laissant tomber sur une chaise.
— Bonjour, Othon, répondit le bibliothécaire. Te voilà bien matinal. Est-ce par accident, ou bien commençons-nous à nous réformer ?
— Il serait temps, j’imagine, répliqua le prince.
— Moi, je n’ai pas d’imagination, dit le docteur. Je suis trop sceptique pour être conseiller de morale ; et quant aux bonnes résolutions, j’y croyais quand j’étais plus jeune. Elles sont les couleurs de l’arc-en-ciel de l’espoir.
— Quand on y songe, fit Othon, je ne suis pas un souverain bien populaire. Et le regard qui accompagna cette phrase la tourna en question.
"L'Île au trésor" de Robert Louis Stevenson | Des histoires merveilleuses