Le rêve entouré d'eau

Envie d'une partie de "puissance 4" ? Faites donc un tour du côté Bernard Chapuis et de son rêve entouré d'eau !
Le temps de 4 longs chapitres, vous découvrirez 4 objets insolites égarés aux 4 coins du globe (je sais je sais, un globe n'a pas de coin, mais l'auteur nous promène là en plein mirage, alors je peux bien écrire ce que je veux !), vous plongerez dans une histoire d'amitié un peu farfelue, souvent pleine de charme et de poésie, mais aussi alourdie par moment de quelques longueurs...

Bernard Chapuis joue sa partie de manière plutôt originale, disposant ses jetons avec fantaisie sans que l'on puisse y voir très clair dans sa stratégie, ni deviner la finalité de ces joyeuses chasses au trésor un peu décousues.
Le lecteur un peu distrait a vite fait de se mélanger les pinceaux entre tous les personnages qui défilent sous son nez [ un exemple au hasard ? Prenons la page 312 : "Luca, tu devrais expliquer ton travail à Rémy, dit Valentine qui voyait Eliane se tortiller sur sa chaise". Une semaine plus tard je ne suis pas foutu de vous dire qui est qui... ], puis qui quittent la scène sans prévenir. Pas facile de s'y retrouver, d'autant que l'auteur a la fâcheuse manie de zapper les présentations d'usage, ce qui ne m'a pas aidé à trouver ma place au sein de cette bande de copains intergénérationnelle, très sympathique au demeurant.

Seul le dénommé François Bichot, le drolatique quinquagénaire impliqué dans les quatre quêtes, a été peint avec suffisamment d'épaisseur pour s'ancrer véritablement dans ma mémoire. Voilà un personnage intéressant, curieux et cultivé, faussement nonchalant, qui fait tout le sel de cette aventure et qui se démarque du reste de la tribu !

Pour ce qui est de qualité littéraire de l'ouvrage, je ne peux que saluer la légèreté et la finesse du style ! le jury du "Prix des deux Magots" ne s'y est pas trompé, en récompensant ce roman en 2010.
En ce qui me concerne, sans m'avoir totalement convaincu, cette ode foisonnante à l'épicurisme, au vagabondage et à l'esprit de famille me laissera un souvenir agréable mais relativement ténu, qui se dissipera bientôt comme un rêve au petit matin.

Et je m'en pose des questions à la lecture de ce livre... Je l'ai trouvé insupportable de prétention et pourtant je me suis quand même avalé ses 400 pages sans déplaisir et même avec facilité...

Le pitch est assez simple. Une bande d'amis décident de retrouver des objets perdus du passé : la selle d'un SS indien passé sur la côte Atlantique, le lit d'un artiste français ayant échappé aux spoliations et voyagé deFrance aux Pays-Bas puis en Suisse, la tacouba d'un bédouin enterrée quelque part dans le désert et enfin un pin japonais déplacé suite au remplacement du jardin qui l'abritait par un parking. Enfin bon... Quand on écrit "perdus", c'est vite fait puisque les objets sont localisés ou localisables et présents à la mémoire des personnages. Il s'agit plutôt de prétextes au voyage et aux retrouvailles.

Cette histoire de quête est plutôt sympathique et finalement, l'idée de ces voyages tant géographiques qu'intérieurs n'est pas inintéressante mais qu'est-ce qui agace alors ?

Dans mon cas, ce sont les personnages. Est-il possible d'être plus horriblement parisien ?! Ou tout au moins une sorte de caricature parisienne ? Alors peut-être que je n'ai pas de chance et que je vis dans un monde fort triste et solitaire mais j'ai du mal à m'identifier et même imaginer une bande de personnages qui sont amis depuis des années, vivent partiellement ensemble, débarquent à tout moment l'un chez l'autre, adoptent les enfants de leur ami disparu, semblent ne jamais travailler mais disposer de confortables revenus, etc. Un peu comme un film de Guillaume Canet.

On suit donc les voyages, au bord du lac Léman, dans le désert et au Japon, de l'insupportable Bichot. Pas qu'il soit réellement insupportable mais c'est le personnage pivot du roman ; il est présenté comme un petit quarantenaire rondelet, égoïste et autocentré et pourtant il séduit n'importe quel personnage féminin du livre... C'est peu crédible. Ou alors je n'ai définitivement pas les mêmes goûts que les personnages... Personnages féminins dont l'auteur ne manque d'ailleurs jamais de décrire les formes, les défauts "typiques du sexe faible" et le physique, en profitant pour asséner des clichés qu'on espérait oubliés depuis trente ans et esquisser quelques scènes "érotiques". Ou alors c'est moi qui voit le mal là où il n'y a rien à voir...

Bref. Ce livre est dans mon passé et je m'irrite de lui avoir trouvé du charme malgré des défauts gros comme des maisons. Ou peut-être faudrait-il juste reconnaître que l'écriture est plaisante et les descriptions bien ficelées puisqu'on s'y croirait presque (si ce n'est au Japon dont l'épisode est un peu bâclé).

"Le rêve entouré d'eau" (quel beau titre !) manque parfois de clarté parce que les nombreux personnages (on suit une sorte de tribu ami-familiale) sont nommés puis racontés (plus ou moins) au fil des pages. L'histoire est une sorte de fil ténu qui nous emmène au Cap-Ferret, au lac Léman, dans le désert du Téhéré et au Japon, avec des retours sur le passé : histoires familiales, d'amours et d'amitiés, liées à quatre objets porteurs d'aventure et de poésie.
Je m'aperçois après lecture que les mots m'ont imprégnée plus que ce que j'aurais cru en lisant. Bichot, Valentine, Talbeau, et les autres m'ont laissé un parfum d'eux...

Quatre objets étranges, quatre orphelins adoptés par quatre célibataires. Quatre histoires qui se croisent, se mélangent pour notre plaisir et notre curiosité. L'histoire se déroule dans quatre endroits. le Grand Piquey au Cap Ferret, Paris, la Suisse et le Japon.

un roman étrange, où l'on se perd un peu et qu'il est difficile de définir