Sept heures du soir, une fois encore. c'est l'heure terrible ici. Franchi le goulet, la mer recouvre la crique, vient lécher la première marche de l'escalier de pierre. Le soleil tombe derrière les îles, on dirait pour aller boire. Les mouettes s'ent sont allées, les voix s'éteignent; les hommes et les femmes qui vont et viennent sur le chemin d'Altata ne sont plus que des ombres, ce sont des morts qui passent. A mesure que le soleil se noie, une flaque de lumière danse et monte le long du mât d'un navire par dessus les rochers du goulet.
-A ton avis, Merché, pourquoi l'a-t'il fait ?
- Je crois, pour rien. Il était au-delà de toute démonstration. Quelqu'un avait besoin de lui. Il y est allé naïvement. Ou bien ton ami Martinez avait-il raison : Juan Ramon n'a jamais manqué d'humour. A moins que ...
Comme la lumière monte vite le long du mât du navire! On voudrait prier que la lumière s'arrête. Il ne faut pas. L'aube se lève sur d'autres rivages.
La plupart des douleurs d'amour sont illusoires, on se les donne : elles gémissent sur ce qui n'était pas.
Jean Sulivan Cacher sa joie