Deux époques distinctes de la vie d'une femme : l'Occupation allemande suivie de la Libération de Paris, puis les événements de mai 1968.
Cette révolte étudiante violente fait ressurgir les souvenirs vieux d'une vingtaine d'années, chez la femme mûrie.
La rencontre avec un ancien compagnon ravive la nostalgie de ce que fût un amour, une vie vécue à 100 à l'heure ponctuée de voyages à travers le monde, d'amitiés furtives ou plus intenses...
L'auteur ne fait pas un récit précis et linéaire de la vie de la principale protagoniste, le lecteur découvre des bribes de l'histoire de cette femme, de ses actes manqués, de ses histoires d'amour avortées, de ses amitiés aussi... Beaucoup d'introspections dans ce roman. J'ai beaucoup apprécié le parallèle établi entre ces deux époques historiques... L'héroïne m'intéresse moins, j'ai l'impression qu'elle subit son existence plus qu'elle ne la vit, et je ressens un sentiment de gâchis. Malgré ce pessimisme, j'ai apprécié ce livre.
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C'est un roman original, avec de nombreux allers-retours entre passé et présent. J'avoue avoir parfois été perdue sur l'époque à laquelle on était censé être... Mais j'ai aimé le parallèle entre mai 68 et Paris à la Libération même si je ne partage pas forcément ce point de vue sur toutes les analogies.
En fait il y a plusieurs histoires d'amour, plusieurs types d'amour selon les hommes rencontrés et les étapes de la vie.
Je m'attendais à quelque chose de plus tourbillonnant ou plus passionnant mais j'ai apprécié la lecture et je ne me suis pas du tout ennuyée, d'autant que c'est court.
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Et à présent, c'était comme si jamais rien ni personne n'était intervenu pour suspendre l'histoire commencée là, précisément là, entre Seine et Sorbonne, il y avait plus de vingt ans déjà, dans le soir d'été tout semblable à celui d'aujourd'hu dei, la violence et le délire allumés de partout, avec les balles, le sang, dans les cris et l'odeur de poudre. Elle marchait au milieu de la ferraille et des clous, des pavés arrachés, indifférente au danger qui menaçait de toutes parts, automate ou démente, ne bifurquant que devant un barrage de police comme devant un obstacle naturel machinalement contourné, et de nouveau droit devant elle, entraînée, poussée comme alors vers des événements auxquels elle ne comprenait rien et qui la submergeaient jusqu'à ce qu'une force aveugle la cloué là, devant ce café, dans la nuit tombée, avec la soudaineté fatale et imprévue qui arrête l'animal sur la menace inconnue ou l'objet de sa survie, alors qu'il ne peut rien voir encore, si bien que c'est presque ce mouvement même qui constitue l'image.
La grenade a roulé sur la chaussée, elle a ricoche contre un arbre, est venue exploser tout près d'eux, leur brûlant les yeux, avec un faible bruit de pétard. Son odeur âcre prend à la gorge. Les casques étincellent dans le noir, on les voit à peine, on les devine plutôt, les matraques blanches des policiers, les ailes de leurs pèlerines battant l'air...
Et ça dura longtemps, l'espoir, la peur...
Le bruit que firent les balles quand il nous parvint... Depuis ce jour-là je sais ce qu'on veut dire par un coeur qui se brise. L'écho d'une rafale, suivie d'une autre, puis d'une autre encore, que répercutent les arbres dressés dans la stupeur. De partout, au même instant, un seul élan de compassion, un seul cri de malheur.
Le visage de cet homme, je le garde, j'ai été liée à lui, nous l'avons tous été, silencieux, immobiles derrière les fenêtres, liés à lui du lien le plus violent, le plus secret. Même si quelques jours plus tard la Libération allait pour moi tout bousculer. Sur les arbres, dans le soleil, un long gémissement qui se traîne sur cet après-midi de blancheur lunaire. Le temps arrêté : C'était le plein été.
Il dit soudain, se penchant vers elle :
- Imagine qu'on se rencontre pour la première fois... On vient de se rencontrer ce soir, toi et moi.
- Mais tu es fou! dit-elle... Tu es complètement fou...
Elle rit.
- Je t'emmène en voyage. Là-bas... Les lauriers roses sont en fleurs... Il y aura du soleil sur les dalles rouges de la terrasse...
Elle secoue la tête.
- Je ne t'écoute plus. Si je t'écoute, je suis perdue. Je ne veux plus t'écouter...
Elle se renfonce dans les coussins du canapé et lui sourit de ce sourire las qu'ont ceux qui ne croient plus à rien, ceux que les rêves et les projets des autres rejettent davantage encore à leur solitude.
En pleine alerte, je vivais encore plus intensément. Jamais je ne suis descendue dans un abri ou dans une cave, quand les agents voulaient m'y obliger, je leur disais chaque fois que j'habitais tout près, tout à côté, que justement je devais aider ma grand-mère à descendre, puis je me mettais à courir, à la première rue je tournais.