Une sorte d'autobiographie. L'auteur raconte sa vie, on lui pose des questions, le tout est enregistré et ultérieurement relu par la secrétaire de l'écrivain. Qui de digression en digression, de livre évoqué et feuilleté en livre, parle de sa vie, dans un ordre en principe chronologique, mais le principe sera largement transgressé. C'est un peu une causerie, qui part dans tous les sens, même si existe un fil rouge. L'auteur est particulièrement prolixe sur ses jeunes années, son enfance, ses premières lectures, ses relations avec les membres de sa famille, ses premiers professeurs. Et sur les livres qu'il a collectionné tout le long de sa vie. En même temps que sa vie, défile à l'arrière plan l'histoire de la Hongrie, et aussi un peu celle de l'Europe.
Extrêmement brillant, érudit, c'est un livre au rythme particulier. L'auteur vit dans son monde, fait de livres, d'art, de photos, tout en alignant les maîtresses. Un monde plus réel que le reste, la triste réalité, des guerres, dictatures et autres vicissitudes de l'histoire. le personnage est visiblement très égocentrique, sans même s'en rendre compte, il utilise terriblement les gens de son entourage, et ne semble pas vraiment se préoccuper de ce qu'ils peuvent ressentir. Et il a incontestablement la capacité de voir de la magie, de l'enchantement dans les choses, en premier lieu dans les livres, les objets, les tableaux…Et cette capacité est terriblement communicative, il parvient à faire passer un foisonnement, un frémissement, un plaisir en parlant des choses et figures qui l'ont fasciné ou subjugué. Un magicien ou plutôt un chaman du verbe, qui se sert du rythme des mots pour créer une envie ou provoquer une fascination.
C'est très étrange, très prenant, et quasiment incommunicable, car l'auteur a vraiment un univers à lui, reposant sur les mots et la prosodie. Je me suis laissé embarquer par ce monologue, comme on écouterait presque une pièce de musique. Et j'ai bien l'intention de découvrir les oeuvres de l'auteur, pour voir comment il parle des autres, en étant sûre qu'il va surtout parler de lui à travers eux, toutes ses figures qu'ils fait siennes et qui constituent sa mythologie personnelle.
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"Heidegger dit quelque part que la vie est un "Entgegenlaufen dem Tode", une course à la mort, mais, au lieu de développer cette idée en parlant des souffrances et des expériences de notre vie quotidienne, il la noie dans je ne sais quelle logomachie hyper-abstraite.
Fichte, Schelling, Kant, empirisme et non-empirisme, tout cela est, à mon sens, à côté de la question.
Bon Dieu ! nous sommes malades, nous souffrons de mille maux aussi bien physiques que psychiques. Et alors je prends Kant - tenez, voici le titre d'un chapitre : "Von der Amphibolie der Reflexionsbegriffe" ("De l'équivoque des concepts de réflexion") - et j'ai envie d'hurler. Traitez-moi, si vous voulez, de péquenot ou de concierge, mais le fait est là : que m'importent la Wille et la Vorstellung, la volonté et la représentation, lorsque j'ai mal au ventre, que ma mère se meurt, que les étoiles brillent, ou que la vie est insupportable ? Ces gens-là sont à côté de la plaque ! mais personne n'ose le dire."
Avec Rainer J. Hanshe, Mary Shaw, Kari Hukkila, Carole Viers-Andronico, Pierre Senges, Martin Rueff & Claude Mouchard
À l'occasion du dixième anniversaire de la maison d'édition new-yorkaise Contra Mundum Press, la revue Po&sie accueille Rainer Hanshe, directeur de Contra Mundum, Mary Shaw, Kari Hukkila, Carole Viers-Andronico & Pierre Senges. Rainer Hanshe et son équipe publient la revue Hyperion : on the Future of Aesthetics et, avec une imagination et une précision éditoriales exceptionnelles, des volumes écrits en anglais ou traduits en anglais (souvent en édition bilingue) de diverses langues, dont le français.
Parmi les auteurs publiés : Ghérasim Luca, Miklos Szentkuthy, Fernando Pessoa, L. A. Blanqui, Robert Kelly, Pier Paolo Pasolini, Federico Fellini, Robert Musil, Lorand Gaspar, Jean-Jacques Rousseau, Ahmad Shamlu, Jean-Luc Godard, Otto Dix, Pierre Senges, Charles Baudelaire, Joseph Kessel, Adonis et Pierre Joris, Le Marquis de Sade, Paul Celan, Marguerite Duras, Hans Henny Jahnn.
Sera en particulier abordée – par lectures et interrogations – l'oeuvre extraordinaire (et multilingue) de l'italien (poète, artiste visuel, critique, traducteur, « bibliste ») Emilio Villa (1914 – 2003).
À lire – La revue Hyperion : on the Future of Aesthetics, Contra Mundum Press.
La revue Po&sie, éditions Belin.
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