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4,14

sur 524 notes

Critiques filtrées sur 4 étoiles  
Ce texte, parmi les plus célèbres de la littérature japonaise du XXème siècle, pourrait à première vue — à la lumière de ce que nous pensons savoir — sembler avoir un peu mal vieilli.
La claire opposition lumière / obscurité - Occident / Orient semble en effet avoir vécu : la matérialité, avec son cortège de normes de sécurité, sa foulitude de nouveautés, son irrésistible et planétaire attrait, ne connait plus de frontières ni de limites.

Se cantonner à cette lecture ferait à tort oublier la profonde différence qu'il existe encore aujourd'hui ( plus que jamais peut-être ) entre une société dont la préservation de traditions culturelles n'appelle pas forcément de négation à la modernité, et une autre dont la justement convoitée modernité implique l'abandon, voire la dénégation, d'une part importante de cet héritage.
Contrepoint contemporain de cette lecture, évidement absent de ses pages, il rôde dans l'esprit du lecteur habitué à passer outre ces rideaux et cloisons érigés entre les peuples.

Son approche matérielle à vocation spirituelle rappelle à chacun le nombre limité d'objets réellement nécessaires à une vie simple et épanouie, l'entièreté du cycle alimentaire comme centre de gravité.
Des éléments constitutifs et sûrement impératifs à notre humanité ( en opposition, cette fois-ci, à l'animalité ) se nourrir, en l'enveloppant dans un nuage de rites sociaux et concrets, revêt une importance capitale, d'autant plus quand elle permet le respect, la conscience et la sobriété de cette alimentation.
La culture japonaise a toujours beaucoup à apporter, à nous autres reste du monde, à ce sujet.

L'urgence décroissante à recycler, en quelques outils de métal, la petite boîte lumineuse qui partout nous accompagne — hideux miroir rétro-éclairé — se reflète au blanc de ces jolies pages imprimées.
Le commerce de mode auto-destructif comme véritable écueil civilisationnel ; l'âge et l'histoire d'un objet comme authentique richesse.

Une lecture qui prise à temps et en son temps entraînera force réflexions lumineuses, d'autres beaucoup plus sombres, comme cette effrayante ( mais efficiente ? ) volonté de « pureté » culturelle de ce peuple insulaire. Mais ce n'est pas cette nonantaine de pages qui apportera quelques éclaircissements, laissant le choix de la facilité au lecteur…

À noter que la maison d'éditions Philippe Picquier, grande spécialiste de littérature extrême-orientale, n'a pas su résister à la tentation d'avoir ce texte majeur à son catalogue, nous livrant une nouvelle traduction outre-nommée « Louange de l'ombre », comme si la leçon de ce texte, ainsi que sa magnifique première traduction par l'exégète René Sieffert, étaient bonnes pour le placard, alors que de nombreuses ré-éditions existent, celle-ci très jolie chez Verdier.
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Il m'a franchement amusée Junichirô Tanisaki, dans les toutes premières pages de cet éloge, en énonçant les principes fondamentaux d'un art de vivre japonais menacé par la modernité occidentale qui chahute déjà largement les usages traditionnels dans l'archipel au moment où il écrit (1933). Ainsi, quand les commodités les plus élémentaires de la maison d'habitation sont concurrencées par de rutilantes cuvettes à chasse d'eau, de disgracieux calorifères ou d'inconvenants éclairages électriques, se plait-il à rappeler combien ces "avancées" utilitaires s'accordent mal à l'idéal japonais des "petits coins" dont le lecteur découvre les principes, quelques pages plus loin, aux monastères de Nara ou de Kyôto. Puis convoquant le "génie national" Tanizaki questionne ironiquement cette victoire de l'hygiénisme rampant sur des habitudes largement séculaires. Entre purisme de la tradition et modernisme effréné lui, qui n'est pas totalement insensible aux sirènes du confort, tente avec humour de se frayer une voie médiane au grand péril de son budget. Mais cet antagonisme des valeurs sur lequel il s'attarde volontiers n'est qu'un prétexte, le véritable propos est ailleurs.

Une vraie philosophie cette esthétique de l'ombre et tant de grâce dans l'écriture d'un si petit recueil. Une quête de la beauté enfouie dans l'obscur qui revêt avec Tanizaki une densité insoupçonnée dans l'art d'habiter. Les sobres et discrets moyens de l'ombre convoquant les effets suggestifs les plus inattendus. La présence d'un auvent, le shôji d'une entrée, le fond d'une alcôve (Toko no ma), chaque recoin de la maison, chaque parcelle de matériau ou d'ustensile, la forme d'un aliment (jôkan), l'usure d'une patine deviennent promesse d'émotion sous lumière tamisée ou même indigente ; mais aussi le jeu de l'acteur (nô), le trait d'un maquillage, la pigmentation de la peau. Parcours de beauté peu ordinaire qui ne dévie jamais, malgré la subtilité de certains détours, d'un axe de sensualités où les plaisirs de l'oeil et du toucher s'allient à ceux du goût ou de l'oreille. Car outre l'objet, le geste, l'instant, toutes les sensations passent l'épreuve de l'ombre dans cet art inépuisable de la rêverie et de la contemplation auquel semble nous inviter l'auteur : une texture de papier (le hoshô duveteux), une saveur sublimée, une clarté suggérée dans un jeu d'opacités, le décor d'un laque, la profondeur d'un silence. A la moitié du livre, on se prend à plonger le regard au fond d'un bol laqué, en méditant sur quelques reflets luisants agitant la surface d'un simple bouillon. La grande prêtresse, ici, c'est l'ombre, la lumière devient accessoire. Dépaysant à plus d'un titre. Un pas vers la sérénité.

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Dans ce court essai écrit dans les années 30, l' auteur tente de nous (les occidentaux) faire comprendre les règles élémentaires qui régissent la vie quotidienne dans un Japon traditionnel. Il y est question de la douceur d' une lumière naturelle tamisée par les shôji, de dépouillement décoratif, de silence, de refus du clinquant.......Tout en admettant les bienfaits apportés par les progrès techniques galopants, Junichirô Tanizaki estime cette esthétique fortement menacée , par exemple par l' éclairage cru de l' ampoule électrique venant boulverser ces délicats jeux d' ombre et de lumière baignant l' intérieur des maisons traditionnelles.En bref, un livre bien écrit , non dénué d' une pointe d' humour, intéressant tant sur le plan culturel que philosophique.
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Réflexion sur la conception japonaise du beau, opposée à la conception occidentale. Monde de l'ombre opposé à la mise en lumière estimée clinquante par l'auteur. Celui-ci nous décrit l'esthétisme japonais dans tous les secteurs. Je suis restée un peu sur ma faim. Je pensais davantage découvrir des digressions sur l'ombre , la pénombre dans le sens du yin et du yan, le plein opposé au vide, etc.

Mais lecture intéressante malgré tout.
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Ce court essai sur l'esthétique japonaise traite de la place de l'ombre dans la pensée, l'environnement quotidien et l'art japonais. le début de la réflexion peut surprendre car il s'attache à disserter sur la difficulté d'installation du confort moderne dans une habitation de pur style japonais. Tanizaki évoque ainsi la gageure que représente l'introduction de l'éclairage électrique, du téléphone, des calorifères et des installations sanitaires. Très vite d'ailleurs, l'auteur dérive vers la considération des lieux d'aisance, évoque le Maître Sôseki, et parvient à introduire raffinement et poésie en décrivant la manière dont ces endroits sont traditionnellement agencés dans les monastères de Kyôto ou de Nara.

Ce faisant, Tanizaki commence à nous faire comprendre la différence fondamentale qui existe entre la pensée orientale et la pensée occidentale, comment cette pensée est modelée par la culture et l'environnement, et comment elle s'exprime dans l'architecture, l'artisanat des objets et la conception des demeures, le choix des matières et des matériaux. Progressivement émerge l'idée que l'ombre est une caractéristique fondamentale et même philosophique de la culture japonaise, ce concept s'élargissant à celui de la patine du temps et de l'usage. Tanizaki s'interroge sur les sciences et les technologies, la manière dont les principes culturels conditionnent leur évolution, et se demande ce que le Japon aurait pu produire en termes d'innovations technologiques s'il n'avait pas été contaminé par l'industrie occidentale. L'auteur s'appuie ensuite sur plusieurs exemples marquants comme celui des papiers, des laques, et même de la carnation des visages, offrant par ce biais une digression intéressante sur les formes théâtrales du nô et du kabuki.

Le monde occidental éprouve le besoin constant d'annihiler l'ombre et la nuit, tandis que la culture japonaise évoquée par Tanizaki se complait dans cette ombre qui nourrit l'intellect et l'affect d'une prodigieuse manière. Alors n'hésitez pas à lire ce court essai qui jette un rai de lumière sur les raffinements de l'ombre…
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Autant étude sociologique que réel exercice d'écriture, cet ouvrage débusque et analyse au scalpel l'ombre dans la société japonaise par le menu, le sensuel ou le quotidien.

Destiné autant aux Japonais qu'aux étrangers, le texte repose sur le paradoxe de jeter la lumière, et une lumière plutôt crue, taillée au couteau du fait de cette écriture incisive, sur l'ombre, la pénombre et l'intime.
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Tanizaki a écrit ce bref essai en 1933. Il y défend une esthétique de l'ombre, qu'il considère comme typiquement orientale, en réaction à l'esthétique de la lumière, qu'il tient pour occidentale et qui envahit irréversiblement le Japon.

Il préfère la pénombre, la patine, la laque, le masque qui induisent le calme, le mystère, la profondeur, la subtilité à la lumière, à l'éclat, à l'hygiène, au progrès. Il trouve que les appareils de chauffage, les WC, les lampes, les carrelages etc. ont été inventés et conçus pour les occidentaux dans une esthétique qu'il juge laide et tapageuse. Si les japonais avaient inventé ces appareils, ils auraient conçu des objets appropriés au goût japonais. Il prend l'exemple du stylo: un japonais l'aurait muni non pas d'une plume mais d'un pinceau, l'écriture en caractères latins n'aurait eu aucune audience et, il va jusque là, la littérature nippone n'aurait pas imité servilement celle de l'Occident.
La thèse en elle- même est assez caricaturale et on ressent un certain dépit : si les japonais avaient inventé les nouvelles techniques, elles auraient été adaptées selon lui à l'esthétique traditionnelle nippone. Mais son éloge est limpide, instructif, souvent amusant et toujours poétique.
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Je suis souvent réticente à lire la littérature japonaise, je m'y ennuie ferme à chaque fois ou presque. J'ai lu ce livre car un ami architecte me l'avait conseillé.
Pour une fois, je dois dire que ce livre m'a passionnée car j'ai tout compris et je mesurais pendant ma lecture à quel point cette grande civilisation est à l'opposé de la nôtre.

Quel auteur français commencerait à décrire les lieux d'aisance pour faire comprendre le charme des maisons de son pays ? Et pourtant ! N'est-ce pas là que nous dévoilons beaucoup de nos habitudes? Tanikazaki le pense et il m'a convaincue. de la même façon sa description de la femme japonaise, m'a fait parfaitement comprendre que je suis définitivement une femme française.


Lien : http://luocine.over-blog.com/
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L'auteur décrit avec ses yeux d'écrivain traditionaliste la société japonaise qui de plus en plus occidentalise.Par des exemples l'apparition de l'ampoule et son éclairage brutal vient mettre fin à une délicate esthétique entre le jeux subtils de la lumiére et de l'ombre. L'auteur d'écrit sur le théme de la gastronomie des observations sur la préparation de sushi qu'on déguste autant avec les yeux que par la bouche.La cuisine japonaise, a-t-on pu dire n'est pas chose qui se mange mais chose qui se regarde.
Les prise de positions de Tanizaki sur certain sujet, Léloge de l'ombre reste un magnifique essai sur le dépoiullement du superflu et le recuillement.En quel sorte un esrpit zen.
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Suivre les conseils de lecture c'est sortir de sa zone de confort, que ce soit au niveau des thèmes, genres ou styles d'écriture. Je dois avouer que j'ai été totalement, et agréablement, dépaysée par cette lecture.
Je sortais d'un livre de Stephen King, il m'a fallu une ou deux pages pour m'habituer à ce style à la fois très poétique et très imagé.
J'ai apprécié cette étude sur le beau et le magnifique. La notion de beauté est tout à fait subjective et est propre à chaque être et pourtant ici l'auteur nous montre que les tendances peuvent aussi résulter de choix civilisationnels. J'ai vraiment été conquise entre les notions orientales et occidentales. L'auteur met en lumière les oppositions mais aussi nous montre les dégâts de l'importation par exemple. Il est vrai qu'un tableau, une table, un vase peuvent être magnifiques dans un endroit et non dans un autre. le poids de l'environnement dans notre perception ainsi que l'importances des ombres ou lumières.
Je n'ai jamais pris autant de plaisir, je ne pensais pas que ça puisse exister, à découvrir la description de commodités.
L'auteur balaie la maison, les arts culturels et culinaires, tout est beau dans un environnement, surtout dans le sien. Pour exemple, du riz, même si très bien cuisiné, n'est pas forcément mis en valeur dans un bol en porcelaine blanche, mais va prendre sa beauté dans un bol en terre ou bois de nuance sombre.
Tout se trouve dans les alliances et leur harmonie ; d'où parfois le pavé dans la marre lors de l'importation d'une notion ou technique.
Les jeux d'oppositions entre les deux civilisations mettent en exergue leurs différences mais aussi leurs ressemblances ; car dans les deux cas la recherche de la beauté est présente mais les moyens d'y arriver et les ressentis sont différents.
L'auteur grâce à une plume que je trouve magnifique, n'ayant en plus pas du tout l'habitude de lire ce genre de livre, a su m'emporter, m'instruire, même si certaines réponses sur ses questionnements sur l'occident me sont parvenues naturellement. Je me suis surprise à me lancer moi aussi dans un questionnement sur la place des choses, le choix des couleurs mais aussi l'impact de notre éducation civilisationnelle.
J'ai apprécié être surprise, il est sûr que ponctuellement je glisserai sûrement d'autres lectures de cet auteur qui a su me convaincre. Une belle découverte.
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