LOPAKHINE : Excusez-moi, mais je n’ai encore jamais rencontré de gens aussi légers, aussi dénués de sens pratique, aussi bizarres que vous. On vous dit, en russe, que votre propriété est en train de se vendre et vous faites comme si vous ne compreniez pas.
LIOUBOV ANDREIEVNA : Que pouvons-nous faire ? Si vous le savez instruisez nous.
LOPAKHINE : Je vous instruis chaque jour ; chaque jour, je vous répète la même chose. Il faut lotir, et la cerisaie, et votre propriété tout entière. Cela très vite, tout de suite ! Car la vente aux enchères vous pend au nez. Essayez de comprendre ! Décidez une fois pour toute de lotir, d’admettre que des villas se construisent, et on vous donnera autant d’argent que vous voudrez et vous serez sauvés.
LIOUBOV ANDREIEVNA : Des villas, et des locataires de villas…mais… c’est si vulgaire !
GAÏEV : Je suis tout à fait d’accord avec toi.
LOPAKHINE : Je vais pleurer, ou crier, ou tomber évanoui. Je n'en peux plus ! Vous me torturez trop !
LA CERISAIE - Acte II
MACHA : Savoir trois langues dans cette ville est un luxe superflu. Une sorte d’appendice tout à fait superflu, quelque chose comme un sixième sens. Nous savons bien des choses inutiles.
VERCHININE : (Il rit.) Vous savez bien des choses inutiles ! Et moi, il me semble qu’il n’existe et ne peut exister aucune ville assez triste, assez morose pour que des personnages instruits n’y soient pas nécessaires. […] Dans deux ou trois cents ans, la vie sur terre sera extraordinairement belle et étonnante. L’homme a besoin d’une telle vie, et si elle n’existe pas encore, il doit la pressentir, l’attendre, rêver d’elle, se préparer à elle, et pour cela il doit voir et savoir d’avantage que ne virent et ne surent son père et son grand-père. (Riant.) Et vous, vous vous plaignez de savoir bien des choses inutiles !
LES TROIS SŒURS - Acte I
FIRS : Oui, il y a longtemps que je vis. Votre papa n’était pas encore au monde que déjà on voulait me marier…. (Riant.) Et l’année de l’affranchissement, j’étais premier valet de chambre. Je n’ai pas voulu de cet affranchissement, et je suis resté chez mes maîtres. (Pause.) Je me rappelle, ils étaient heureux. Heureux de quoi ? Ils ne le savaient pas eux-mêmes.
LOPAKHINE : C’était le bon temps. Au moins on vous fouettait.
LA CERISAIE - Acte II
LOPAKHINE : Mon père, il est vrai, était un moujik, et moi, me voila avec un gilet blanc et des bottines jaunes. Bref, je fourre mon groin dans la farine… Bien sûr, j’ai de l’argent, beaucoup d’argent mais il suffit de gratter un peu pour voir que je ne suis qu’un moujik parmi les moujiks.
LA CERISAIE - Acte I
VERCHININE, arpentant la scène : Je me dis souvent : si on pouvait recommencer sa vie consciemment, cette fois ! Si l’on pouvait vivre une vie comme on fait un brouillon, et ensuite la revivre dans une version plus définitive ! Alors, il me semble que chacun de nous essaierait de ne pas se répéter, et de créer en tout cas des conditions de vie différentes. […] SI je devais recommencer ma vie dès le commencement, je ne me marierais pas…Non, non !
LES TROIS SŒURS - Acte I
Benoît Jacquot avait réuni Isabelle Huppert et Fabrice Luchini pour un long métrage de fiction, Pas de scandale, en 1998. le cinéaste les a retrouvés au Festival d'Avignon, en juillet 2021, mais séparément cette fois, pour les besoins de son nouveau film, Par coeurs. Un documentaire passionnant sur le travail d'une comédienne et d'un comédien tous deux hors normes, suivis la veille et le jour de la première représentation de leur spectacle respectif : La Cerisaie, de Tchekhov, monté par Tiago Rodrigues dans la vaste cour d'honneur du palais des Papes, pour elle ; un seul-en-scène autour de Nietzsche dans le cadre plus intimiste de l'Hôtel Calvet, pour lui . Avec un scoop : Isabelle Huppert, la perfection faite actrice, est capable de « bugs » comme tout le monde - à savoir, buter inexorablement sur une longue réplique de sa pièce il est vrai assez complexe à mémoriser !
Par coeurs sortira en salles le 28 décembre 2022. En attendant, découvrez sa bande-annonce en exclusivité sur Telerama.fr. le film sera par ailleurs présenté en avant-première à Paris au cinéma L'Arlequin lors d'une séance spéciale le lundi 12 décembre à 20h15. La projection sera suivie d'une rencontre avec Isabelle Huppert, Fabrice Luchini et Benoît Jacquot animée par Fabienne Pascaud, directrice de la rédaction de Télérama - les places sont en vente ici :
http://dulaccinemas.com/cinema/2625/l-arlequin/article/138713/avant-premiere-par-coeurs-en-presence-de-benoit-jacquot-isabelle-huppert-et-fabrice-luchini
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