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sur 1526 notes

Critiques filtrées sur 4 étoiles  
Assurément un grand animal ! Et quel animal… Saul Karoo, la cinquantaine bien tapée, le sale type : d'un égoïsme crasse, le mariage en ruines, paquet de clopes sur paquet de clopes, plus d'alcool que de sang dans les veines, à niquer sa santé comme les minettes qu'il arrive encore à mettre dans son lit. Qu'il est tentant de le détester ! Mais…

Mais Karoo, c'est cet homme brillant qui voit dans chaque scénario de film qu'il retape les mérites et les manques. Il transforme la boue en or, en dollars sonnants et trébuchants. Cet homme qui démystifie toute la complexité des rapports humains, il porte en lui ce truc quasi-extralucide. Il sait instinctivement le vrai, l'oeuvre, l'essence des hommes.

Mais Karoo, c'est cet homme prisonnier d'un rôle sur le plateau de cinéma de la vie. À simuler l'ivresse pour tenir son jeu d'alcoolique notoire, à rendre la réplique à sa femme dans leurs joutes verbales qui ne sont que des mises en scène publiques. Il tient vaillamment le personnage que les autres veulent qu'il soit, et il se regarde faire, spectateur de son propre jeu.

Mais Karoo, c'est cet homme qui voudrait être capable d'aimer, de se racheter auprès de son fils. de réécrire son histoire et celle toute cabossée de Leila dont le rire sur une pellicule fait tout basculer. Il veut changer leurs vies comme il répare les scénarios. Cet homme qui, en jouant les apprentis sorciers, oublie que la réalité n'a rien d'un happy-end à la sauce hollywoodienne et conduit ainsi son petit monde au drame.

Enfin Karoo, c'est cet homme qui vous touche terriblement, malgré ses travers, car ce n'est finalement rien qu'un humain. Capable de médiocrité comme de grandeur. Et sa chute est aussi spectaculaire que tragique.
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Me voici plongée dans une histoire bien étrange sur laquelle je n'ai pas réussi à me mettre d'accord avec moi même quant à mes ressentis de lecture.

Saul Karoo travaille dans le domaine du cinéma. Persuadé qu'il n'a aucun talent lui même, il réécrit des scénarios, réarrange des films, bref il repasse sur le travail des autres et est grassement payé pour le faire.

Il est en cours de divorce mais son couple n'a jamais été aussi heureux que dans cette configuration. Il est le père adoptif d'un jeune homme allant à Harvard. Il est surtout imbuvable, grotesque et pathétique !

Menteur invétéré, il est incapable d'être honnête avec qui que ce soit, parfois pour des raisons honorables (mais y a t il de bonnes raisons au mensonge ?) comme épargner la douleur à autrui mais la plupart du temps uniquement par jeu ou pour se conformer à une certaine idée que les gens ont de lui.

Il passe son temps à se faire des films dans sa tête, autant qu'il en arrange dans la réalité de son métier. Mais cela va le conduire à l'aveuglement.

J'ai passé la plupart de mon temps de lecture à exécrer ce personnage. Néanmoins, sa façon de se mouler à l'image que l'on a de lui est attachante et souvent pleine de bonnes intentions. D'un autre côté, cette même attitude fait pitié, comme s'il était dans l'incapacité totale d'avoir une volonté propre à l'extérieur de sa tête. En fait c'est cela, Saul m'a fait pitié. Mon jugement a été dur et s'est quelque peu adoucit sur la fin, les événements m'obligeant à une plus grande compassion.

Il y a une importante réflexion sur le sens de la vie et l'intensité que l'on met à la vivre avec un rappel de la vivre à fond plutôt que de regretter ! C'est malheureusement quand on a tout perdu que les remords affluent et que l'on souhaite reconstruire son parcours à coups de « et si… ».

Une lecture mitigée donc, un style agréable, une histoire inédite et parfois drôle, mais un personnage qui m'a tellement irritée que mon plaisir de lecture s'en est ressenti, même si c'est cette personnalité qui en fait toute l'originalité. Haaa les contradictions !
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Ce roman est aussi majestueux que son personnage principal est peu recommandable. C'est toute la beauté de l'exercice. Et l'exercice est brillamment réussi. Les pages foisonnent d'irrévérence, de comportements délirants, de dollars balancés comme on jetterait des cacahouètes à des singes, de chevelures choucroutées, d'ivresse surjouée, de gueule de bois réelle, d'amour et de solitude infinis. Karoo a appris le mensonge aux arracheurs de dents. Il écrit pour ceux qui jouent des rôles. Il joue son rôle aussi. Il souffre de milles maux, de milles mots. Il est détestable, un poil misanthrope. Il souffre d'une incapacité totale à s'enivrer, quelle que soit la quantité gargantuesque d'alcool qu'il ingurgite. Il est incapable d'intimité, jusqu'à la rencontre qui va changer sa vie…mais je ne dévoile rien.
Le début au Dakota Building, m'a rappelé certains moments de Vercoquin et le Plancton de Boris Vian. C'est rarissime de trouver un ton aussi cocasse et fin.
C'est également un roman très Newyorkais ; je craignais que ce soit un travers, mais cela s'est transformé en qualité au fil des pages. le monde hollywoodien en prend aussi pour son grade.
Ce roman, qui plus est dans la belle édition de Monsieur Toussaint Louverture, est un moment de lecture lumineux, malin, intelligent, drôle, profond et léger. Un feu d'artifice. Un image simple que l'on regarderait à travers un kaléidoscope.

Alors, faut-il le lire ? Oui. Et Vercoquin et le Plancton aussi…
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Un livre qui nous inspire ! Métaphore d'une maladie mentale, pamphlet contre l'alcoolisme, étude sur les dépressifs ? Nous n'en dirons pas plus. D'autant que ce livre semble être interprété de bien des manières selon les lecteurs, ce qui en fait un plaisir que l'on peut s'approprier. Nous rappelant, de loin, l'univers de Bret Easton Ellis, un mélange de Lunar Park et de Moins que zéro, Karoo de Steve Tesich est un régal que l'on dévore d'une traite, au risque de ne pas fermer l'oeil de la nuit.

Adeptes de l'ironie et de l'humour noir, vous vous régalerez, même si une petite voix dans votre for intérieur ne pourra s'empêcher de se demander : s'agit-il réellement de second degré ? Un humour grinçant, des dialogues époustouflants, un style léger mais parfaitement maîtrisé, on a envie de prendre des notes en lisant le livre, s'extasiant sur certaines phrases, si simplement écrites mais si justes, pleines de sens, d'esprit et d'humour. On est tenté d'en retenir, pour débiter des citations de ce livre et briller en soirée.

Si vous doutez de nous, passez chez votre libraire préféré et lisez les deux premières pages, vous ne pourrez plus vous arrêter !
Et allez, on vous offre une citation qui ne vous dévoilera rien : « Un des effets secondaires les plus décourageants de mon incapacité à m'enivrer n'était pas que je subissais ces ragots alors que j'étais sobre, mais que j'allais m'en souvenir le lendemain. L'amnésie était l'un des vrais plaisirs de l'ivresse. […] Chaque matin était un nouveau commencement. J'étais synchrone avec la nature. La mort le soir, la naissance et le renouveau au matin. »
Lien : https://labibliothequedechar..
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Ça commence comme une farce. Une telle farce qu'on peut à peine lire tellement on rit. Une si grosse farce qu'on se demande comment l'auteur a pu écrire ça. La farce évolue en tragi-comédie et finit par être bien plus qu'un drame. Ce sera un désastre absolu. Un tel désastre que qu'en tant que lecteur, on peut à peine supporter, et qu'on se demande comment l'écrivain a pu écrire cela.
Ames sensibles, réfléchir avant de commencer ce livre.


Steve Tesich
Tesich était d'origine serbe (immigré en Amérique à l'âge de 14 ans) et a étudié la littérature russe. Il est resté dans le milieu du cinéma en Amérique. Avant que Karoo n'apparaisse, il a écrit plusieurs pièces de théâtre et scénarios. Il a reçu de nombreux prix, comme l'Oscar du meilleur scénario ou le Writers Guild of America Award de la meilleure comédie. Il a terminé le livre Karoo en 1996. Il a été publié à titre posthume, car Tesich est décédé d'une crise cardiaque à l'âge de 53 ans. Je ne pense pas que sa mort est survenue à cause de l'écriture de ce livre, comme certaines critiques l'ont suggéré, ironiquement ou non.


Karoo, le personnage principal
Soul Karoo souffre de toutes sortes de maux. Ainsi, il ne peut plus devenir saoul. En plus, il fait aussi toujours ce que l'environnement attend de lui. Parce que tout le monde s'attend à ce qu'il se saoule tous les soirs, il boit des litres d'alcool et fait semblant d'être ivre. Une autre maladie est qu'il ne peut pas être en compagnie d'une seule personne. Il doit toujours y en avoir plusieurs. Ou encore, qu'il n'arrive pas à divorcer de son ex, qui n'est donc pas encore son ex officiellement.


Outre ses maladies, Karoo possède également de nombreux atouts. Il peut brillamment monter des films pour que même le pire film devienne un succès, et il gagne beaucoup d'argent en faisant cela.


Il a également une excellente perspicacité psychologique, à la fois en lui-même que dans les esprits bavards des Hollywood qui l'entourent. Il semble être l'un des rares à pouvoir comprendre la folie de ce monde, et de cette manièere une honnêteté reste ancrée en lui. Mais son inconvénient est que, malgré sa perspicacité psychologique, il ne change pas.


Pourtant, il aimerait changer. Parce qu'il a un tendon d'Achille. Il veut faire amende honorable avec son fils, avec qui il n'a pas eu de relation depuis des années. Comment peut-il faire cela, lui qui ne peut pas s'asseoir dans une pièce avec seulement une seule personne ?


Karoo, l'intrigue
Dans son existence hollywoodienne indifférente et pas inconfortable, Karoo veut faire sa rédemption avec son fils, mais il n'a aucune idée de comment il pourrait le faire. Jusqu'au jour où il reçoit un film avec la question de refaire le montage. Karoo réalise immédiatement que le film est une pure oeuvre d'art. Refaire le montage serait un crime, car il est parfait comme il est. Rien ne peut être changé. Une femme apparaît dans le film. Une femme très spéciale, qui joue un rôle de soutien. Dès que Karoo la voit, il a un plan pour faire amende honorable avec son fils.


Karoo, le style
Tesich n'écrit peut-être pas comme les écrivains absolument excellents, mais il écrit comme les meilleurs. La farce au début fait rire, le drame à la fin rend incroyable tant de désastre. Entre les deux, c'est joli, bien que parfois un peu trop stéréotypé. Il y a beaucoup de réflexions intelligentes sur le personnage principal du texte, psychologiquement et philosophiquement.
Ce qui est étrange, c'est que dans l'histoire, au fond, presque rien ne semble se passer. La vie de Karoo se déroule doucement avec toutes ses bizarreries. Mais en réalité, il se passe énormément de choses.


Karoo, livre obligatoire pour tout étudiant d'un cours d'écriture
Chaque écrivain écrit complètement différemment, et donner un cours d'écriture est donc impossible. Pourtant, chaque écrivain en herbe apprend les mêmes trucs et astuces - dont ils peuvent s'écarter autant qu'ils le souhaitent s'ils sont suffisamment créatifs. Karoo ne fait qu'appliquer les mêmes règles que celles recommandées aux scénaristes pour le montage de ses films. le personnage Karoo résume la façon dont il monte ses films. L'écrivain Tesich applique également ces règles à son livre. Et avec succès. Même s'il est parfois un peu trop transparent, s'il ne déroge pas trop strictement à ses règles d'écriture, cela reste très bien écrit. Ce livre est littéralement un manuel pour apprendre à écrire. Il peut ainsi économiser beaucoup d'argent à tout écrivain en herbe qui voudraient suivre ces cours d'écriture coûteux. Tout ce qu'on y apprend se trouve dans ce livre. Avec en prime un exemple travaillé.


Le développement de l'intrigue
De même que Tesich s'écarte un peu trop peu de son cours d'écriture lorsqu'il écrit, il s'écarte aussi un peu trop peu du fil conducteur de son livre en ce qui concerne l'intrigue. Cela le rend agréablement clair, mais parfois cela devient un peu ennuyeux. Mais surtout le développement final dans l'avant-dernière et dernière partie devient un peu incroyable. Tesich fait même réfléchir son protagoniste sur la structure narrative de ce qu'il vit, de sorte que nous connaissons les idées de l'écrivain à ce sujet. le fait-il parce qu'il hésitait si ce développement de l'intrigue était le bon choix ? En tout cas, Tesich a pu lire dans la tête de nombreux lecteurs de façon très perpicace, et il s'est rendu compte que de nombreux lecteurs auraient des doutes sur les développements à la fin. Il a donc en tout cas choisi très consciemment pour le livre tel qu'il existe aujourd'hui. Ainsi soit-il.

Conclusion:
Positif : magnifique, hilarant, dramatique et réflexions intelligentes, intrigue captivante
Négatif : si on veut faire le difficile on peut dire que le style et le contenu auraient pu être un peu meilleurs. Mais que cela n'empêche pas de lire le livre. C'est un chef d'oeuvre.
Avertissement : Pas pour les lecteurs super sensibles (bien que j'en suis un moi aussi, et j'ai adoré ;) ).
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Karoo c'est pas seulement l'histoire d'un mec blasé, c'est comment exprimer sa parano tout en faisant croire aux lecteurs qu'on est pas parano. Tu me suis ? J'imagine que non. Attends j'vais clarifier autant que je le peux.

Saul Karoo est docteur en cinéma. Il guérit les films en retravaillant le scénario à sa sauce, le rendant plus bankable. le seul problème avec Saul Karoo c'est que la seule chose qu'il sait guérir, c'est les films. Se guérir lui-même, de lui-même il peut pas. Pourquoi ?

Bah parce qu'il est en dépression. du coup il a une manière de voir les choses qui sont complètement incomprises par ses proches (il aime par dessus tout son fils adoptif, sauf qu'il le trahit constamment, ...). Ah ouais, il a une maladie dont il a conscience ; celle de plus arriver à se bourrer la gueule.

Je veux dire de devenir ivre. L'ivresse quoi, HOP disparue. (la chance !). Sauf que du coup il est obligé de feindre le fait d'être bourré pour continuer de faire croire à son entourage qu'il est un alcoolique engagé.

Un fou furieux quoi.

Un fou furieux qui augmente notre plaisir de destruction de l'autre au fil des pages. de l'autre pas au sens général, l'autre, Karoo. C'est sincèrement malsain de savoir qu'il va s'en prendre plein la gueule, même lorsque il reprend du galon après avoir rencontré Leila Millar, et que nous BRAVES LECTEURS nous continuons de lire, lire et relire cette déchéance.

LE roman complet.

Du cul (un peu), du trash (un chouïa plus), du cynisme (à forte dose), de la maltraitance, du dégoût, de l'amour et de la mythologie (allez, allons-y quoi !).
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J'ai découvert ce livre presque par hasard, grâce au petit coeur apposé par le libraire sur la couverture brillante. Heureux hasard car il n'y a pas que la couverture qui est brillante !!
On l'adore, on le déteste, on le prend en pitié, on peut parfois se retrouver en lui parfois, bref, Karoo ne peut laisser personne indifférent. On dévore ce pavé.
Ce Karoo, moults adjectifs peuvent lui convenir même si chaque lecteur peut le voir différemment. Il est arrogant, cynique, méchant, ironique, réaliste, isolé, solitaire, comique, égoïste (voir narcissique), alcoolique, malheureux, riche, doué dans son métier...
L'auteur a parfaitement construit la vie de Karoo, mettant en contraste sa réussite professionnelle et son échec familial. Il amène également des personnages haut en couleur et très bien caricaturés, des reflets cyniques mais réalistes de notre société.
Aucun temps mort tout au long de roman avec ce(s) surprenant(s) personnage(s) avec une fin des plus réussies.
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Karoo qui comme Ulysse… ?

Saul Karoo est un "script doctor" talentueux et riche qui excelle à remettre d'aplomb des scenarii bancals.

Karoo est aussi un menteur forcené.
Il ment à sa future ex-femme, à son fils, à ses amis, à ses ennemis…Parfois, il se ment aussi à lui même.
Mais Karoo est un menteur sincère.

Au delà de l'oxymoron, il y a une réalité, car Karoo ment aussi pour faire plaisir. Il passe sa vie à se conformer à l'image que les autres ont de lui : un alcoolique mondain cynique, velléitaire à temps plein…pour les mettre à l'aise.

Pourtant, comme il est aussi terriblement lucide, il souffre, sait qu'il est meilleur au fond de lui et il cherche une rédemption.

L'occasion semble se présenter le jour où on lui confie un chef d'oeuvre incompris qu'on lui demande de remanier.
A cette occasion, il fait une découverte importante issue de son passé, mais en s'improvisant démiurge et en cherchant à réécrire sa vie comme un scenario, sur le point de dire enfin une vérité, il va connaître la chute.

Roman brillant, original, drôle et fort avec un personnage principal auquel on s'attache vraiment. Tout n'est pas parfait sans doute et certains passages sont un peu alanguis. Mais le récit comporte des moments poignants, comme celui de son séjour chez sa mère vieillissante ou encore ce voyage en voiture où Karoo sent que le scenario qu'il a échafaudé ne se réalisera jamais et parle, parle, pour ne pas entendre la vérité qu'il pressent.

Karoo est un Ulysse qui ne parvient pas à retrouver son Ithaque. A la fin de son voyage, alors qu'il pense s'être trouvé, plus personne ne le reconnaît.
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C'est un ovni littéraire, un livre qu'il est difficile de classer et qui m'a demandé un peu de temps à digérer après avoir tourné les dernières pages.
Saul est un personnage haut en couleurs et rempli de contradictions malgré l'image que les autres perçoivent de lui. Dianah en revanche est un personnage que j'ai très vite pris en grippe par sa suffisance et sa condescendance. Elle est insupportable ! Billy et Leila sont deux personnages que j'ai apprécié plus pour ce qu'ils apportent à l'histoire que pour leur personnalité elle-même.
Chaque partie installe un peu plus l'histoire. Si, pour la 1re, on reste sur du “contemplatif”, on voit très vite où l'on va avec la 2e. Les 3e et 4e parties qui développent la tension et la 5e qui “cloue” le spectacle. Si j'ai senti la tension monter et que la 5e partie est prévisible, la chute finale m'a laissée très perplexe !
C'est un livre incroyable sur la profondeur psychologique de ce personnage si ambivalent mais qui pèche un peu sur sa fin sortie de nulle part !
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Qui est, en définitive, Saul Karoo ?

Est-il la représentation du dernier stade en date de l'évolution humaine ? Stade auquel l'individu, soumis aux diktats d'une société de l'image et de la réussite sociale, aurait annihilé en lui toute faiblesse sentimentale, toute propension à l'émotion ?
Est-il la victime d'un environnement que la combinaison des éléments (familiaux, sociaux, professionnels) aurait rendu émotionnellement déficient ?

La seule certitude, c'est que Karoo est malade. Malade parce qu'il a un vide en lui, qui finit par le dévorer... le roman de Steve Tesich est en quelque sorte le récit d'un homme qui, parti en quête de ses profondeurs, en est revenu bredouille, et ne l'a pas supporté !

A première vue, tout va bien, pourtant, pour ce quadragénaire américain installé dans un somptueux appartement New-Yorkais. Cet écrivaillon sans talent a fait fortune et s'est rendu célèbre dans la réécriture de scenarii pour le cinéma. Il transforme en succès commerciaux les oeuvres soumises à sa plume. Son patron lui fait totalement confiance. Il ne s'est jamais aussi bien entendu avec sa femme que depuis qu'ils se sont séparés, et qu'ils n'en finissent pas de discuter les termes de leur divorce. Son fils adoptif, Billy, jeune homme beau et intelligent, l'adore.
Certes, ses proches le considèrent comme un menteur aux vaines promesses... Il est cynique, de mauvaise foi, et c'est de surcroît un alcoolique notoire. Et puis il est affligé d'une sorte de répulsion envers l'intimité qui l'empêche d'avoir des rapports profonds et sincères avec ses proches, notamment avec son fils.
Mais Karoo semble accepter avec philosophie cette image de lui, dont il joue d'ailleurs lui-même, avec une désinvolture étudiée. C'est en effet tellement plus facile, plus confortable, de se conformer à l'image que les autres ont de vous, et que vous avez d'ailleurs contribué à construire. Cela dispense des remises en questions...

Et puis arrive un jour où l'alcool n'a plus aucun effet sur lui, quelle que soit la quantité absorbée. Mais il continue de simuler l'ébriété. Il réalise qu'il a pris du poids, que ses cheveux sont ternes et son teint terreux. Mais il fait celui qui n'en n'a cure.
Et puis arrive un jour où un problème de conscience se pose à lui, lorsqu'on lui demande de remanier le film d'un talentueux cinéaste sur le point de mourir, qui s'avère être un chef-d'oeuvre. Mais sa conscience va rapidement se taire : par habitude, par confort, toujours, il choisit de faire ce que l'on attend de lui. Pourtant, c'est un élément de ce film qui va lui donner, croit-il, l'occasion de faire enfin quelque chose d'utile et d'altruiste. Mais cette occasion ne va faire qu'accélérer sa chute...

"Karoo" est une farce, mais une farce sinistre, désespérée, teintée de cet humour que l'on utilise pour sauver la face, alors qu'on sait pertinemment que tout va mal.
C'est l'épopée tragicomique d'un homme qui semble pris d'une abyssale terreur de vivre. Pas de vivre au sens commun du terme, mais au sens d'exister. Saul est incapable d'être en accord, en paix avec lui-même, car il ne sait pas qui il est. A force de jouer un personnage, il l'est devenu. Il n'est quasiment plus qu'une sorte d'enveloppe vide, qui dissimule son vague malaise intérieur derrière des masques conformes à ce que les autres voient en lui. Son incapacité à supporter l'intimité avec autrui s'étend aussi à lui-même.
Il a beau être conscient de certains de ses défauts, il met en place des barrières de mauvaise foi et de bonne conscience pour se dédouaner, évitant ainsi de devoir y remédier.

Ce mélange de lucidité et de complaisance est bien à l'image de la société dans laquelle il évolue, où l'individu ne sait plus que se donner en représentation. Il perd de vue l'essentiel (la spontanéité, la sincérité), et finit par se perdre lui-même.
C'est, bien sûr, glaçant, mais "Karoo" est aussi un roman réjouissant, grâce à l'écriture enlevée, percutante, de Steve Kesich, et à l'humour qu'il y distille, même si c'est un humour... noir !
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