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Critiques filtrées sur 3 étoiles  
"Mardi 22 juin

Plage du Corsaire, de nouveau. Je surmonte mon appréhension et me jette par l'échelle de métal. Plaisir d'avoir dépassé la peur et de monter et de descendre au gré des vagues. Elles font de moi ce qu'elles veulent. Des algues détachées des roches frôlent mon corps. Pour la sortie, je ne me fais pas de souci, j'émergerai au bon moment, dans une brève accalmie, comme il y en a après une crise."

Un immense sentiment de solitude m'a assailli lors de la lecture de ce récit. Et pour cause : conçu comme un journal, tout comme un road book serait un journal de marche, ce livre manque cruellement de rencontres et de partage … Je suis une grande nageuse et une grande marcheuse, et jamais je n'avais noté à quel point ces deux activités étaient différentes, et combien la nage, en dépit de la beauté des mers, des océans ou des lacs, est « vide » à en pleurer. Jamais je n'avais remarqué à quel point j'étais terrestre, attachée à cette bonne vieille terre, aux (grandes et petites) bestioles qui la peuplent et aux herbes qui y poussent, en dépit de mon amour et de ma fascination pour l'eau.

Le livre, donc : un journal des jours de nage de l'auteure, augmentée de notes de lecture autour de la mer, comme les travailleurs de la mer, de Victor Hugo, ou « le tumulte des flots » de Mishima, mais aussi « les journaux » de Kafka et d'autres.

De mes expériences aquatico-littéraires précédentes, j'ai préféré la poésie de « Ultramarins » de Navarro, la sensualité d' »un corps tropical » de Marczewski ou encore le récit de Murakami dans l' « autoportrait de l'auteur en coureur de fond » pour la description de l'état de béatitude consécutif à un effort intense.

« La mer n'a pas d'âge. Elle ne procède pas, à l'image des montagnes, par strates successives datables. L'effacement est son principe. Chaque vague annule la précédente. » J'ai bien peur qu'il en va des lectures comme des vagues …
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Dans "Journal de nage", Chantal Thomas se jette à l'eau en toute simplicité. En raison de la forme fragmentaire du journal, il est difficile d'en faire un résumé. Je dirai seulement qu'il couvre l'été 2021 après la crise sanitaire. Il est précédé d'intéressants chapitres sur le confinement et les problèmes liés au corps qu'il a soulevés.
Le titre pourrait suggérer un texte léger ou superficiel, mais il n'en est rien. Une phrase de Kafka en exergue — « comme sont éloignés par exemple les muscles de mes bras » — annonce la couleur en plaçant d'abord le texte sous la protection d'un immense auteur et ensuite en nous rappelant l'importance des bras, certes pour la nage, mais aussi pour l'écriture… et pour de nombreuses autres activités pourrait-on arguer. Quoi qu'il en soit, cette phrase lue pendant le confinement a profondément touché Chantal Thomas, elle l'a atteinte, elle l'a traversée, elle a commencé de la faire réfléchir sur l'aventure de son corps durant cette période. Chantal Thomas s'est rendu compte comme beaucoup d'autres confinés qu'une partie de son rapport au monde était en train de changer, que l'angoisse de l'isolement et des restrictions faisait dépérir et même disparaitre l'énergie ou la joie qui surgit du corps dans un rapport harmonieux au monde. Personnellement, je ne me suis pas reconnu dans ce constat, mais je partage tout de même l'idée que l'épidémie nous a fait percevoir l'autre, son corps, son souffle, comme une menace, une impression qui m'était totalement étrangère avant cela.
Cette sombre introduction au journal ne rend que plus lumineuse la suite dans laquelle elle raconte jour après jour durant l'été 2021 comment la nage, la lecture et l'écriture, dans un même mouvement, lui ont permis d'exulter, de se réapproprier son corps et de retrouver santé mentale et physique. Les séances de nage sont décrites de manière très sensuelle avec le corps comme objet d'étude. Il y a tout d'abord l'entrée dans l'eau, c'est-à-dire l'entrée « dans un autre mode d'être » avec l'appel de la mer malgré sa froideur ou sa rudesse. Puis vient le temps des premières brasses « avec le bien-être d'un réchauffement au rythme [des] mouvements, la sensation d'une étrange familiarité. » Chantal Thomas s'éloigne de la plage, échappe à sa vie quotidienne, met à distance son existence. Ses réflexions jaillissent en courtes phrases : « La mer n'a pas d'âge. Elle ne procède pas, à l'image des montagnes, par strates successives datables. L'effacement est son principe. Chaque vague annule la précédente. Être propulsé dans l'intemporel constitue un élément de la joie de nager. La mer n'a pas d'âge, le nageur non plus. » C'est aussi l'occasion de délicates descriptions du paysage, de la côte, celle du Château de l'Anglais, celle de végétaux… Il y a aussi les rencontres de baignade, avec des personnages que je garderai longtemps en mémoire comme le nageur-chanteur d'air d'opéra ou Adam, le petit garçon avec qui Chantal Thomas dialogue sur la plage. Tout le talent de la romancière s'exprime là avec ces personnages qui traversent son existence de manière fugace.
Parallèlement à la nage qui libère son corps confiné, chaque jour Chantal Thomas s'immerge également dans la littérature, dans la lecture d'autres écrivains, dans l'écriture de ses notes. Cette plongée dans les écrits nous emmène à la rencontre de textes de Florence Delay dont j'ai aimé le dernier "Il n'y a pas de cheval sur la route de Damas", ceux de Paul Morand, de Patrick Deville, de Kafka. On voyage aussi avec Roland Barthes, Victor Hugo, Lord Byron. La littérature devient alors nourriture spirituelle, une dimension que je partage totalement. Moins intimes, ces digressions, bien que ne manquant pas d'intérêts, m'ont moins touché que les parties sur la nage.
Je recommande néanmoins cet intime "Journal de nage" pour la joie post-confinement du retour à soi-même et au monde qui en émane. Chantal Thomas a été bien inspirée de garder une trace sur le papier de ses activités aquatiques qui paradoxalement n'en laissent pas dans l'eau.
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Nager lui est nécessaire, naturel.

En mélangeant ces expériences de bain sur l'été post COVID avec ses lectures et ses observations du quotidien, elle nous plonge au coeur d'une belle méditation humaine, le corps, l'âme et l'esprit qui cheminent ensemble dans le résultat non travaillé d'un lâcher prise vital

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Tout commence, alors que l'auteur vient passer son été à Nice et y redécouvre en quelque sorte le plaisir des bains de mer, telle une délivrance à ces semaines d'enfermement. Au fil des pages, on comprend que le récit de ses sessions de nages, n'est en fait que prétexte pour se laisser aller à tout un tas de réflexions personnelles sur la vie.Au fur et à mesure que le récit se fragmente, l'on ne sait plus vraiment si l'auteure est en train de nager, de discuter avec des passants sur la plage, ou dans son propre appartement, on voit alors émerger le questionnement au rapport à la Mer et par extension à la Mère, dont elle semble encore porter le deuil, et dont l'image lui revient sans cesse tels les remous des vagues.
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L'ouvrage est brillant et fourmille de références culturelles à des artistes ayant eux aussi exploré de façon singulière leur rapport la figure maternelle… que l'auteure parvient à nous livrer avec fluidité, afin de mieux nourrir sa propre réflexion. Et il faut avouer qu'on se laisse savoureusement porter par ses divagations, à tel point que cela nous semble naturel.
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Enfin l'un des points que j'ai adoré dans cette nouvelle, c'est la mise en lumière de cette espèce de lien universel qui relie tous les baigneurs. Sur la plage, se crée une forme de reconnaissance et d'empathie immédiate entre nageurs, où peu importe leurs exploits nautiques, le statut social ou l'ethnie d'origine des uns et des autres, la mer met tout le monde sur un pied d'égalité le temps suspendu d'une baignade.
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Enfin derrière même l'emploie du terme “nage”, et non “natation”, on peut y voir une certaine forme d'invitation à la lenteur, à se laisser porter par les flots, métaphore évidente des remous qui brasse son esprit lors de l'écriture de ce livre.
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Si la longueuse que je suis a tout de suite été envoûtée par cette couverture d'un bleu hypnotique, j'avoue que la simple évocation du covid m'a un peu fait hésiter à me plonger dans cette lecture, je peux te rassurer l'évocation du terrible virus n'est là que pour poser un cadre au récit, et on est très vite happé loin de tout ça et l'on comprend alors tout le pouvoir salvateur de la nage.

Lien : https://youtu.be/S_CmSMRjFGM
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Il y a quelque chose dans le bleu de cette couverture qui m'a attirée dès que je l'ai vue. Je n'avais jamais lu Chantal Thomas, mais l'idée de tenir un journal de ses nages m'a tout de suite plue ! La baignade est l'occasion de contempler le rapport du corps à l'eau, dans cette apesanteur flottante. La 4e de couverture invite d'autant plus au voyage, à la sensualité, convoquant même Kafka.

Et pourtant, j'ai été surprise par cette lecture ! Tout commence par un témoignage des confinements qui ont contraints nos corps à limiter nos mouvements. Puis, l'autrice part pour Nice, retrouver le plaisir des bains de mer. C'est également pour elle l'occasion de retranscrire ses rêves et évoquer le souvenir de sa mère qui aimait tant nager. Comme tout journal, c'est décousu, les mots n'étant parfois jetés sur le papier que par les hasards de la pensée. Mais si cette lecture demande un certain effort ou même paradoxalement de lâcher-prise, elle est gorgée de référence littéraires et cinématographiques autour de l'eau, qui se révèlent fascinantes !

Si ce texte n'était pas ce à quoi je m'attendais, je suis assez curieuse de pousser la réflexion un peu plus loin et de lire d'autres romans/essais sur le même thème qui l'intrigue beaucoup !
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Avec ce nouvel opus Chantal Thomas nous embarque dans son monde intime avec comme fil conducteur sa passion pour l'eau et la natation. On se laisse emporter dans son univers avec passion, dans ces écrits en lien avec les confinements passés, sources de réflexions.
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Un récit original, plaisant, parfois répétitif, des passages qui interpellent selon la sensibilité de chacun, la découverte de la passion pour la natation de certains écrivains tels Flaubert, Kafka et d'autres.
Au final, l'entrée dans l'eau, son accueil, le bien-être et la liberté qui en résultent sont ici à l'honneur. Ô combien mérité.
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