Dusty s'est foutu dans la mouise, tout seul, comme un grand. On lui avait dit, maintes fois, que le personnel de l'hôtel n'avait pas à fricoter avec la clientèle. Seulement voilà, difficile de résister à la femme qui était toutes les femmes. "Si j'aurai su j'aurai pas courtisu" se serait exclamé Platon au banquet de mariage de la soeur de son beauf' par alliance. Dusty aurait dû lire Platon.
M'oui.
Entrain mesuré à la lecture de ce Thompson qui, en son genre, ne détonne.
C'est l'histoire d'un paumé, pas con, mais paumé quand même, aux rêves de grandeur bien trop cyclopéens pour sa petite personne.
L'auteur aura su, à partir d'un mec à la gueule d'ange et au passé fracassé, dresser le portrait d'un manipulateur ambitieux et retors aveuglé par une sylphide aux mille visages porteuse d'emmerdes en série.
Chouette moment pour un chouette petit lot.
J'aurais préféré tirer le gros.
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« Elle seule aurait pu l'en délivrer, combler ce vide vertigineux, donner un sens à sa vie, lui insuffler le désir. A sa poursuite, il était tombé de plus en plus bas, pour découvrir finalement qu'il avait atteint le fond de l'abîme. »
Jim Thompson c'est du lourd. Vous croyez pénétrer dans un monde dont vous cernez les contours et il vous fait valser comme une feuille sous le vent.
Dusty, le personnage principal est tout gentil, tout mignon avec sa gueule de beau mec. Mais Elle, elle la femme « Elle était belle à vous en faire mal ! » Et oui, mon brave garçon et tu ne sais pas ce qui t'attend. Bon en même temps, t'es pas toujours avec de bons sentiments, n'est-il pas ? « Haï chaque fois qu'il la touchait, elle, la femme qui était toutes les femmes. » Je sais toutes les femmes quand on voit ça on pense tout de suite à ...Maman. Et ben oui, c'est toujours la première femme de votre vie. C'est comme ça.
« Il aurait voulu l'impossible, ce qu'il avait toujours voulu, c'est-à-dire, elle. »
Alors quand elle entre dans l'hôtel où tu trimes toutes les nuits, t'en reviens pas. Une pépé roulée comme ça, tu l'espérais depuis si longtemps. Mais que t'es naïf ! Bon faut dire que t'as pas eu de chance. Tu voulais faire de grandes études. Médecin que tu disais. Et puis ton daron a eu un coup dur. Alors fini la belle vie, tu fais chasseur dans un bon hôtel, la nuit ça gagne plus. Mais la nuit tous les coups sont permis...
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Il y a un an, la vie de Dusty a pris un tournant radical. Son père a perdu son poste d'enseignant après avoir signé une pétition en faveur des droits civiques et sa mère qu'il chérissait énormément est décédée. Et voilà Dusty contraint de mettre un terme à ses études et de travailler pour prendre en charge un père dépressif. Il a choisi d'occuper le poste de groom au sein d'un hôtel cossu d'une ville du Sud, ce qui lui permet de toucher de nombreux pourboires. Sa Direction lui donne pour consigne de ne jamais fricoter avec une cliente. Jamais, sous aucun prétexte. Dusty s'y tient jusqu'au soir où Marcia Hillis – une femme fatale qui semble surgir de la fusion de tous ses fantasmes - passe l'entrée de l'hôtel Manton. Et là, les bonnes résolutions du jeune homme s'effondrent. Sous ses apparences de fils dévoué et d'employé consciencieux, Dusty va révéler une personnalité bien plus retorse.
On retrouve des thèmes récurrents dans l'oeuvre de Jim Thompson : amour incestueux, manipulation, machination crapuleuse, mensonge et critique du maccarthysme. le personnage principal est pris dans un engrenage sur lequel il n'a plus prise et les événements qui se succèderont provoqueront une catharsis tragique. Il est à noter que Jim Thompson a lui-même exercé la fonction de groom dans un hôtel de Fort Worth dans sa jeunesse.
Il faut saluer une nouvelle fois le travail des Editions Rivages qui nous permet de (re)découvrir les oeuvres de Jim Thompson, un grand nom de la littérature américaine du XXème siècle. Cela passe par la publication de titres déjà connus en France dans leur intégralité et avec une traduction respectueuse du texte original. Mais cela passe aussi - comme c'est le cas pour « une jolie poupée » - par la publication de titres inédits.
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Dusty, la vingtaine, est groom à l'hôtel Manton. Il a dû abandonner ses études de médecine pour subvenir aux besoins de sa famille qui se résume à son père, professeur, exclu de l'enseignement pour avoir signé une pétition sur la liberté d'expression et qui ne s'est jamais remis du scandale que cela a provoqué. Dusty est donc groom de nuit, aux côtés de Bascom son supérieur, à quelques années de la retraite. Quand, en pleine nuit, Marcia Hillis arrive pour réserver une chambre, Dusty reste sans voix, fasciné par cette femme qui semble représenter à elle-seule, toutes les femmes. Dans l'hôtel réside également Tug Trowbridge, un mafieux et ses hommes de main. Après le braquage du coffre fort de l'hôtel et la disparition de la jeune femme qui semble avoir été enlevée, la vie de Dusty part en vrille et il va devoir se débattre pour se sortir de ce panier de crabe.
Une déception après la lecture de ce roman noir qui, malgré des retournements de situation inattendus, a mal vieilli, des personnages vus et revus la femme fatale, le mafieux à la recherche du magot, la fuite du jeune Dusty à la recherche d'une femme disparue...Une intrigue et des personnages qui avaient peut-être un goût de nouveauté à sa publication mais qui paraît presque caricaturale à notre époque.
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Elle était toujours près de la fenêtre, et le vent faisait voler les longs rideaux blancs autour d'elle, drapant ses formes pleines, soulevant ses cheveux gris lustrés. Là, contre la nuit, moulée par les rideaux pleins de vent, elle ressemblait à une de ces figures incroyablement belles qui ornaient la proue des vaisseaux vikings. Ou plutôt, non, ce n'était pas juste ; elle était trop vivante pour cela. Elle était comme une de ces anciennes déesses qui se lassaient de leurs plaisirs célestes et descendaient sur Terre pour les délices des hommes. Vénus. Cérès. La mère nourricière. Tout ce qui était féminin, éternel, mais qui ne vieillissait jamais.
De la même façon que le corps a ses limites face à la douleur, le cerveau a les siennes face à la sidération. On ne peut être surpris ou inquiété que jusqu'à un certain point, au-delà duquel on ne peut plus l'être. La grande roue des émotions se bloque au point mort. Et au lieu du trouble, il y a le calme.
Il s'affaira, avec une fureur froide, plein de cette colère qu'éprouvent ceux qui ont peur d'eux-mêmes, lorsque leur caractère et les circonstances se liguent pour les ridiculiser...
Elle le dévisagea sans mot dire. Les yeux toujours braqués sur les siens, elle se dirigea vers lui, le bras tendu. Sa main s'abaissa, s'introduisit dans la poche de son pantalon pour y déposer la pièce et y resta enfouie.
- Dusty, laissa-t-il échapper maladroitement. (Il fallait faire quelque chose, dire quelque chose, sinon il allait exploser.) Enfin... c'est à dire, je m'appelle Bill, ou plutôt mon nom c'est Rhodes, mais tout le monde m'appelle Dus...
Il avait rêvé d'elle. Mais, en se réveillant dans la moiteur étouffante de la nuit, il découvrit que c'était son oreiller qu'il tenait enlacé. La taie était humide de salive à l'endroit où il avait pressé les lèvres. Il envoya valser l'oreiller à l'autre bout de la chambre, dégoûté et déçu à la fois.
L?action se déroule sur une journée, un samedi de Pâques. Tôt le matin, la foudre s?abat sur Richard Weatherford, pasteur respecté d?une petite communauté de l?Arkansas. Son jeune amant vient lui réclamer le prix de son silence : 30 000 dollars. Marié, cinq enfants, prêcheur intégriste, toujours prompt à invoquer la figure de Satan pour stigmatiser les homosexuels, embarqué dans une croisade pour la prohibition de l?alcool, Richard va tout faire pour préserver la façade de respectabilité qu?il a patiemment construite. A n?importe quel prix. Au nom du bien. Au bout de ce samedi noir, la petite ville sera à feu et à sang, mais Richard Weatherford aura réussi à sauver sa réputation?
Fils d?un prêcheur baptiste, Jake Hinkson continue à régler ses comptes. Après L?Enfer de Church Street et Sans lendemain, Au nom du bien enfonce le clou avec une rage jouissive. Admirateur de Flannery O?Connor et de Jim Thompson, Hinkson livre un texte polyphonique, radicalement noir, portrait au tranchoir d?une petite communauté étouffante, prisonnière de valeurs hypocrites et d?une morale d?un autre âge. En bon auteur du Sud, il pousse le jeu jusqu?à son paroxysme. La fin, qui se déroule un an plus tard et montre le pasteur dans son prêche de Pâques, droit devant l?armée des âmes bien pensantes, est un monument de cynisme ravageur. Entre-temps, Donald Trump est arrivé à la Maison-Blanche. Michel Abescat
Dry County, traduit de l?anglais (Etats-Unis) par Sophie Aslanides, éd. Gallmeister, 320 p., 22,60 ?.
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