Ce livre retrace assez bien l'histoire du Black Panther Party, qui tenta, à la fin des années 1960 aux USA, d'organiser le prolétariat noir, mais pas seulement. En effet, après la chasse au sorcière Maccarthyste de l'après-guerre, qui visait les communistes mais également toute la gauche américaine, celle-ci était exsangue au début des années 1960.
Le mouvement des droits civiques, pacifique, légaliste, ne parvint pas à résoudre la question sociale des jeunes noirs pauvres.
Comme le montre très bien l'auteur, c'est l'opposition à la guerre du Vietnam qui relança la politisation et l'activité militante, y compris dans la population noire américaine, la plus exploitée. Les soldats noirs, en première ligne au Vietnam, rentraient « au pays » avec encore moins de considération pour eux que les pauvres qui étaient restés.
Les émeutes de Watts, en 1965, cristallisèrent le mécontentement des noirs américains, surtout les jeunes, et certains décidèrent de réagir.
Face aux brutalités policières dont leur communauté était continuellement victime, des groupes d'auto-défense se formèrent, mais les femmes organisèrent aussi des repas pour les enfants qui allaient à l'école mais dont les parents n'avaient pas les moyens de payer la cantine.
On pourrait croire que l'appartenance au groupe se faisait sur des critères ethniques, mais ce n'était pas du tout l'intention de la majorité des leaders : ils voulaient s'organiser sur une base plus sociale que communautaire : le peuple, les ouvriers, les jeunes des ghettos, et non plus seulement « tous les blancs sont contre nous, et tous les noirs sont nos amis ». Il y avait des blancs au Black Panther Party, mais très peu, car, à cette époque, militer avec les noirs impliquait de se couper de sa famille, de sa position sociale, etc... et très peu de blancs étaient près à franchir ce pas.
A travers l'histoire du BPP, dont on découvre le programme, les règles internes, les questions qu'il se pose, les discussions, c'est aussi un autre visage des USA qui est montré dans ce livre : la situation sociale dramatique d'une partie de la classe ouvrière, le développement des ghettos, mais aussi les tendances fascistes de
l'État, qui dispose d'organes de répression ne reculant devant aucune méthode pour détruire des mouvements protestataires (FBI, CIA).
Le BPP évolue politiquement tout au long de son existence, de par les influences qu'il se choisit (
Malcolm X, puis
Frantz Fanon, puis Ho Chi Minh,
Che Guevara, jusqu'à
Lénine, pour certains). Ils voient aussi qui les soutiennent réellement, au-delà des discours, et l'idéologie du parti se déplace ainsi de plus en plus vers la gauche, et, à partir de 1968, jusqu'à l'extrême gauche (voir les citations).
Le gouvernement US prend très au sérieux cette « menace » idéologique. L'auteur va jusqu'à dire qu'il craint une « révolution sociale » sur le sol américain. S'il est vrai que la CIA était traumatisée par le succès de la révolution cubaine, la menace que faisait planer le mouvement noir aux USA était beaucoup plus modeste. Cependant, la persistance de ce courant radical pouvait leur faire craindre qu'il ne franchisse un cap et se répande parmi les travailleurs américains. La répression contre le BPP va alors s'intensifier, jusqu'à atteindre une violence extrême, qui passera inaperçue de la majorité des américains.
A la fin de 1971, cinq ans après sa création, le BPP est anéantit. Jusqu'en 1973, ce sont 28 de ces militants qui auront été assassinés (par le FBI ou la CIA), des centaines sont en prison. Leurs imprimeries et leurs locaux ont été détruits.
Cette répression marquera longtemps la communauté noire militante. Pour l'auteur, l'anéantissement est total, et les jeunes en révolte qui relèveront la tête au début des années 1980 choisiront plutôt la musique pour s'exprimer : ce serait l'origine du hip-hop, puis du rap. Pourquoi pas ?