Alors qu'on lui retire ses gants après son dernier combat, Roberto Esteban croise dans le miroir qui le regarde le visage du Christ, façon "ecce homo". Tuméfié, ravagé, avec tous les stigmates des coups reçus et souffrances endurées : ce visage, c'est le reflet du sien.
Le boxeur nourrit ses rêves d'enfant aussi bien, s'il est bon ou sait se coucher, que les bourses des grands. Et il porte sa croix. L'ex-champion d'Europe y ajoute la faculté d'attirer les coups tordus et des personnages sortis tout droit d'un film d'Almodovar. À quoi sert cette conscience qu'il avait sur le ring et qui semble encore le mener un peu dans la vie malgré ses boulots louches ?
David Torres, superbement traduit, nous sert un polar qui relie la fable sociale post-movida et le conte, joyeusement immoral. le mariage de la carpe et du lapin, du poisson rouge et de Schumann, du boxeur et de la ballerine fonctionne et nous prend du début à la fin : personnages donc, action, états d'âme, rebondissements, souvenirs et révélation, tous les coups portent ! La narration à la 1ère personne emprunte aux classiques du roman noir américain avec une bonne dose d'humour et de baroque ibérique. Amateur du genre, on se régale. Et on aime à retrouver aussi dans ce noble art, acteur de ses plus grands éclats comme de son propre déclin, des valeurs qui nous vont et nous... frappent aussi au coeur !