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Michel Décaudin (Éditeur scientifique)
EAN : 9782070321834
226 pages
Gallimard (28/02/1999)
3.92/5   66 notes
Résumé :
1
Avril, dont l’odeur nous augure
Le renaissant plaisir,
Tu découvres de mon désir
La secrète figure.

Ah, verse le myrte à Myrtil,
L’iris à Desdémone :
Pour moi d’une rose anémone
S’ouvre le noir pistil.

2
Toi qu’empourprait l’âtre d’hiver
Comme une rouge nue
Où déjà te dessinait nue
L’arôme de ta chair ;

Ni vous, dont l... >Voir plus
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Critiques, Analyses et Avis (9) Voir plus Ajouter une critique
Lire les « Contrerimes » de Paul-Jean Toulet (1867-1920) c'est comme avoir un petit être palpitant de vie entre les mains, une petite chose gracieuse et fragile comme un moineau au doux plumage, tremblant, délicat, dont on sentirait battre le minuscule coeur au gré des rimes et des quatrains.
D'abord l'on pense simplement que « c'est joli » mais imperceptiblement, en tendant l'oreille pour écouter plus attentivement la musicalité des mots qui s'unissent entre eux comme des notes sur une portée, l'on se dit qu'il y a, dans l'apparente simplicité de cette poésie au parfum suave de roses, d'amour, de femmes, de jardins et d'oiseaux, quelque chose de beaucoup plus que de « jolie ». L'on se surprend à se dire doucement « que c'est beau », et l'on en vient à être saisi d'admiration devant la finesse de certains vers, dont la grâce limpide et désinvolte, comme une laque de Chine, trouble les sens et fait l'effet d'une douce caresse empreinte de mélancolie.
« C'est à voix basse qu'on enchante / Sous la cendre d'hiver / Ce coeur, pareil au feu couvert, / Qui se consume et chante. »

Cependant, aussi facétieux et joyeux que l'est l'oiseau lorsqu'il pépie avec entrain dans les ramures, les vers de Paul-Jean Toulet s'agrémentent très souvent d'un esprit moqueur et ironique reflétant son propre rapport à l'existence ainsi que la représentation de ce que fut sa vie, follement dissolue.
« -Minuit ! Trouverai-je une auto, / Par ce temps ? Et le pire, / C'est mon mari. Que va-t-il dire, / Lui qui rentre si tôt ? »

Né dans le Béarn en 1867 puis installé à Paris, l'artiste mena une vie parisienne libertine entre cabarets, beuveries, consommation de drogue et filles de joie, qu'il exprime alors dans des poèmes d'une élégante ironie et d'une amertume languide et détachée.
« Brouillard de l'opium tout trempé d'indolence, / Robe d'or suspendue aux jardins du silence. »

Entre joie et tristesse, entre plaisir et désillusion, entre l'éclat blanc de la lune et la lumière aveuglante du soleil, le lecteur s'abreuve ainsi à une poésie tout à fait personnelle et intime, autobiographique, dans laquelle l'artiste se livre tout entier mais en conservant toujours une pudeur et une distance désenchantées, nimbées d'une frivolité factice qui est comme l'empreinte d'une secrète blessure.
« Tout bas, comme d'un flanc qui saigne, / Il s'est mis à pleuvoir. »

C'est cela aussi qui est touchant dans la poésie de Toulet, cette fausse insouciance, cette futilité qui, une fois qu'est tombé le masque, révèle quelque chose de beaucoup plus profond qu'il n'y paraît au premier abord, quelque chose de l'ordre du spleen baudelairien.
« Trottoir de l'Élysée-Palace / Dans la nuit en velours / Où nos coeurs nous semblaient si lourds / Et notre chair si lasse. »

Par ailleurs, l'utilisation du quatrain dans une forme souvent très courte, associée à la construction de rimes embrassées et croisées baptisées par le poète « contrerimes » comme le recueil éponyme, éveillent un sentiment d'éphémère, de fragilité, de fugacité des êtres et des choses : le temps qui passe, l'amour qui s'enfuit, la vie si vite consumée…
« Ce bruit voluptueux d'un orme qui s'égoutte : / Tel est le pleur furtif d'un plaisir effacé.»

Avec la magnifique brièveté de rimes allusives, elliptiques, le poète appréhende l'immédiateté du moment présent, saisissant les êtres et les choses avec la fulgurance d'un instantané. Au gré d'une poésie veloutée, vaporeuse, il évoque pareillement son ressenti et son vécu en en soulignant le caractère évanescent, un peu comme le fait la poésie japonaise avec les haïkus. Cet aspect éthéré, aussi immatériel que lumineux et teinté d'une coloration japonisante, font tout l'attrait et la beauté d'un grand nombre de ces contrerimes qui resplendissent d'un éclat bref comme les gemmes d'un diamantaire.
« Une lueur tranchante et mince / Échancre mon plafond, / Très loin, sur le pavé profond, / J'entends un seau qui grince… »

Publiées à titre posthume en 1921, peu après la mort du poète, " Les Contrerimes " se divisent en Chansons, Dizains et Coples (pièces courtes de deux à quatre vers).
Si tout n'est pas d'une égale émotion dans ce recueil, sa lecture offre des moments de grâce pure, notamment lorsque le poète nous peint, avec un art de l'esquisse admirable, les décors naturels, les quatre éléments et les quatre saisons, les lieux de résidence et les pays visités, d'Alger aux Pyrénées, telle cette céleste représentation de l'Ile Maurice où il vécut un temps :
« Jardin qu'un dieu sans doute a posé sur les eaux, / Maurice, où la mer chante, et dorment les oiseaux. »

Artiste sensuel, sensible et plein d'aisance, l'on comprend mieux pourquoi il fut le chef de file des jeunes poètes de « l'Ecole fantaisiste » du début du siècle, et pourquoi nombre d'hommes de lettres de Borges à D Ormesson ont fait en sorte de pérenniser son oeuvre au fil du temps.
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" Moi ,mordant et raffiné comme un outil de dentiste, cachant un grand fond de tendresse sous les algues de l'ironie". Voilà ce qu'écrivait Paul-Jean Toulet à propos de lui-même. Et c'est tout à fait ce double aspect que l'on retrouve dans ce recueil: douceur et cynisme, moquerie joyeuse et fragilité...

Le vers est vu comme un jeu, à travers ces fameuses contrerimes qui constituent l'essentiel du recueil, avec cette alternance d'octosyllabes et d'hexasyllabes si particulière, qui donne un rythme unique, presque langoureux au poème. De plus, le poète aime les mots inédits, désuets ou inventés, ce qui rend ses textes originaux, voire farfelus.

Mais justement on ne doit pas se limiter à n'y voir qu'une facétie syntaxique . Non, se glissent entre les mots des émotions tout en nuances, et c'est ce qui m'a attirée et retenue: un charme ineffable, presque impalpable se dégage des vers, comme un envol de papillons, une rosée légère...

" Tandis que dans le couchant roux
Passent les éphémères,
Dormez sous les feuilles amères.
Ma jeunesse avec vous."

J'ai un peu moins aimé la dernière partie, " Coples", qui semble plus artificielle, sarcastique. Par contre, les dizains m'ont plu autant que les contrerimes.

Paul-Jean Toulet a usé sa vie et sa santé , entre alcool, drogues et filles de hasard, mais quand on observe sa biographie, il a été cependant très actif dans le monde littéraire, collaborant à des revues, écrivant plusieurs romans, critiquant des expositions, et je trouve dommage qu'il ait été quelque peu oublié, car il a été le chef de file au début du 20ème siècle d'une génération de jeunes poètes fantaisistes comme Carco ou Derème.Alors redécouvrons cette âme sensible, sous son vernis aigre-doux.
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Inventeur de cette forme faussement classique que sont les contrerimes, Paul-Jean Toulet nous introduit à une poésie résolument moderne. Sens et sons paradoxalement désunis forment plus qu'un sujet de lecture, une nouvelle danse.
Le tout est simplement imagé, cadencé et dépouillé pour que symbolisme noir et humour cinglant nous fasse tournoyer la tête.
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Ce livre rassemble en un volume les oeuvres poétiques de Toulet, poète classé - mais cette étiquette est sans grande signification - parmi les fantaisistes.

Grave ou léger, souvent les deux en même temps, Toulet est un artisan du vers hors du commun. Son toucher poétique fait penser à celui De La Fontaine, dont il a la merveilleuse fluidité. Et cette grâce d'expression sert un esprit mordant.

La litanie des prénoms féminins qui hantent les Contrerimes est en soi un poème : Boudroulboudour, Aline, Badoure, Lilith, Zo', Floryse et Nane, sans oublier la mystérieuse Fauste.
A votre tour de succomber au charme de sa parole :

"[...] Mais tu parles : soudain,
Je rêve, les yeux clos, à travers le jardin,
D'une source un peu rauque, et qu'on entend qui pleure."
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J'ai découvert très tard cet étrange poète par la rencontre d'un poème ("En Arles") qui m'a profondément touché . Dans ses "contrerimes" se dévoile son goût de l'expérimentation stylistique , son exotisme mélancolique issu de ses voyages , ses amours désenchantées son attrait pour les paradis artificiels . le ton varie sans cesse , de la blague potache aux rêveries éthérées.
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Citations et extraits (65) Voir plus Ajouter une citation
C'était sur un chemin crayeux
Trois châtes de Provence
Qui s'en allaient d'un pas qui danse
Le soleil dans les yeux.

Une enseigne, au bord de la route,
- Azur et jaune d'oeuf, -
Annonçait : Vin de Châteauneuf,
Tonnelles, Casse-croûte.

Et, tandis que les suit trois fois
Leur ombre violette,
Noir pastou, sous la gloriette,
Toi, tu t'en fous : tu bois...

C'était trois châtes de Provence,
Des oliviers poudreux,
Et le mistral brûlant aux yeux
Dans un azur immense.
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Le temps irrévocable a fui. L’heure s’achève.
Mais toi, quand tu reviens, et traverses mon rêve,
Tes bras sont plus frais que le jour qui se lève,
Tes yeux plus clairs.
À travers le passé ma mémoire t’embrasse.
Te voici. Tu descends en courant la terrasse
Odorante, et tes faibles pas s’embarrassent
Parmi les fleurs.
Par un après-midi de l’automne, au mirage
De ce tremble inconstant que varient les nuages,
Ah ! Verrai-je encor se farder ton visage
D’ombre et de soleil ?
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Puisque tes jours ne t'ont laissé
Qu'un peu de cendre dans la bouche,
Avant qu'on ne tende la couche
Où ton coeur dorme, enfin glacé,
Retourne, comme au temps passé,
Cueillir, près de la dune instable,
Le lys qu'y courbe un souffle amer,
- Et grave ces mots dans le sable :
Le rêve de l'homme est semblable
Aux illusions de la mer.
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"Un Jurançon 93
Aux couleurs du maïs,
Et ma mie, et l'air du pays :
Que mon coeur était aise.

Ah, les vignes de Jurançon,
Se sont-elles fanées,
Comme ont fait mes belles années,
Et mon bel échanson ?

Dessous les tonnelles fleuries
Ne reviendrez-vous point
A l'heure où Pau blanchit au loin
Par-delà les prairies ?"
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Quand nous fûmes hors des chemins
Où la poussière est rose,
Aline, qui riait sans cause
En me touchant les mains ; -

L’Écho du bois riait. La terre
Sonna creux au talon.
Aline se tut : le vallon
Etait plein de mystère…

Mais toi, sans lymphe ni sommeil,
Cigale en haut posée,
Tu jetais, ivre de rosée,
Ton cri triste et vermeil.
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Videos de Paul-Jean Toulet (3) Voir plusAjouter une vidéo
Vidéo de Paul-Jean Toulet
INTRODUCTION : « Si Toulet (1867-1920) reçut son âme de ces îles lointaines [Île Maurice], pleines d'ombre et de roucoulements, c'est au pied des Pyrénées, où ses yeux s'ouvrirent, qu'ayant perdu sa mère peu de jours après sa naissance il passa ses jeunes ans. […]
“J'ai vu de beaux paysages depuis, de bien plus beaux paysages (s'il y a des degrés à la beauté toute subjective de la terre). Combien me sont demeurés aussi intenses, combien ont éveillé dans mon coeur cette ivresse presque dangereuse où entraient pour causes ce parfum de glycine mêlé à la brise des Pyrénées, ces chants de clairon qui enflent la sensation de vivre, et le vague et la beauté dont les brouillards revêtent la terre ? Mais tout ce charme s'évente à l'écriture et mes paroles n'ont pas sur faire revivre ces sensations d'enfance, évanouies, fondues comme la neige qui blanchissait alors les montagnes. […]”
[…] Toulet n'était si oisif qu'il ne peut se réfugier assidûment dans les livres. Il a minutieusement laissé le relevé et presque toujours l'analyse aussi, coupée de réflexions personnelles, de tout ce qu'il dévorait ainsi pêle-mêle. […] Cette activité d'esprit s'alliait à un souci profond de psychologie. On découvre dans les cahiers de cette époque un goût de l'analyse assez rare chez un jeune homme. On sent chez lui la volonté de creuser sa connaissance de l'âme humaine. […] C'est en 1898 que Paul-Jean Toulet vint se fixer à Paris. Il avait trente-et-un ans et songeait à tenter la fortune littéraire […] C'est à Paris, en quelques mois, dès son installation, que Toulet écrivit très rapidement Monsieur du Paur, homme public. […] Toulet s'y montrait pourtant du premier coup en pleine possession d'un talent qu'il ne pourra qu'affirmer désormais, et le subtil grammairien qu'il ne cessera d'être dans tous ses livres, possédant avec une unique maîtrise les ressources, mêmes les plus périlleuses, d'une langue contractée, et parmi tant de raffinements enclin par dessus tout à cette froide ironie que d'aucuns se plaisent à nommer humour. […]
“Moi, mordant et raffiné comme un outil de dentiste, cachant un grand fond de tendresse (huit mètres au moins, ce qui est plus qu'à Kuantcheou) sous les algues de l'ironie, aimé des femmes, craint des hommes…”
[…] Tandis qu'il fallait avoir pénétré plus avant dans son intimité pour retrouver dans un geste convenu, un regard rapide ou un seul mot réticent toute la délicatesse d'une âme qui ne s'enchantait elle-même que des sentiments les plus rares et, sachant le prix de semblables phrases, se plaisait à écrire : “Voyageur qui de loin respire, en un couchant d'Océanie, le parfum de cette île et son mystère, et ses bocages, où plane un lumineux oiseau, — telle une vie ardente et cachée, qu'un seul amour traverse.” Sans doute l'avait-il entrevu sur sa route, cet amour unique, et que c'était sa présence encore qui lui faisait s'écrier : “Au désert de la vie, se sentir aimé tout à coup (car cela aussi arrive), c'est comme à Robinson le pas du sauvage. On a peur d'abord ; et puis de mourir d'espérance. On songe de n'être plus seul. On songe.” » (Henri Martineau, La vie de P.-J. Toulet, Paris, Éditions du Divan, 1921, 128 p.)
CHAPITRES : 0:01 — 1re observation (L'art et la vie) ; 0:10 — Introduction ;
LES FEMMES ET L'AMOUR 0:41 — 2e obs. ; 0:59 — 3e obs. ; 1:24 — 4e obs. ; 1:49 — 5e obs. ; 2:02 — 6e obs. ; 2:21 — 7e obs. ; 2:40 — 8e obs. ; 2:52 — 9e obs. ;
LES HOMMES ET L'AMITIÉ 3:06 — 10e obs. ; 3:20 — 11e obs. ; 3:32 — 12e obs. ; 3:45 — 13e obs. ; 4:14 — 14e obs. ; 4:36 — 15e obs. ; 4:55 — 16e obs. ; 5:06 — 17e obs. ; 5:22 — 18e obs. ;
L'ART ET LA VIE 5:40 — 19e obs.; 5:55 — 20e obs. ; 6:12 — 21e obs. ; 6:25 — 22e obs. ; 6:36 — 23e obs. ; 6:57 — 24e obs. ; 7:20 — 25e obs. ; 7:35 — 26e obs. ; 7:49 — 27e obs. ; 8:02 — 28e obs. ; 8:12 — 29e obs. ; 8:28 — 30e obs. ; 8:49 — 31e obs. ; 9:02 — 32e obs. ; 9:19 — 33e obs. ; 9:34 — 34e obs. ; 10:01 — 35e obs. ; 10:11 — Générique
RÉFÉRENCE BIBLIOGRAPHIQUE : Paul-Jean Toulet, le carnet de M. du Paur, Paris, À la cité des livres, 1927, 86 p.
IMAGE D'ILLUSTRATION : https://beretandboina.blogspot.com/2018/10/paul-jean-toulet.html
BANDE SONORE ORIGINALE : Lite Saturation — Nostalgia Nostalgia by Lite Saturation is licensed under a CC BY-ND license. https://freemusicarchive.org/music/lite-saturation/nostalgia-1
LIVRES DU VEILLEUR DES LIVRES :
CE MONDE SIMIEN : https://youtu.be/REZ802zpqow
VERSION PAPIER (Broché) : https://www.amazon.fr/dp/B0C6NCL9YH VERSION NUMÉRIQUE (.pdf) : https://payhip.com/b/VNA9W
VOYAGE À PLOUTOPIE : https://youtu.be/uUy7rRMyrHg
VERSION PAPIER (Broché) : https://www.amazon.fr/dp/B0CB2FTQWF/ VERSION NUMÉRIQUE (.pdf) : https://payhip.com/b/jZ7Ro
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