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EAN : 9782493823113
180 pages
Tropismes (01/03/2024)
4/5   1 notes
Résumé :
Cette vie. Celle des femmes migrantes dans une Irlande que l`on ne voit jamais... Le foyer, la queue pour obtenir des produits de première nécessité, le racisme quotidien, l`injustice et les absurdités d`un système. Mais aussi la nostalgie constante du pays... Ce texte, une galerie de portraits de Melatu Uche Okorie donne, avec une grande qualité littéraire, un accès au quotidien de femmes coincées dans un espace-temps perdu entre le Nigéria et l`Irlande. Des femmes... >Voir plus
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Critiques, Analyses et Avis (3) Ajouter une critique
💟Chronique💟

Dans Cette vie, il y a des inégalités.
Cette vie, c'est des portraits de femmes migrantes qui vont devoir faire face, à la violence, le racisme, la misogynie, l'infantilisation, à l'ignorance, et à bien d'autres traitements intolérables…
Ce livre m'a beaucoup fait penser à Stardust de Leonora Miano, et la difficulté monumentale de vivre en centre de réinsertion et de d'hébergement d'urgence, mais j'ai pu constater avec Cette vie, qu'on ne fait pas beaucoup mieux, en terme de déshumanisation, au-delà de nos frontières…Même si le centre de rétention en Irlande, n'est jamais nommé explicitement, il est considéré comme le « meilleur », c'est dire de ce qu'il peut se passer dans les autres…Car ces femmes qui doivent fatalement en passer par là, en plus de la douleur de quitter leurs pays, doivent subir un nombre incalculable d'injustices à cause de leurs statuts de réfugiées. Des injustices inadmissibles que dénonce Melatu Uche Okorie au travers de ces nouvelles bouleversantes. En effet, ce recueil de textes nous contextualise le panorama politique et social de l'Irlande tout en nous donnant les voix de celles qui passent par ces centres avec ce que ça comporte d'aberrations et d'illogismes en tout genre. Et parlons-en du genre, puisque l'autrice concentre ses histoires sur cette triple peine d'être réfugiée, femme et noire. En somme, moins que rien que rien, dans les esprits de certains, d'où leurs manières ignobles de se comporter…C'est tout une violence systémique, ici ou là-bas, que Melatu Uche Okorie fait rejaillir dans ces nouvelles et ça m'a déchiré le coeur, parce qu'elle est la vérité des souffrances dans la chair et l'âme de mes Soeurs. Toujours en lutte pour tout et n'importe quoi, ces femmes n'ont de cesse d'être sur le qui-vive. Elles doivent non seulement survivre et garder en vie leurs enfants, dépasser les us et coutumes de leurs pays d'origine, faire face au rejet du pays « accueillant », et bien sûr, où qu'elles se trouvent, éviter la violence masculine…
Cette vie, c'est autant de textes forts et vibrants qui nous raconte la détresse silenciée de ces femmes. Mais malgré le sujet sensible, il y a dans ces pages, une note d'espoir. Une envie par le biais de l'écriture de sortir de cette condition féminine effroyable. Il y a un espoir de solidarité, de sororité, d'émancipation. Les mots de Melatu ont la force et la douceur, la colère et la tendresse. Des mots d'ici et de là-bas, un mélange qui n'appartient qu'à cet entre-deux. Entre-deux-terres, entre-deux-cultures, entre-deux-langues, mais la vérité, est-ce que un entre-deux-coeurs ne pourrait pas s'ouvrir, et faire des greffes d'entraide bienveillante, dans ce champ de possible?
J'aime à croire que dans cette vie, je le verrai de mes propres yeux…
Lien : https://fairystelphique.word..
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Le nouveau titre de Tropismes Édition est le recueil de trois nouvelles d'une autrice irlandaise d'origine nigériane passée par les centres de retentions qu'abrite l'Irlande, cette terre d'exil. Melatu Uche Okorie a été demandeuse d'asile puis réfugiée, elle est arrivée en 2006 en Irlande avec sa fille après avoir obtenu son diplôme en anglais. Elle a commencé à écrire dans ces centres de rétention, que l'on nomme là-bas directe provision system, lesquels même si fournissent un confort un peu plus supérieur qu'ailleurs en Irlande, témoignent encore de l'inhumanité du système qui parque les nouveaux arrivants dans des lieux d'où ils ne peuvent rien faire, sinon attendre qu'on leur distribue nourriture, argent et produits d'hygiène de façon sporadique.


C'est un recueil assez court et composé de trois nouvelles, les deux premières qui se passent en Irlande, la dernière au Nigeria : Cette vie, Sous l'auvent et L'oeuf se brisa. Deux nouvelles sur le quotidien de cet enfermement entre quatre murs, où l'attente est le mot d'ordre, où la proximité est souvent invasive, où les journées sont rythmées par les repas aux horaires strictement imposés, à la distribution de tickets. La liberté demande des sacrifices et en premier lieu celui du temps abandonné dans cette zone un peu floue, implantée sur le sol irlandais, mais qui regroupe une diversité telle de nationalités différentes que l'on peut s'imaginer être un pays à part. Une semi-liberté infantilisante où les demandeurs d'asile n'ont le choix de rien. C'est une violence implicite, mais qui réduit les gens à l'état de prisonnier ou d'enfants, d'animaux parqués et séparés des Irlandais, des non-citoyens, des personnes ni partis, ni arrivées, en isolement entre deux mondes, sans identité précise. La violence, c'est cette déshumanisation née de ce traitement ou le soin, pour le personnel, devient une tâche parfaitement administrative à accomplir, non plus d'enfants, de femmes et d'hommes à s'occuper. Une mécanique bien huilée où on ne laisse pas de place au côté humain de l'entreprise, censée offrir un refuge accueillant.

Melatu Uche Okorie écrit en anglais, et Marie Mianowski la traductrice nous éclaire sur le langage utilisé, une langue anglaise qui est un héritage du colonialisme anglais et irlandais du Nigeria : Melatu Uche Okorie a créé une langue nouvelle, un créole inédit. Une langue que Marie Mianowski a tenté de retranscrire en français, mais qui reste bien plus perceptible dans sa version originale. Un nouveau langage pour illustrer cette communauté qui vit ensemble par la force des choses et qui n'a en commun que leur désir d'une vie meilleure et leur continent d'origine. Un bouillon de culture, fait de religions, de langues et d'ethnies différentes, qui n'ont en commun qu'un Anglais, un idiome personnel à chaque pays,

Ces textes sont saisissants parce que lisant la vie de ces demandeurs d'asile, on acquiert peu à peu l'impression que le système colonialisme s'est insidieusement reproduit à l'intérieur de ces centres, toujours les mêmes dominants, séparés des dominés par cette frontière invisible mais bien perceptible de ceux qui possèdent l'argent et donc le pouvoir. Les mêmes qui subissent et obéissent, dans leur pays colonisé à l'époque, comme dans le pays colonisateur aujourd'hui. Une idée filée par la seconde nouvelle, où la narratrice participe à un atelier d'écriture créative et se met à exposer oralement son texte aux autres participants, un texte inspiré de sa vie de femme racisée, qui fait entre état du racisme « ordinaire » dans sa vie quotidienne. Lorsque l'animateur demande aux autres participants ce qu'ils pensent de ce texte, chacun d'entre eux, simplement nommés par une lettre, glissent doucement sur le terrain du jugement et du conseil, en lieu et place d'évaluer la valeur littéraire du texte. Dévaluant, annihilant même, l'expérience, le vécu, et la vision de l'autrice, autant personnel qu'artistique. L'expérience de la domination par le déni, le dénigrement, issu du sentiment sous-jacent du dominant. Enfin, la dernière nouvelle, se passe dans un pays d'origine dans l'un de ces demandeurs d »asile, à Ugwuoba, une ville du sud du Nigeria, où une jeune femme enceinte découvre qu'elle attend des jumeaux. Rien de bien particulier si ce n'est que cette région du pays, la gémelité est considérée comme porte-malheur, la future mère se doute ainsi que ça va mal finir pour elle après l »avoir découvert. Encore une fois, la jeune femme ne maîtrise rien dans cette nouvelle : sa maternité lui est violemment arrachée par les hommes de son entourage, sous couvert de superstitions.

J'ai été intriguée par la place de chaque nouvelle, comme si l'on régressait dans le temps, depuis le centre de rétention en Irlande jusqu'au pays d'origine, le Nigeria : j'y vois comme les raisons pour comprendre la raison de la fuite ailleurs, comprendre la violence intrinsèque qui poursuit ces femmes, depuis leur origine jusqu'en Irlande, de ces violences différentes entre sexisme et racisme, les préjugés ont encore la vie dure, les inégalités toujours aussi criantes, ici ou ailleurs.
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Melatu Uche Okorie donne la parole à trois femmes. Trois migrantes en proie avec les difficultés de l'accueil en Irlande, avec le racisme, avec l'obligation de l'exil. L'auteure, née au Nigeria et exilée en Irlande en 2006, connaît bien le centre de rétention administrative irlandais et les procédures de demande d'asile. Elle sait aussi les difficultés d'intégration dans la société, surtout pour une mère célibataire. Elle se confie au travers de ses personnages.
Beverle est au centre de rétention depuis bien trop longtemps. Elle n'en peut plus de ces longues files d'attente pour récupérer un colis de produits d'hygiène, un pécule hebdomadaire. C'est une belle cacophonie chaque jour entre toutes ces femmes aux dialectes différents, au verbe haut. Faire la queue pour le médecin, pour aller au réfectoire. Ce qui est une aide appréciable devient au bout de plusieurs mois, voire plusieurs années une corvée insupportable. D'où l'importance de réduire les délais d'attente pour les demandes d'asile.
Une fois sortie du camp, l'intégration est laborieuse. C'est le racisme au quotidien . C. participe à un atelier d'écriture. Aujourd'hui, elle doit exposer son travail. Et subir le jugement des autres. Les autres élèves ressentent que C. éprouve une haine envers elle-même.
Et enfin, la troisième nouvelle expose une des causes d'immigration. Mère d'une petite fille, Ogechi, enceinte, espère mettre au monde un garçon pour satisfaire son mari et sa belle famille. Mais lorsqu'elle comprend être enceinte de jumeaux, elle doit fuir son pays pour éviter qu'ils ne soient tués à la naissance. Une coutume ancienne abolie au milieu du XXe siècle.
Ce recueil est paru une première fois en 2018 chez Skein Press. Dans cette nouvelle version, l'auteur ajoute des chapitres intéressants qui nous aident à comprendre la situation. L'Irlande faisait partie des colons au Nigeria et elle est devenue une terre d'accueil des migrants.
L'auteur explique les évolutions juridiques sur le droit d'asile, les conditions de vie dans les centres de rétention, l'octroi de la citoyenneté. Ces précisions nous aident à mieux comprendre le contexte de la première nouvelle.

Un recueil essentiel pour mieux comprendre les conditions d'accueil des migrants.
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Citations et extraits (2) Ajouter une citation
Il t’avait raconté que son rêve tait de pouvoir organiser plus d’évènements d’intégration autour du football et d’aller dans les écoles faire des conférences contre le racisme.

Tu lui avais parlé des petits enfants de cinq et six ans qui habitaient la même rue que toi et qui criaient « noiraude » à chaque fois qu’ils te voyaient toute seule ; et de leur parents qui se parlaient entre eux comme si vous n’entendiez pas. Il t’avait dit de ne pas faire attention à eux. Tu lui avais aussi parlé des filles de ton collège qui se disaient entre elles de faire attention à leur sac pendant qu’elles allaient aux toilettes. Il t’avait répondu qu’il ne pensait pas que les filles te visaient particulièrement en disant cela. Et tu aurais voulu lui parler de la dame à l’église qui t’avait dit que désormais, depuis que les Africains étaient arrivés, les Travellers n’étaient plus la classe sociale la plus basse en Irlande. Tu aurais voulu aussi lui parler du chauffeur de bus qui te faisait toujours descendre deux arrêts plus tôt car il n’y avait plus personne d’autre que toi dans le bus. Tu aurais également voulu lui raconter la fois ou un homme avait suivi ta mère au supermarché et lui avait demandé de lui tailler une pipe et que ta mère t’avait raconté qu’elle s’était sentie un peu gênée de ne pas pouvoir lui rendre service avant de comprendre ce qu’il voulait vraiment. Tu aurais voulu lui raconter tout cela, mais tu ne l’avais pas fait. Tu as pleuré longtemps sur ton lit après son départ, étonnée de te sentir si seule alors qu’il y avait tant de monde autour de toi et le lendemain tu es retournée au Spar pour t’acheter un journal intime. (Sous l’auvent)
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Tout le monde rit encore une fois. Moi, je regarde derrière Ngozi et j’aperçois quelqu’un. C’est un homme qui porte l’uniforme des vigiles du centre.

« Lui, je l’ai jamais vu », je me dis à moi-même. « C’est un nouveau, ma soeur. » C’est Mummy Dayo qui me dit ça avec une voix douce, en secouant la tête comme si elle était déçue par quelque chose : « J’ai parlé avec lui. Encore un qui fait croire qu’il est oyinbo. Mais moi, en tout cas, j’aime pas ces gens-là ! Sont encore plus racistes que les Irlandais ! »
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