Imaginez que Paris, dans trente siècles, devienne un désert ; qu'il n'en subsiste plus rien que les ruines de quelques monuments et un petit village bâti avec de la terre. Trois mille ans se sont écoulés. Des voyageurs remontant la Seine comme nous remontons le Nil, vont à la recherche du Paris d'autrefois. Ils trouvent à leur gauche, sur la rive droite du fleuve, les vestiges du Louvre, les colonnes de la Bourse à demi enterrées sous les détritus de la cité antique ; puis, en aval, à quelque distance, une colonnade à moitié renversée, un temple dont le comble aura disparu, et en descendant plus loin, les piédroits, encore debout, de l'Arc de Triomphe. [...]
Voilà qui peut donner une idée de la situation géographique de l'ancienne Thèbes sur le Nil. À la place du Louvre, mettez Louqsor. À l'Arc de Triomphe serait Karnak.
LOUQSOR
Charles Blanc - Voyage de la Haute Égypte ( 1876 )
J'ai aimé dès le début le mot Winnipeg. Les mots ont des ailes ou n'en ont pas. Les mots rugueux restent collés au papier, à la table, à la terre. Le mot Winnipeg est ailé. Je l'ai vu s'envoler pour la première fois sur le quai d'un embarcadère, près de Bordeaux.
Le Winnipeg était un beau vieux bateau, auquel les sept mers et le temps avaient donné sa dignité. On peut affirmer qu'il n'avait jamais transporté à bord plus de soixante-dix à quatre-vingts personnes. Le reste avait été constitué par des cargaisons de cacao, de coprah, de sacs de café, de riz, par des chargements de minerais. Cette fois pourtant un affrètement plus important l'attendait : l'espoir.
WINNIPEG
Pablo NERUDA - Né pour naître, Réflexions depuis l'Ile Noire
Il pleut sur Darjeeling, il pleut. Sur les chemins qui conduisent aux monastères, sur les grandes dalles des escaliers, sur les buissons bleu marine, il pleut sur les travailleuses du thé qui pincent la première feuille chaque jour, les stupas, les fidèles qui leur tournent autour dans le sens des aiguilles d'une montre en lançant de la main droite la rotation des moulins à prières, il pleut sur les fanions des temples et les buffles. L'instant d'après, l'averse cesse, les nuages, violemment, s'écartent et les grands pics neigeux apparaissent, rois du monde. Himalayas ! Le bleu du ciel suffoque de clarté.
DARJEELING
Catherine CLÉMENT - Les derniers jours de la déesse
Après trois jours de marche dans les solitudes arides, après avoir traversé une vallée surplombée de grottes et de sépultures, surgirent les ruines les plus étonnantes. Protégées par le désert qui les séparait du monde, et par la sécheresse, une multitude de colonnes dressées s'étendaient à perte de vue en files parallèles, telles des avenues. Ville fantôme qui venait du fond des temps. Des temples debout, d'autres encore à demi écroulés, de toutes parts des débris de corniches, de chapiteaux, de fûts, d'entablements, de pilastres, jonchaient le sol.
Le soleil se couchait dans un grand lit bordé de rouge, teintant de sang les abayas blanches, les pierres, les visages. Ils pénétrèrent dans l'enceinte d'un vaste édifice dédié jadis au Soleil, accueillis sur le parvis par des Bédouins sédentaires.
PALMYRE
Ghislaine SCHOELLER - Lady Jane
Voici la description de cette ville. Elle se trouve dans une vaste plaine et forme un carré de cent vingt stades de côté, ce qui fait une enceinte de quatre cent quatre-vingts stades au total. Telle est l'étendue de la cité de Babylone ; pour l'ordonnance, aucune des villes que nous connaissons ne pouvait lui être comparée. Elle est entourée, d'abord, d'un fossé profond, large et plein d'eau, puis d'un mur large de cinquante coudées royales et haut de deux cents. [...]
La ville elle-même comprend deux quartiers ; un fleuve la coupe en deux, l'Euphrate, un grand fleuve profond et rapide qui vient d'Arménie et se jette dans la mer Érythrée.
BABYLONE
HERODOTE - L'Enquête, Livre I
Avec Marc Alexandre Oho Bambe, Nassuf Djailani, Olivier Adam, Bruno Doucey, Laura Lutard, Katerina Apostolopoulou, Sofía Karámpali Farhat & Murielle Szac
Accompagnés de Caroline Benz au piano
Prononcez le mot Frontières et vous aurez aussitôt deux types de représentations à l'esprit. La première renvoie à l'image des postes de douane, des bornes, des murs, des barbelés, des lignes de séparation entre États que l'on traverse parfois au risque de sa vie. L'autre nous entraîne dans la géographie symbolique de l'existence humaine : frontières entre les vivants et les morts, entre réel et imaginaire, entre soi et l'autre, sans oublier ces seuils que l'on franchit jusqu'à son dernier souffle. La poésie n'est pas étrangère à tout cela. Qu'elle naisse des conflits frontaliers, en Ukraine ou ailleurs, ou explore les confins de l'âme humaine, elle sait tenir ensemble ce qui divise. Géopolitique et géopoétique se mêlent dans cette anthologie où cent douze poètes, hommes et femmes en équilibre sur la ligne de partage des nombres, franchissent les frontières leurs papiers à la main.
112 poètes parmi lesquels :
Chawki Abdelamir, Olivier Adam, Maram al-Masri, Katerina Apostolopoulou, Margaret Atwood, Nawel Ben Kraïem, Tanella Boni, Katia Bouchoueva, Giorgio Caproni, Marianne Catzaras, Roja Chamankar, Mah Chong-gi, Laetitia Cuvelier, Louis-Philippe Dalembert, Najwan Darwish, Flora Aurima Devatine, Estelle Dumortier, Mireille Fargier-Caruso, Sabine Huynh, Imasango, Charles Juliet, Sofía Karámpali Farhat, Aurélia Lassaque, Bernard Lavilliers, Perrine le Querrec, Laura Lutard, Yvon le Men, Jidi Majia, Anna Malihon, Hala Mohammad, James Noël, Marc Alexandre Oho Bambe, Marie Pavlenko, Paola Pigani, Florentine Rey, Yannis Ritsos, Sapho, Jean-Pierre Siméon, Pierre Soletti, Fabienne Swiatly, Murielle Szac, Laura Tirandaz, André Velter, Anne Waldman, Eom Won-tae, Lubov Yakymtchouk, Ella Yevtouchenko…
« Suis-je vraiment immortelle, le soleil s'en soucie-t-il, lorsque tu partiras me rendras-tu les mots ? Ne te dérobe pas, ne me fais pas croire que tu ne partiras pas : dans l'histoire tu pars, et l'histoire est sans pitié. »
Circé – Poèmes d'argile , par Margaret Atwood
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