Franck Venaille... Je me suis tenue longtemps éloignée de ce poète, disparu en 2018. Peut-être en raison des consonances brutes, rocailleuses de ses prénom et nom, du visage sévère, fermé qu'on présente souvent de lui... Et comme j'avais tort!
Certes, sa poésie est exigeante, souvent torturée, sombre , mais ô combien fascinante et inventive! Ce livre réunit deux recueils, "
La descente de l'Escaut" publié en 1995 et "
Tragique" en 2001.
Pour le premier, j'étais étonnée qu'il évoque un fleuve passant près de chez moi alors qu'il a vécu les vingt premières années de sa vie à Paris. Mais j'ai lu qu'il s'était rendu enfant en Belgique et en avait gardé un souvenir très fort. Et le voilà parti adulte à pied, le long de l'Escaut. Les textes l'évoquant sont saisissants , intenses, variés dans la longueur et la forme, vers ou prose, les ruptures d'un vers à l'autre qui ne sont pas vraiment des enjambements, coupant même un mot en deux, surprennent :
" (...) Ô soleil blanc voici que tu m'aveu-
gles. Ce couple de mariniers s'exprimant en fla-
mand. Et moi qui sais ne rien savoir Justement!"
"
Tragique" présente des textes plus courts, certains sont presque des haïkus, mais tout autant innovants, étonnants...et addictifs.
" J'arrache brins de lyrisme
Et d'émotivité.
Je prends source dans la langue.
Cela ressemble à des bouquets d'ortie.
Des gerbes de fleurs amoureuses.
Que je brûle. "
Ponctuée fréquemment de points d'exclamation rageurs ou angoissés, voilà une poésie puissante, où l'humain et l'animal se mêlent, où s'expriment cris et auto-dérision. Un univers impressionnant.