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Emmanuel Venet (Autre)
EAN : 9782378560621
96 pages
Verdier (20/08/2020)
4.12/5   17 notes
Résumé :
Ce livre aurait pu s’intituler 'Contre une psychiatrie industrielle, quantitative, protocolisée, standardisée, numérisable, objectivante, désincarnée, ultrarapide et inégalitaire'. L’heure est grave : le pouvoir politique abandonne la psychiatrie publique à la misère, plusieurs ténors de la profession militent pour instaurer une rationalisation managériale, et les malades les plus fragiles font les frais d’un économisme sanitaire totalement dénué d’état d’âme. Const... >Voir plus
Que lire après Manifeste pour une psychiatrie artisanaleVoir plus
Critiques, Analyses et Avis (6) Voir plus Ajouter une critique
Ce livre, je l'ai commandé après la lecture d'un ouvrage du même auteur, « Schizogrammes», recueil de tranches de vie de patients fréquentant le service psychiatrique de l'auteur, psychiatre avant d'être écrivain (et dont les ouvrages sortant de son domaine d'expertise sont nettement moins intéressants, askip).

Ici, on s'éloigne des exemples cliniques et très concrets puisqu'il s'agit, comme son titre l'indique, d'un Manifeste pour une psychiatrie artisanale. Une psychiatrie artisanale, mais keskessè? C'est une approche
- qui respecte la triple dimension Bio - Psycho - Sociale sans se limiter aux seuls aspects neuro biologiques (grosse tendance actuelle).
- qui reconnait une expertise au clinicien, au-delà d'un relevé systématique de critères et symptômes.
- qui laisse au clinicien le choix du traitement le plus adapté parmi un choix de thérapies possibles (et pas systématiquement le traitement X pour le symptôme Y).

J'ai aimé que son écrit se positionne de manière critique face aux EBP/M (pratique/médecine basée sur les preuves) et autres recommandations de bonnes pratiques dont les fondements s'appliquent sur des études de cohortes et des résultats normés, des moyennes, qui ne tiennent pas compte de l'infinie diversité des profils et des besoins. L'EBP et la protocolisation des soins sont difficiles à mener quand « le diagnostic ne repose sur aucun critère véritablement objectif et se heurte à des différences inter-juges considérables ».

Venet, s'il reconnait les limites et dérives de la psychanalyse (et surtout de certains de ses adeptes pratiquants) ; se positionne en défenseur de cette croyance dont il souligne trois fondements essentiels : la prise en compte d'une partie inconsciente dans le fonctionnement psychique ; l'existence de phénomènes de transferts dans la relation thérapeutique et -super crucial!- l'extrême complexité du fonctionnement psychique, irréductible à un simple lien symptôme-traitement. Et ça, je surkiffe.

Et j'ai aimé une citation de Roland Gori qui illustrait l'aura actuellement intouchable des défenseurs des croyances à la mode (neuro-bio) : « /…/ pratiques au service du néolibéralisme qui fabriquent des incompétents estampillés et donc … des dissidents discrédités ».
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Lors d'un échange où j'exposais le cas d'un jeune de ma connaissance souffrant d'un TDAH, à propos duquel on ne savait s'il est vraiment atteint ou s'il joue intelligemment le trouble, une amie me prête ce livre me disant que j'y trouverais des réponses à cette question.

J'ai donc pu vérifier une nouvelle fois que les États-Unis, toujours précurseurs dans leur impérialisme économique sont arrivés à marchandiser même l'état mental des Humains : ils nous rendent fadas et après ils nous fourguent spécialistes et médocs. « On fabrique du virus et on vous vend de l'antivirus » (Mr Sylvestre – les guignols de l'info).
Même méthode, même efficacité !
Me confirmant ainsi que même dans le monde de la psychiatrie, théories néolibérale et humaniste s'affrontent.

Au rythme où nous allons, le rouleau compresseur néolibéral risque de l'emporter. La proposition d'un artisanat au cas par cas, bien qu'humainement réaliste, me semble bien petite face à l'incessante rapacité pour faire du profit à tout crin.

Je retiens donc de cet ouvrage, cette proposition de soins artisanale bâtie en trois dimensions : importance de l'investigation clinique pour essayer de cerner le fonctionnement psychique de chaque patient, en faisant ainsi un cas d'espèce qui doit être traité comme tel ; d'où un parcours de soins le plus adapté au diagnostic établi en tenant compte du mode de vie de chaque patient.

En France, cela a donc pris la tournure d'une chronique d'une mort annoncée : la psychiatrie est en tête de la démolition du service public de santé par l'État

Bien que je n'ai pas pris le temps de me servir du dico à chacun de mes arrêts sur un mot incompréhensible, je m'endormirai moins sot ce soir ; cependant, ce manifeste auquel je souscris ne m'a pas apporté d'autres réponses que celle de devoir faire très attention au choix de son psychiatre (Sécu) ou de son psychologue (pas Sécu) pour suivre et soigner un Troublé de l'Attention.

Comment faire le tri entre le bon grain et l'ivraie ? Surtout quand la région ne propose pas pléthore de spécialistes dont la consultation soit remboursée …. pour les gens de peu de moyens !


Ancelle, le 31 juillet 2023
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Ce manifeste devrait être mis entre toutes les mains.

En premier lieu, parce que la psychiatrie n'est pas réservé « aux autres », « les fous » (je ne cite pas l'auteur ici mais me réfère en clin d'oeil au mécanisme de défense bien connu qui rejette sur un tiers ce que l'on dénie de soi-même) quand on apprend que l'ensemble des maladies psychiatriques touche environ un cinquième de la population et que « sur la vie entière, environ un tiers de la population a souffert, souffre ou souffrira, d'une pathologie psychiatrique. » Ce livre nous concerne toutes et tous, donc.

En second lieu, parce que la dérive dénoncée par l'auteur dans le domaine psychiatrique, fondamentalement la négation du psychisme et de l'intersubjectivité, au profit de la marchandisation universelle qui s'appuie sur la standardisation et sur la rationalisation, si elle n'est pas nouvelle, d'une part est aujourd'hui en phase d'accélération de par l'avènement de l'intelligence artificielle et l'hégémonie globale du néolibéralisme, mais aussi, d'autre part, crée un risque sociétal qui va bien au-delà du champ psychiatrique.

En troisième lieu, parce que son auteur incarne ce qu'il défend : sa plume est celle d'un poète, sa pensée celle d'un philosophe, son intention celui d'un médecin, son livre celui d'un « honnête homme », de l'humaniste qui regarde le monde de manière holistique, sans occulter ce qui lui échappe et ce qu'il ignore. L'auteur conclut en encourageant les psychiatres à oeuvrer tels des artisans, des luthiers plus précisément, ce qui suppose un temps long et un soin adapté à la personnalité unique du patient. L'être n'est pas réductible à l'objectivité.

La question que ne pose pas le livre mais que doit se poser le lecteur est celle-ci : Emmanuel Venet est-il, telle la Sagesse, seul à crier dans le désert ? Est-il déjà trop tard ? Ou peut-on encore dévier le rouleau-compresseur scientiste et néolibéral qui déferle sur nous ?

©Cendre-Bleue
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Emmanuel Venet remet en cause les politiques de la santé publique en France, en particulier en psychiatrie, leur gestion comptable qui privilégie l'économie au détriment du bien-être des malades. Il s'insurge notamment contre la suppression des lits, revient sur les évolutions récentes – sectorisation/transversalité- donne des éléments d'information sur le courants de psychiatrie contemporains, sur les diverses classifications des troubles mentaux, sur le nombre de personnes souffrant de ces troubles …
Critiquant ce qu'il nomme « la psychiatrie de symptôme », et la tendance actuelle à privilégier la thérapie médicamenteuse, il rend hommage à la pensée du psychanalyste Sigmund Freud, et résume en quelques lignes les « idées forces » de celui-ci, en ce qu'elles ont modifié la psychiatrie en France.
En conclusion, il préconise une psychologie artisanale, insistant sur sa dimension triple « biopsychosociale ». Pour lui, « la psychologie ne saurait ses réduire à une palette de techniques entre lesquelles il faudrait choisir la plus pertinente en fonction d'un barème standardisé ». Il considère que la psychiatrie repose d'abord sur une relation entre un soignant et un soigné, et en premier lieu sur l'attention et le respect qui doit lui être porté. Il conclut ainsi « l'exercice de la psychiatrie s'apparente à un artisanat d'art ».
C'est un ouvrage très intéressant, parce qu'il donne aux lecteurs des éléments d'information nécessaires à la réflexion, et rappelle des notions de base que l'on a parfois oublié (ou bien que l'on ne connaît pas).
A la fois militant et pédagogue, Emmanuel Venet explique, démontre et dénonce.
Une démarche à la fois scientifique et engagée.

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Petit livre qui est un manifeste, et pas un pamphlet anti. La critique n'est pas rude. Il fait un constat chiffré, assez honnête des difficultés de terrain dans la psychiatrie en France.
Il tente de réhabiliter a minima la psychanalyse, qui est mère de cet art centré sur l'individu, en opposition à cette volonté scientifique qui écrase le sujet pour les statistiques, les guide-lines de bonne pratique, les symptômes fréquents, les classifications et la médication à l'avenant...
On peut partager pas mal des idées et prises de position de l'auteur. Tout en se demandant comment encadrer les prétendues objectivations et objectifs de médecine evidence based et d'encadrer, de protéger aussi chaque sujet, chaque personne, chaque individu.
Je ne pense pas que ce livre soit un media bien utile et bien puissant pour cette cause qui semble presque perdue d'avance. Enfin, laisser ses traces, semer des cailloux dans les chaussures des géants, c'est déjà ça ?
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Citations et extraits (25) Voir plus Ajouter une citation
... la menace plane sur ce qu'on peut appeler une psychiatrie du sujet, fondée sur la reconnaissance de la dimension stricto sensu intersubjective de la relation de soin, supposant un engagement mutuel des soignants et des personnes soignées, même lorsque la relation thérapeutique s'instaure sous la bannière de la contrainte.
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Une maladie psychiatrique vieille de plusieurs millénaires a récemment disparu des classifications diagnostiques : l'hystérie. (...) Dans son extrême versatilité sémiologique, dans sa mise au défi de toute thérapeutique protocolisée, dans sa rétivité aux médications, l'hystérie ne pouvait pas plaire aux classificateurs modernes, ennemis des zones d'ombre et soucieux d'attribuer à chaque affection un remède à la désignation éclairante - antidépresseur, anxiolytique, thymorégulateur, hypnotique ou antipsychotique, terminologie qui permettra sans doute un jour à la plus simplette des intelligences artificielles de rédiger les ordonnances. On peut craindre que nos taxinomistes modernes, au nom d'un cartésianisme de pacotille, aient considéré que l'absence de médication antihystérique prouvait l'inexistence de cette affection. Mais chasser l'hystérie des classifications ne l'a pas fait disparaître de la réalité pour autant.
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J'ai personnellement reçu plusieurs jeunes patients qui, pour avoir fait deux ou trois tentatives de suicide dans le contexte d'une déception sentimentale, mais aussi pour compter un suicidé ou un suicidant dans leur famille élargie, se sont vu poser à la volée un diagnostic de bipolarité et le traitement qui va avec: thymorégulateur et/ou neuroleptique. Après quoi, un peu plus désespérés pour avoir pris vingt kilos et ne plus se reconnaître, ils arrivent dans leur service de secteur parce que le psychiatre expert qui a posé le mauvais diagnostic n'assure pas le service après-vente. Et c'est un long travail que de leur faire arrêter le traitement qui les détruit, et retrouver, par un accompagnement psychothérapeutique patient, la possibilité de reprendre leur vie en main et de penser le chagrin comme une épreuve de vie et non le symptôme d'une maladie chronique.
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Nous en sommes déjà arrivés à confier le soin de certains symptômes autistiques à des applications numériques, en sachant que la plupart des autistes préfèrent interagir avec des écrans plutôt qu'avec des humains, ce qui fait craindre que, sous couvert d'utiliser un canal qui leur convient, on renforce leur retrait social.
Le soin psychiatrique repose au contraire sur la rencontre d'un sujet malade ou souffrant avec un ou plusieurs autres sujets fondés à lui apporter de l'aide. Autrement dit, les deux conditions primordiales d'une relation thérapeutique sont la reconnaissance de la subjectivité de tous les protagonistes et l'expérience de l'altérité - des deux côtés, et cette expérience n'est d'ailleurs pas moins bouleversante pour les professionnels du soin que pour les personnes soignées.
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Que reste-t-il de la psychanalyse aujourd'hui ? Il me semble que trois idées-forces survivent à toutes les critiques, et garderont à jamais leur pertinence : d'une part, le fait que la vie psychique ne se réduit pas aux phénomènes conscients. D'autre part, le fait que toute relation thérapeutique, lorsqu'elle repose véritablement sur la rencontre entre deux subjectivités, réactualise de manière transférentielle des modalités relationnelles infantiles et inconscientes. Et enfin, le fait que les phénomènes psychiques et psychopathologiques relèvent d'un tel niveau de complexité qu'ils échappent aux raisonnements de causalité linéaire.
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