Excellent essai sur la justice. Cet avocat lettré déploie une finesse d'analyse et une pertinence qui surpassent aisément celles de ses (nombreux) confrères qui se livrent à l'exercice. On n'est bien sûr pas obligé d'adhérer à toutes les idées, parfois très provocatrices, de celui qui a défendu à la fois les terroristes du FLN et Klaus Barbie, mais sa réflexion est toujours intelligente et stimulante. Recommandé aux esprits sans oeillères.
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C'est le criminel que le romancier place en majesté au centre de son roman, qu'il s'incarne dans Julien Sorel ou dans Thérèse Desqueyroux.
C'est à lui que le metteur en scène donne le visage de Gabin ou d'Orson Welles.
C'est lui que, lecteur ou spectateur, nous interrogeons sur cette part d'ombre et de dangerosité que nous sentons en nous qui que nous soyons, quand, seul comme peut l'être un homme qui lit ou une femme qui regarde, nous nous interrogeons sur nous-mêmes.
Dans la procédure française, en face du dossier de l'instruction préparé par le juge d'instruction, l'avocat et le procureur sont comme des monteurs de cinéma devant des rushes. Chacun, choisissant dans le dossier ce qui lui convient : aveux, témoignages, expertises, en fait un montage et raconte une histoire non pas vraie (la Vérité est fondamentalement hors de portée de la Justice), mais vraisemblable.
Le crime est comme le soleil. Certains ne peuvent pas le regarder en face. Pour exclure l'assassin de la société des hommes, ils font appel aux experts dont on attend qu'ils le déclarent fou. Mot magique qui évite de réfléchir.
Quand je défends un homme accusé à tort ou à raison des pires méfaits, ce n'est pas lui que je plains mais ceux qui ne comprennent pas que je puisse le faire.
Quand un renard est pris au piège, il ne se plaint pas de l'injustice subie. Il n'invoque pas le ciel ni n'appelle la SPA. Il coupe simplement sa patte. Trop heureux d'en garder trois. Il a le sens du destin. C'est ce qui manque le plus au monde occidental d'aujourd'hui.
Interview de Roschdy Zem, pour son film "Omar m'a tuer" (2011), d'après le fait divers et le livre de Jacques Vergès.