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Isabelle Emile-Moëglen (Éditeur scientifique)
EAN : 9782701148731
96 pages
Editions Belin (19/08/2008)
4.02/5   228 notes
Résumé :
" Il pleure dans mon cœur Comme il pleut sur la ville ; Quelle est cette longueur Qui pénètre mon cœur ? "
C’est au printemps 1874, dans la prison de Mons, en Belgique, que Paul Verlaine reçoit les premiers exemplaires de Romances sans paroles. Le poète maudit vient de vivre des amours tumultueuses, des ruptures et des crises. Sa poésie se libère des contraintes de la versification. Entre confidences amoureuses et impressions de voyage, voici un recueil plac... >Voir plus
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Critiques, Analyses et Avis (13) Voir plus Ajouter une critique
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En effet, le fameux poème tant chanté et étudié de Verlaine « Il pleure dans mon coeur » se trouve dans ce recueil central de l'oeuvre de ce poète maudit ; petit recueil d'une vingtaine de poèmes.

Divisé en quatre parties distinctes, le recueil constitue un tournant dans la poésie verlainienne puisqu'il est une rupture avec les Parnassiens. Ainsi, la touche du poète apparait plus claire par le choix de l'impair et du rejet qui contraste avec la linéarité fade des scènes décrites. Verlaine essaie de saisir des images fuyantes et des paysages insaisissables. Il ne garde que des traces dans un jour trouble :

Je devine, à travers un murmure,
Le contour subtil des voix anciennes
Et dans les lueurs musiciennes,
Amour pâle, une aurore future !

Et mon âme et mon coeur en délires
Ne sont plus qu'une espèce d'oeil double
Où tremblote à travers un jour trouble
L'ariette, hélas ! de toutes lyres !

On remarque aussi ce conflit continuel entre le moi impersonnel et la sensibilité personnelle ; la tristesse et le spleen d'un côté et la joie et l'amour idéal de l'autre :

Tournez, tournez, bons chevaux de bois,
Tournez cent tours, tournez mille tours,
Tournez souvent et tournez toujours,
Tournez, tournez au son des hautbois.

Par ailleurs, Romances sans parole, qui a inspiré le compositeur Félix Mendelssohn, comporte des pièces dignes d'un peintre impressionniste dans leur méticulosité fanée (Paysages Belges) :

La fuite est verdâtre et rose
Des collines et des rampes,
Dans un demi-jour de lampes
Qui vient brouiller toute chose.

L'or sur les humbles abîmes,
Tout doucement s'ensanglante,
Des petits arbres sans cimes,
Où quelque oiseau faible chante.

Triste à peine tant s'effacent
Ces apparences d'automne.
Toutes mes langueurs rêvassent,
Que berce l'air monotone.
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Romances sans paroles. Verlaine

Le titre tout d'abord est paradoxale. Une romance est une pièce poétique simple, populaire sur un sujet sentimental. Ici le terme est au pluriel et on peut toujours considérer que chaque poème est une romance. Il y a un aspect musical dans la romance et, s'agissant de Verlaine qui met « la musique avant toute chose » et dont la mélodie du vers n'est plus à démontrer, cela tombe plutôt bien. Quant aux paroles, elles sont bien là…Le titre est emprunté à une oeuvre de Mendelssohn, reprend un vers des « Fêtes galantes » (A Clymène) mais sa publication initiale est plutôt passée inaperçue. Sa réédition en 1887 eut davantage d'audience.
Ces poèmes publiés en1874 ont été écrits en 1872 et 1873, c'est à dire à l'époque où il quitte son foyer malgré son récent mariage avec Mathilde et entame sa folle épopée avec Raimbaud sur qui il tire deux coups de pistolet, ce qui l'envoie en prison pour deux ans à Mons. C'est d'ailleurs dans sa cellule qu'il reçoit les premiers exemplaires de ce recueil.
Ces textes épousent l'itinéraire de ces deux poètes quelque peu marginaux, retracent leur épopée amoureuse (« Ariettes oubliées ») avec peut-être un peu de regret de celle qu'il a abandonnée (VII) et dont il souhaite de pardon (IV) On peut même voir dans la V° une allusion à peine voilée au piano dont jouait sa belle-mère, férue de musique et sûrement aussi à Mathilde. Il parle d'ailleurs du « boudoir longtemps parfumé d'Elle ». Regrette-il à ce moment ce foyer dont il a tant rêvé dans « La bonne chanson » ? Dans la VII° « O triste triste était mon âme, A cause à cause d'une femme » on peut y voir la marque de ce remords, de cette volonté de solliciter son aide, peut-être ? Ces textes portent la marque du talent et de l'influence de son ami notamment lorsque Verlaine dans la VI° évoque « le chien de Jean Nivelle », Rimbaud lui ayant communiqué son goût pour les chansons populaires. Verlaine abandonne ici l'esthétique du Parnasse qui lui servit de boussole à ses débuts.
Comme une transition avec ce qui va suivre, ces ariettes se terminent sur des descriptions de paysages. C'est en effet l'évocation des villes de Walcourt, de Charleroi, de Bruxelles et de Malines qui témoigne de leur itinéraire belge. L'Angleterre lui succédera. Voilà que Mathilde, en juillet 1872, part pour Bruxelles accompagnée de sa mère dans le but évident de reconquérir son mari ; « Birds at night » relate cette entrevue dans un hôtel puis dans un dans un jardin public, Verlaine lui réitère son amour, l'accuse un peu de ne l'avoir pas compris («  Vous qui fûtes ma Belle, ma Chérie, encor que de vous vienne ma souffrance ») , l'invective même dans « Child wife », justifie sa fuite et la quitte. Avec « Aquarelle » il est en Angleterre et il écrit encore pour Mathilde, mais le destin est en marche et il est implacable !
De tout ce recueil Verlaine fait entendre la musique de son vers, son aspect « impair », ses descriptions, les couleurs quelque peu estompées et qu'on peut apparenter à l' « impressionnisme » . Pour autant, j'en retire une sorte d'impression assez malsaine où Verlaine exprime son désarroi devant les choses d'une vie dans laquelle il a du mal à se glisser. Il relate un parcours un peu chaotique, ses amours avec Rimbaud et ceux avec Mathilde, une situation assez ambiguë, une unité assez difficile à trouver qui témoigne de son mal-être. Il n'abandonne pas la rime adopte des métriques différentes, parfois même étonnantes ce qui montre sa soif de liberté dans le domaine de la poésie comme il l'exprime dans son « Art poétique ». Cela annonce le vers libre qui s'épanouira plus tard, mais il reste sur cette position assez traditionnelle. Cette époque d'après la Commune, correspond à sa rupture avec le Parnasse. Pour autant il émane de ces textes une immense tristesse, celle peut-être de n'avoir pas sa place en ce monde, celle peut-être d'avoir définitivement perdu Mathilde même s'il n'était pas très sûr de l'aimer, triste de voir l'escapade amoureuse avec Rimbaud tourner court, triste peut-être de ne plus être capable d'aimer personne et de n'être pas capable de dominer la violence qu'il porte en lui et de ne pouvoir que s'abandonner à ses démons.
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Romances sans paroles c'est un petit recueil de vingt- et- un poèmes qui dévoilent la nostalgie de l'aventure amoureuse vécue avec Arthur Rimbaud, les souvenirs qui subsistent, ceux des voyages entrepris en Belgique, Angleterre, en Ecosse, grisante et extatique déambulation qui se voulait délivrance mais qui se révéla aussi tristesse insidieuse, avec du gris que l'on porte à l'intérieur de soi, et qui subsiste dans les paysages que l'on voit, et qui vient perturber et angoisser les instants de bonheur. « Une série d'impressions vagues, tristes et gaies, avec un peu de pittoresque presque naïf ».
Des poèmes qui révèlent l'intimité de cette relation, écrits en se libérant des contraintes de la versification mais puissamment bercés par la musicalité des mots.
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Un court recueil de 23 poèmes. Mais quelle qualité, quelle rythme, quelle musicalité. Pas étonnant que ces poèmes aient inspiré Debussy qui en mit en musique six, et Fauré, qui en fit de même pour trois d'entre eux.

Verlaine, sans doute sous l'influence de Rimbaud, avec lequel il était en couple à cette période, y crée des poèmes totalement novateurs, "impressionnistes", l'exemple le plus frappant étant le poème Charleroi, mais aussi Chevaux de bois, Streets, Malines,..qui mettent en avant la sensation pure, ainsi que les ariettes 8 et 9 qui expriment la tonalité mélancolique du paysage.

Et puis, on est sous le charme des Ariettes oubliées, et des Aquarelles utilisant souvent des vers impairs, dont le rythme et la musicalité évoquent parfois de façon étonnante le rythme ïambique des poèmes allemands ou anglais. Mais aussi, que de mélancolie latente ou exprimée dans beaucoup d'entre eux, et pas seulement Spleen.

Un de mes favoris est l'incroyable poème Beams, remarquable par son propos: l'évocation quasi-christique d'une femme blonde (mais n'est-ce pas un Rimbaud blond?) marchant sur les flots de la mer, sa sérénité, et par son rythme que je trouve merveilleux, notamment dans les deuxième et troisième quatrains.
Par exemple, ces trois vers:
"Des oiseaux blancs volaient alentour mollement
Et des voiles au loin s'inclinaient toutes blanches
Parfois de longs varechs filaient en longues branches"
Qui semblent s'accélérer d'un rythme 2/2 à 3/3 puis 6/6.

En conclusion, pour moi, le meilleur recueil de Verlaine, avec juste un ton au-dessous les Fêtes Galantes. Dommage que Verlaine n'ait pas toujours suivi cette voie, mais on trouve aussi des merveilles dans Sagesse, dans Jadis et Naguère (le stupéfiant "Crimen Amoris"), et puis de temps en temps par la suite...
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Petit recueil: raison de plus pour déguster longuement son contenu. Surtout, ne pas se précipiter pour tourner la page. Relire tranquillement: de nouvelles effluves apparaissent, de nouvelles images , de nouvelles mélodies.
Comment ne pas être sensible, dès la première page, à la sonorité du titre: "ariettes oubliées", vite suivies des "frissons des bois", de "l'étreinte des brises", du "cri doux que l'herbe expire".
Et nous n'en sommes qu' à la première page!

Comment de pas être sensible à la mélodie mélancolique du "contour subtil des voix anciennes" , à ces peintures poétiques des paysages belges?
Peintures qui prennent plus loin la forme d'aquarelles, titre du dernier regroupement des Romances.
Et l'on imagine bien l'aquarelle: " les roses étaient toutes rouges et les lierres étaient tout noir"

Est il besoin de préciser mon avis? Lisez et relisez ce recueil de Verlaine.
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Citations et extraits (28) Voir plus Ajouter une citation
Voici des fruits, des fleurs, des feuilles et des branches
Et puis voici mon coeur qui ne bat que pour vous.
Ne le déchirez pas avec vos deux mains blanches
Et qu'à vos yeux si beaux l'humble présent soit doux.

J'arrive tout couvert encore de rosée
Que le vent du matin vient glacer à mon front.
Souffrez que ma fatigue à vos pieds reposée
Rêve des chers instants qui la délasseront.

Sur votre jeune sein laissez rouler ma tête
Toute sonore encor de vos derniers baisers ;
Laissez-la s'apaiser de la bonne tempête.
Et que je dorme un peu puisque vous reposez.
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Dans l’interminable
Ennui de la plaine
La neige incertaine
Luit comme du sable.

Le ciel est de cuivre
Sans lueur aucune.
On croirait voir vivre
Et mourir la lune.

Comme les nuées
Flottent gris les chênes
Des forêts prochaines
Parmi les buées.

Le ciel est de cuivre
Sans lueur aucune.
On croirait voir vivre
Et mourir la Lune.

Corneille poussive
Et vous, les loups maigres,
Par ces bises aigres
Quoi donc vous arrive?

Dans l’interminable
Ennui de la plaine
La neige incertaine
Luit comme du sable
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O triste, triste était mon âme
A cause, à cause d'une femme.
Je ne me suis pas consolé,
Bien que mon coeur s'en soit allé,
Bien que mon coeur, bien que mon âme
Eussent fui loin de cette femme.
Je ne me suis pas consolé,
Bien que mon coeur s'en soit allé.
Et mon coeur, mon coeur trop sensible
Dit à mon âme: Est-il possible,
Est-il possible, - le fût-il, -
Ce fier exil, ce triste exil ?
Mon âme dit à mon coeur: Sais-je
Moi-même, que nous veut ce piège
D'être présents bien qu'exilés,
Encore que loin en allés?
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C'est l'extase langoureuse

C'est l'extase langoureuse.
C'est la fatigue amoureuse,
C'est tous les frissons des bois
Parmi l'étreinte des brises.
C'est, vers les ramures grises
Le chœur des petites voix.

Ô le frêle et frais murmure
Cela gazouille et susurre,
Cela ressemble au cri doux
Que l'herbe agitée expire..
Tu dirais, sous l'eau qui vire,
Le roulis sourd des cailloux.

Cette âme qui se lamente
En cette plainte dormante
C'est la nôtre, n'est-ce pas ?
La mienne, dis, et la tienne,
Dont s'exhale l'humble antienne
Par ce tiède soir, tout bas ?
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"Voici des fruits, des fleurs,des feuilles et des branches
Et puis voici mon cœur qui ne bat que pour vous.
Ne le déchirez pas avec vos deux mains blanches
Et qu'à vos yeux si beaux l'humble présent soit doux"

"Green"Romances sans paroles, Paul Verlaine, 1874.
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Dans l'interminable Ennui ... La neige incertaine Luit comme du sable.

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