IV
RENTRANT CE SOIR
Le bleu a émergé de par-delà
tout ce qui apparaît
et habille le clair-obscur d'une montagne
que tu es en train de regarder.
Le bleu est en toi,
et attend là.
Le bleu chante sans bruit,
s'approfondit, tend vers le noir.
C'est ta propre montagne quand tu
rentres de voyage. Elle ne parle jamais de
ce que la vie est devenue.
Mais la montagne muette qui dirige
le cours des flots,
et l'homme fatigué qui se dirige
vers son giron
restent aussi immobiles l'un et l'autre
dans ce chant ténébreux.
QUARANTE DEGRES A CATANE
La mer chaude
étire une langue indolente
vers des cuisses dorées
sur un sable de braise.
La paralysie caniculaire sévit.
Derrière l'obscurité des lunettes
le cerveau a de hauts loupés
comme des avions blessés.
Le soleil est sauvage
et il ne faut pas en parler,
mais la terre est un fourneau,
et l'Etna sur le feu
fume du goulot.
Quand on voit une fleur qui nous est chère
piétinée, et humiliée et cassée,
mais
qu'on la voit se redresser,
trouver la santé, trouver des couleurs, devenir belle,
trouver la force de se lever
alors on ne trouve pas que la vie soit vaine.
( cité par Richard Rognet, dans " Les frôlements infinis du monde")
La fleur se dresse
Quand on voit une fleur qui nous est chère
piétinée et humiliée et cassée,
mais
qu’on la voit se redresser,
trouver la santé, trouver des couleurs , devenir belle,
trouver la force de se lever
– alors on ne trouve pas que la vie soit vaine
Avant qu’elles ne disparaissent
il est encore temps de songer à
ce qu’elles ont signifié pour soi,
à ce qu’elles continuent d’être.
On se dit que dans un sens
on a toujours vu sa vie au travers
de branches souples, nues,
et de branches grossières à l’écorce épaisse.
Enchevêtrement d’air et de vie
et de tout ce qui afflue.
« […] Liv ved straumen parut à l'automne 1970 […] quelques mois après la mort de son auteur […].
« […] par-delà ce qui se dit, en résonance, jusque dans l'espace de ce qui ne se dit pas ou bien de ce qui n'est pas dit […] ; là, semble-t-it, se joue l'un des aspects les plus marquants de l'oeuvre de Tarjei Vesaas […]. » (Olivier Gallon)
« Romancier, nouvelliste et poète norvégien, Tarjei Vesaas (1897-1970), fils de paysan, hésite longtemps entre le métier de son père et l'écriture. Il écrit en néonorvégien (nynorsk) et atteint une notoriété nationale et européenne en 1934 avec le Grand Jeu. Il publie deux grands romans après la guerre : Les Oiseaux et le Palais de glace. » (Yvon le Men)
« […]
[…]
Ma maison est un tumulte insensé,
de miroirs et de portes,
et c'est ainsi qu'elle restera. »
(Tarjei Vesaas, de la vie dans ma maison)
0:00 - 1er extrait
0:36 - du perron
1:11 - le voyage
1:49 - le chemin
2:11 - La graine semée à l'aveugle
2:34 - Par de sombres défilés
3:13 - Générique
Référence bibliographique :
Tarjei Vesaas, Vie auprès du courant, Traduction de Céline Romand-Monnier, Éditions La Barque, 2016
Image d'illustration :
https://snl.no/Tarjei_Vesaas
Bande sonore originale : REW - Swimming With Kawatora
Swimming With Kawatora by REW is licensed under an Attribution-Noncommercial-Share Alike 3.0 United States License.
Site :
https://freemusicarchive.org/music/REW_1123/Swimming_with_Kawatora/Swimming_With_Kawatora_1254
#TarjeiVesaas #VieAuprèsDuCourant #PoésieNorvégienne
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