[Extrait du blog Fils de lectures que je tiens]
Voilà des semaines que je me dis qu'il faut absolument que je parle de
Tarjei Vesaas (1897-1970) sur ce blog. Pourquoi? Tout simplement parce cet auteur norvégien est une sorte de géant de la littérature. Un grand, un très grand. Un auteur dont les livres peuvent hanter leurs lecteurs après des années. Et puis voilà que le metteur en scène
Claude Régy a repris sa mise en scène de
la barque le soir au théâtre 104 à Paris (créé l'année dernière) et que France Culture s'en fait le relais (voir le lien ci-après). C'est donc le moment ou jamais (même si le spectacle ne se joue plus).
La lecture d'un livre de
Vesaas est une expérience qui sort un peu de l'ordinaire; On y est en effet embarqué dans un monde où le rêve, qui peut aussi être cauchemar, est à tout moment présent. Un rêve qui peut avoir la présence d'un réel plus réel que le réel. Ou plutôt, plus réelle que la réalité, celle dans laquelle nous vivons. Il y a là quelque chose qui ressemble fort à ce que le psychanalyste anglais
D.W. Winnicott appelait fantasying, cette rêverie ou ce fantasme qui nous prend entre veille et sommeil, qui oscille entre ce que le monde nous donne à voir et ce que notre imaginaire va chercher on ne sait où. Des images et des impressions qui s'ancrent au plus profond de nous et qui sont comme un rêve étrange et pénétrant, à la fois insolite et pourtant vaguement familier. Des images qui viennent habiter en nous comme si elles y avaient toujours été attendues, même si on ne les comprend pas toujours. Même si souvent on ne les comprend pas.
Une voix, une barque et un fleuve. le mouvement du courant entre les rives. Voilà ouvert les écluses de la parole.
Il y a du mouvement, de la vie dans la barque. Se forment des rangées d'images.
La barque avance avec un courage que nul ne comprend.
Ceux qui restent à terre entrevoient sa course parmi les silhouettes.
Beaucoup d'inattendu s'y mêle. Ce ne sont pas des nouveautés non plus, elles ont déjà été là.
Il y a la neige dans laquelle on enfonce et l'homme qui mène son cheval, puissant. le cheval, l'homme et l'enfant ouvre le chemin dans la neige épaisse qui continue de tomber.
L'homme dans la barque tombe, s'accroche à elle. le courant les entraîne et la vie continue de tourner, les souvenirs de revenir, les chiens font entendre leurs voix. Les odeurs aussi reviennent; Celle de la pluie sur une peau chauffée par le soleil, couverte d'une mince chemise; La jeune fille et la montagne, chauffée par le soleil. Les images s'enchaînent avec leur sensation, odeurs et sons, alors que le courant l'emmène toujours plus loin.
En se perdant dans le courant, à la frontière de deux monde, l'homme retrouve tout ce qui a fait sa vie; Ce qui la fait encore.
On peut être envoûté ou dérouté par cette écriture qui semble exiger du lecteur des choses inhabituelles, comme un long poème dont on perd parfois le fil.
Les choses sont pourtant simples. Simples si on les accepte. L'auteur nous souffle vers la fin de son récit ce qui pourrait être une clé pour pénétrer cette écriture.
Ne pas comprendre, mais être à proximité de ce qui se passe.
Il reste à accepter de ne pas comprendre, pas tout ni toujours. le voyage auquel nous convie alors
Tarjei Vesaas, il se pourrait que vous ne parveniez pas à vous en détacher si facilement
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