La peur s'évapore. Elle n'est plus tout à fait seule à se battre contre elle-même. La nuit est tombée. Elle attend l'improbable sommeil.
Ce temps qu'elle n'avait plus à perdre, ce temps ténu, tendu contre la mort comme une dernière virgule, fragile.
Elle a continué à énumérer, mais bientôt elle n'a plus pensé qu'au soulagement immense qu'elle éprouverait à s'abandonner dans ses bras, juste une fois. Elle pense toujours à ça, à la chaleur de son corps. Elle voudrait qu'il l'aime autant qu'elle l'aime, qu'il reste avec elle, qu'il la garde en lui pour toujours, qu'il ne la laisse pas. Il en joue peut-être, avare parfois de sa présence, omniprésent. Tout cela d'ailleurs n'est peut-être qu'un jeu, dont il est le maître malgré lui, dont on ne peut plus évaluer la mise.
Anorexique. Ca commence comme anorak, mais ça finit en hic. Dix pour cent en meurent à ce qu'il paraît. Par inadvertance peut-être. Sans s'en rendre compte. De solitude, sûrement.
" Elle ouvre les yeux et voudrait hurler à en perdre le souffle sa terreur d'en être arrivée là. "
À voix haute les insultes, à voix basse la compassion.
Vous n'avez pas besoin de mourir pour renaître. Elle avait écrit ces mots quand elle était rentrée chez elle. Ces mots ensuite avaient fait leur chemin.
Comme elle voudrait être (...) une autre. Comme elle voudrait être désirable elle aussi. Elle n'est qu'une épingle noyée dans ses vêtements, un ectoplasme, la tête pleine de honte et d'angoisse. Une pauvre conne qui a foutu sa vie en l'air, c'est bien fait, transparente, minable, un vieil os pourri bouffé jusqu'à la moelle.
" Ce n'est jamais assez, cet amour qu'on lui donne. Son père souffre d'être mal aimé, il souffre de ce vide qu'il creuse autour de lui, peu à peu, malgré lui. Il souffre d'un mal étrange, un mal qui le ronge aussi. Il détruit tout, les attaches, les sentiments. "
Il dit se battre contre soi pour comprendre un jour qu'on se bat pour soi.