Je me sens bien démuni pour parler de ce livre et de la tétralogie dont il fait partie tant j'ai d'admiration pour cette oeuvre et son auteur, qui prennent place au premier rang de mon Panthéon littéraire.
Je ne pourrai donc, empruntant le titre de
Cioran, que me livrer à un Exercice d'admiration.
Je dois cependant parler un peu de mon rapport à ce livre. La lecture des Humeurs de la Mer, effectuée d'un trait au début des années 80, peu après la parution du dernier volume du cycle a été pour moi un choc qui a largement contribué à ma constitution spirituelle et intellectuelle. Vous me direz qu'à trente ans et quelques, il était temps d'en terminer. Mais en a-t-on jamais fini ?
Je ne saurais dire à combien de relectures j'en suis à ce jour, je suis actuellement plongé dans la dernière en date.
L'oeuvre maintenant. Ce que je vais en dire porte sur l'ensemble du cycle, la lecture d'un volume isolé pouvant être plaisante mais faisant cependant perdre l'essentiel.
Compte tenu de la structure de l'oeuvre, la résumer est difficile.
Je dirai donc simplement qu'elle est construite en spirale autour d'un personnage central, qui n'est pas le narrateur, ni un narrateur univoque et omniscient. Ce personnage, quel est-il ? Vous le découvrirez si je suis parvenu à vous donner envie de lire ce livre. Disons seulement qu'il m'a gentiment prêté son pseudonyme, qui est aussi le sien, tout au moins dans le premier volume.
Non que j'aie la prétention de me comparer à lui, tellement il a plus d'ampleur que moi.
La narration globale est en spirale, en ce sens que chaque volume a pour thème un évènement particulier, et ses rapports avec le personnage central mais que cependant dans le cours du récit l'auteur passe et repasse sur chacun de ces événements, y apportant chaque fois un nouvel éclairage, de nouveaux points de vue. C'est pour cela qu'il faut lire l'ensemble de l'oeuvre, dans l'ordre.
Et on va parcourir ainsi une moitié du siècle, de la révolution russe à la Guerre d'Algérie, en passant par la Seconde Guerre Mondiale. A ces différentes époques, les histoires personnelles des personnages se révèlent et s'entremêlent.
Tout cela forme un roman passionnant
Il se double d'une réflexion sur les formes littéraires (théâtre, roman, poésie, cinéma..) et leur aptitude à narrer plus ou moins le cours des choses.
Mais cette réflexion n'a rien d'aride, car nous avons bel et bien, enchâssés dans le cours du roman (je le répète, il s'agit d'un roman unique) une pièce de théâtre avec le récit de sa mise en scène, un scénario de cinéma, des poèmes.
Il s'agit aussi d'une méditation sur le problème du mal, où
Dostoïevski n'est pas loin, Volkoff n'est pas d'origine russe pour rien.
Et que dire encore ? Beaucoup de choses, mais cela suffit peut-être.
Un mot sur l'auteur. Il était fils de Russes blancs, il a parfaitement assimilé le meilleur de la culture française tout en demeurant profondément attaché à sa culture d'origine et la religion orthodoxe. Il a fait son service en Algérie, et a été quelques années enseignant dans le Sud des États-Unis, pays qu'il connaissait bien et aimait avec quelques réserves.
Tout cela transparait dans son
oeuvre, sans qu'il soit aucun des personnages.
C'était un homme d'une courtoisie et d'une délicatesse rares, un homme rare tout court. J'ai eu le privilège de le rencontrer trop brièvement dans le cadre d'une foire aux livres en 1997. Il avait cependant pris le temps d'échanger brièvement avec moi au sujet de son roman.