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EAN : 9782864325369
86 pages
Verdier (02/05/2008)
4.32/5   19 notes
Résumé :

Le monde est devenu plus rude. On ne peut plus comme avant contempler les fleurs des cerisiers ni philosopher avec des amis autour d'une coupe de vin.

Désormais, quand on regarde les nuages, c'est à travers les barbelés. Quand on s'endort, c'est dans la promiscuité et les mauvaises odeurs. Plus rien n'est paisible. La poésie persiste en dépit des circonstances, l'humour et le détachement continuent à ordonner l'existence, mais la voix s'é... >Voir plus
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Critiques, Analyses et Avis (7) Voir plus Ajouter une critique
Ici la nuit est sans lune. Elle a une odeur de crasse et de pourri.

C'est peu de dire que les haïkus de prison de Lutz Bassmann n'ont rien à voir avec la poésie lumineuse que Nazim Hikmet écrivit quand il était incarcéré à Bursa:
« Je suis dans la clarté qui s'avance.
Mes mains sont pleines de désirs, le monde est beau. »

Dans la poésie carcérale post-exotique, le ciel est noir, très noir, l'intelligence est ralentie, et on a renoncé à quasiment tout. le monde est laid.
« Il y a vraiment trop de monde dans la cellule
on ne peut plus préparer
son suicide »

Avec un humour grinçant, Bassmann évoque le sombre quotidien des prisonniers, et à travers eux, l'évanescence de notre humanité, sa dégradation dans la puanteur de la désespérance.
« Parfois dans la pénombre nous ressemblons
à des miséreux dans une boîte
parfois nous ne ressemblons à rien »
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Laissons parler Antoine Volodine sur son hétéronyme Lutz Bassmann, écrivain emprisonné, un des porte-voix du post-exotisme (dans son essai "Le post-exotisme en dix leçons, leçon onze") :
"Les derniers jours, Lutz Bassmann les passa comme nous tous, entre la vie et la mort. Une odeur de pourri stagnait dans la cellule, qui ne venait pas de son occupant, encore que celui-ci fut à l'article de et se négligeât, mais du dehors […] Bassmann, lui n'attendait rien. Il s'asseyait en face de nos visages abîmés et il les regardait. Il contemplait les photographies mal lisibles, spongieuses, les portraits obsolètes de ses amis hommes et femmes, tous défunts, et il se remémorait on ne sait de quoi de trouble et, en même temps, de merveilleusement scintillant, qu'il avait vécu en leur compagnie."


Poème en trois chapitres, les «Haïkus de prison» de Lutz Bassmann, racontent la prison, la déportation et l'enfer des camps, dans ce chant lancinant de 489 haïkus qui tend vers l'hiver et la noirceur absolue.

Voix des dominés, des minoritaires, de ceux qui sont aux marges, ce sont les récits des Tadjiks, du Mandchou, du boucher moldave, du boxeur fou ou du bonze, de tous ceux qui tentent de survivre dans le chaos de l'enfermement, de raccommoder ensemble des morceaux de vie au milieu des suicides et des meurtres, de tous ceux qui succombent.

Quelle est cette prison ? Où sont-ils et pourquoi ? Après quelles défaites ? Cela restera obscur. Certains tentent en prison de reconstituer une organisation pour résister mais elle est vouée à la défaite dès le premier haïku.

"L'organisation s'est constituée
on attend que les chefs surgissent
pour les haïr"

Malgré la puanteur de la cellule, la barbarie de l'enfermement, de la déportation et du camp, une poésie visionnaire et un humour étonnamment juste se dégagent de ces vers hallucinés, de ces lambeaux de vie qui se désagrègent, de cette voix qui tend vers l'évanouissement.

"Personne ne s'est inscrit pour la chorale
l'animateur
est anthropophage"

"Pour instaurer la discipline
le commandant
tue quelqu'un au hasard dans le fossé"

"Le vétéran parle de l'été
j'ai du mal à me rappeler
de quoi il s'agit"

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quel beau chant ces haikus de prison;
pensez donc une suite de haikus faisant continuité et tableau quasiment de la narration
un chant triste certes mais avec son comptant de lueur ironique;
au total un bonheur de lecture qui rend heureux et pourtant comme dans l'univers de volodine nous sommes placés dans le royaume de l'horreur sans espoir.l'univers concentrationnaire à venir cela volodine ou lutz bassmann son pseudo d'auteur n'en doute pas.
comment expliquer le bonheur de lecture alors que le récit est terrible?
sans doute l'horreur est rendue de telle façon qu'elle est grotesque tout en étant trés réaliste.
une humanité dépeinte sans aucun masque social en vigueur et nous l'aimons cette humanité quelles que soient les horreurs ou le ridicule dont elle empreinte.est il paradoxal d'énoncer que bassmann nous donne une leçon d'humanité?,en tout cas de la vraie littérature.
de la littérature prophétique?on peut en jouir sans modération et le lire à haute voix comme une incantation avec l humour qui ici est vraiment ma politesse du désespoir
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L'univers d'Antoine Volodine, qui prête ici sa plume à Lutz Bassmann, est féroce et implacable. Il semble rendre compte du cauchemar de l'idéaliste contemporain. de ce rêve-moteur, à la fois projection de l'esprit et crise de réalité, émergent le sordide, mais aussi l'humour et la poésie. Comme si l'oppression, quelle que soit sa force, se cassait fatalement les dents sur la structure de l'être. Bref, un recueil vital.
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Extrait de ma chronique (croisée avec "Le Post-exotisme en dix leçons, leçon onze" :

"Ces haïkus ne retiennent, de la forme traditionnelle japonaise, que la présentation en trois lignes, comme s'ils étaient traduits (ce qui est cohérent avec l'intention affichée par Volodine dans Chaoid, "écrire en français une littérature étrangère") ; les contraintes syllabiques (5, 7, 5 syllabes) ne se retrouvent guère que dans la présentation de la première partie (5 haïkus en première page, 7 dans les 26 pages suivantes, 5 sur la page finale – mais est-ce vraiment fait exprès ?)


En revanche, l'organisation en une suite poétique (qui finit ici par former une histoire) ou la cristallisation d'un moment-clé en peu de mots sont conformes à la tradition, de même que la possibilité d'une version parodique du haïku (le senryû) – tout ceci fait sens avec la conception temporelle de mise dans le post-exotisme, "dans lequel l'infiniment bref chevauche ou côtoie l'éternité, et même réussit à la distendre" (page 22 de la leçon)."
Lien : https://weirdaholic.blogspot..
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Citations et extraits (60) Voir plus Ajouter une citation
Un papillon est entré dans la cellule
une merveille
zigzague dans l’air fétide
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Le moine médite face au mur
le vieux en profite
pour lui voler son pain
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L’ancien cheminot regarde par la fenêtre
mais le paysage
ne défile pas
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On a lessivé la cellule
la crasse a pris des odeurs
de savon
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L’organisation s’est constituée
désormais quoi qu’il arrive
ce sera chacun pour soi
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Video de Lutz Bassmann (1) Voir plusAjouter une vidéo
Vidéo de Lutz Bassmann
Rencontre animée par Pierre Benetti
Depuis plus de trente ans, Antoine Volodine et ses hétéronymes (Lutz Bassmann, Manuela Draeger ou Eli Kronauer pour ne citer qu'eux), bâtissent le “post-exotisme”, un ensemble de récits littéraires de “rêves et de prisons”, étrangers “aux traditions du monde officiel”. Cet édifice dissident comptera, comme annoncé, quarante-neuf volumes, du nombre de jours d'errance entre la mort et la réincarnation selon les bouddhistes. Vivre dans le feu est le quarante-septième opus de cette entreprise sans précédent et c'est le dernier signé par Antoine Volodine. On y suit Sam, un soldat qui va être enveloppé dans les flammes quelques fractions de seconde plus tard, quelques fractions de seconde que dure ce livre, fait de souvenirs et de rêveries. Un roman dont la beauté est forcément, nécessairement, incandescente.
À lire – Antoine Volodine, Vivre dans le feu, Seuil, 2024.
Son : Axel Bigot Lumière : Patrick Clitus Direction technique : Guillaume Parra Captation : Claire Jarlan
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