Albert, le petit cochon propre

En littérature jeunesse, un petit cochon qui aime être propre et sentir bon, c'est aussi surprenant et improbable qu'un petit loup gentil.
Alors que son père, sa mère, ses frères et ses soeurs se roulent dans la fange avec bonheur, oh oh ♪♫, Albert adore « courir dans l'herbe, sentir les fleurs, se laver avec du savon à la violette, regarder les différentes formes de nuage, se brosser les dents, écouter les oiseaux chanter dans les arbres et prendre des douches chaudes. » Propre, esthète et poète... ça en fait des différences !

Album amusant, dont le côté décalé devrait réjouir les petits lecteurs. Absurde des situations où toutes les règles de vie sont inversées. Dans la famille d'Albert, c'est la saleté qui est valorisée : on a une machine à salir le linge qu'on utilise avec « une lessive très spéciale » pour obtenir « une saleté impeccable », on se trempe les mains « dans un seau de boue, de crottin et de vieux chou pourri » avant de passer à table, et aider ses parents à entretenir la maison consiste à la salir.
L'enfant ne peut que se sentir interpellé, c'est aussi fascinant et tentant que dégoûtant, ce mode de vie ! La lecture devrait susciter une alternance de "Trop bien !" et de "Beurk !". Et des rires, parce qu'en plus il y a du scato à gogo - une valeur sûre auprès du public visé.

Eloge de l'hygiène, de la différence, de l'émancipation, du droit à affirmer une identité et des choix en rupture avec le modèle familial - ces idées sont également défendues avec finesse dans l'excellent 'Maxime Loupiot' (Marie-Odile Judes).
Le lecteur adulte peut être heurté si quelques parallèles politiquement incorrects lui viennent à l'esprit, mais l'album est destiné aux enfants, et il leur plaira, à coup sûr.