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EAN : 978B0092KZ1GM
Unknown (17/11/2011)
4.32/5   44 notes
Résumé :
Charles Ephrussi, qui inspira à Proust le personnage de Swann, fut le patriarche d'une des plus grandes familles de la bourgeoisie juive du XIXe siècle. Amis de Schnitzler, d'Hofmannsthal, mécènes des impressionnistes, les Ephrussi menèrent grand train entre Paris et Vienne jusqu'à ce que le pillage nazi et la guerre les précipitent dans la tragédie De leur splendeur, égale en son temps à celle des Rothschild et des Camondo, rien ne survivra, sinon une étonnante col... >Voir plus
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C'est peu de dire que ce roman "marque profondément la mémoire du lecteur" : j'ai littéralement vécu avec cette famille, en ces lieux prestigieux où elle a vécu, mais aussi au sein de la Grande Histoire, qu'elle rejoint en tous points, aux grands tournants du XXème siècle. Quelle destinée !

Edmund de Waal descend par la branche maternelle (merci d'avoir pensé à inclure un arbre généalogique à la fin du livre !) en droite ligne de la famille Ephrussi d'Odessa, enrichie dans le commerce du blé, dont les membres essaimeront à Paris et à Vienne, comptant de célèbres banquiers, des érudits, collectionneurs et critiques d'art, amis des peintres impressionnistes, des écrivains célèbres de leur époque ; famille qui connaîtra l'effondrement en 1938 à Vienne après l'Anschluss, le rattachement de l'Autriche au Reich d'Hitler - puis une renaissance plus modeste, mais tout aussi cultivée et amoureuse de l'art ou de la littérature.

Edmund de Waal n'a fait que des choix impressionnants de justesse : raconter l'histoire de sa famille maternelle à travers la collection de netsukes dont il a hérité, ce qui lui a permis de sélectionner, peut-être, ses préférés parmi les membres de sa prestigieuse famille : Charles notamment, le cadet au goût artistique si sûr, mécène et directeur de la Gazette, celui qui inspira le Swann de Proust, celui aussi qui poussa en avant Gustave Moreau ou qui embaucha Jules Laforgue comme secrétaire particulier. Nous sommes à Paris en 1880, et son lointain descendant refait le chemin sur ses traces, alors qu'il voyage durant deux ans pour voir les lieux et effectuer ses recherches documentaires. Edmund de Waal est céramiste spécialisé dans les poteries japonaises, il est donc pleinement à l'aise pour expliquer de manière très vivante la vogue du japonisme, en nous relatant la constitution de cette remarquable collection de netsukes.

Comme si nous n'avions pas assez de cette mythique évocation de Paris, la collection nous emmène sur les traces de Viktor, le neveu viennois qui a hérité de la vitrine aux netsukes. Vienne, qui se remet si difficilement de la défaite de la Grande Guerre, Vienne aux bouillants remous culturels, mais aussi - déjà - à l'antisémitisme rampant, comme à Paris, à la désignation d'un ennemi commun dont on estime qu'il a détourné les richesses du pays. Certes, ces banquiers ou hommes d'affaires sont devenus immensément riches, mais ils peuvent être généreux et contribuer à la vie sociale de leur ville. Selon les uns ou les autres, il y a du tape-à-l'oeil et des dorures, mais aussi une vie tout simplement humaine, des enfants qui se racontent des histoires avec ces petites sculptures japonaises dans la garde-robe de leur mère, le soir avant d'aller se coucher. Je ne peux pas raconter la suite, sinon dire que la famille même aura plutôt de la chance, qu'ils s'en tireront pour ce qui est de la vie. Mais Vienne et cette vie d'avant, c'est fini à jamais. Il reste toutefois les netsukes, sauvés d'une manière incroyable de la confiscation de tous leurs biens.

La dernière partie nous entraîne sur les traces d'Iggie, troisième fils de Viktor, qui s'installe à Tokyo après la guerre où il s'est engagé dans l'armée américaine. Après la fin de l'Occupation, il y restera, séduit par la ville et par Jiro, son compagnon japonais. Les netsukes connaissent une nouvelle vie, c'est l'occasion d'apprendre pleinement leur importance et leur signification. J'avais envie d'avoir ce grand-oncle Iggie dans ma famille et d'être invitée chez lui, de contempler la baie de Tokyo par les baies vitrées de son petit appartement. C'est une partie magnifique qui exalte le caractère de la vie japonaise, toujours insaisissable. Nous ferons également un détour par Odessa, berceau de la famille Ephrussi, alors que l'auteur perd courage et s'interroge sur le sens de ce qu'il veut transmettre de sa famille.

Nul doute pourtant que c'est pleinement réussi, l'écriture étant une perfection de simplicité travaillée, capable de donner vie aux choses par le toucher, souvent, mais aussi par tous les sens convoqués dans une brève description. Jamais le lecteur n'est lassé, tout est exactement ce qu'il faut, exactement à sa place, traversé pourtant de cet air libre du savoir et de la culture, portés à un degré élevé d'humanisme et de compréhension, dont nous profitons sans vouloir jamais que cela s'arrête. C'est une des lectures dont j'ai eu le plus de mal à sortir.
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Parfois les pépites se cachent derrière une couverture anodine, un auteur inconnu et il faut l'intervention d'une présence amie dans les allées d'une librairie pour qu'elle aboutisse entre vos mains. Petit miracle et infinis remerciements car j'ai passé l'un de mes meilleurs moments de lecture à parcourir ce récit incroyable, érudit, passionné, d'une richesse folle, qui réunit Histoire, arts et littérature.
L'auteur est un descendant d'une des plus illustres familles de la bourgeoisie juive du 19ème siècle, la famille Ephrussi. Financiers, hommes d'affaires, mécènes et collectionneurs, les Ephrussi furent des témoins et acteurs privilégiés des mouvements artistiques de la fin du 19ème et début du 20ème siècle, parfois immortalisés dans les livres des auteurs qu'ils côtoyaient. Charles Ephrussi, le patriarche fut ainsi l'un des modèles qui inspirèrent Proust pour le personnage de Swann. de cette splendeur saccagée par la seconde guerre mondiale il ne reste que des ruines, un emblème encore gravé dans une pierre du fronton de l'un des hôtels particuliers de Paris ou de Vienne. Et une formidable collection de miniatures japonaises, les netsuke, figurines sculptées d'une rare finesse. C'est d'ailleurs le point de départ de ce récit, alors que l'auteur en hérite à son tour et qu'il entreprend de retracer leur parcours et la façon rocambolesque dont elles ont échappé aux razzias nazies.

"La transmission des objets contient toujours des histoires. (...) Je me demande ce qui m'a été légué en même temps que ces petits objets japonais."

Le moins que l'on puisse dire c'est que Edmund de Waal a bien fait de se poser la question et encore mieux d'investiguer et de raconter. Son récit nous promène d'Odessa (berceau de la famille) à Tokyo en passant par Paris et Vienne les deux bases arrière des Ephrussi dont l'histoire se confond avec celle de l'Europe et fait même écho à des événements très récents. Les investigations de l'auteur empruntent des chemins classiques, albums photos, correspondances familiales, archives mais passent également par la littérature, Proust ou Rilke ayant largement dépeint la bourgeoisie et ses acteurs. L'auteur fait revivre chaque époque et ses protagonisL'auteur fait revivre chaque époque et ses protagonistes au caractère bien trempé, de la magnificence des salons à la violence des pillages et des expropriations. Ce que l'auteur met au jour c'est aussi l'existence d'un antisémitisme latent et assumé à travers les portraits littéraires de la famille Ephrussi, reflet de la réalité de tout un pan de la société. de cela, le destin de la famille et les questionnements de l'auteur sont indissociables.

Cet ouvrage se lit comme le plus addictif des romans, à la fois enquête historique, exploration artistique, passionnante saga familiale et hommage à l'art ancestral de la fabrication des netsuke. Un régal de bout en bout, et de quoi faire le bonheur de tout amoureux des arts, des lettres et du 19ème siècle.
Lien : http://www.motspourmots.fr/2..
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Épopée historique à la poursuite d'objets mystérieux, cet ouvrage sobre et riche semble réunir les mêmes vertus que les objets qui en forment le coeur, les netsuke. Par une narration intelligente et créative, l'auteur nous fait revivre des séquences d'une histoire éparse et universelle, celle de l'intelligentsia aristocratique qui se développe à la fin du XIXème siècle et qui fait face aux bouleversements d'un siècle en pleine transition.
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L'auteur est le descendant d'une famille de commerçants, puis de banquiers qui s'illustra du milieu du XIXème siècle à la seconde guerre mondiale, les Ephrussi. Originaires de Russie, ils devinrent vers 1850 riches grâce au commerce du blé à Odessa. Pour les affaires, les générations suivantes allèrent à Paris, Londres, Vienne et Francfort. Un des descendants, Charles, qui sera immortalisé plus tard par le personnage Swann de Marcel Proust, se mit à collectionner des tas d'objets et de peinture, et notamment des netsuke, des petits personnages en ivoire qui servaient à tenir les cordons des bourses sur les kimonos. Il fit donc plus tard de sa collection à ses cousins d'Autriche. Au fil de ce livre, nous allons à vivre à Paris fin du XIX ème siècle, puis en Autriche jusqu'à 1938, et en fin au Japon de 1947 à aujourd'hui en suivant le déplacement de ces petits personnages, une occasion de retracer la vie des cette famille qui a survécu aux guerres, mais a perdu sa richesse. C'est une fresque à la fois familiale, historique, sociétale et artistique qui nous fait découvrir Paris, Londres et Tokyo à trois époques différentes.
Aujourd'hui les netsuke, propriété de l'auteur sont en Angleterre. A quand la suite des aventures ?
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Le lièvre aux yeux d'ambreEdmund de Waal

Edmund de Waal est le dernier détenteur de la collection de sculptures miniatures de sa famille, les netsukes.
Sensible à l'histoire des objets, il va décider de retracer le parcours de cette collection (264 éléments) et par là même celui de sa famille, la très riche famille Ephrussi.
Partie d'Odessa, les jeunes hommes de la famille Ephrussi ont développé les activités commerciales et bancaires aux quatre coins de l'Europe.
Charles, qui servit de modèle à Proust pour le personnage de Swann, s'installe à Paris et constitue la collection de Netsukes qui va traverser l'Europe tout au long du siècle.
A travers le destin du famille, Edmund de Waal retrace l'Histoire si bouleversée de notre XXe siècle.
Une enquête qui se lit comme un roman tant cette histoire est romanesque.
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Citations et extraits (16) Voir plus Ajouter une citation
Il [Iggie] adore Tokyo, son paysage en perpétuelle évolution. (...) Il s'identifie à la faculté de réinvention de la ville. À ses yeux, l'opportunité de se réinventer est comme un don du ciel, et il voit un étrange parallélisme entre la Vienne de 1919 et le Tokyo de 1947. Tant qu'on n'est pas tombé aussi bas, on ne sait pas ce qu'on peut construire, on n'est pas capable de mesurer ce qu'on a bâti. On s'imagine toujours que c'est l'œuvre de quelqu'un d'autre.

Page 422.
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Lors des fêtes données par Iggie, entre les verres de whisky et les plats d'edamame - des fèves de soja croquantes - éparpillés sur les tables, on prend l'habitude d'ouvrir la vitrine. On tient les netsukes dans sa main, on les commente en les faisant passer à son voisin, on profite de leur présence. Les amis offrent des explications. En cette année 1951, l'année du Lièvre, alors qu'on tient dans sa paume le netsuke taillé dans l'ivoire le plus clair de la collection, quelqu'un explique que s'il brille d'un tel éclat, c'est qu'il s'agit d'un lièvre lunaire bondissant parmi les vagues, illuminé par le clair de lune.

Page 404.
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C'est un raz-de-marée de chemises brunes. Les taxis klaxonnent, des hommes armés descendent dans les rues, et les policiers exhibent déjà des brassards frappés d'un svastika. (...)
Quelqu'un éteint les lumières de la bibliothèque, comme si l'obscurité pouvait rendre invisible, mais le vacarme pénètre dans la maison, dans la pièce, et jusque dans les poumons de ses occupants. En bas, dans la rue, quelqu'un se fait rouer de coups. Que va-t-il se passer ? Pendant combien de temps peut-on faire comme si rien n'était arrivé ?

Page 317 (à la veille de la proclamation de l'Anschluss, le 11 mars 1938).
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Henk, lui, savait faire danser les chiffres. Mon père prétendait qu'il était capable de parcourir trois colonnes, d'en retrancher une autre et de proposer un total (juste) avec le sourire. Simplement il se croyait en mesure de réussir ce tour de passe-passe avec l'argent.

Page 301.
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Vienne avait toujours été si propre. Désormais on n'y voit qu'affiches et placards, tracts et manifestations. Iggie se rappelait qu'avant la guerre, un jour où il avait laissé tomber un emballage de crème glacée sur une allée gravillonnée du Prater, il s'était fait sermonner par sa nourrice et par plusieurs messieurs à épaulettes. À présent, il se fraie un chemin jusqu'à l'école parmi les détritus d'une ville instable, bruyante et agressive.

Page 274.
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Vidéo de Edmund de Waal
Quand Proust crée le personnage de Swann
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