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EAN : 9782072960734
736 pages
Gallimard (05/01/2023)
3.97/5   57 notes
Résumé :
Nous sommes en 1997. Après avoir passé quelques années à l'écart pour se faire oublier, loin de Londres et du bruit du monde, Tomás Nevinson accepte une nouvelle mission et redevient un agent des services secrets britanniques. Il doit se rendre dans une ville du nord-ouest de l'Espagne pour identifier et neutraliser une femme originaire d'Irlande du Nord qui s'y cacherait sous les traits de trois personnes différentes. On sait qu'elle est rusée et dangereuse ; on sa... >Voir plus
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Critiques, Analyses et Avis (17) Voir plus Ajouter une critique
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Passionnée par l'oeuvre de Javier Marias, je ne pouvais pas passer à côté de son dernier livre « Tomas Nevinson ».
Car Janvier Marias nous a quitté l'année dernière, suite à un mauvais COVID, et c'est un très grand auteur européen qui a disparu.

On retrouve ici le personnage de Tomas Nevinson, que ceux qui ont lu « Berta Isla » connaissent déjà.
Pour les autres, Tomas est un jeune homme très doué, d'origine espagnole mais ayant vécu longtemps en Angleterre, qui a été recruté par les services secrets britanniques, notamment pour sa capacité à se fondre dans le paysage, et à épouser la destinée de personnages qu'il doit incarner pour les besoins des services secrets. Une sorte d'acteur discret, vivant « D'autres vies que la mienne » comme le dit l'excellent titre du roman d'Emmanuel Carrère.

Nous le retrouvons donc en 1997, alors qu'il s'est rangé des affaires et qu'il vit une petite vie tranquille aux côtés de son épouse avec qui il tente de renouer malgré le fait qu'il ait vécu longtemps loin d'elle pour les besoins du service.
Mais quand Tupra, son ancien chef, vient le solliciter pour une dernière mission, la tentation est trop forte de revenir aux affaires. « La tentation d'écrire un autre chapitre, l'idée de ne pas avoir terminé mon petit livre, alors que je l'estimais déjà achevé, voilà ce qui, jusqu'à un certain point, m'avait incité à accepter. Et par-dessus tout ce que j'avais exprimé plus tôt : même si tu es fatigué et décides de tout lâcher, même si la vie tranquille que tu n'as pas eue te manque (…), tout initié qui a cru pouvoir, à l'occasion, changer d'un iota l'ordre des choses ne saurait supporter de ne plus être dans la course. » écrit-il page 154 et Tomas ne résistera pas longtemps à reprendre du service.

La mission consiste à démasquer une dangereuse terroriste, dissimulée dans une petite ville du Nord-Ouest de l'Espagne. Membre de l'IRA, et originaire d'Irlande du Nord, celle-ci aurait été « prêtée » à l'ETA pour contribuer à des actes terroristes, puis aurait repris une vie banale sous une fausse identité. Mission a priori facile. Sauf que les services secrets britanniques et espagnols, associés dans cette entreprise, hésite entre 3 identités possibles : Magdalena O'ura O'Dea (son nom irlandais) peut s'appeler aujourd'hui soit Ines Marzan, soit Celia Bayo, soit Maria Vita.
Tomas se rend donc dans cette petite ville qu'il baptisera Ruan (est-ce Vigo ? Orense ? Lugo ?) et se fait passer pour un professeur d'anglais discret. Il doit se lier avec les trois femmes, tout en observant la première, Ines Marzan, à l'aide d'une paire de jumelles dans l'appartement d'en face, et écouter les micros branchés chez Celia Bayo et Maria Vita.
Derrière le jeu de masques, c'est donc bien à un jeu de séduction auquel Tomas doit se prêter.

Il ne tarde pas à se rapprocher d'Ines, une géante aux yeux énormes, propriétaire du restaurant « La Demanda » qui devient facilement sa maîtresse. Il se lit d'amitié avec la charmante Celia Bayo, femme d'un drôle de type – hâbleur, escroc notoire et figure locale – et écoute le récit de leurs ébats aux micros dissimulés dans leur maison. Il a plus de difficulté à entrer en contact avec Maria Vita, mariée à Folcino Gausi, un aristocrate local qui se mêle peu à la populace. Il réussira néanmoins à obtenir une place de professeur d'anglais attitré des deux jeunes enfants, et pourra ainsi s'approcher de la belle et mystérieuse Maria.

Commence alors le dilemme qui va agiter celui qui se fait appeler Miguel Centurion – un nom improbable choisi par Tupra, parce que les noms improbables ne font pas du tout agent secret.
Laquelle des trois femmes est-elle l'ancienne terroriste ? Aucune ne semble correspondre au portrait qu'on peut se faire d'une dangereuse criminelle. Aucune ne se trahit en parlant irlandais.

Que faire ? S'avouer vaincu et rendre une copie blanche – au risque alors que les trois femmes soient soupçonnées et peut-être même éliminées. En choisir une des trois pour sauver les deux autres ? Mais laquelle ?

Tupra le presse alors. Car ce personnage de second rôle est aussi cynique qu'inflexible. La femme qu'il doit confondre risque de passer à nouveau à l'acte. Il faut donc à Tomas intervenir avant. Et comme il n'obtient aucune preuve à fournir à la police, c'est lui, Tomas, qui doit se charger d'en éliminer l'une des trois …


On ne peut parler de Javier Marias sans parler de son style, avec ses phrases amples, presque proustiennes, et ses longs paragraphes. Certains diront que 736 pages, c'est long, très long. Mais il faut prendre son temps et apprécier la prose du grand auteur espagnol, remarquablement servi par la traduction. Un seul regret peut-être : la photo de couverture choisie pour la version française, avec une photo de Gérard Philippe qui a détourné mon attention vers le célèbre acteur, alors qu'il n'y a aucun lien, hormis le fait qu'un agent secret est une sorte de comédien au service du personnage qu'il incarne.

On ne racontera pas la fin pour préserver le suspense des 200 dernières pages. Disons simplement que l'alternative qui va s'offrir à Tomas est de savoir s'il choisit de désigner une coupable, de prendre le risque de se tromper, de la condamner par sa faute peut-être pour rien, ou de laisser les services secrets se dépêtrer de la question au risque de condamner les trois.


Il y a quelque chose de commun entre « Tomas Nevinson » et « le Château de Barbe Bleue » de Javier Cercas. La question de la violence faite aux femmes tout d'abord – n'oublions pas que nous sommes en Espagne, où la question des féminicides fait à juste titre la Une des Journaux - mais aussi la question de la justice et de la vengeance. Les services secrets sont-ils légitimes à éliminer quelqu'un pour éviter une récidive ? que peut faire la justice ? les crimes de sang sont-ils imprescriptibles ? dans ce cas doit-on se faire justice par soi-même ou par le biais de moyens illégaux ?

Javier Marias clôt son récit sans trancher le débat. L'auteur de « Comme les amours » que j'avais chroniqué en son temps, ou de « Si rude soit le début « - magistral aussi – nous donne ici une leçon de morale solennelle dans le bon sens du terme. Et impeccablement servi par du grand style.
Je ne peux donc à mon tour clore ce modeste billet sans saluer l'écrivain espagnol à la stature européenne, au moment où le rideau se baisse pour lui et qu'il nous laisse orphelin de ses livres à venir.
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Réputé en Espagne, mais peu connu en France, Javier Marias, décédé en 2022 à l'âge de 70 ans, avait voulu, dans ses derniers romans, brosser la vie quotidienne et familiale d'un agent secret. Rien à voir avec les aventuriers mythiques de romans best-sellers ou de films à grand spectacle, qui fêtent la fin de chaque épisode par un week-end de folie avec une créature de rêve. Agent secret n'est certes pas un métier comme un autre ; mais nous savons que, pour veiller à la sécurité de son territoire et de ses citoyens, chaque pays emploie de mystérieux professionnels du renseignement, de l'espionnage, du contre-espionnage. Comme vous et moi, ils ont le droit de mener une vie privée, de fonder une famille.

C'est le cas de Tomás Nevinson, moitié anglais, moitié espagnol, jadis recruté par contrainte sournoise au service secret de Sa Majesté britannique. Son épouse, espagnole, avait raconté la vie d'une femme d'agent secret dans le roman qui porte son nom, Berta Isla, publié par Javier Marias en 2019, et dont je vous invite à consulter ma critique. Au tour du mari de prendre la parole dans Tomás Nevinson, second volume du diptyque, qu'on peut lire sans avoir lu le premier. Tomás rapporte une aventure marquée par la menace des terrorismes basque (ETA) et nord-irlandais (IRA) en 1997 ; elle est ultérieure aux événements que Berta avait relatés et qui sont résumés clairement quand nécessaire.

En 1997, « on » recherche une Irlandaise du Nord, membre de l'IRA, qui avait fait partie, dix ans plus tôt, d'un commando de l'ETA responsable d'épouvantables attentats à Saragosse et à Barcelone, où les victimes, parmi lesquelles des enfants, s'étaient comptées par dizaines. « On » sait alors qu'aussitôt après les attentats, cette femme, dont « on » ne connaît pas l'aspect physique, s'était installée, sous une identité espagnole, dans une ville qu'on nommera Ruán, qu'elle s'est intégrée dans la population et qu'elle mène une vie tranquille. Trois femmes étaient arrivées ainsi à Ruán à la même époque. Nevinson a pour mission de découvrir laquelle des trois est la terroriste… puis de la « neutraliser ». Il s'installe lui aussi dans la ville, sous le nom de Miguel Centurión, professeur d'anglais.

Nevinson est mal à l'aise dans sa mission, surtout au regard de sa seconde partie. Il a beau se dire que les crimes de cette femme sont moralement imprescriptibles, qu'elle pourrait préparer un nouvel attentat, mais voilà ! Ce gentleman est né en 1951 et on a inculqué aux hommes de sa génération (qui est aussi la mienne) que « ils ne doivent jamais battre une femme, même avec une fleur ». L'agent secret parviendra-t-il à surmonter ses scrupules et à affronter ses responsabilités, sachant qu'il pourrait lui-même être en danger ? Sa cible est peut-être en mesure de l'identifier et elle n'aurait, pour sa part, aucun état d'âme à tenter de l'éliminer.

Comme Berta Isla, Tomás Nevinson est un roman-fleuve (plus de sept cents pages) très agréable à lire. Javier Marias était un écrivain érudit, réfléchi, conceptuel et raffiné. Il multipliait les citations littéraires. L'excellent travail de sa traductrice permet de percevoir tous ses talents. J'ai apprécié le subtil principe de narration, qui bascule du JE pour les monologues mentaux de Nevinson, au IL quand il s'agit des actes de Centurión. Je me suis délecté des longues phrases harmonieuses dans lesquelles le narrateur ressasse ses cas de conscience d'agent trouble, tout en se laissant aller à des digressions parfois interminables, mais toujours opportunes, sur l'état de nos démocraties et sur les menaces qui pèsent sur elles, notamment les mouvements terroristes, dont le but est de les détruire, en tuant de prétendus oppresseurs sous prétexte d'émanciper des opprimés. Selon l'auteur, « tous les terroristes soi-disant idéalistes et libérateurs sont avant tout des assassins aussi intelligents que rusés ».

Certes, dans leur mission de protection des démocraties, il arrive que les méthodes des services secrets enfreignent les lois de ces démocraties. Mais pour vaincre des ennemis aussi dépourvus de scrupules, il faut ne pas en avoir soi-même, quitte à commettre des actes inavouables et inavoués, dont les exécutants ne doivent pas supporter la responsabilité à titre personnel. Restent les faits, les incertitudes, les doutes, les intimes convictions…

Restent aussi, chez Tomás, les regrets d'avoir été un mari et un père trop silencieux, souvent absent, parfois longuement. Sans compter toutes sortes de trahisons commises en service commandé…

Lien : http://cavamieuxenlecrivant...
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Si je devais résumer ce livre en un seul mot, je dirais « talentueux » tout simplement !

Voilà ma première immersion dans l'univers de Javier Marías et pourtant, je débute par sa dernière oeuvre, publiée – en français – quelques mois après son décès dans sa ville natale de Madrid, des suites d'une pneumonie.

« Tomás Nevinson » est le second tome d'un diptyque consacré à un agent secret, mi-espagnol, mi-britannique du même nom. Ici, c'est la vie de cet agent du MI5 qui est contée par le principal intéressé. Après avoir pris sa « pension », il est recontacté par son ancien supérieur pour une dernière mission un peu spéciale. Il s'agit de retrouver une femme, membre active de l'IRA qui serait impliquée dans plusieurs attentats de l'ETA mais dont personne n'a jamais su mettre de visage. Pour cela, il devra faire la connaissance de trois jeunes femmes dont l'une d'entre elles serait la terroriste.

Javier Marías, ce n'était pas seulement un écrivain, mais aussi un conteur hors pair. En plus de 700 pages, il parvenait à happer son lecteur dans tout un univers, mêlant des faits réels à de la fiction. Tout semblait tellement cohérent dans ses écrits que le lecteur se perd et se demande où est la frontière avec le réel et finalement, ne raconte-t-il pas un brin de sa propre histoire ?

C'est le genre de livre qu'on souhaite doucement savourer, tournant pianissimo les pages, sans se presser dans un moment hors du temps. Ce n'est pas le livre qu'on s'empresse de lire en deux temps deux mouvements, au risque de passer à côté de beaucoup de choses.

Doté d'un style d'écriture tout à fait singulier, Javier Marías offre un très grand roman dans lequel il multiplie les considérables digressions par la voix de son héros. Malgré qu'elles puissent sembler démesurées, leurs pertinences apparaissent ensuite aux lecteurs. Il est évident que l'auteur maniait parfaitement sa plume, par un travail de recherches conséquents en amont. Son talent tend à s'exprimer notamment par l'utilisation du pronom « je » pour les réflexions de son principal protagoniste qui se mue, ensuite, en « il » pour ses actions.

Le premier tome était paru en 2019 et s'intitulait « Berta Isla » du nom de l'épouse de Tomás Nevinson. Il n'est pas nécessaire de lire les deux tomes dans l'ordre. Mais après avoir découvert « Tomás Nevinson », vous aurez sûrement, tout comme moi, envie de vous plonger dans le second.

Il est triste à penser que l'Espagne a définitivement perdu l'une de ses plumes majeures du XX-XXIème siècle.
Lien : https://www.musemaniasbooks...
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Et je découvris Javier Marías…😍

Madrid, fin des années 1990, Tomás Nevinson, membre à la retraite des services secrets britanniques et qui vit maintenant une vie tranquille dans sa ville natale est approché par son ancien supérieur qui lui propose une dernière mission : aménager, sous couverture, dans une petite ville espagnole, pour découvrir laquelle des trois femmes qui s'y sont installées il y a dix ans est en fait une terroriste de l'ETA, prêtée par l'IRA, aujourd'hui en fuite et qui y vit incognito. Les détails de la mission sont obscurs - pour qui exactement travaillera Nevinson ? quelle "justice" devra-t-il rendre? Mais séduit par l'attrait d'être à nouveau à l'intérieur, il accepte le poste.

J'ai l'impression qu'on ne lit plus que rarement de la littérature de ce niveau: exigeante, subtile mais absorbante. Il faut aimer prendre son temps pour s'embarquer dans cette lecture qui, avec une narration très personnelle (passage du Je ou Il dans un même chapitre), des digressions à foison et des références à la littérature, demande un peu de concentration.
Mais on est largement récompensé parce que c'est brillant.
Il y a aussi les dialogues, souvent tripartites, (les pensées du narrateur se glissent fréquemment entre deux interlocuteurs) qui apportent une incroyable densité au texte.

Pourtant cette histoire est haletante et les dilemmes moraux de Tomás Nevinson conduisent le lecteur à de profondes réflexions sur le bien et le mal, la justice, le terrorisme et le terrorisme d'état, le temps.

J'ai tout aimé dans ce roman. Émerveillée, je jure de relire Javier Marías.

Traduit par Marie-Odile Fortier-Masek
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Tomás Nevinson, ancien agent des services secrets du MI5 et MI6, travaille à l'ambassade britannique de Madrid lorsque le 06 janvier 1997, jour de l'Épiphanie, il est contacté par Trupa, son ancien patron, pour une dernière mission : identifier, parmi 3 femmes localisées dans une ville du Nord-Ouest de l'Espagne, Maddie Orúe O'Dea, terroriste latente, prêtée jadis par l'IRA à l'ETA, ayant déjà participé aux attentats meurtriers perpétrés à Barcelone et Saragosse 10 ans plus tôt. Tomás devra soit apporter des preuves irréfutables de son implication, soit la supprimer à défaut de la livrer à la justice afin d'anéantir le risque qu'elle reprenne du service.

Une entrée en matière éblouissante dès les premières pages où le protagoniste expose d'emblée ses dilemmes : Comment un homme élevé à l'ancienne peut-il de tuer une femme ? Peut-on tuer une personne pour ce qu'on pense qu'elle fera, sans être certain qu'elle le fera ?

Nous oublions presque l'intrigue pourtant captivante de cet ultime roman de Javier Marias tant nous sommes emportés dans les longues phrases qui caractérisent le style de l'auteur. J'ai trouvé trouvé que le suspense était davantage basé sur le voyage introspectif de Tomás que sur l'enquête, car chaque être est une énigme.

C'est principalement à la première personne que Tomás, devenu Miguel Centurion pour l'occasion, nous confie ses doutes, ses réflexions, ses interrogations, nous embarquant ainsi dans les dédales et la complexité des comportements humains mais sans jamais nous perdre ni poser de jugement.

727 pages, c'est long me direz-vous, pourtant elles sont nécessaires pour refléter le cheminement des pensées les plus intimes de Centurion/Tomás en prise avec son passé, son expérience, ses doutes et ses limites.

Les personnages secondaires sont également intéressants dans le sens où leurs profils contribuent merveilleusement à la profondeur des pensées intérieures du protagoniste.

Vous l'aurez compris, j'ai adoré ce roman éblouissant de Javier Marias dont la prose maîtrisée touche la perfection tout comme la remarquable traduction de Marie-Odile Fortier-Masek.

Tomás Nevinson fait suite au précédent roman de l'auteur « Berta Isla ». Il n'est cependant pas nécessaire d'avoir lu « Berta Isla » pour lire Tomás Nevinson. Ces lectures sont toutefois complémentaires et, de mon point de vue, ne doivent pas être spécialement lues dans l'ordre.
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critiques presse (2)
LeJournaldeQuebec
13 mars 2023
Un formidable pavé qui nous permet de découvrir dans quelles circonstances Berta et Tomás se sont rencontrés et ont décidé de passer leur vie ensemble alors qu’ils n’étaient encore que des ados. Mais aussi pourquoi, bien des années plus tard, leur relation de couple a fini par devenir particulièrement compliquée.
Lire la critique sur le site : LeJournaldeQuebec
LeSoir
16 janvier 2023
Javier Marías, décédé en septembre des suites d’une pneumonie, était un des meilleurs romanciers espagnols contemporains. Confirmation éblouissante avec son ultime roman.
Lire la critique sur le site : LeSoir
Citations et extraits (9) Voir plus Ajouter une citation
"Je te rappelle que les crimes sont prescriptibles, fis-je remarquer à Nuix. Oui, d’accord, pas ceux-là. J’ignore pourquoi on prétend que dix ans ne suffisent pas et qu’en revanche vingt ans, ou quelque chose de ce genre, suffisent en Espagne, selon la gravité du délit, comme presque partout ailleurs, je suppose. Mais, à de très rares exceptions près, il y a, tôt ou tard, prescription. A quoi bon purger une peine de dix ans si l’auteur de ces crimes n’est plus ce qu’elle était, si elle ne représente plus aucun danger.
(…)
- Rien ne devrait jamais être prescriptible », déclara calmement Pérez Nuix. "
Nous n’avions pas jusqu’ici abordé de tels sujets, et son ton dégagé en disait long ; à moins ce que ce ne soit son absolutisme. Elle appartenait, sans aucun doute, à l’école de Tupra. Il la modelait ; il lui faudrait plus tard modérer cet absolutisme.
« Tu as raison d’y voir une absurdité. A tel point que ces lois sont erronées et qu’il ne faut pas y prêter la moindre attention. Si un délit relève d’un lointain passé en est-il moins grave pour autant ? Non. C’est exactement comme tu dis : le passage du temps n’infirme ni ne sautait infirmer aucun crime. Pas même l’atténuer. Pas plus qu’il ne suscite le repentir, ce serait trop facile : « Oh, mon Dieu ! j’ai tué des enfants, mais j’en suis tellement désolée. » Il faut arrêter les bêtises et les pardons. C’est pour ça qu’on est là, parce que la justice est si laxiste."
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La tentation d’écrire un autre chapitre, l’idée de ne pas avoir terminé mon petit livre, alors que je l’estimais déjà achevé, voilà ce qui, jusqu’à un certain point, m’avait incité à accepter. Et par-dessus tout ce que j’avais exprimé plus tôt : même si tu es fatigué et décides de tout lâcher, même si la vie tranquille que tu n’as pas eue te manque (ce qui relève du fantasme : comment veux-tu qu’elle te manque, si celle que tu as menée était toute différente, tissue de tensions, d’imposture et de risques ?), tout initié qui a cru pouvoir, à l’occasion, changer d’un iota l’ordre des choses ne saurait supporter de ne plus être dans la course. On ne peut s’empêcher d’exercer une influence, si infime soit-elle, à seule fin de modifier le cours d’une minuscule existence. Dans ce cas, faire payer quelque chose à une personne qui vivait allègrement après avoir participé à des crimes ignobles, une femme qui les avait peut-être estimés légitimes à l’époque et les avait éradiqués de sa mémoire, alors qu’elle se considérait comme quelqu’un d’autre, et en sécurité.
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Tout cela entravait quelque peu la fluidité des rapports avec elle, mais cela faisait aussi son charme. Dans un univers léger, frivole, peuplé d’ambitieux, de pédants et de fanatiques, il est horriblement difficile de trouver quelqu’un de sérieux, ayant les pieds sur terre, qui ne traverse pas goulûment ce monde à coups de bringues ou n’essaie ni de le refaire, ni de s’enrichir, ni de prospérer outre mesure, quelqu’un qui supporte tout ça sans histoires bien qu’en le regardant avec attention, qui essaie de comprendre son fonctionnement, avec la certitude qu’il est impossible d’échapper à ce fonctionnement – changeant, mais éternel. La seule chose qui convienne est de l’observer, de se tenir à l’écart et de passer inaperçu, afin qu’il ne nous engloutisse pas avec ceux qui meurent à l’instant même de leur mort. Parce que ceux-là nous entraînent, je le crois vraiment, de toutes leurs forces, jusqu’à ce que celles-ci les abandonnent et qu’alors ils renoncent.
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Toutefois, quand vous y repensez, vous vous souvenez des visages et des conversations, des chopes qui s’entrechoquent, des chansons qui retentissent, des sourires et des regards naïfs, des phrases amicales, des tapes sur l’épaule et des caresses que vous ne méritiez pas. Et aussi d’un corps nu qui, croyant étreindre l’un des siens – un héros en puissance -, étreignait celui qui entraînerait sa perdition prochaine. Et petit à petit, vous vous demandez si tout cela est bien nécessaire, chaque action, chaque promesse, chaque argutie, chaque mensonge ; suit alors le tourment qui vous mine et vous écrase. Vous vous réveillez au milieu de la nuit, moite des sueurs de la douleur, ébranlé par le remords, irrémédiablement pris dans la toile d’araignée que vous avez tissée. Le seul moyen de vous en sortir c’est de redevenir ce que vous étiez et de faire ce que vous avez fait, de récidiver et de continuer à vous battre contre des ennemis concrets et insignifiants qui sont l’incarnation de l’ennemi abstrait, celui qui nous anéantira si nous ne le devançons pas ou ne le châtions pas. Vous comprenez alors qu’une fois que vous commencez, qu’une fois que vous avez fait le premier pas et que ça dévie, vous n'avez plus qu’à avancer sur ce chemin tortueux et l’aplanir.
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Ah oui, je m’étais amolli. L’idée que l’une d’elles fut vouée à passer de longues années en prison, à cause de moi, ou, si je n’avais pas les preuves nécessaires, et s’il n’y avait pas moyen de la remettre avec les garanties voulues à Machimbarrena ou à la police, condamnée à mourir de mes mains, me paralysait, me révoltait, moi dont les mains n’avaient jamais enserré le cou d’une femme, moi qui n’avais jamais brandi un couteau, une hache, une épée ou quelque arme que ce fût contre une personne du sexe opposé.
Qui plus est, j’avais en horreur ces hommes qui recouraient à la violence ou abusaient de leurs forces, de leurs coups de sang, de leurs déboires irrémédiables, ou de leur amour propre blessé.
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Javier Marias parle de son livre 'Comme les amours' au festival Passa Porta en 2012.
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