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EAN : 9782012351042
347 pages
Hachette Littérature (15/06/1994)
3.17/5   3 notes
Résumé :
Entre 1850 et 1950, en un siècle scandé par la guerre de 1870 et les deux guerres mondiales, les Alsaciens changent quatre fois de nationalité. Région frontière ballotée entre la France et l'Allemagne, l'Alsace est aussi traversée par des frontières "invisibles" : celles qui délimitent la confrontation d'influences culturelles hétérogènes et la coexistence souvent conflictuelle de communautés catholiques, protestantes et juives.
Loin d'entretenir la légende d... >Voir plus
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Critiques, Analyses et Avis (2) Ajouter une critique
Je suis un peu partagée quant à cette lecture. Il s'agit d'un ouvrage très sérieux, un peu ardu, car évoquant beaucoup la politique. Des chapitres m'ont paru longs, lorsqu'il s'agissait par exemple des partis politiques et des élections. J'aurais apprécié davantage un récit au plus près de la population, détaillant les us et coutumes de la vie quotidienne. Cependant, l'ouvrage reste très instructif. Gênée par son aspect technique un peu rébarbatif, j'ai tenu cependant à le lire jusqu'à la dernière page, et parcourant d'autres ouvrages en même temps, pour rompre la monotonie.
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Je m'en excuse auprès de nos amis alsaciens, j'étais restée dans la seule vision "patriotique" des romans d'Erckmann-Chatrian, or la préface de ce livre explique combien tout a été beaucoup plus compliqué. En voici un extrait :

Les livres retraçant la vie quotidienne s'attachent généralement aux phénomènes de continuité et de rupture dans les domaines matériels, social et culturel. Il y est question de permanence des conditions de vie et des mentalités dans les campagnes, de la montée des couches nouvelles, conséquence de l'industrialisation, de la persistance des croyances et des pratiques culturelles.
Un Alsacien est-il appelé à caractériser le siècle d'histoire qui court approximativement du milieu du XIXe siècle jusqu'au lendemain de la Seconde Guerre Mondiale ? Il évoquera tout autre chose : originalité, spécificité, particularisme. Tels sont les vocables qui lui viennent spontanément à l'esprit. Il enchaînera en faisant référence aux changements de nationalité, aux guerres accomplies sous des uniformes différents, ou encore aux difficultés rencontrées lorsque la langue officielle de l'école et des documents administratifs change périodiquement. Il évoquera certainement son appartenance confessionnelle et ses relations difficiles avec les autres communautés.
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Citations et extraits (20) Voir plus Ajouter une citation
Autre facteur de division, de séparation et de perturbation, les "funestes mariages mixtes", entre catholiques et protestants, très rarement entre juifs et chrétiens. Ces liaisons mettaient en cause l'impénétrabilité des communautés.
Chez les catholiques, la règle était simple et sans appel : le mariage devait dans tous les cas être célébré par le curé et les enfants à naître baptisés à l'église catholique, sous peine pour la partie catholique de devoir renoncer au secours de la religion, y compris sur le lit de mort. Les prêtres recevaient sur ce point des instructions précises afin de pouvoir formuler les menaces à temps. Tout en étant opposées elles aussi aux mariages mixtes, les autorités protestantes n'avaient édicté aucune sanction à l'égard de ceux qui acceptaient de se marier à l'église catholique. Les mariages entre juifs et chrétiens faisaient l'objet d'un interdit tout aussi vigoureux. Dans la communauté juive, "partir avec une Schikse (jeune fille chrétienne), cela signifiait l'opprobre sur toute la famille.
En fait, les mariages internes à chaque communauté étaient la règle, y compris dans les villages mixtes. Le problème se posait davantage en ville où les membres de chaque communauté étaient moins nettement identifiés. Il restait cependant pour les jeunes gens la possibilité de s'assurer de la confession de la jeune fille rencontrée en vérifiant si elle portait un crucifix ou la croix huguenote. Cette méthode de différenciation s'est peu à peu imposée durant la seconde moitié du XIXe siècle, au fur et à mesure que les jeunes Alsaciennes abandonnaient leur costume traditionnel. Jusque-là, du nord au sud, des particularités ou couleurs avaient indiqué l'appartenance confessionnelle de celle qui le portait. Les coiffures spécifiques durèrent plus longtemps. Après 1945 encore, certaines jeunes protestantes continuaient à porter des nattes ramenées sur le front. Il est vrai qu'avec le brassage des populations, la recherche d'un ou d'une partenaire de même confession devenait un exercice de plus en plus aléatoire.
Le 30 octobre 1881, le Volksfreund, journal catholique, réclama l'interdiction des bals sous prétexte que des couples s'y formaient sans que ni l'un ni l'autre des partenaires ne s'informent de la confession de son cavalier. Il ne pouvait s'agir que des bals dans les villes. Le brassage des populations, le rejet du repli sectaire sur soi après 1918 contribuèrent à l'augmentation des unions mixtes. "On voit aujourd'hui des jeunes protestantes et des jeunes catholiques bras dessus, bras dessous avec des garçons de l'autre confession et lier amitié et bientôt les fiançailles se profilent à l'horizon", écrivait le pasteur du village mixte d'Obenheim, près de Sélestat, en 1923. Il regrettait l'ancienne coutume et accusait pêle-mêle l'enseignement post-scolaire non confessionnel et surtout les associations sportives d'avoir causé son rejet. A la même époque, le curé de Weitbruch cherchait encore à interdire aux jeunes filles catholiques de se promener dans les rues avec les protestantes, de crainte qu'elles ne rencontrent les frères de celles-ci.
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A Strasbourg, à proximité immédiate du Rhin, au débouché du pont franchissant le fleuve, le monument Desaix jouait le rôle d'une borne frontière. Le monument avait été érigé en 1802 par l'armée du Rhin en hommage à son ancien chef. Le héros de Marengo avait à deux reprises livré des batailles décisives sur le Rhin, le 23 mai 1794 et le 20 avril 1797. Le monument raconte cette histoire. Après 1871, à la suite d'une convention avec la Prusse, le monument et le terrain qui l'entourait devinrent propriété de l'Etat français. Un invalide de guerre français en assurait la garde. Dès lors, il prit une dimension nouvelle en matérialisant l'ancienne frontière et en perpétuant sa mémoire et celle des luttes livrées par la France pour sa défense. Le monument Desaix était devenu une borne frontière face à Kehl mais aussi une pierre sacrée de la religion nationale à travers l'évocation d'un moment décisif de l'histoire de France, l'hommage rendu à l'un de ses héros et la nature du donateur : l'armée du Rhin, dont le chant de guerre avait été la "Marseillaise". Le monument Desaix perpétuait encore le souvenir d'un front militaire (expression qui est à l'origine du mot frontière) contemporain de la fondation de la République. Il avait d'autant plus de force symbolique qu'il redoublait la frontière dite naturelle.
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De 1850 à 1950, la frontière connut, en Alsace, un tracé éminemment instable, tantôt fixé sur le Rhin, tantôt sur les Vosges. Avant 1870, la frontière avec la Suisse était plus étendue au sud, puisque le futur Territoire de Belfort faisait encore partie du département du Haut-Rhin. Après la Grande Guerre et jusqu'en 1930, il n'y eut pas, au nord, de véritable frontière, du fait de l'occupation de la Rhénanie par les vainqueurs. Plus qu'ailleurs peut-être, l'idée de frontière comme ligne "raide et abrupte", pour reprendre la formule d'Ernest Lavisse, avait du mal à s'imposer.
Dans le même temps, sa perception évoluait. Les Alsaciens de la première moitié du XIXe siècle étaient encore peu marqués par elle. Même s'ils n'étaient plus considérés comme des habitants d'une "province à l'instar de l'étranger effectif" depuis la Révolution, ils continuaient d'évoluer dans des espaces qui méconnaissaient largement les frontières. Au nord, le statut de la forêt du Mundat restait incertain et discuté. Tout au long du Rhin au cours aléatoire, les bans communaux des villages limitrophes empiétaient de part et d'autre du fleuve. Les frontières commencèrent à s'imposer seulement vers le milieu du siècle, avec l'exacerbation des mouvements sociaux.
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La sacralisation de la terre se retrouvait dans divers usages. Au début du XXe siècle encore, dans l'Alsace moyenne, à l'occasion de moments importants comme la fenaison, la moisson ou les vendanges, les femmes "se paraient d'un beau chapeau de paille, de blouses claires et de tabliers bariolés". Dans certains villages du Sundgau, la moisson faisait l'objet d'un véritable rituel de fécondité, avec la Glückhanfala (la touffe porte-bonheur). La dernière touffe du champ était "rassemblée par le haut et serrée avec quelques épis noués". Les moissonneurs se plaçaient alors autour pour réciter cinq Pater et cinq Ave. Le père coupait ensuite la touffe "en trois coups, à mi-hauteur, au nom du Père, du FIls et du Saint-Esprit". Le Glückhanfala était enfin coincé derrière le crucifix de la salle à manger afin de protéger la famille contre les mauvaises récoltes, les orages, etc., pour l'année à venir.
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L'autorité militaire considéra les incorporés d'Alsace avec méfiance et les affecta presque exclusivement au front de l'Est pour éviter les tentations d'évasion sur le front français. La Grande Guerre fut aussi un guerre fratricide. De nombreux Alsaciens combattirent dans les rangs français comme engagés volontaires : des fils d'optants, des émigrants plus récents. Au moment de la déclaration de guerre, 18 400 Alsaciens et Lorrains avaient quitté le Reichsland pour rejoindre l'armée française. Trois fils de l'historien Rodolphe Reuss, qui avait fini par émigrer à Paris avant 1914, moururent sous l'uniforme français. En fin de compte, des familles alsaciennes pleurèrent des morts tombés au service de l'un ou de l'autre camp; ainsi, deux frères Lenhardt, de Wingen-sur-Moder, trouvèrent la mort revêtus de l'uniforme d'officier français pendant que deux autres Lenhardt furent tués comme soldats allemands.
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