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EAN : 9782752903983
624 pages
Phébus (20/05/2009)
4.46/5   12 notes
Résumé :
Instauré poète maudit par Baudelaire, ingénieur des lettres par Valéry, baigné dans une légende noire d'alcool, d'opium et de démence, l'auteur de "Double Assassinat dans la rue Morgue" ne fut jamais fou que d'écriture. Orphelin de deux acteurs faméliques, élevé en petit aristocrate par un négociant de la Virginie esclavagiste, honni à dix-huit ans, il s'enfuit, s'engage dans l'armée puis dans le journalisme. Mercenaire de plume pendant vingt ans, poète d'abord, maî... >Voir plus
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Critiques, Analyses et Avis (3) Ajouter une critique
Cet ouvrage est un monument. Le romancier Georges WALTER le publia en 1998 et l'intitula fort honnêtement : "Enquête sur Edgar Allan Poe poète américain". Il mérite, à nos yeux, un très-très large lectorat...

Il s'agit du Fruit conséquent de plusieurs années d'un travail passionné et acharné : tout en épluchant à Richmond (Virginie) les archives commerciales/personnelles du père adoptif John Allan, l'auteur "paya de sa personne" par sa présence obstinée sur les divers lieux du Culte, un siècle et demi après la disparition du Géant...

Sans trop connaître l'Oeuvre immense de Poe, nous découvrons 620 pages denses d'une biographie admirablement contée, publiée - sans illustrations, ce qui ne nuit pas à l'ouvrage d'un prix très modique [13 €] - aux éditions Phébus (collection "Libretto").

Notre amie Woland lui a dressé ici un piédestal en 2007 et je ne rendrai jamais assez grâce à son article qui m'amena, moi aussi, un jour au pied de la statue du "Virginien", par le truchement de ce Monument d'empathie savante de Monsieur WALTER. [*]

L'imbécillité de l' "ami" exécuteur testamentaire (premier éditeur, charognard et Père-la-Morale) "révérend" Rufus Wilmot Griswold, les naiseries psychanalysantes & hilarantes de Marie Bonaparte, l'alcoolodépendance de l'artiste [Edgar Allan POE, 1809-1849] poursuivi par la dèche, de Boston à Baltimore, en passant par Richmond, Charlottesville, Boston, New-York, Philadelphie et Baltimore, n'y changeront plus jamais rien : l'intransigeant orphelin a mené - malgré tous les obstacles - une carrière épatante de critique, poète, essayiste, "nouvelliste" et romancier (le seul achevé fut le fameux et alors méprisé "Les Aventures d'Arthur Gordon Pym de Nantucket" qui vit le jour en 1838...).

Un pourfendeur donquichotesque des "cliques" complaisantes et mafiosesques de la Critique de son temps (de New-York à Boston, on défend les ouvrages des "amis" et la respectabilité de ceux-ci, évidemment "sans taches au gilet")... et il paiera fort cher son outrecuidance ! Pauvre et "alcoolique" et encore... donneur de leçons de Littérature ! "Alors non, ça ne se passera pas comme ça ! " D'où ces démolitions-de-l'homme-par-la-Rumeur... ces prévisibles petites vengeance[s] & autres sournoiseries qui vous tueront à petit feu un homme déjà fort éprouvé par l'existence...

Aumônes éditoriales, inexistence du moindre des Droits d'auteur et joyeuse piraterie de toute la Littérature anglaise dans le (pas si) "Nouveau Monde"... Quelle époque de p...tains & flibustiers chez ces héritiers du Puritanisme !

Il fut le bel inventeur (scientifique) du Post-Gothique "poesque" en mille pièces de puzzle d'amours brèves et de morts précoces : de "Metzengerstein", "Manuscrit trouvé dans une bouteille", "Bérénice", "Morella", "Le Roi Peste", "Ombre", "Ligeia", "La chute de la Maison Usher", "Double assassinat dans la Rue Morgue", "Eléonora", "Le Portrait ovale", "Le Masque de la Mort Rouge", "William Wilson", "Le Jardin Paysage", "Le Mystère de Marie Roget", "Le puits et le pendule", "Le coeur révélateur", "Le Scarabée d'or", "Le Chat noir", "L'enterrement prématuré", "Révélation magnétique", "L'Ange du Bizarre", "La lettre volée", "Petite discussion avec une momie", "La vérité sur le cas de Monsieur Valdémar", "Le Domaine d'Arnheim", jusqu'à son inachevé "Le Phare"...

L'essayiste de "L'art du conte", "Le principe poétique" et, enfin, d' "Eureka"...

Le poète de "Tamerlan", "Stances à Hélène", "The Raven" ["Le Corbeau"] et du doux souvenir d' "Annabel Lee"...

La vénération des contes et récits de l'autre pionnier de la Littérature du Nouveau-Monde, son frère de rêves et son exigeant contemporain Nathaniel HAWTHORNE [1804-1864], père de "La Lettre écarlate" qui fleurit l'année 1850...

Sa voix de conteur toujours singulière, son ton inimitable, sa culture et son érudition immenses...

Bref, l'inadapté parfait.

"L'Oncle d'Amérique" (ainsi qualifié par Julien GRACQ dans l'un de ses ouvrages critiques) que fut Poe en sa trajectoire météoritique ABSOLUMENT singulière et solitaire... avait la dent dure et argumentait fort méchamment : on retrouve chez lui la constante de cette dénonciation (passablement violente et inattendue par eux) des moeurs de "gentlemen" ne se préoccupant alors ABSOLUMENT PAS d'art littéraire mais bien de commerce et de "renvois d'ascenseur" avant la Lettre - comme une préfiguration du pamphlet "La littérature à l'estomac" [1950] que fit paraître le jeune GRACQ à l'âge de 40 ans (l'âge de la mort du poète).

Monsieur GRACQ conclut d'ailleurs l'ouvrage-somme de WALTER par une somptueuse lettre manuscrite du 28 février 1991 : autre grand moment du livre (déjà fort de ses XVII chapitres, ses notes passionnantes, son index)... où l'auteur de "En lisant en écrivant" [1980] parle avec éloquence de son admiration pour cette biographie où le romancier a su se mettre dans la peau du très aristocratique Auguste Dupin de "Double assassinat dans la Rue Morgue" (que la traduction de Charles BAUDELAIRE nous rendit inoubliable)...

Derrière l'icône, l'homme obstiné : vous trouverez ici son émouvant, très sensible et très mouvant portrait - pour ainsi dire "SCIENTIFIQUEMENT EXACT" (jusqu'à voir les flous du daguerréotype tardif s'animer peu à peu sous nos yeux) !

Allons, lâchons bien vite "nos" chers Foenkinos, Gavalda, Nothomb, [...] et autres "Nouveautés (?) Amuse-Néant" [*] pour nous ruer en masse sur cette magnifique enquête biographique dont la précision et l'intérêt valent largement celles du "Simenon" et du "Hergé" de Pierre ASSOULINE...

[*] ... 3 seules critiques babéliennes de cet ouvrage en 14 années [!!!] sur notre Media "intelligent" favori... face à une moyenne de 15.000 textes (j'exagère à peine...) par "new-nouillerie" - je parle bien sûr de ces pénibles "Nouveautés" autoproclamées, tombant automatiquement dans La Gamelle et aussitôt avidement commentées ("Ah moi-z'ai aimé, pas toi ? Pareil... Allé-zou dans ma PAL !")... :-)

"Tu vois, (cher Eddy...) rien n'a vraiment changé depuis que tu nous as quittés... " [Cf. le très douloureux mais très jazzy "Pauvre Boris..." de Jean FERRAT]
Lien : http://www.dourvach.canalblo..
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Sans tourner à l'hagiographie, cette "Enquête sur Edgar Allan Poe" passe volontairement sous silence une bonne part de l'alcoolisme du grand écrivain américain ainsi que toute sa sexualité. Georges Walter, au demeurant excellent écrivain, n'est pas un vautour. Certains regretteront sans doute ce parti pris qui s'explique peut-être par la colère dans laquelle les excès de Marie Bonaparte sur le même sujet ont plongé le biographe. Poe paré d'un alcoolisme qui, selon Walter, ne révèle pas sa vraie nature mais crée au contraire un autre Poe ; Poe dépouillé de cette sensualité morbide qui le pousse à faire de toutes ses héroïnes des mortes ou des demi-mortes, Poe perd un peu de son cachet unique.
En contrepartie, Georges Walter met en évidence, il faut bien le dire, tout ce qui, chez Poe, est habituellement passé sous silence et, partant, inconnu du grand public. D'abord et surtout la place éminente qui lui revient dans la naissance de la littérature américaine moderne. Car, ne nous y trompons pas, Poe est un moderne. Récupérant ici et là les vieilles lunes du Gothique, les saupoudrant d'un Romantisme qui n'est pas encore sur le déclin et d'une clarté d'analyse qui n'appartient qu'à lui et qui trouve son origine dans ses études grecques et latines autant que dans son intérêt pour les mathématiques, Edgar Poe annonce à la fois le roman policier et le roman d'épouvante du XXème siècle. Mieux : il annonce leurs motivations occultes.
Mais Edgar Poe, on l'oublie trop souvent, c'est aussi un fabuleux critique littéraire, un lecteur qui écrivait et qui avait l'oeil pour dégager la perle rare du fatras pseudo-littéraire de son époque. Précurseur, avec Dickens, qu'il rencontra lors de la tournée de celui-ci aux Etats-Unis après la parution de "Barnaby Rudge", de ce que nous appelons aujourd'hui le copyright international, il se battit toute sa vie contre les plagiaires. Son rêve - qu'il ne concrétisa que trop brièvement - était d'avoir son propre journal, une gazette littéraire résolument élitiste. Pour cette littérature qu'il aimait tant, Poe ne rêvait que du meilleur.
Gentleman sudiste jusqu'au bout des ongles - sauf lorsque l'alcool le possédait - Poe portait trop haut la fierté de sa différence pour ne pas déchaîner les haines. Boston, sa ville natale, se méfiait de lui et New-York, si elle lui fut un temps plus clémente avec la parution du "Corbeau", seul véritable succès rencontré par l'écrivain de son vivant, lui porta l'estocade finale. Meurtri, veuf de sa femme et cousine, Virginia, morte à 24 ans de la tuberculose, il comptait se replier sur le Sud de sa jeunesse en emmenant avec lui sa tante, Maria Clemm, lorsque la mort qu'il rencontra à Baltimore, dans des circonstances demeurées énigmatiques, vint contrarier ses projets.
De ce que fit l'écrivain pendans la semaine qui précéda sa découverte par une âme charitable dans le caniveau de Baltimore, on ignore pratiquement tout. On suppose qu'il s'adonna à son vice habituel et ceci bien que son médecin ne lui eût pas caché que le prochain excès lui serait fatal. Y a-t-il un rapport entre son retour à la boisson et ce qui l'avait poussé, quelque temps plus tôt, à absorber une dose massive de laudanum ? Là non plus, rien n'est sûr, on se contente d'hypothèses. Ce qui est sûr, c'est qu'Edgar Poe mourut épuisé et sans avoir rencontré la Fortune. Mais la Gloire, elle, lui restait. Seulement, il ne le savait pas.
Après sa mort, son exécuteur testamentaire, le révérend Rufus Griswold et quelques autres unirent leurs efforts pour salir sa mémoire et son génie. de son côté et en dépit de l'admiration qu'il lui portait, Baudelaire, reconnaissons-le, contribua beaucoup à répandre en Europe la légende du "poète maudit", prisonnier de l'alcool et d'autres drogues qui est encore trop souvent celle de Poe.
Et puis bien sûr, vint la Réhabilitation. Grandes figures du genre policier ou du genre d'épouvante n'hésitèrent pas à proclamer bien haut qu'ils devaient énormément tant au chevalier Dupin qu'à Ligeia ou Bérénice. Se joignirent à eux des poètes comme Walt Whitman, Oscar Wilde, Stéphane Mallarmé (son admirable "Tombeau d'Edgar Poe" est à lire absolument) et les Symbolistes et des romanciers comme Melville, Faulkner, Flannery O'Connor, Dostoievski (pour qui Poe était un génie), Borgès, Emile Gaboriau bien sûr et même Gaston Leroux.
Côté grand écran, le cinéma ne parlait pas encore que Lon Chaney Sr campait un extraordinaire "Masque de la Mort Rouge". Alfred Hitchcock devait confesser que, sans les histoires d'Edgar Poe, il aurait manqué quelque chose à son art. Des musiciens comme Debussy et Rachmaninov rendirent également hommage à cet extraordinaire sens du rythme qui animait les vers mais aussi la prose de Poe et que la traduction de Baudelaire nous a restituée.
En d'autres termes, Edgar Allan Poe, qui naquit et vécut la plupart de sa vie d'adulte dans la misère la plus noire et que ses pairs exploitèrent et conspuèrent avec rage a fini par exercer une influence littéraire quasi universelle. Belle revanche, non ? et qui doit certainement faire rire de bon coeur dans l'Au-delà cet homme qui a eu si peu d'occasions de sourire sur cette terre. ;o)
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Très belle biographie de l'auteur de Double assassinat dans la rue Morgue.
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Citations et extraits (3) Ajouter une citation
" Dans la foule dense et déchaînée du 3 octobre 1849, à Baltimore, un homme gisant sur le trottoir n'attirait pas l'attention. Quand Edgar Allan Poe fut découvert par un passant, il était trop tard: on l'emmena mourir à l'hôpital, il avait quarante ans. S'il est vrai que ses jours étaient déjà comptés, tout laisse à penser qu'en l'occurrence la racaille de la ville en fête lui porta le coup de grâce. On l'enterra sans bruit par le mauvais temps de saison. Puis on décida de lui dédier un cénotaphe de granit et de marbre, mais ce ne fut que vingt-six ans plus tard. Le 17 novembre 1875, le bas-relief du poète reçut l'hommage d'un discours professoral et du Stabat Mater de Rossini exécuté par la Société philharmonique. Plus encore que la gerbe de camélias, de lys et de roses-thé, riches d'allusions symboliques, fut remarqué un grand corbeau floral tressé de noires immortelles.
De ses funérailles furtives à son bloc de granit, on dirait que la figure d'Edgar Poe continue, comme chez le vivant, à se partager entre le mystère et la mystification. Original jusque dans ses notices nécrologiques, ne fut-il pas, dans son pays, le seul défunt quelque peu connu qui, à peine enterré, se trouva couvert d'opprobre par un quotidien national? Dès lors, et pendant le quart de siècle où l'érection de ses monuments succède aux transports de ses restes, et même au déplacement de sa maison de New-York, on vit la gloire du poète bégayer entre le pittoresque et le sordide, entre l'anathème et le sanglot. Ce ne sont pas les tribulations de ses ossements, pour bizarres et saugrenues qu'elles soient, qui surprennent, mais la singularité d'une aventure posthume traversée de bruyantes fureurs, mais les oscillations d'une postérité à qui ce défunt encombrant interdit tout jugement tranquille, en somme tout repos de l'esprit."
pp 15-16
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La version de la tentative de suicide donnée par Edgar suggère qu'il ne voulut mourir que pour s'éteindre dans les bras d'Annie. Quant à la prise de laudanum, elle a donné lieu à maintes controverses. Opiomane, Poe aurait su que la quantité ingérée devait être rejetée par l'estomac: le suicide serait alors une simple mise en scène. L'opiomanie de Poe fut, en France, une invention de Baudelaire.
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Il apparaît qu'en compagnie d'un cousin Edgar fut envoyé pour quelques mois à l'école villageoise d'Irvine où les églises étaient lugubres et la discipline spartiate: les enfants y recevaient le fouet et, par beau temps, recopiaient les épitaphes des tombes alignées contre le sanctuaire. La défunte châtelaine, non loin de là, hantait le château du lord de Killmarnock.
Page 76
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