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EAN : 9782232108716
254 pages
Editions Seghers (12/09/1999)
4.5/5   1 notes
Résumé :
Seghers, 16*14 cm, 248 pages
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Critiques, Analyses et Avis (1) Ajouter une critique

N° 1462 – Mai 2020.

Stéphane Mallarmé. Pierre-Olivier Walzer-Seghers

S'il est un poète inclassable c'est bien Stéphane Mallarmé (1842-1898). Quand Verlaine fait paraître en 1884 « Les poètes maudits », son nom figure à côté de celui d'Arthur Rimbaud et de Tristan Corbière . Il doit sans doute cette mention au fait d'avoir entretenu une correspondance avec l'auteur des « Poèmes saturniens ». L'expression remonte au romantisme et a eu avec le temps une définition plus complète. Elle désigne des poètes incompris de leur vivant à cause de leurs textes difficiles et qui, rejetés par la société, se comportent d'une manière scandaleuse, dangereuse voire autodestructrice et ne connaissent généralement le succès qu'après leur mort. Enfant, il reçoit une éducation bourgeoise et catholique  qui inspirera son oeuvre ; il était, comme il l'a dit lui-même « d'âme lamartinienne » mais il découvre la mélancolie de Baudelaire dont le besoin d'idéal lui correspond parfaitement et bien entendu l'imite, comme il imite l'éloquence d'Hugo et adopte le rigorisme d'Edgar Poe dont il traduira les poèmes. Après une courte période dans l'Enregistrement, il devient professeur d'anglais en province puis à Paris, par nécessité, est un temps journaliste, mais il manque d'autorité pour ce métier d'enseignant, la banale réalité quotidienne le rebute et même la chaleur d'un foyer ne répond pas à ses attentes. Toute sa vie sera rythmée par des deuils, celui de sa mère, d'une amie proche, de sa soeur puis de son fils, ce qui le plongera dans une atmosphère dépressive cyclotymique et quasi suicidaire (« Le guignon »). C'est qu'il poursuit désespérément un idéal poétique qui lui échappe et génère pour lui une atmosphère délétère. Il commence par collaborer au « Parnasse contemporain », attire l'attention du romancier Joris-Karl Huysmans, mais on ne peut pas dire que sa vie a été scandaleuse à l'égal de celle de Verlaine. Au contraire puisque ses « Mardis » de la rue de Rome où il recevait admirateurs et amis (Gide, Valery), s'inscrivaient dans la tradition des salons littéraires du XVIII° siècle, le luxe en moins. Fatigué, il obtient sa mise en retraite anticipée, se retire à Vulaines sur Seine où il meurt après avoir succédé à Verlaine comme « Prince des poètes ».

Le jeune mallarmé est tenté au début par l'érotisme (« La négresse »- « Le placet »)ce qui était dans l'air du temps mais plus tard il se révèle surtout animé d'un idéal poétique qui le fait ressembler à Baudelaire et classer parmi les symbolistes. Comme lui il est envahi par le spleen et veut combattre son dégoût des choses par le voyage même s'il craint le naufrage(« Brises marines ») ou simplement attend la mort (« Le sonneur »). Puisqu'il refuse le monde tel qu'il est, il va se tresser un univers personnel imaginaire et même mystique («Las de l'amer repos », « Les fenêtres »), même si cette perfection rêvée est inaccessible (« L'azur ») à en devenir une obsession et que la page blanche est pour lui un défi symbolisant à la fois l'isolement et l'impuissance. Il est véritablement un poète, un malheureux perdu dans le monde des hommes qu'il veut fuir (« tourner l'épaule à la vie ») à la manière de Baudelaire, tout en ayant conscience de l'éventuel échec de son action. Son écriture est le résultat d'un travail sur les mots, les combinaisons, les allitérations, la musicalité, l'incantation verbale, la rigueur dans la composition des strophes, la concision et le respect de la prosodie, ce qui génère une sacralisation du langage et fait de lui un véritable magicien du verbe mais cela implique aussi une certaine inaccessibilité. Ainsi mallarmé devient hermétique, il élabore des poèmes obscurs comme « Le cygne » ou la série des « Tombeaux » qui donnent une impression de vide, de néant. Avec « Un coup de dé jamais n'abolira le hasard», poème déroutant tant par la forme que par le fond, il disloque la phrase, la déstructure, y glisse des blancs qui la rend inaudible, incompréhensible pour un public non préparé à une telle évolution et qui sans doute se coupa de lui, mais cela montre sa volonté d'exprimer sa vision de la réalité absolue tout en admettant peut-être que cette trop ambitieuse recherche ne peut qu'être vouée à l'échec, avec toujours cette obsession de la page blanche et peut-être aussi une certaine forme d'aveu de cette impossibilité de s'exprimer. mallarmé, fait partie des poètes qui ont fait évoluer leur art en le remettant en question en même temps qu'en y instillant de la sacralisation et du mystère.

©Hervé Gautier http:// hervegautier.e-monsite.com
et qui rend les rues petit à petit un peu moins bleues.
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Citations et extraits (4) Ajouter une citation
Las du triste hôpital et de l’encens fétide
Qui monte en la blancheur banale des rideaux
Vers le grand crucifix ennuyé du mur vide,
Le moribond, parfois, redresse son vieux dos,

Se traîne et va, moins pour chauffer sa pourriture
Que pour voir du soleil sur les pierres, coller
Les poils blancs et les os de sa maigre figure
Aux fenêtres qu’un beau rayon clair veut hâler,

Et sa bouche, fiévreuse et d’azur bleu vorace,
Telle, jeune, elle alla respirer son trésor,
Une peau virginale et de jadis ! encrasse
D’un long baiser amer les tièdes carreaux d’or.

Ivre, il vit, oubliant l’horreur des saintes huiles,
Les tisanes, l’horloge et le lit infligé,
La toux ; et quand le soir saigne parmi les tuiles,
Son œil, à l’horizon de lumière gorgé,

Voit des galères d’or, belles comme des cygnes,
Sur un fleuve de pourpre et de parfums dormir
En berçant l’éclair fauve et riche de leurs lignes
Dans un grand nonchaloir chargé de souvenir !

Ainsi, pris du dégoût de l’homme à l’âme dure
Vautré dans le bonheur, où ses seuls appétits
Mangent, et qui s’entête à chercher cette ordure
Pour l’offrir à la femme allaitant ses petits,

Je fuis et je m’accroche à toutes les croisées
D’où l’on tourne le dos à la vie, et, béni,
Dans leur verre, lavé d’éternelles rosées,
Que dore la main chaste de l’Infini

Je me mire et me vois ange ! et je meurs, et j’aime
— Que la vitre soit l’art, soit la mysticité —
À renaître, portant mon rêve en diadème,
Au ciel antérieur où fleurit la Beauté !

Mais, hélas ! Ici-bas est maître : sa hantise
Vient m’écœurer parfois jusqu’en cet abri sûr,
Et le vomissement impur de la Bêtise
Me force à me boucher le nez devant l’azur.

Est-il moyen, ô Moi qui connais l’amertume,
D’enfoncer le cristal par le monstre insulté,
Et de m’enfuir, avec mes deux ailes sans plume
— Au risque de tomber pendant l’éternité ?
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La chair est triste, hélas ! et j’ai lu tous les livres.
Fuir ! là-bas fuir! Je sens que des oiseaux sont ivres
D’être parmi l’écume inconnue et les cieux !
Rien, ni les vieux jardins reflétés par les yeux
Ne retiendra ce coeur qui dans la mer se trempe
Ô nuits ! ni la clarté déserte de ma lampe
Sur le vide papier que la blancheur défend
Et ni la jeune femme allaitant son enfant.
Je partirai ! Steamer balançant ta mâture,
Lève l’ancre pour une exotique nature !

Un Ennui, désolé par les cruels espoirs,
Croit encore à l’adieu suprême des mouchoirs !
Et, peut-être, les mâts, invitant les orages,
Sont-ils de ceux qu’un vent penche sur les naufrages
Perdus, sans mâts, sans mâts, ni fertiles îlots …
Mais, ô mon coeur, entends le chant des matelots !
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Une négresse par le démon secouée
Veut goûter une enfant triste de fruits nouveaux
Et criminels aussi sous leur robe trouée
Cette goinfre s’apprête à de rusés travaux :

À son ventre compare heureuse deux tétines
Et, si haut que la main ne le saura saisir,
Elle darde le choc obscur de ses bottines
Ainsi que quelque langue inhabile au plaisir

Contre la nudité peureuse de gazelle
Qui tremble, sur le dos tel un fol éléphant
Renversée elle attend et s’admire avec zèle,
En riant de ses dents naïves à l’enfant ;

Et, dans ses jambes où la victime se couche,
Levant une peau noire ouverte sous le crin,
Avance le palais de cette étrange bouche
Pâle et rose comme un coquillage marin.
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Cependant que la cloche éveille sa voix claire
A l'air pur et limpide et profond du matin
Et passe sur l'enfant qui jette pour lui plaire
Un angelus parmi la lavande et le thym,

Le sonneur effleuré par l'oiseau qu'il éclaire,
Chevauchant tristement en geignant du latin
Sur la pierre qui tend la corde séculaire,
N'entend descendre à lui qu'un tintement lointain.

Je suis cet homme. Hélas ! de la nuit désireuse,
J'ai beau tirer le câble à sonner l'Idéal,
De froids péchés s'ébat un plumage féal,

Et la voix ne me vient que par bribes et creuse !
Mais, un jour, fatigué d'avoir enfin tiré,
Ô Satan, j’ôterai la pierre et me pendrai.
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