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Critiques filtrées sur 4 étoiles  
La Joie de vivre est le douzième opus de la saga des Rougon-Macquart. Je continue mon voyage dans ce cycle où je ne m'ennuie jamais. Je me suis embarqué depuis quelques années dans la lecture de cette immense fresque en respectant scrupuleusement la chronologie des récits. Ce voyage m'amène forcément à des ressentis inégaux, différents. Des coups de coeur, des déceptions, parfois des sentiments entre deux eaux...
Il n'est pas indispensable de respecter l'ordre chronologique des livres qui composent cette saga, cependant cela m'est apparu essentiel pour mieux comprendre la lignée des personnages dont il est question dans cette oeuvre, parfois le terrible destin qui les anime, à la fois gouverné par une hérédité malsaine et un héritage social déterminant.
De temps en temps, Émile Zola semble vouloir faire une pause, poser une respiration et nous y inviter avant de rebondir vers quelque chose de plus palpitant.
La Joie de vivre, se situant entre le réjouissant Au bonheur des Dames et le bouleversant Germinal, ici j'ai craint en effet, et qui plus est avec un titre pareil, de m'ennuyer passablement...
Mais c'était sans compter sur le talent malicieux et cynique de Zola... Quelle ironie tout de même de donner un titre si prometteur et quelle cruauté de jeter cette jeune enfant innocente, Pauline, en pâture à une famille peu scrupuleuse ! Approchez, oyez bonnes gens, écoutez voir un peu...
Pauline, nous l'avions connue enfant dans le Ventre de Paris, ronde et joyeuse, fille des Quenu, charcutiers aux Halles. Ah ! Quand je vous disais que je trouve indispensable de respecter l'ordre chronologique... Vous voyez ! Pauline la voilà désormais orpheline et riche héritière de la fortune amassée par ses parents à vendre du gras. Elle est alors confiée à son oncle et sa tante, les Chanteau, qui deviennent ses tuteurs de droit. Ils vivent dans un village côtier de Normandie, près d'Arromanches, un paysage rude, battu par les embruns et les vents... C'est là qu'elle va grandir aux côtés de son cousin Lazare quasiment du même âge. Ici, on dirait un havre de paix. Pauline exulte de joie, sa joie transpire dès les premières pages...
La Joie de vivre, c'est ce paysage qui habite le coeur de cette enfant, la douceur et l'innocence d'un coeur épris d'amour pour la vie, de tendresse, d'attention pour les autres, tandis que la mer perce, grignote et emporte en elle inlassablement les fragments broyés des falaises normandes.
Mais La Joie de vivre, ce n'est pas un long fleuve tranquille où la jeune Pauline va pouvoir s'épanouir. C'est un monde vénal, un monde hypocrite et cruel, d'une violence sourde. Je ne sais pas lequel des trois Chanteau est le pire, la mère ambitieuse et manipulatrice jusqu'aux ongles, le père d'une méchanceté bête rongé par la goutte, le fils enfant gâté et instable dans ses projets... Bon, ceux ne sont pas les Thénardier, mais tout de même...
En effet, on voit peu à peu où cette famille veut amener cette enfant qui grandit chez eux, qui devient une jeune fille toujours aimante, toujours joyeuse... Pourtant, on ne la regarde pas comme une jeune fille aimante et joyeuse mais comme une source financière presque intarissable. Et comme elle est généreuse, allons-y gaiement !
Peu à peu, j'ai senti que le monde tant rêvé par la pure et joyeuse Pauline risquait de s'effondrer.
Le lecteur que j'étais espérait à chaque instant que Pauline se réveille enfin, prenne conscience de ce qui se passe, des intentions de cette famille de « braves gens », Les Chanteau, qui profitent d'elle, de la rente qu'elle va leur rapporter... Je n'étais d'ailleurs pas le seul à me révolter. Il y avait bien le médecin de famille, le docteur Cazenove, appelons cela un médecin, il a dû avoir son diplôme dans une pochette surprise celui-là. Pour autant, il est lucide, voudrait la sortir de ce marigot, tout comme Véronique, la bonne, joli personnage attachant et insolite...
La parole de Zola est bien là, présente, dans cette histoire presque innocente.
La Joie de vivre nous rappelle que le genre humain est loin d'être toujours beau et en particulier celui que nous dépeint Zola.
Pauline va grandir, s'épanouir sous la plume envolée, poétique de Zola. Il en dessine un beau personnage dans l'abnégation.
L'âme de Pauline est d'une grandeur qui nous étonne à chaque page face à tant de médiocrité.
En même temps, peut-être que Zola a vu dans ce roman la perspective que la nature humaine pouvait être sauvée par de belles personnes comme celle de Pauline. Un chemin qu'il dessine.
Les êtres fragiles sont encore plus fragiles sous la plume de Zola, les êtres sordides le deviennent tout autant... Nous sommes bien dans le monde que nous décrit Zola, c'est-à-dire le nôtre.
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"La joie de vivre" est le douzième tome des Rougon-Macquart. Il met en scène Pauline Quenu, fille de Lisa Macquart et petite-fille d'Antoine Macquart. Âgée de 9-10 ans, elle vient de perdre ses parents charcutiers (que l'on suit dans "Le ventre de Paris") à six mois d'intervalle. Elle (ainsi que son héritage conséquent) est recueillie par son oncle Chanteau, sa femme et leur fils Lazare. Dans ce roman, Zola démontre à quel point il peut être facile de se faire dépouiller "grâce" à notre bonté d'âme.

J'ai mis un certain temps avant de comprendre pourquoi Zola avait pondu un titre pareil. Un truc du genre "Trop bonne, trop conne" aurait pu parfaitement coller, et ce jusqu'à la fin. Mais serait-il passer crème en 1884 ? "L'argent" aussi aurait pu correspondre, mais il aurait fallu qu'il trouve un autre titre pour son dix-huitième tome, que je n'ai pas encore lu mais qui se déroule visiblement dans le milieu financier... Donc bon, "La joie de vivre" alors, parce que Pauline garde toujours cette "bonté gaie", en toute circonstance.

Peu nombreux sont les livres de la série dont les événements se déroulent en-dehors de Plassans ou Paris. Ici, nous sommes sur la côte normande, dans une commune que l'auteur a nommé Bonneville et placé près d'Arromanches dans le Calvados. Zola, souvent, fait "vivre" l'environnement dans lequel évoluent les protagonistes. C'est le cas des Halles dans "Le ventre de Paris", de la nature sauvage dans "La faute de l'abbé Mouret" ou encore des mines de charbon dans "Germinal", par exemple. Ici, c'est la mer qui rythme l'histoire, au gré de ses marées hautes ou basses, de ses tempêtes ou de ses grands calmes. Les personnages sont bercés par ses humeurs, tantôt déchaînées, tantôt plus apaisées. Les vents et les pluies s'en mêlent souvent d'ailleurs, avivant par la même occasion les humeurs des protagonistes.

Comme "Une page d'amour", "La joie de vivre" se démarque des autres romans de la série. Zola se fait moins critique de la société là aussi. Il aborde d'autres sujets, que j'ai trouvé plus délicats, plus sensibles, plus touchants. Il oppose sans cesse les états hypocondriaques, la peur de la mort et la mélancolie de Lazare à la joie de vivre, la gentillesse et la générosité de Pauline. L'auteur dépeint deux personnages complexes, dont je me suis vite attachée. L'un toujours optimiste quand l'autre se réfugie dans son pessimisme, ils s'attirent tels des aimants. Lazare, inconsciemment, plombe l'ambiance générale, s'enfonce toujours un peu plus et abîme les gens qui l'entourent. Pauline, quant à elle, se relève et relève toujours les autres par sa bonté, sa bonne humeur, sa complaisance, son attention. Les autres, d'ailleurs, savent en profiter, en abusent souvent, elle devient leur chose et s'oublie totalement (d'où le titre alternatif : "trop bonne, trop conne" !). Mais si certains en sont conscients, Lazare, lui, agit un peu dans l'insouciance, sans s'en rendre vraiment compte, emprisonné qu'il est dans sa mélancolie. C'est en cela qu'il est aussi touchant que Pauline.

"La joie de vivre", avec "Une page d'amour", sont pour le moment les deux seuls qui m'ont réellement émue. L'histoire de Pauline est poignante, touche au coeur. Certains passages marquent, comme la mort du chien Mathieu par exemple. Et je n'oublierai pas de sitôt l'avant-dernier chapitre, celui consacré à l'accouchement : les scènes, décrites sur de nombreuses pages, sont terribles, douloureuses, mémorables.

Avec la branche d'Antoine Macquart, je me prépare toujours au pire. Il est vrai que la plupart de ses descendants sont voués à un destin parsemé de malchances et de tragédies. Alors oui, "La joie de vivre" se termine sur un drame (celui qu'on n'attendait pas d'ailleurs), mais je suis quand même ravie de constater que Zola a été plutôt clément avec Pauline.

Je viens, à nouveau, de passer un excellent moment, poignant, émouvant, et qui fait preuve, mine de rien, de douceur et de sensibilité. Il me reste cinq tomes à lire, mais je pense pouvoir déjà affirmer que ce dernier sera dans mon top 5.
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Jamais livre n'a si mal mérité son titre ..ou plutôt jamais la cruauté de Zola ne s'est  exercée avec plus de cynisme sur son héroïne dont l'entêtée Joie de vivre se trouve en butte aux plus sordides méchancetés, aux plus cruelles déceptions, à une mise à sac financière et morale orchestrée  par une bande de rapaces égrotants et égoïstes qui  profite honteusement de sa nature optimiste et de sa générosité inlassable...sans réussir à les altérer!

Roman peu connu des Rougon Macquart, La Joie de vivre est , qui plus est, un roman "maritime" , une rareté chez Zola, ce méridional "monté " à  Paris : nous sommes près d'Arromanches, dans un petit village de brutes dégénérées, pas vraiment flattées par le récit, dont la bêtise et l'ivrognerie crasses  n'ont d'égales que la misère et l'accablante situation: la mer leur enlève par petits bouts leurs pauvres maisons, leurs tristes bateaux, leurs maigres champs.

Et comme la mer , qui grignote maisons et falaises,  les Chanteau grignotent -à belles dents!- la fortune de leur nièce,  l'orpheline Pauline Quenu, fille de Lisa Macquart l'opulente marchande des Halles du Ventre de Paris, qu'ils disent avoir recueillie par charité !

Le père Chanteau en fermant les yeux sur sa progressive spoliation,  la mère Chanteau par avidité , jalousie et amour maternel mal placé, et le troisième, le fils, un incroyable velléitaire, par un emballement chimérique.. .et coûteux pour de vastes projets sitôt financés -par Pauline- , sitôt abandonnés  pour d'autres plus hasardeux, plus catastrophiques encore...

Dans ce panier de crabes, Pauline, pas bête pourtant, instruite, curieuse, altruiste, courageuse,  se fait littéralement manger la laine sur le dos. Tous ces grands malades lui sucent le sang comme des vampires en quête de la vie ou  de la santé éternelle (le cousin lunatique s'appelle Lazare, tout un programme!)

De magnifiques pages sur l' affection tendre et désintéressée du chien Mathieu, qui porte un nom  d'homme et est bien le plus "humain" de tous les protagonistes : petit réconfort dans ce monde de brutes...

Le roman se termine sur une exclamation de l'oncle, d'un cynisme achevé,  qui vaut son pesant de ...caricoles!

Je vous laisse le pervers plaisir de la découvrir!
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Pauline, la petite orpheline de la charcuterie Quenu, est recueillie chez les Chanteau et arrive dans le petit bourg fictif de Bonneville, non loin d'Arromanches.
Même si son arrivée se fait lors d'une tempête d'équinoxe, même si Chanteau est régulièrement terrassé par des crises de goutte, même si la bonne Véronique est quelque peu grognon face à ces évènements qui mettent la maison en l'air, elle devrait être bien dans cette nouvelle demeure, sur la falaise, dominant la mer qui la fascine. La mer s'avèrera son unique amie et encore… elle sera source de l'accélération de la pauvreté de ce bourg de miséreux qui soulèvera bien souvent la pitié de Pauline.

« Dès la première semaine, la présence de Pauline apporta une joie dans la maison. Sa belle santé raisonnable, son tranquille sourire calmaient l'aigreur sourde où vivaient les Chanteau. »
Débordante de complaisance pour satisfaire chacun, avide de bonheur, Pauline n'aura qu'un défaut, la jalousie. Elle a besoin d'être aimée mais son bon coeur la ruinera.

Zola est bien morose, en proie à la douleur et à la peur de la mort qui le cerne au moment où il écrit ce volet des Rougon-Macquart. Donc, cette joie irradiant de la pauvre Pauline, malgré tous ses efforts pour donner de la gaieté aux habitants de cette maison, sera bien vite balayée, enfouie, écrasée sous l'égoïsme, les caractères lunatiques, la cupidité, la maladie qui gangrènent l'atmosphère de cet intérieur.

Avant d'avoir un rocher de granit bien rugueux à la place du coeur, Mme Chanteau aimait la petite Pauline, elle mettait soigneusement sous clé sa fortune héritée du commerce de ses parents. Mais le tiroir du secrétaire a exercé une attraction bien trop forte et les scrupules ne pesaient plus bien lourds lorsque l'argent pouvait satisfaire ses ambitions pour son fils bien-aimé. Ce fils, c'est Lazare, qui ne sera heureux ni dans ses projets fous qui avortent invariablement, ni dans les grands moments d'oisiveté qui les précèdent ou qui les suivent. Il aura même pour ambition de dompter la mer, summum de ses inconséquences !
Ce voisinage de la mer aurait pu aussi être source de joie mais les grandes marées grignotent une à une les maisons de Bonneville, avec la même énergie que les Chanteau mettent à dévorer les titres de la jeune Pauline. Sans de longues descriptions, Zola parle ici de la mer avec son talent habituel, la faisant onduler sous la houle, nous promenant sur les galets, les tapis d'algues et le sable fin. Un environnement que j'aime particulièrement mais qui ne réussit pas du tout à égayer la noirceur et le défaitisme qui collent à cette lecture.
Certes, on ne lit pas Zola pour y trouver de la gaité mais j'ai trouvé ce tome spécialement morbide.
Il révèle aussi l'impuissance de la médecine de l'époque. C'est le temps des saignées qui montrent souvent leur inefficacité. Les malades demeurent seuls face à leurs souffrances.

Agonies, tourment de la mort, souffrances physiques et morales occupent la quasi-totalité des chapitres.
Quelques notes chaleureuses sont apportées par Mathieu, un croisé de Terre-neuve qui aboie joyeusement, suit son monde dans toutes les pièces ou ronfle comme un homme. Il y a aussi Minouche qui s'applique consciencieusement à sa toilette mais qui aura aussi ses vices.

Douloureux et amer reflet de l'égoïsme de l'être humain. C'est très dur, accablant, écrasant, surtout sous la perfection de la plume de Zola.
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Oeuvre de moindre importance dans la série des Rougon-Macquart, La Joie de vivre qui fait l'objet de ce roman constitue également le contrepoint discret mais puissant adressé à la théorie schopenhauerienne. Celle-ci est représentée par Lazare, jeune homme de son époque influencé par le pessimisme jusque dans la faillite de ses rêves de grandeur : la musique, puis la médecine, puis les sciences techniques subissent un lent désenchantement à mesure que la foi inconsciente de Lazare pour le pessimisme augmente. La théorie est-elle si puissante qu'elle parvient à enrôler un jeune homme intelligent et ambitieux dans la tentation du dégoût ? Pas à une contradiction près, Lazare se range aux côtés de Schopenhauer pour dénigrer le sentiment amoureux jusqu'à ce qu'il le connaisse lui-même jusqu'au déchaînement passionnel. Mais même de cela, Lazare finit par se lasser.


De son côté, Pauline semble complètement immunisée par le pessimisme. On ne peut pas croire que ce soit un quelconque manque d'érudition qui l'en préserve car elle se montre au contraire extrêmement cultivée, égale de Lazare dans la plupart de ses recherches scientifiques. La différence semble plutôt se distinguer dans des aptitudes à l'amour et au don de soi qui se situent sur des échelles de valeur opposées : alors que Lazare ne pense rien qu'à son bonheur, Pauline passe sa vie à se dévouer pour les autres.


Lazare et Pauline grandissent ensemble et bien qu'ils nourrissent des conceptions de la vie contradictoires, ils se complètent longtemps, s'éloignent parfois, et s'avouent finalement indispensables l'un à l'autre, après les longs détours de deux existences à moitié gâchées, à moitié achevées. Emile Zola propose discrètement sa propre interprétation du pessimisme et s'avance au-delà de la conclusion du Monde comme volonté… de Schopenhauer.


Comme dans La Curée ou La Faute de l'Abbé Mouret, lorsque Zola se détourne du parasitage mondain et des grands projets urbains et politiques, il éblouit par les habiletés de ses constructions biographiques et parvient à dessiner des identités ambivalentes qui traduisent une grande perspicacité psychologique. Emile Zola confirme avec ce roman qu'il excelle mieux dans les drames intimistes que dans les tragédies politiques.
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Nouvelle accalmie après la grandiloquence des grands magasins parisiens, avec les retrouvailles de Pauline, fille de Lisa Macquart et de Quenu, devenue orpheline à ses dix ans, possédant une fortune considérable en héritage, envoyée chez ses tuteurs, les Chanteau, en Normandie.

Accalmie du fait, déjà, du caractère même de Pauline, bien loin des tempéraments bouillonnants, parfois maladifs, de son lignage, malgré certaines crises de colère infantiles : elle n'en est pas moins l'équilibre, l'honnêteté, la joie de vivre la plus simple du monde ; elle deviendra l'abnégation, le sacrifice de son propre bonheur pour celui des Chanteau, principalement de Lazare, son cousin, premier et seul amour. Lazare, bien au contraire, bouillonnant d'idées, d'ennui, d'immaturité, brûlant la chandelle par les deux bouts de ses désirs immodérés, de son amour passionnel pour le romanesque et pour l'amour, de son angoisse obsessionnelle de la mort.

Accalmie, également, dans l'intimisme de ce récit normand, au bord des flots et de sa misère somme toute banale, loin du tumulte de la ville, plus proche de la faute de l'abbé Mouret et d'Une page d'amour que des épopées sociales qu'aime à dépeindre Zola. Intimisme présent dans la situation même de la famille, tout autant que dans un style beaucoup plus sobre, à l'image même de Pauline.

Un nouveau tome apprécié, comme tous ceux qui précèdent : je comprends que l'on puisse moins apprécier les romans moins sociaux, moins virulents, plus intimistes, de l'auteur, mais j'avoue que j'ai un faible pour ces deux facettes, à mon sens complémentaires.
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Publié en 1884, « La joie de vivre » est le douzième volume de la série « Les Rougon-Macquart », une « Histoire naturelle et sociale d'une famille sous le Second Empire ».

En fait de Second Empire, « La joie de vivre » est un roman à l'intrigue non datée qui aurait bien pu ne pas appartenir au cycle des Rougon-Macquart, si ce n'est par les liens de parenté de Pauline avec Gervaise, sa tante et Nana, sa cousine.
Un roman que Zola écrit dans le désarroi et qui pourrait bien laisser transparaître dans le personnage de Lazare ses propres obsessions face à la mort. Il vient de perdre sa mère et ne s'est jamais vraiment remis de la mort, quelques années auparavant de Gustave Flaubert

Le roman se situe en Normandie, à Bonneville, une petite ville littorale, non loin d'Arromanches. Pauline a dix ans . Elle est orpheline, mais néanmoins à la tête d'une belle fortune. Aussi est-elle recueillie par la famille Chanteau et leur fils Lazare, de vagues cousins qui en ont accepté la tutelle. Elle est généreuse et ne tardera pas à voir ses tuteurs dilapider son bien.

Zola nous présente ici un livre maritime, éclaboussé d'embruns. La mer y ronge la falaise comme le destin ronge les vies des personnages de ce remarquable roman : le père Chanteau, rongé par la maladie, la mère Chanteau qui mourra dans de terribles souffrances… Jusqu'au chien qui passera de vie à trépas… Et Véronique, la servante : pourquoi déteste-t-elle à ce point Pauline ? Quant à Lazare, pessimiste jusqu'au nihilisme…au milieu de tout ce beau monde, Pauline, la joie de vivre personnifiée.

« La joie de vivre », un roman qui sent les embruns et les algues les jours de « grande laisse ». Ce n'est pas mon préféré dans le cycle des Rougon-Macquart, même si la plume de Zola fait merveille à décrire ce littoral normand que j'aime tant …
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Dans ce tome, nous retrouvons Pauline, connue dans le ventre de Paris. Orpheline à l'âge de 10 ans, elle a été confiée à une famille Normande. Village reculé, face à la mer, ce tome respire le vent du large... Mais il est également bien sombre... Maladie, souffrance, haine, questions profondes sur la vie et la mort, Zola oppresse son lecteur par la noirceur... Mais ce tome n'est pas moins bon pour autant. Heureusement que Pauline est là pour apporter un peu de naïveté, de douceur, de fraicheur, de joie de vivre !!! Une lecteur marquante, pour ma part... J'ai beaucoup aimé ce tome.
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La joie de vivre ! Quel titre ironique, se dit-on en refermant ce roman ! Car ce sont surtout des malheurs, des rêves perdus, des désillusions que nous avons vécu.
Dans ce volume, le nombre de personnages est restreint, un peu comme dans « Une page d'amour ». Nous retrouvons une figure déjà évoquée dans « le ventre de Paris », Pauline, fille des charcutiers Quenu. La voilà orpheline suite au décès de ses parents, et recueillie par les Chanteau, des cousins vivant au bord de la mer en Normandie. Ceux-ci ont un fils, Lazare, plus âgé que Pauline, qui a énormément de mal à trouver sa voie dans la vie. Rêveur, instable, il se construit des projets dans tous les domaines, alors que Pauline tombe peu à peu amoureuse de lui. N'en disons pas plus sur la trame du roman, exploitée comme toujours avec énormément de talent par Zola.
Le thème directeur du livre, pour moi, est la force de la vie face à l'hostilité des éléments et à la mort.
Et Zola a appuyé son discours sur la plus belle manifestation de la vie, la maternité. Il aborde de façon directe avec Pauline la découverte par la jeune fille de la puberté, dans des pages qui ont sans doute choqué plus d'un lecteur à l'époque. Mais un des passages les plus forts du livre, pour moi, décrit la lutte menée toute une nuit par le médecin qui assiste Louise, amie de Pauline, pour accoucher d'un fils vivant, malgré des circonstances qui auraient pu être fatales à la mère et à l'enfant.
La force de la vie, c'est aussi la bonté et la charité manifestées par Pauline vis-à-vis d'un entourage qui n'en est que rarement reconnaissant, c'est le moins qu'on puisse dire. Certains ne s'intéressent à elle qu'en raison de l'héritage reçu de ses parents. Les pauvres du village, qu'elle secourt avec constance, ne songent qu'à la voler. Et son amour pour Lazare n'est que peu payé en retour. le personnage de Pauline m'a d'ailleurs paru idéalisé, c'est presque une sainte !
« L'orgueil de son abnégation s'en était allé, elle acceptait que les siens fussent heureux en dehors d'elle. C'était le degré suprême dans l'amour des autres : disparaître, donner tout sans croire qu'on donne assez, aimer au point d'être joyeux d'une félicité qu'on n'a pas faite et qu'on ne partagera pas. »

Face à cela, les forces destructrices ne manquent pas. Elles sont symbolisées par la mer, qui inlassablement ronge le rivage normand, détruit à chaque tempête quelques maisons du village, et balaie impitoyablement le chimérique projet de Lazare qui croyait la contrer par un système de jetées et d'estacades en bois.
« Elle ne répondit pas, elle continua de le suivre jusqu'à la plage. Là, des épis et une grande estacade, qu'on avait construite dernièrement soutenaient un effroyable assaut. Les vagues, de plus en plus grosses, tapaient comme des béliers, l'une après l'autre ; et l'armée en était innombrable, toujours des masses nouvelles se ruaient. de grands dos verdâtres, aux crinières d'écume, moutonnaient à l'infini, se rapprochaient sous une poussée géante ; puis, dans la rage du choc, ces monstres volaient eux-mêmes en poussière d'eau, tombaient en une bouillie blanche, que le flot paraissait boire et remporter. Sous chacun de ces écroulements, les charpentes des épis craquaient. Un déjà avait eu ses jambes de force cassées, et la longue poutre centrale, retenue par un bout, branlait désespérément, ainsi qu'un tronc mort dont la mitraille aurait coupé les membres. Deux autres résistaient mieux ; mais on les sentait trembler dans leurs scellements, se fatiguer et comme s'amincir, au milieu de l'étreinte mouvante qui semblait vouloir les user pour les rompre. »

Et puis, il y a la mort. Celle qui va emporter Mme Chanteau, qui avant de mourir devient paranoïaque et accuse Pauline des pires intentions. La mort qui obsède Lazare, au point de l'empêcher d'affronter la réalité.
« Quelle joie de recommencer ailleurs, parmi les étoiles, une nouvelle existence avec les parents et les amis ! Comme cela aurait rendu l'agonie douce, d'aller rejoindre les affections perdues, et quels baisers à la rencontre, et quelle sérénité de revivre ensemble immortels ! Il agonisait devant ce mensonge charitable des religions, dont la pitié cache aux faibles la vérité terrible. Non, tout finissait à la mort, rien ne renaissait de nos affections, l'adieu était dit à jamais. Oh ! Jamais ! Jamais ! C'était ce mot redoutable qui emportait son esprit dans le vertige du vide. »

Mais à la conclusion, alors qu'un personnage vient encore de mourir, c'est Monsieur Chanteau, dont la vie est devenue un enfer à cause de crises de goutte qui le bloquent sur un fauteuil dans des douleurs abominables, qui proclame la force ultime de la vie. Et Zola rejoint ici le bon Jean de la Fontaine, qui affirmait à la fin de sa fable « La Mort et le bûcheron » :
« Mieux vaut souffrir que mourir,
C'est la devise des hommes. »
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Dans ce volume c'est Pauline, fille de Lisa et petite fille d'Antoine Macquart qui est l'héroïne. Lorsque l'histoire commence elle a 10 ans, elle est née en 1853, nous sommes donc en 1863.
Pauline est arrivée fillette, après la mort successive de ses deux parents, chez les Chanteau cousins de son père, en Normandie au bord de la mer. Famille composée de madame Chanteau, très active, son mari goutteux et condamné à passer de son lit à son fauteuil, il se désintéresse d'ailleurs de ce qui n'est pas sa maladie, Lazare le fils, un velléitaire angoissé par la mort et enfin de la bonne qui la déteste d'emblée sans raison apparente. Après la mort de ses parents et la vente du leur charcuterie, Pauline est à la tête d'une petite fortune dont les Chanteau deviennent les gardiens. Au demeurant parfaitement honnêtes au début. Pourtant il s'installe dès les premiers jours une forme d'exploitation. Monsieur Chanteau, qui ne peut résister à l'envie d'aliments interdits quitte à avoir une crise de goutte est malade. Et c'est la petite Pauline qui s'installe d'elle-même à son chevet, supporte ses cris et récriminations sans que personne ne s'avise que ce n'est pas son rôle, trop contents de se décharger sur elle. de même que c'est elle qui s'efforce de détourner Lazare de ses idées malsaines de mort et d'inutilité.
Plus tard ce sera la fortune de la fillette qui sera mise à contribution pour financer d'abord les élucubrations de Lazare puis le quotidien de la famille.
Je ne sais comment lire celui-ci. Il me semble qu'il y a de nombreuses façons de l'interpréter.
Il y a un contraste entre l'appétit de vivre de Pauline et la morbidité de Lazare. Pourtant l'insistance de Pauline a toujours se sacrifier, en renonçant à son argent, puis à l'amour qu'elle porte à Lazare, à nourrir des enfants miséreux qui la volent et lui mentent et enfin à renoncer à échapper à cette exploitation me parait une autre forme de destruction.
Qu'elles peuvent être les motivations de Pauline à se sacrifier sans fin et sans en recevoir de reconnaissance : au début besoin d'être aimée à n'importe quel prix ? Et désir de lutter contre son soi-disant égoïsme. Peur de vivre pour soi et d'être responsable de son bonheur ou de son malheur ?
Est-ce un roman de la faiblesse ? Celle de monsieur Chanteau qui s'enferme dans sa maladie, refuse de voir les souffrances des autres. Faiblesse de Lazare qui se laisse mener par ses passions de quelques semaines. Celle de Pauline qui se laisse glisser vers l'état de proie consentante. Même le curé et le docteur Carénage semblent avoir renoncé à se battre, tout comme les habitants fatalistes face à la force de la mer. Chacun se laisse dominer par son caractère, par les autres, par la nature, par ce qu'ils pensent être la fatalité.
Dans ces études préparatoires Zola avait pensé aux titres suivants : La Vallée de larmes, La Sombre Mort, La Misère du monde, L'Espoir du néant, qui me paraissent plus appropriés quoiqu'un peu excessifs. Je ne trouve pas qu'il règne un grand désespoir dans ce livre plutôt une sorte de malaise. Est-ce dû à la mort récente de la mère de Zola et à celle de son ami Flaubert, à une lecture mal digérée de Schopenhauer, au pessimisme fin de siècle.
Je ne saurais dire si j'ai aimé ou pas. Je n'ai pas pu entrer dans la logique de Pauline, sa vision de la vie, qui pour moi est du laisser-faire est trop éloignée de la mienne. Il est fort possible que je sois passée à côté.

Challenge pavés 2014-2015
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