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4,16

sur 1179 notes

Critiques filtrées sur 5 étoiles  
Et PAN ! Encore un uppercut en plein groin : du Zola en très grande forme. Selon moi un véritable chef-d’œuvre sorti de Terre, ou, du moins, celui qui me parle le plus parmi les Rougon-Macquart !

Comme toujours, le vieil Émile s'est bien documenté et l'on a presque l'impression de sentir la terre de la Beauce sous notre nez. Voici un bon roman tonique et documentaire comme était l'intention de l'auteur en écrivant le cycle des Rongon-Macquart. C'est à mon sens l'un des quatre ou cinq meilleurs du cycle, voire un peu mieux, ce qui n'est pas peu dire.

Ici, Jean Macquart (le frère de Gervaise dans l'Assommoir) est embauché chez le gros exploitant du coin et maire du village, Hourdequin, qui essaye désespérément d'introduire des techniques agricoles nouvelles et se heurte à sa main d'œuvre réfractaire. C'est l'exact pendant français du Levine russe d'Anna Karénine.

La famille Fouan est l'autre grand pôle du livre. Elle rappelle beaucoup la famille Rongon-Macquart des origines (voir La Fortune des Rougon) avec ses multiples tares et vices. Tout d'abord l'héritage du vieux Fouan, où l'on ne sait qui est le plus radin et le plus prêt à saigner sa famille, entre le père et les enfants. Son jeune fils, Buteau est un parangon d'avarice, d'avidité, de brutalité et de dureté (bon, c'est vrai, il ne faut pas trop chercher la nuance ici chez Zola).

Malgré le tour résolument polémique que Zola imprime à sa fresque rurale, j'ai retrouvé tous les travers et la mentalité du monde paysan qu'on m'a raconté de mes aïeux bretons du début du XXe siècle. Aucune bassesse de ce monde ne vous sera épargnée mais n'est-elle pas une vision, certes désabusée, certes un peu caricaturée, grossie ou condensée mais essentiellement juste, pertinente, de l'humain au sens large ?

Émile Zola nous montre notre espèce dépouillée de sa frêle coquille de " bonnes manières ", de ce vernis de civilisation, il nous montre bruts, brutes, bourrus, mais sans chichi, un peu comme si vous aviez directement accès à ce que pensent ceux qui vous font des sourires en surface. Je vous laisse le soin de lire et de déterrer les bulbes pourris dont nous sommes tous un peu faits...

J'attribue une Mention Spéciale pour le personnage de " la grande ", sœur du vieux Fouan, assurément un modèle pour la fameuse Tatie Danielle du cinéma, une véritable vieille méchante femme qui prend plaisir à semer la zizanie (le personnage de " la vieille femme nuisible " est un classique chez Zola et revient dans pas mal de ses romans, aurait-il des comptes à régler de ce côté-là ?) et la discorde au sein de sa propre famille tout en étant aussi aimante qu'une grosse pierre sèche.

Autre Mention Spéciale pour le personnage de " Jésus-Christ ", Fils aîné du vieux Fouan, alcoolique invétéré et résolu à ne jamais travailler, pétomane hors-pair qui offre à l'auteur l'occasion de signer un chapitre hilarant (quatrième partie, chapitre 3).

La préface d'Emmanuel Le Roy Ladurie dans la collection folio n'est pas toujours tendre pour Zola, mais il faut le comprendre, lui qui a tant étudié les " vrais " paysans sur plus d'un millénaire, voir un portrait au vitriol de la main d'un novice mi-parisien, mi-aixois (enfin tout sauf quelqu'un de la terre) ça le démange un peu.

Il souligne le caractère excessivement bestial et caricatural qu'imprime l'auteur à l'avidité et au manque de sensibilité ou de sentiments de ses personnages. Point sur lequel je suis entièrement d'accord car il est vrai que Zola y est allé de bon cœur dans ce registre, mais cela ne nuit pas au sens profond, résolument propre à l'humain en tant qu'espèce qu'a, je pense, voulu donner l'auteur. Ceci étant dit, ce n'est là qu'un avis terreux, c'est-à-dire, pas grand-chose.
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Episode rural, au coeur de la Beauce, en compagnie de paysans dont Zola a bien chargé le portrait : cupides, bas du plafond, soulards, très portés sur la bagatelle…Ce qui provoque des haines profondes, exacerbées par les brumes de l'alcool, et des voies de fait incessantes.

Le personnage issu de la grande famille des Rougon est Jean, frère de Gervaise, qui après avoir souffert à l'armée a décidé de se consacrer à la terre, pas vraiment par vocation. Il aimerait conter fleurette à la jeune Françoise de 15 ans sa cadette. Par timidité ou crainte d'un refus, et par l'animosité que ses projets déclenche dans la famille de sa belle, la demande tarde. d'autant que s'y mêlent de sombres histoires de partage d'héritage. Il faut dire qu'ils ont âpres au gain, les habitants de Rognes. L'argent et le sexe, ce sont leurs seules valeurs.

Narration crue, les jeunes filles ont trop souvent observé ce qui se passe chez les animaux pour rester naïves longtemps. Il faut vraiment que le pensionnat les protège de toute connaissance pour qu'elles ignorent les lois de la nature. C'est le cas, semble-t-il de la jeune Elodie, élevée par les Charles : des notables ? oui si l'on veut, dans la mesure où la prospérité qu'ils affichent vient des subsides du bordel que la mère d'Elodie dirige avec sérieux et rigueur!

La montée des rancoeurs qui s'accumulent chapitre après chapitre, laisse augurer d'une fin tragique.


Quelques belles descriptions de la campagne, mais on sent que la nature doit être domptée pour en tirer profit, on est loin de la luxuriance du jardin dans la faute de l'abbé Mouret.

C'est aussi le début de l'industrialisation pour la campagne aussi, les engins qui facilitent la tâche font leur apparition avec les conséquences financières qui en découlent. On y rencontre même une avant-gardiste écolo, la mère Caca, qui recycle le contenu de son pot de chambre dans son jardin potager !


Etat des lieux de la campagne de la fin du dix-neuvième, plutôt accablée par l'auteur à travers les faiblesses et les lâchetés de ses personnages.

Challenge pavés Babelio 2020
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Je continue de cheminer de manière chronologique dans la saga puissante des Rougon-Macquart et me voici parvenu au quinzième roman, La Terre.
Le personnage principal de cet opus est bien justement la terre, cette terre de la Beauce du XIXème siècle, la terre avec ses semailles et ses moissons, la terre nourricière qui donne la vie et la reprend, la terre et ses entrailles, les plaines immenses de la Beauce dont les paysages d'apparence monotones recèlent ici le meilleur comme le pire...
Ce quinzième opus est sans doute un des plus violents et des plus noirs de la série : l'avidité, la cruauté, le désir de possession, qu'il s'agisse de la terre ou de la sexualité, est le coeur du roman.
C'est aussi un parmi ceux que j'ai préférés.
De ce roman, Zola en a fait un poème vivant de la terre. Il y dépeint l'attachement pour ne pas dire l'amour fusionnel du paysan à cette terre, il en décrit avec justesse ce désir comme une passion, l'envie d'en posséder toujours plus.
Ici Émile Zola déplace son oeuvre des Rougon-Macquart en pleine campagne, alors qu'il nous avait si souvent habitué à l'univers urbain ou industriel, décrivant avec pertinence les affres du monde ouvrier. Mais on est loin ici d'une promenade champêtre.
Dans cette chronique sociale et rurale impitoyable, Zola se lâche totalement et dresse un portrait féroce de la ruralité. À ce titre, ce volume vient cependant composer une pièce logique au puzzle qu'il échafaude dans la continuité de son oeuvre.
Nous découvrons ici le personnage de Jean Macquart, le frère de Gervaise, oui souvenez-vous, l'héroïne malheureuse dans l'Assommoir. Il n'est pas du milieu paysan mais il souhaite s'y insérer, y faire son nid et peut-être plus si affinité...
Tous les ingrédients chers à Zola sont ici présents avec les personnages mis en scène. La mesquinerie de leurs rancunes, la bassesse finaude de leurs intérêts, la grossièreté de leurs vengeances, les rancoeurs qui divisent les familles, les petites ambitions politiques, les petits arrangements à l'échelle d'un conseil municipal quand on est à la fois maire et propriétaire terrien... Sans compter les viols au fond des talus ou des granges... Bref ! Zola nous immerge dans ce microcosme social impitoyable et nous le dépeint avec délectation comme il sait le faire à chaque fois.
On sent même ici déjà la paysannerie locale prête à se lancer dans l'agriculture intensive.
Comment ne pas oublier cette vieille femme paysanne, toute pauvre paysanne avec son petit lopin de terre, celle qu'on surnomme à bon escient Madame Caca et qui vide chaque matin son seau au bord de ses salades qui deviennent grosses comme cela et qui font sa renommée sur les marchés ? Sans pesticide ! Que du naturel ! Je note l'idée pour mon potager.
Jean Macquart est presque le seul personnage « pur » de ce roman, le reste de cette communauté paysanne n'est qu'un marigot de jalousies, d'avidité et de cupidité. À commencer par les membres de la famille Fouan qui se déchirent autour de l'héritage à venir du patriarche pas encore mort mais qui essaie d'arranger les choses auparavant.
Cette fresque rurale est particulièrement réussie et m'a tenu en haleine jusqu'au bout, d'autant plus qu'il y a une intrigue qui porte le récit. Par moments on est suspendu à un brin de fil qui nous amène vers le désir, peut-être une histoire d'amour qui commence, ailleurs à d'autres endroits on voudrait croire à la compassion, on croit espérer, chercher une once d'humanité sur cette terre habitée par des femmes et des hommes. Mais sur cette terre où chaque arpent éloigne les émotions et convoque l'appât du gain, ce sont surtout des femmes et des hommes animés de vices et de volontés malsaines que nous dépeint dans ce récit Zola. Et lorsqu'ils ne sont pas animés de cet état d'esprit, ce sont alors de pauvres victimes que le sort et les ambitions vont écraser...
De nombreux personnages ici sont hauts en couleur. J'ai adoré notamment celui de Jésus-Christ, non pas pour son surnom, non pas pour son alcoolisme touchant et désespéré, mais pour son côté marginal, rebelle à l'idée de travailler, braconnier de profession et s'il y avait une guerre il serait déserteur.
Il y a aussi de la gouaillerie et un passage savoureux et sonore dans une scène irrésistible de pets comme si on y était. Vous voyez, quand je vous disais que Zola est capable de saisir avec réalisme tout un microcosme social...
La Terre de Zola emplit le livre, on sent son odeur à chaque page, on la goûterait presque. Zola nous rappelle que nous descendons tous plus ou moins directement ou indirectement du milieu paysan.
Ce texte vient aussi apporter ici une pièce essentielle dans la construction de cette fresque monumentale des Rougon-Macquart. C'est grand et Zola l'est aussi.
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Aïe, le travail de la terre, on le sait, ça fait mal. Surtout avant la mécanisation de l'agriculture. Mal au dos, aux reins, aux mains. A l'âme aussi quand la terre sainte, la terre bénie, baptisée par la sueur de la paysannerie, est menacée, moins dans son éternelle fertilité que dans son intégrité, quand ses parcelles sont convoitées, morcelées et que plusieurs d'entre elles sont abreuvées du sang des perdants.

Avec "Germinal" et "L'assommoir", voici sans doute le roman le plus noir de la série des Rougon-Macquart. Ici aussi la violence est omniprésente, plus physique, plus viscérale, comme innée. Elle semble naître des êtres, et seulement dans une moindre proportion de l'environnement social. Animée des haines ancestrales entre les familles, attisée par la convoitise et la bêtise, ensemencée par l'ignorance. Elle accouche d'immondes triplés : la rapacité, le crime et le mensonge.

La plume naturaliste de Zola se fait dure dans ce récit rustique qui décrit les liens unissant les paysans à la terre cultivée. Aucune beauté de la nature prolixe ni aucune bassesse de l'homme vicié ne semblent devoir échapper à sa chronique sociale et familiale. Comme dans "Germinal", mon sang s'est plus d'une fois figé dans mes veines au spectacle des violences qui baignent le roman du début à la fin.

Au-delà de la fiction, ce qui frappe également, c'est l'incroyable actualité des analyses économiques de l'auteur. Le Zola journaliste transparaît dans les propos réalistes et visionnaires touchant l'avenir de l'agriculture, les méthodes de culture et les dangers de la mondialisation. On admirera l'acuité de Zola, cette faculté qu'il possède d'anticiper les changements et les évolutions, tout comme il proclamait la mort du commerce artisanal de proximité dans "Au bonheur des dames". Le lecteur d'aujourd'hui ne peut s'empêcher de tracer des parallèles malgré les presque 150 ans qui le séparent du Second Empire.


Challenge PAVES 2016 - 2017
Challenge XIXème siècle 2017
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Un Rougon-Macquart dense, profond, qui me colle à la mémoire comme cette Terre nourricière qu'arpente Zola dans ce livre magistral. Ce sol des campagnes de notre pays, ce grenier de la France, le grand auteur l'explore et en fouille l'esprit et les âmes...Cette âpreté intimement lié à l'attachement immémorial et atavique de l'agriculteur à ses champs... Que ne ferait-on pas pour accroître cette possession à double sens?
Comme Germinal et son sang noir de la terre, le tableau est réaliste, documenté et sans concession: Zola témoigne, dissèque, rapporte... Un travail romancé sur lequel emboîteront les pas d' Albert Londres, de Zo d'Axa ou de Pierre Hamp... et d'autres journalistes d'investigation beaucoup plus tard.


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Ce volume des Rougon-Macquart met en scène Jean Macquart, frère de Gervaise, mais il est surtout question de la famille Fouan. Sur une quinzaine d'années, on suit la vie de Rognes, petit village de la Beauce, région agricole rythmée par les travaux de la terre. « Cette Beauce plate, fertile, d'une culture aisée, mais demandant un effort continu, a fait le Beauceron froid et réfléchi, n'ayant d'autre passion que la terre. » (p. 39)

Au début du roman, le père et la mère Fouan, brisés par des années de labeur dans les champs, décident de donner leurs terres en partage à leurs trois enfants, Fanny, Buteau et Jésus-Christ, en échange d'une rente à vie. Mais les parents enragent autant de donner leur bien que les enfants étouffent de devoir partager l'héritage et d'attendre la mort des vieux pour toucher les magots cachés. « Ah ! Si l'on pouvait emporter son avoir ! […] Mais, puisqu'on ne l'emporte pas, faut bien que les autres s'en régalent. » (p. 439) Au fil des années, on assiste aux manoeuvres sournoises des trois enfants pour augmenter leur part. Et il y a aussi Lise et Françoise, deux soeurs qui passent de l'adoration mutuelle à la haine absolue, à cause de la terre et à cause d'un homme. Fi des liens de sang ou de famille quand il s'agit d'augmenter son bien et de posséder la terre, toujours plus de terre. Et il n'y a que le notaire Baillehache qui tire profit de ces luttes intestines : placide, il assiste aux querelles familiales pour gagner un sou, ne pas payer une chemise et ne pas céder un arpent de terre.

Émile Zola décrit l'attachement viscéral des paysans à leurs terres, passion qui se double d'une avarice et d'une cupidité sans bornes. Sans ses champs, le paysan se sent dépossédé, diminué et humilié. Après s'être dépouillé de ses biens au profit de ses enfants, Fouan est un homme méprisé et que le village ne considère plus. « Il retombait dans le mépris, maintenant qu'il n'avait plus rien. » (p. 402) En Beauce, l'avoir fait l'homme, même s'il le tue dans le même temps. « La terre, […], mais elle se fout de toi, la terre ! Tu es son esclave, elle te prend ton plaisir, tes forces, ta vie, imbécile ! et elle ne te fait seulement pas riche ! » (p. 223) L'auteur évoque les premières mécanisations et la crise agricole, ravivant l'ancestrale lutte entre le paysan et l'ouvrier : « Si le paysan vend bien son blé, l'ouvrier meurt de faim ; si l'ouvrier mange, c'est le paysan qui crève… Alors, quoi ! je ne sais pas, dévorons-nous les uns les autres ! » (p. 143)

Dans La terre, Jean Macquart est donc un personnage largement secondaire. Contrairement à certains de ses parents, il ne présente aucun vice et se montre bon travailleur et honnête homme. On verra que ça ne lui réussira pas et que certaines canailles de la Beauce s'en sortiront mieux que lui. On sait de Jean qu'il est revenu de la campagne d'Italie et qu'il a abandonné une charge de menuisier à la ville pour vivre à la campagne. Cette nouvelle vie lui convient et la passion de la terre s'empare de lui. Mais n'étant pas du pays et venu les mains vides, il ne peut prétendre à la terre que par le mariage et malgré la considération que lui accorde le village, il reste un étranger. Et dans les terres paysannes, on aime autant que le bien ne sorte pas de la famille.

Émile Zola s'y entend pour évoquer la sensualité : elle était décadente dans La curée, au milieu de la grande serre d'Aristide Saccard. Elle était franche et délurée dans Nana. Elle était vaudevillesque dans Pot-bouille. Elle était coquette et raffinée Au bonheur des dames. Ici, elle est tellurique et profonde : de semailles en moissons, sans oublier les labours, la terre est un ventre sans cesse travaillé et fécondé, portant chaque année des épis lourds de sa future semence. La terre est un de mes volumes préférés de la saga des Rougon-Macquart : j'ai aimé la violence qui exhale de la terre et la rudesse bornée des paysans. du grand Zola !
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Inconditionnelle de Zola depuis l'adolescence, j'ai éprouvé de nouveau une grande satisfaction à la lecture de ce chef-d'oeuvre qu'est "La terre". Puissant, âpre, cruel, réaliste et écrit d'une main d'artiste qui plus de 130 ans plus tard n'a pas pris une ride.

On nous présente d'abord Jean Macquart, frère de Gervaise (cfr "L'assommoir) qui menuisier de son état revient de la bataille de Solférino et cherche du travail dans la Beauce où Zola situe son roman. Mais ce n'est pas le personnage le plus important du roman, le principal personnage est LA TERRE, cette terre pour laquelle les paysans sont prêts à toutes les bassesses, les vilenies, mensonges, coups fourrés, violence voire assassinats !

Le père Fouan et son épouse, se sentant trop âgés pour poursuivre le dur labeur de cultivateurs qu'ils ont effectué toute leurs vies, cèdent, devant notaire, leurs biens à leurs 3 enfants : Hyacinthe, dit Jésus-Christ, paresseux, braconnier, ivrogne invétéré et surnommé également "le venteux" pour sa passion à émettre des pets sonores, à Fanny, sa seule fille et à Buteau, homme avaricieux, brutal et sans morale : des trois enfants, c'est lui qui est le plus amoureux de la terre (et des gains qu'il espère en tirer !). Fouan réalise ce partage en échange d'une rente allouée par chacun de ses enfants, rente qu'il ne touchera que rarement pour finir en jamais.

Lorsque la mère Fouan meurt (après avoir été violemment poussée par son fils Buteau), le père est successivement recueilli d'abord par sa fille qui le blesse en disant "qu'il reviendra à genoux demander à ce qu'elle le reprenne". le vieux, vexé dans son orgueil, ira chercher refuge chez Buteau qui entre-temps s'est marié avec une jeune fille , Lise, qu'il avait mise enceinte et laissé accoucher sans s'en occuper ... Ces épousailles sont le fait de la terre que la jeune femme a reçu en partage avec sa soeur, Françoise, une jeunesse de 14 ans, lors du décès de leur père, frère de Fouan (les époux sont donc cousins) et ce couple gardera Françoise comme bonniche afin qu'elle ne puisse recueillir sa part d'héritage et qu'il puisse la sauter comme une jument !

Le père s'enfuira de chez Buteau où chaque morceau de pain lui est compté et où les menaces et les violences envers lui comme envers les deux femmes sont permanentes. Il ira se réfugier chez son aîné, Jésus-Christ, et s'en trouvera bien au début, bien nourri, entraîné dans sa débauche alcoolisée, il se sentira ragaillardi jusqu'à ce que ses fils découvrent qu'il a des obligations qui lui rapportent de l'argent ... Dès lors, Jésus-Christ et sa fille "La trouille" le fouilleront toutes les nuits, le croyant endormi pour essayer de trouver les fameux papiers. Craignant pour sa vie, le père Fouan s'enfuit à nouveau et n'ayant plus de toit où loger s'en retourne finalement chez Buteau qui l'accueillera lui aussi pour mettre la main sur ces fameuses obligations.

Chez Buteau, la violence et l'obsession sexuelle envers sa petite belle- soeur Françoise règne plus que jamais, il la pince sans arrêt entre les jambes et tente par tous les moyens de la violer avec l'assentiment de sa femme (Lise, la soeur de Françoise !) A sa majorité (21 ans à l'époque), Françoise fuira et se réfugiera chez sa tante (soeur de Fouan) en attendant de recevoir du notaire sa part d'héritage. de plus, elle épousera Jean Macquart, son aîné de 15 ans qui l'avait déflorée lorsqu'elle était gamine et dont il est depuis toujours éperdument amoureux pour la plus grande rage de Buteau dont la fureur atteindra son comble lorsque le notaire attribuera à Françoise la part de terres, de mobilier, de linge, de bêtes qui lui reviennent en plus de devoir lui céder la maison familiale et de devoir la payer pour les travaux qu'elle a accompli pour lui depuis des années.

Revenons un moment sur la soeur de Fouan, surnommée "La Grande" devant laquelle tout le monde rampe tant elle est méchante, sournoise et vicieuse, ne trouvant de plus grande joie que de semer la zizanie dans sa famille, ce qu'elle a déjà prévu dans son testament, puisque aussi sinon plus avaricieuse que les autres, elle enrage de ne pouvoir emporter ses biens dans la tombe, c'est d'ailleurs grâce à ses avoirs que personne n'ose s'opposer à elle (même pas cette brute de Bureau) par crainte de se voir dépossédé dans son testament(car elle a quand même 90 piges la vioque) !

Gravitent encore autour de ce vilain petit monde une kyrielle de personnages dont les 9/10 ont les mêmes réactions face à la vie : la terre, la terre, la terre jusqu'à l'obsession, l'entretenir, l'agrandir pour profiter des ses bénéfices, l'argent, l'argent et encore l'argent , le sexe bestial à souhait et le langage d'une grossièreté inouïe !

Si ne ne peux m'empêcher de penser que Zola force peut-être un peu trop le trait, il n'en demeure pas moins que sa description des paysans de l'époque est probablement assez proche de la vérité car j'ai connu dans ma jeunesse quelques paysans assez similaires à ceux qu'il dépeint.

Je vous souhaite une bonne lecture instructive et prenante !

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♬ Dans la terre, quand tombe un grain de blé
C'est l'espoir qui va bientôt germer
Au sillon, il vient s'abriter
Il attend les beaux jours de l'été... ♬

Je poursuis mon chemin dans ce cycle des Rougon-Macquart, et suis une fois de plus émerveillée par le talent d'Émile Zola et par le travail colossal qu'a dû représenter la rédaction de cette oeuvre magistrale.
Chaque volume nous fait découvrir un nouvel univers et ce quinzième, dans l'ordre chronologique de rédaction, nous plonge dans la vie des paysans.

Si l'on a déjà lu Zola, on imagine sans peine en entamant cette lecture qu'il va nous offrir de ces magnifiques descriptions dont il a le secret.
Et c'est effectivement le cas.
Les paysages sont présentés de façon flamboyante et la Beauce est enchanteresse sous la plume de l'auteur, qui nous fait ressentir toute la force de l'expression « terre nourricière ».
Dans ces champs dans lesquels pousse le blé s'exerce une activité vitale. Il ne s'agit pas de jardinage ou de culture d'agrément : la vie des hommes dépend entièrement des récoltes.

(Petite parenthèse : quand j'écris "hommes" je parle bien évidemment des hommes ET des femmes.
Cela va sans dire ou plutôt, cela allait sans dire jusqu'à un passé assez récent, jusqu'à ce qu'un vent de folie stupide se mette à souffler, entretenu et amplifié par certaines personnes qui se pensent "in" ou "modernes" et voudraient soumettre toute la société au diktat de leur bienpensance.
Je refuse ces crétineries de toutes mes forces et n'écrirai jamais le lourdingue et superflu "tous les hommes et toutes les femmes", je n'utiliserai jamais les points qui rendent tout illisible alors qu'ils se prétendent inclusifs, je n'emploierai jamais la tristement célèbre formule, grammaticalement fautive qui plus est, "toutes celles et ceux" popularisée par un paon arrogant.
Voilà, c'est précisé, et tant pis pour les grincheux qui n'apprécieraient pas : je me contrefiche de votre avis.
Donc je persiste : la vie des hommes dépend entièrement des récoltes.
Fin de la parenthèse.)

Tel un peintre, Émile Zola nous montre les paysans au travail, la noblesse et la rudesse du labeur à une époque qui ne connaît pas encore la mécanisation et où tout se fait à la force du poignet.
Les récoltes, le battage du blé dans des gestes répétés et précis – savoir-faire transmis de génération en génération − toutes les étapes du travail agricole y passent, le tableau le plus sublime étant (à mon avis) celui des semailles.
Pour l'écrivain, le geste du semeur est une allégorie de la vie tant cette étape initiale est cruciale : tout doit être fait de la façon la plus parfaite possible afin d'assurer le succès vital de la récolte à venir.
On comprend que n'est pas du blé qui est semé : ce sont des germes de vie dans un mouvement ancestral qui féconde la terre.
Que c'est beau !

Moi qui aime tant les descriptions de Zola, toutes ces pages m'ont enchantée mais si je m'arrêtais là, vous pourriez croire que ce roman n'est qu'une longue promenade bucolique à travers la Beauce.
Comme ce serait réducteur !
Zola a dépeint la nature et parsemé son livre de scènes agricoles pour suivre le fil des saisons et donner un cadre à une histoire étourdissante.
Il a donné vie à des personnages aux caractères bien affirmés, que les difficultés du quotidien ont endurcis.
Certains sont détestables, d'autres émouvants comme le vieux Fouan usé par les ans et qui a dû à contrecoeur céder ses terres.
Ce pauvre vieillard se sent désormais inutile ou plutôt, on lui fait sentir son inutilité et l'on n'est pas tendre avec lui : ses propres enfants lui font comprendre qu'il est désormais un poids, un fardeau. Une bouche inutile.
Jugez plutôt :
"Des gens passaient qui ne le saluaient plus, car il devenait une chose. Sa pipe même lui était une fatigue, il cessait de fumer, tant elle pesait à ses gencives, sans compter que le gros travail de la bourrer et de l'allumer, l'épuisait. Il avait l'unique désir de ne pas bouger de place, glacé, grelottant, dès qu'il remuait, sous l'ardent soleil de midi. C'était, après la volonté et l'autorité mortes, la déchéance dernière, une vieille bête souffrant, dans son abandon, la misère d'avoir vécu une existence d'homme. D'ailleurs, il ne se plaignait point, fait à cette idée du cheval fourbu, qui a servi et qu'on abat, quand il mange inutilement son avoine. Un vieux, ça ne sert à rien et ça coûte. Lui-même avait souhaité la fin de son père. Si, à leur tour, ses enfants désiraient la sienne, il n'en ressentait ni étonnement ni chagrin. Ça devait être."
Comment ne pas être bouleversé ?
Et ceci n'est qu'un exemple de la cruauté et de la noirceur de ce tome, le plus noir de tous ceux que j'ai lus jusqu'à présent dans ce cycle époustouflant.

La terre, précieuse par-dessus tout, est plus précieuse que l'amour.
Personnage à part entière de l'histoire, voire personnage principal, c'est elle qui dicte tout. D'elle dépendent les hommes qui y vivent et y travaillent.
C'est elle qui aura toujours le dernier mot.
Mais ce qui pourrait engendrer amour et respect fait naître aussi des jalousies extrêmes et de la cupidité à un point terrifiant dans leurs conséquences.
Émile Zola a conçu un scénario terriblement féroce et violent !
Germinal était déjà empreint de violence mais celle-ci était principalement exercée sur les mineurs et leurs proches par les exploitants de la mine. Deux milieux sociaux s'affrontaient tandis qu'ici, on s'entredévore et l'on se hait entre semblables et même entre membres d'une même famille.
C'est une violence monstrueuse et barbare, d'une autre nature et encore plus inacceptable.
On pourrait penser que, vivant dans la difficulté, les paysans s'entraideraient, mais c'est tout le contraire : voilà pourquoi j'ai trouvé ce livre si dur.
Choquant au sens premier du terme. Ébranlant.

Émile Zola a rédigé un texte non seulement violent mais aussi très cru, d'une incroyable intensité.
L'atmosphère est parfois terriblement brutale et l'auteur se plaît à montrer les similitudes qu'il y a souvent entre hommes et bêtes.
Dans une formidable scène d'accouchements simultanés d'une femme et d'une vache, il nous renvoie sans ménagement à notre condition animale.
Ce passage est vraiment cocasse et fait partie des touches d'humour glissées de-ci de-là, comme pour mieux faire passer la noirceur générale.
L'ensemble donne un roman plein de vie, prenant et haletant, que j'ai refermé le souffle coupé.
Du grand Zola. du très grand Zola !
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Dix années, quatre saisons, plus une, pour boucler et relancer la boucle.

La Terre se donne le temps d'exister , d'inscrire sa marche dans le temps, dans le lent recommencement des saisons, des Travaux et des Jours…

Et pour ouvrir et clore ce cycle, mystérieusement fécond et obstinément vivant, un seul et même témoin : Jean Macquart, étranger à la paysannerie, soldat devenu semeur par dégoût de la guerre, puis semeur redevenu soldat par dégoût de la gent paysanne.


Ce regard extérieur qui ouvre et ferme le récit c'est aussi celui de Zola, l'homme des villes, qui ne connaissait guère que la campagne aixoise de son enfance puis sa « campagne » de Médan où il vécut en bourgeois. Une documentation s'imposait : rencontres, lectures et un séjour en Beauce où il découvrit le village de Romilly-sur-Aigre…

Rognes-sur-Aigre était né !

Une découverte double : celle de la terre et celle des paysans.

Car, si Zola voit la terre comme la mère des plus nobles travaux- ceux qui donnent le pain, le vin, ceux qui nourrissent les hommes et les bêtes, ceux qui donnent la vie- elle est aussi, à ses yeux, le théâtre d'une lutte sauvage, barbare, sans pitié: celle que se livrent entre eux ces paysans sur lesquels il jette un regard …atterré !

Le même, sans doute, que jettent sur le monde paysan, le curé et l'instituteur de Rognes, pour une fois réunis dans le même haut-le cœur ! "Vous ne vous entendez guère ensemble, isolés, méfiants, ignorants ; vous mettez toute votre canaillerie à vous dévorer entre vous..» s'écrie Lequeu, l'instituteur, enfin sorti de sa réserve prudente de fonctionnaire. Et le curé Godard, bégayant de fureur quand ces mécréants lui demandent une messe d'enterrement, fait chorus : « ah ! ces païens faisaient exprès de mourir, ah ! ils croyaient de la sorte l'obliger à céder, eh bien, ils s'enfouiraient tout seuls, ce ne serait fichtre pas lui qui les aiderait à monter au ciel ! »

Ah ! ces habitants de Rognes- sur-Aigre- un nom programmatique ! - : âpres au gain et au grain, obscènes, ivrognes, avares, concupiscents, violents, incestueux, sans foi ni loi -mais plein de ruses avec les lois et plein de craintes superstitieuses- sans le moindre sentiment de respect ou d'attachement familial, - mais farouchement solidaires devant l'étranger…ou le gendarme !- profondément réactionnaires, respectueux de toute richesse même mal acquise, obéissant au plus fort sans rechigner mais durs au faible, au démuni, au vieux, à l'enfant – je ne dis pas à la femme, car La Terre présente quelques beaux spécimens de garces de tout âge: ces dames n'y sont pas en reste de cruauté, de perversité, de violence même…La palme à La Grande, une vieille carne de 90 ans, véritable poison, et increvable!

Quant à l'histoire, deux récits se croisent puis se mêlent - et toute la vie d'un petit village de Beauce plein de passions de jalousies et de haines recuites s'en trouve évoqué avec force, entre 1860 et 1870.

Fouan, un vieux paysan madré, opère une démission de ses biens et un partage de ses terres entre ses trois enfants, Fanny, Buteau et Hyacinthe dit Jésus-Christ, en vue de vivre ses vieux jours dans le repos soutenu par la rente que ne manquera pas de lui assurer cette donation. C'est sans compter la susceptibilité bornée de l'une, la violence retorse du second et la crapulerie ivrogne du troisième…Le pauvre vieux Fouan, sans terre et bientôt sans argent, va errer d'un enfant à l'autre, puis, ne suscitant plus ni respect, ni considération, mourir comme un chien…ses enfants se déchirant jusqu'à la mise en terre du vieux bonhomme..

La terre, encore.

Deux jeunes sœurs,orphelines et cousines des Fouan, Lise et Françoise, liées par une amitié qui paraissait sans faille, vont s'affronter, se déchirer, se détruire pour le sexe, l'argent, la terre.

La terre toujours.

Derrière ces luttes âpres, se disputent de plus vastes enjeux : les nouveaux modes de culture, d'enrichissement des sols, la menace de la mondialisation – le blé américain et ses cultures intensives – les révoltes sociales à venir- la Commune - et, terrible menace pour ces pauvres propriétaires terriens qui s'accrochent à la moindre parcelle, l'expropriation et la mise en commun des terres, et, dans l'immédiat, l'industrialisation galopante, le libéralisme des temps nouveaux qui font de la terre « une banque » et pour achever le tout, la guerre, qui emmène les plus jeunes, les plus pauvres, ceux qui ne peuvent payer pour éviter la conscription et qui tirent le mauvais numéro..

La terre, encore et toujours, à engraisser, à exploiter ou à défendre...

Toute l'époque, comme toujours,dans les Rougon-Macquart, revit avec fièvre derrière ces existences individuelles, mais là où Zola est grand, là où il est immense, c'est justement quand il dépasse l'individuel, le conjoncturel, l'historique et qu'il touche au mythe.

La Terre, c'est surtout cela : Gâ, la mère mycénienne, Déméter, la reine des moissons. Une déesse-Mère, cruelle et généreuse à la fois, qui donne et qui reprend avec la même impassibilité.

Belle sous la brume, odorante sous la fumure,endormie sous les frimas, alanguie sous la pluie, brûlante sous les fièvres d'août, dévastée sous la grêle, mais toujours féconde, recueillant en son sein les semences qu'on lui destine et supportant, sur son dos indifférent, celles des bêtes et des hommes qui y copulent frénétiquement …

Je vous renvoie à la magistrale scène de l'insémination du taureau, où Françoise, toute jeunette encore, donne un efficace coup de main à la nature ou à la scène de coïtus interruptus entre Jean et la même Françoise, quelques années plus tard...

Un livre audacieux, partial, terrible,puissant.

Noir....

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Ce titre est pour moi l'un des plus forts de cette série des Rougon-Macquart. Il met en scène la paysannerie de la Beauce, entre tentatives de modernité (machine à faner, assolement de la terre, fumage de la terre), encore minoritaires et immobilisme.
Ces prises de position se lisent à travers des portraits de personnages forts, de paysans avides de terre, prêts à tuer pour elle. La terre devient le personnage principal, au coeur de la vie des hommes, au coeur du roman.

Cette terre, comparée à une femme fertile, est une maitresse qui épuise les hommes, et qui les incite à se battre pour elle.

C'est cru, bestial, à la limite de la caricature, mais comme dans tout Zola, c'est aussi très documenté, dressant un tableau de la France paysanne de l'Ancien Régime, en opposition à la France napoléonienne présentée dans ce roman. C'est un tableau social, mais aussi politique, avec un rapport de ces hommes à la liberté encore difficile.

Bien que pouvant se lire indépendamment de la série, comme chacun de ces titres, La Terre s'ancre cependant parfaitement dans la continuité voulue par Zola, par l'intermédiaire du personnage de Jean, venant de Plassans, frère de Gervaise (L'Assommoire), et que l'on retrouvera dans La Débâcle, après son engagement dans l'armée. A défaut d'avoir la terre, il va la défendre.
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