Un monument littéraire, que j'avais lu à la façon de M.B. au temps du lycée !
Lecture imposée = lecture rapide. A l'époque j'avais apprécié la lecture de cette nouvelle encensée de
Stefan ZWEIG, sans trop d'introspection.
Aujourd'hui, j'ai fait le CHOIX, sans contrainte, de le relire à la façon de CZENTOVIC... en prenant mon temps, en pesant chaque phrase, chaque mot... après avoir lu la Biographie de l'auteur... et je me rends compte que tant de choses m'avaient échappées !
Bien sûr, à la première lecture, tout ce qui découle d'un point de vue psychanalytique de l'enfermement et de la solitude,... la mécanique du cerveau et de ses défenses,... sont très bien décrits !
Et le questionnement sur les méthodes nazies ?
Quelle pire torture ?
- Se retrouver dans un camp de concentration à subir des violences physiques, entassés avec tout un tas d'autres personnes a subir le même sort, mais où il est permis, même rarement, de parler, d'échanger, de voir, de compatir...
-Ou se retouver enfermé seul des années dans une petite chambre d'hôtel sans matière pour alimenter le cerveau que la propre confrontation à soi-même
Sans rentrer dans l'analyse de l'oeuvre, je ne me sens pas légitime à le faire, ce que je ressens aujourd'hui, c'est qu'au delà de ce qui précède, on peut y voir le reflet d'une autobiographie de l'auteur.
Il a mené sa vie comme on avance des pions sur le grand échiquier de la vie... et
Stephan ZWEIG a joué à la façon de M.B., comme s'il imaginait que le temps d'une vie ne suffirait pas à le laisser entrevoir et concevoir tout ce qu'il aurait aimé découvrir et écrire.
Lui qui a été dans l'action perpétuelle toute sa vie s'est retrouvé probablement bridé face à la lenteur et à l'immobilisme de son époque.
Et comme M.B., avec tous ses coups d'avance qui l'éloigne de la réalité du moment présent, il a fait une erreur d'anticipation et a préféré abandonné la partie.
Pour conclure, j'emprunterai la traduction des propres mots de
Stefan ZWEIG (issus de sa Correspondance 1932-1842) et écrits peu avant son suicide avec son épouse Lotte en 1942 :
"... Mais après soixante ans, il faut des forces particulières pour recommencer entièrement une fois de plus. Et les miennes sont épuisées par ces longues années d'errance sans patrie. J'estime donc préférable de mettre fin à temps et debout à une vie dans laquelle le travail de l'esprit a toujours été la joie la plus pure, et la liberté personnelle le bien suprême sur cette terre.
Je salue tous mes amis ! Puissent- ils voir l'aurore après la longue nuit ! Moi qui suis trop impatient, je m'en vais avant eux. "
Stephan ZWEIG, Petropolis, 22 février 1942