Philippe Henry , retours de lectures :
Marie Antoinette,
Stefan Zweig
A vrai dire, point n'est vraiment besoin de commenter le livre écrit par
Stefan Zweig sur
Marie Antoinette. Tout le monde connait l'auteur, tout le monde le respecte et l'apprécie. Et puis aussi, sur
Marie Antoinette, on nous a déjà dit pas mal de choses.
Alors... Eh bien alors, ce livre se lit évidemment très aisément. On a beau savoir, on y apprend ou on se remémore beaucoup points que l'on avait oubliés ou négligés. Peut-être même jamais rencontrés. On entre dans l'intimité de cette reine, et comme Zweig tient la plume, on entre dans sa psychologie. On la voit bien insupportable enfant puis jeune femme gâtée, toujours en train de courir les bals, de jouer avec ses amis (es) au Trianon, de faire des dépenses somptuaires pour y établir un monde factice, avec des fermes factices, des paysans factices autrement plus amusants que les rigides figurants de la cour de Versailles. On la voit aussi, très progressivement, comme à regret, prendre un peu de plomb dans la cervelle. L'abracadabrante histoire du collier, qui mêle un cardinal stupide (bon vivant par ailleurs), une fausse reine cachée dans les bosquets du parc, une escroc (le féminin d'escroc ?) que rien n'effraie et des ennemis toujours prêts à dénoncer anonymement les supposées vicissitude de la reine est sans doute la charnière de la vie de
Marie Antoinette à Versailles. A partir de là, tout se déchaîne contre « l'Autrichienne » que l'innocence et la frivolité vont doucement abandonner.
Ce livre fait le récit de ce chemin parcouru par
Marie Antoinette de l'éternelle adolescence à la prise en main de son rôle de reine, pour finir dans la dignité face au malheur puis à la mort. Un « roman d'apprentissage » finalement. Une sorte de chemin de rédemption, menant en l'occurrence vers l'avenir sombre qui lui donnera la grandeur et la noblesse qui lui ont longtemps fait défaut. Tout cela est parfaitement dit. Sous ce regard, le livre de Zweig est indéniablement attachant et émouvant.
Une seule chose m'a posé problème. J'ai ressenti cela d'ailleurs dans d'autres biographies de Zweig. C'est justement cette capacité qu'à l'auteur de pénétrer les pensées de ses personnages. Il connait le fonctionnement des âmes. Il le connait tellement que pour ma part, modeste lecteur, je ne sais plus où est Zweig et où est
Marie Antoinette. Nous décrit-il la vraie ? N'invente-t-il pas un peu ? Il a certes été recherché des sources, il a séparé le grain de l'ivraie, mais est-il assez historien ? Et puis surtout, n'est-il pas tombé amoureux de cette femme, comme tous ceux d'ailleurs qui l'ont fréquentée ? Ne se prend-il pas au jeu de son imagination ? Quand on lit « Elle monte en courant l'escalier... » (la phrase n'est pas exactement celle-là mais elle y ressemble), Zweig a sûrement raison, mais au fond il organise le comportement de
Marie Antoinette sur la base de la vision qu'il a de ses sentiments. Cette petite faiblesse est bien peu de chose, c'est vrai, mais n'intervient-elle pas inopinément dans d'autres domaines que la montée d'un escalier aux Tuileries ?
Si j'avais de plus fortes connaissances en histoire, je verrais bien aussi la trace de cet amour de Zweig pour son personnage dans le portrait qui ressort, sous sa plume, de ce pauvre Louis XVI. Un brave homme bien débonnaire et bedonnant qui ne quitte son indécision permanente que pour réclamer à manger ou aller dormir. Il fait bêtise sur bêtise ce monarque, c'en est désespérant. Cela désespère aussi la reine semble-t-il. Je ne dis pas que cela n'est pas vrai. Au fond, je n'en sais rien, mais je pense réellement que le regard de Zweig est biaisé et néglige certains aspects de la personnalité du roi.
Mais tout cela n'est pas essentiel et il faut dire que ce livre vous fait passer quelques heures agréables et émouvantes. Il ne faut surtout pas bouder ce plaisir.