Brassens FALLET
- LES LIVRES DE MA VIE : AVENTURE LA LECTURE ---
GEORGES BRASSENS et son ami
RENE FALLET bavardent - ils parlent de "
Mon oncle Benjamin" de
CLAUDE TILLIER ---
Brassens cite de
CHARLES LOUIS PHILIPPE, un passage d'un livre de CLP qu'il a lu - il a une très bonne
mémoire -
Brassens explique son
amour de la
littérature, parle d'
ALPHONSE DE LAMARTINE, MURRET ---
RENE FALLET a...
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Cinq ans, six ans et sept ans, la joie…
Un jour de septembre, lorsque j’avais sept ans, j’eus mal aux dents. Mal aux dents, c’est triste. Cela prend les idées et les comprime jusqu’à ce qu’elles souffrent comme des bêtes et ne sachent plus que dire : J’ai mal aux dents. Maman faisait la lessive. Je rôdais autour d’elle, inquiet, je marchais en me plaignant. On dirait que nous promenons notre douleur afin de l’égarer, pour qu’elle se perde dans un coin et ne puisse plus nous retrouver. Maman s’interrompant me regardait avec de bons yeux. Les souffrances d’un enfant sont des souffrances imméritées. Le Destin martyrise quelqu’un qui se plie et qui pleure avec tant de faiblesse que l’on pense : Nature tu es forte, mais tu es bien injuste. Maman m’embrassait : « Mon pauvre petit, tu as mal aux dents ! »
Le lendemain, j’eus encore mal aux dents : Mon garçon nous la ferons arracher ce soir. Le médecin prend des pinces très dures et malfaisantes comme une âme d’acier. On ouvre la bouche, quelque chose s’arrache, on crie. Ça y est.
Le surlendemain, j’eus encore mal aux dents : « Tu n’as pas de chance, mon enfant. Qu’est-ce que c’est donc ce mal aux dents qui ne veut pas finir ? » Je m’asseyais sur une chaise et je penchais la tête, pour voir si pencher la tête ne me soulagerait pas. Je ne promenais plus mon mal comme au premier jour, car il était tel que rien ne pouvait le distraire. Assis sur une chaise et penché, voyez-vous cet enfant : quelque chose est sur lui, trop lourd pour ses petites forces. Il pleure, il invoque sa mère, il invoque Dieu et toutes les puissances qu’il connaît : quelque chose est sur lui, terrible comme un châtiment. La mère pense : « Mon enfant ne vous a jamais offensé, mon Dieu, et moi que vous ai-je donc fait pour que vous vouliez le punir ? Mon Dieu, c’est à moi que vous auriez dû donner cette souffrance. »
S’il est des gens qui vivent, il en est d’autres qui sont
placés dans leur voisinage.
De quelque côté que nous contemplions l'horizon, nous les pauvres aux yeux fixes, les riches se dressent entre l'horizon et nous avec des châteaux
et des murailles, avec des règlements et des chiens qui les défendent. Nous marchons et nous voulons respirer, au milieu du monde, l'air des eaux et des forêts, nous marchons et nous sommes des gueux pleins de courage. Nous sommes allés bien loin et nous avons vu les riches assis dans leurs parcs et riant comme si le Bonheur recouvrait le monde. Nous aurions voulu posséder un enclos avec un champ pour y gagner notre pain. Les enclos sont gardés par les gardes des riches. Il y a tant de plaisirs sur la Terre, depuis le travail jusqu'au repos, et tant d'espace pour les goûter que nous étions bien sûrs de rire en route et de nous arrêter un soir, sous les chênes, avec une besace pleine et des cœurs pleins. Il n'y a plus de plaisir, il n'y a plus d'espace, les châteaux s'étendent et entourent tous les chênes de la forêt profonde.
La résignation des pauvres gens s'étend sous le ciel comme une bête blessée et regarde doucement les choses dont elle ne peut point jouir.
Louis Buisson habitait au cinquième étage, quai du Louvre, une petite chambre carrée. On y voyait un lit de fer avec quatre boules de cuivre, une bibliothèque en bois léger, une commode- toilette, une table recouverte d’un tapis rouge, une chaise et deux « fauteuils arméniens » qui avaient coûté douze francs au bazar de l’Hôtel de Ville. Un tapis de linoléum recouvrait le plancher, deux affiches et quelques gravures ornaient les murs. C’était la vie bien rangée d’un garçon qui fait sa chambre lui-même et la revêt simplement, à l’image de son esprit. La fenêtre ouvrait sur un grand bras de fleuve, à côté du Pont-Neuf et de son petit square où l’air, la lumière et l’eau formaient un spectacle mobile et rafraîchissant. Sommes-nous à Paris ? Nous sommes en haut des airs, dans un pays d’eau, mais dont l’air gronde comme des voitures qui roulent.
On écoute en son cœur les cris de rage, on presse avec ses doigts les mauvaises blessures, on exprime le sang des vices. Il coule sur les livres, il coule sur les hommes et ressemble au limon de la terre. Puisse-t-il étouffer la fausse science, puisse-t-il germer au soleil, éclater en rameaux sur les hommes et arrêter ceux-là qui voudraient nous châtrer des passions, des douleurs et des remords. Nous voulons une humanité plus consciente. Et la conscience naît au lendemain des jours d'ivresse, dans une vie désordonnée que l'on organise en pleurant, car toute chose est forte de son contraire.
J'ai cru que mon cœur était du soleil, tant je sentais de bonheur.
Le vin blanc était si bon qu'ils en burent de dix heures à midi. Il était meilleur encore, car à midi ils ne se sentirent pas le courage de quitter le vin blanc. Et pourtant chacun d'eux, dans sa maison, possédait une femme qui, les brides du bonnet nouées derrière la tête, préparait le repas à l'heure et n'acceptait aucun délai. A midi un quart, Bordeaux [le forgeron] dit :
- Et si on n'y allait pas, les vieux, ! C'est le plus sûr moyen d'éviter l'orage.
Ils déjeunèrent à l'auberge. Le morceau de pain et de fromage que tu manges à l'auberge est meilleur qu'un rôti de ce cochon que tu mangerais chez toi. Puis il y a le café, mon ami, le pousse-café, la pipe, et tu peux te remettre tout de suite au vin blanc.
Consommez avec modération, amis amateurs de bon vin. C'est une Bretonne qui vous le dit.
Il se taisait avec une telle simplicité que, vraiment, on ne pouvait lui en vouloir.
Il prend Berthe, la fleuriste, il la choisit belle et vierge, puis il en fait son plaisir, puis il en fait son métier.