Philippe de la librairie le Divan partage ses lectures de la Rentrée littéraire 2023
"Une pure merveille. L'auteur réussit cet équilibre très fragile entre un récit très documenté et à la fois un roman qui emporte la lectrice ou le lecteur."
Notre mot sur "Les Naufragés du Wager" de David Grann ----- https://bit.ly/47bkkEE
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Le Wager et le reste de l'escadre étaient en mer depuis à peine deux semaines, et il ne s'était pas encore acclimaté à son nouvel environnement. Il devait baisser la tête s'il ne voulait pas se cogner au plafond du second faux-pont et partageait ce caveau de chêne avec d'autres jeunes enseignes. Chacun avait droit à un espace d'à peine plus de cinquante centimètres de large pour attacher son hamac, de sorte que leurs coudes et leurs genoux s'entrechoquaient parfois avec ceux de leurs voisins. C'était quand même royal : presque vingt centimètres de place supplémentaire qu'il n'en était alloué aux simples matelots, [...]
Mais White savait que le système judiciaire américain, au même titre que ses services de police, était gangrené par la corruption. Il y avait beaucoup de juges et d'avocats véreux. Les témoins étaient menacés, les jurys achetés.
Il avait été envoyé en patrouille dans les Antilles, une mission souvent considérée comme la pire de la Navy à cause du spectre de la maladie. Le fléau safran (la fièvre jaune). Le flux sanglant (la dysenterie). La fièvre des os brisés (la dengue). La mort bleue (le choléra).
Livré à lui-même sur l'océan, à mille lieues du monde qu'il connaissait, il pouvait faire ses preuves lors de luttes primordiales : braver les typhons, vaincre des navires ennemis, secourir ses compagnons dans la tourmente.
Mais s'il avait déjà donné la chasse à quelques pirates, notamment à Henry Johnson, le manchot irlandais qui tirait au pistolet le canon de son arme posé sur son moignon, ces premières croisières s'étaient révélées peu mouvementées ...
Après son retour en Angleterre, Morris publia un récit de quarante-huit pages, qui s’ajouta à la bibliothèque sans cesse plus volumineuse de ces chroniques de l’affaire du Wager. Les auteurs se présentaient rarement, leurs compagnons et eux, en agents d’un système impérialiste. Ils étaient la proie de leurs propres luttes quotidiennes et de leurs ambitions, occupés à manœuvrer leur navire, à obtenir des promotions et à gagner de l’argent pour faire vivre leur famille et, en fin de compte, à leur survie. Mais c’est précisément cette complicité irréfléchie qui permet aux empires de prospérer. En fait, c’est exactement ce dont ces structures impériales ont besoin : des milliers et des milliers de gens ordinaires, innocents ou non, qui servent un système, qui se sacrifient même souvent pour lui, sans qu’aucun, ou presque, ne le remette jamais en question.
Byron était confronté à la dure vérité de ce monde de bois : la vie de tous dépendait de la prestation de chaque membre de l'équipage. Ils étaient comme les cellules d'un corps humain , une seule cellule maligne les conduirait tous à leur perte.
(p.60)
L’Histoire est un juge impitoyable. Elle expose au grand jour nos erreurs les plus tragiques, nos imprudences et nos secrets les plus intimes ; elle jouit de son recul sur les événements avec l’arrogance d’un détective qui détiendrait la clé du mystère depuis le début.
Chapitre 23 : Une affaire non résolue
Audacieux étaient les Hommes qui les premiers sur l'Océan
Etendirent les voiles nouvelles, quand le naufrage était le néant :
Nous trouvons plus de Dangers chez L'HOMME à présent, Que dans le Récifs, les Lames et le Vent
Le soleil fut le seul témoin impartial. Il observait depuis des jours cet étrange objet qui se soulevait et retombait sur l’océan, ballotté sans merci par le vent et les vagues1. À une ou deux reprises, le vaisseau faillit se fracasser sur un récif, ce qui aurait mis un terme à notre récit. Mais par un coup du sort ou du destin, comme on l’affirmerait parfois plus tard, il dériva vers une crique au large de la côte méridionale du Brésil, où des habitants le suivirent du regard.
Long de quinze mètres et large d’un peu plus de trois, c’était un bateau de piètre allure – il donnait l’impression d’avoir été assemblé avec des morceaux de bois et des bouts de tissu réduits au néant. Ses voiles étaient déchiquetées, sa bôme fracassée. De l’eau de mer s’infiltrait dans la cale, d’où s’exhalait une odeur pestilentielle. En s’approchant, les passants entendirent des bruits inquiétants : trente hommes étaient entassés à bord. Ils n’avaient plus que la peau sur les os et ils étaient vêtus de haillons. D’abondantes crinières algueuses leur mangeaient le visage.
Certains étaient si faibles qu’ils ne tenaient plus sur leurs jambes. L’un d’eux ne tarda pas à rendre son dernier soupir. Mais un personnage qui semblait être à leur tête se leva au prix d’un effort incommensurable et annonça qu’ils étaient des naufragés du vaisseau de ligne de Sa Majesté britannique, le HMS Wager.
(Début du prologue)
À partir de 1877, il n’y eut presque plus de bisons à chasser – les autorités ayant vivement encouragé les colons à les exterminer sachant bien que, selon les termes d’un officier de l’armée, « chaque bison mort est un Indien en moins ». La politique du gouvernement était passée du confinement à l’assimilation forcée, et les représentants gouvernementaux essayaient de plus en plus de convaincre les Osages d’aller à la messe, de parler anglais, et de couvrir leurs corps de vêtements en fibres végétales.
Le gouvernement leur devait encore de l’argent pour les terres du Kansas, mais il refusait de s’acquitter de sa dette tant que les hommes en pleine possession de leurs moyens, comme Ne-kah-e-se-y, refuseraient de cultiver leurs terres ; et lorsqu’ils cédèrent le gouvernement voulut payer sa dette sous forme de vêtements et de rations alimentaires. Un chef protesta : « Nous ne sommes pas des chiens qu’il faut venir nourrir. »
[Chapitre 4 : La réserve souterraine]