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Critiques de David Grann (392)
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Les Naufragés du Wager

°°° Rentrée littéraire 2023 # 19 °°°



Autant œuvre littéraire que roman d’histoire et d’aventures, ce brillant récit de non-fiction s’empare de l’épopée d’un navire de guerre britannique, le Wager, qui s’est échoué en pleine tempête sur des rochers en mai 1741, au large de la Patagonie, juste après le passage du Cap Horn. L’excellent prologue en résume les très grandes lignes : naufrage, survie des 145 rescapés sur une île inhospitalière, leurs affrontements en plusieurs factions, le retour d’une poignée des mois au Royaume-Uni, le procès en cour martiale pour déterminer les responsabilités.



La bibliographie finale impressionne par sa longueur et sa richesse, des années à passer au peigne fin tous les documents de première main archivés : journaux de bord, correspondances, journaux personnels et récits contradictoires des protagonistes, dépositions devant la cour martiale navale, rapports de l’Amirauté, articles de presse, dont les extraits entrecoupent pertinemment le récit.



Passé le prologue, l’auteur choisit de prendre son temps pour présenter méticuleusement l’avant naufrage :

- Le contexte : l’affrontement entre le royaume de Grande-Bretagne et celui d’Espagne pour s’emparer du plus grand empire colonial essentiellement dans le Nouveau Monde. La mission du Wager et de son escadre était de capturer d’un galion espagnol transportant un trésor.

- Le casting de marins et d’officiers avec un éclairage particulier sur trois personnages : David Cheap, l’officier aristocrate ambitieux devenu par la force des circonstances capitaine du Wager ; John Byron, grand-père du poète, enseigne du Wager âgé de seulement seize ans ; le canonnier John Bulkeley, leader naturel.



Et puis après, grâce à des descriptions précises et saisissantes, le lecteur est progressivement et totalement immergé dans les épreuves physiques surmontés par les rescapés du Wager : les tempêtes qui se déchaînent régulièrement, les ravages du typhus et du scorbut à bord, l’horreur du naufrage puis de la famine une fois échoués sur leur île de fortune. C’est d’un réalisme cru et terrifiant, bien loin du romantisme qui accompagne souvent l’évocation de la vie de marin. L’enfer vécu par les survivants se lit en frémissant devant les horreurs qu’ils ont endurées.



N'importe qui ferait n’importe quoi pour survivre, prêt à renverser les tropes habituels de la morale. Dans ce récit serré et implacable, David Grann ne porte aucun jugement sur les actions qu’il raconte, et excelle à décrire les épreuves qui révèle l’animal humain poussé à l’extrême : violence, anarchie, orgueil, lâcheté, dépravations mais aussi ingéniosité, fraternité et volonté se déploient dans ce microcosme insulaire.



Toute la dernière partie du livre est consacré au procès devant la cour martiale des quelques rescapés qui ont pu rentrer en Grande-Bretagne. L’auteur ne cherche jamais à polir les mystères du naufrage et de la survie sur l’île, humblement conscient qu’on ne connaitra jamais la vérité absolue tant les versions des survivants ont été contradictoires, s’accusant de cannibalisme, de meurtre ou de mutinerie, actes pouvant les conduire à la peine de mort. Il faut se résigner aux points de vue dissonants et antagonistes, ce qui n’empêche le récit du procès de se lire comme un thriller avec des rebondissements incroyables.



Et c’est à ce moment que le récit, déjà captivant, devient absolument passionnant. David Grann interroge sur la fabrique de l'Histoire et propose alors une réflexion intelligente sur le sens des récits qui s'imposent et peuvent manipuler. Ce ne sont pas seulement les marins du Wager qui ont été jugés mais l’idée même, orgueilleuse, d’empire colonial.



« De la même manière que les gens façonnent leurs histoires pour servir aux mieux leurs intérêts, en révisant, en effaçant, en brodant, les nations en font autant. Après tous les récits sombres et troublants relatifs au désastre du Wager, et après tant de morts et de destruction, l’empire avait enfin trouvé son récit de mer mythique. »

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La Note américaine (Killers of the Flower Moon)

«  Pendant que je travaillais sur ce livre, j'eus souvent le sentiment de me lancer à la poursuite de l'Histoire, comme si elle se dérobait » se confie l'auteur, le journaliste-écrivain David Grann.

Mais à lire son époustouflant livre-enquête, tout est limpide tant sa démonstration est éclatante, on avance comme dans un thriller, indice après indice jusqu'à sa résolution finale.



On est dans ce qu'il se fait de meilleur dans la catégorie "True Crime".

Le point de départ, historique, est déjà en soi hors du commun. Les Indiens Osage, d'abord chassés par les colons de leur Kansas natal, sont relégués dans une réserve semi-aride inhospitalière du tout nouvel Etat de l'Oklahoma. Classique dans une histoire américaine. Sauf que le sous-sol de la réserve recèle le plus grand gisement de pétrole américain, les Osage possédant de fait les droits d'exploitation de leur sous-sol, ils deviennent multimillionnaires, vivant dans une opulence difficilement inimaginable.



C'est dans ce contexte que débute une terrible période que la mémoire collective osage qualifie de «  règne de la Terreur ». Officiellement, 24 assassinats de ces riches Osage, par arme à feu ou empoisonnement, dans les années 1920.



En trois parties brillamment articulées, David Grann expose les faits.

Il s'intéresse tout d'abord à nous présenter la famille de Mollie, une des familles osage qui a été le plus décimées.

Puis il décrit pas à pas l'enquête menée par le FBI et plus particulièrement son tout nouveau directeur, Hoover, qui entend faire de cette enquête une vitrine des méthodes révolutionnaires qu'il vient d'instituer.

Enfin dans la dernière partie, il met en scène ses investigations de journaliste pour mettre à jour des failles dans l'enquête du FBI et apporter un nouvel éclairage sur ces crimes. Incroyable ce qu'il a pu découvrir !



Le travail documentaire est impressionnant. David Grann a compulsé des matériaux inédits et de première main ( des milliers de pages de dossiers du FBI, des témoignages secrets de grands jurys, des transcriptions de procès, des déclarations d'informateurs, des registres de détectives privés, des dossiers du conseil de la tribu osage etc ) pour les restituer avec un remarquable sens du récit.

Géniale idée d'avoir inclus au fil des pages les photos des principaux protagonistes ou des lieux. C'est terriblement fort de découvrir les traits des victimes, de leurs bourreaux et de ceux qui cherchent à délivrer la vérité, comme si on cherchait dans un regard la trace d'une perversion, d'une cupidité, d'une naïveté ou d'une dignité.



Ce livre-enquête délivre également une réflexion pertinente sur l'histoire des Etats-Unis, sur l'histoire de la nation américaine dont les fondements reposent aussi sur le meurtre, le racisme et les discriminations. C'est glaçant de découvrir tout ce qu'il s'est tramé autour de la tribu des Osage mise en lambeaux : leur drame est peuplé de personnages inquiétants : époux / épouse blancs attirés par la richesse de ces Indiens ; curateurs malhonnêtes escroquant leur client osage qui n'avait pas le droit juridiquement de disposer à leur gré de leur fortune ; policiers véreux ; notables locaux perfides ... tous agissant en toute impunité.



« L'Histoire est un juge impitoyable. Elle expose au grand jour nos erreurs les plus tragiques, nos imprudences et nos secrets les plus intimes. »

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The White Darkness

N’ayant pas du tout l’âme d’un aventurier, je me suis tout de même laissé tenter par cette aventure polaire à la couverture alléchante et aux avis élogieux. David Grann, journaliste du New Yorker, y raconte la folle obsession d’Henry Worsley, un officier de l’armée britannique qui, fasciné par les exploits du grand explorateur Ernest Shackleton, rêve de partir sur les traces de son idole à la conquête du Pôle Sud !



« The White Darkness » débute en 2015, lors de la traversée totalement insensée du Pôle Sud en solitaire entreprise par Henry Worsley à cinquante-cinq ans, à pied, sans aucune assistance et sans ravitaillement. Tirer un traîneau de près de 150 kg sur 1600 kilomètres, sans personne à qui parler, sans personne sur qui compter, au milieu d’un enfer blanc aux dénivelés extrêmes et aux crevasses mortelles, où les vents et les températures négatives battent tous les records de la planète : de la folie !



Mais, avant de nous raconter l’issue de cette folle entreprise, David Grann effectue un retour dans le temps, remontant à l’origine de l’obsession d’Henry Worsley pour Sir Ernest Shackleton et revenant sur la première expédition polaire qu’il effectua en 2008 sur les traces de son héros : relier à pied les deux extrémités de l’Antarctique en équipe… exploit que son prédécesseur n’avait pu mener à bien !



Malgré un style qui se rapproche plus du journalisme littéraire, voire du documentaire, « The White Darkness » s’avère particulièrement haletant. Pourvu de nombreuses illustrations, l’ouvrage parvient en effet à donner vie à ses grands aventuriers, tout en nous plongeant au cœur même de cet enfer blanc qui invite au dépassement de soi.



Malgré mon incapacité à comprendre ce qui pousse des gens à se lancer de tels défis, j’ai pris grand plaisir à me lancer dans leurs traces et à les accompagner dans leur folie, le temps d’un récit particulièrement bref, mais foncièrement humain et finalement très prenant !
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La Note américaine (Killers of the Flower Moon)

Je n'ose imaginer la tonne de documents, la montagne de dossiers, les archives pratiquement moisies que David Grann a dû consulter pour écrire "La note américaine". Je n'ose pas imaginer l'évolution de son état d'esprit au fil de sa recherche. Si moi lectrice fut outrée, imaginez ce que c'est que de découvrir cet outrage au fur et à mesure de la recherche et surtout l'ampleur de celui-ci.

Car c'est plus qu'un outrage.

Les Indiens Osages se voient attribuer par le gouvernement fédéral des États-Unis une très grande partie du territoire de l'Oklahoma. Ils en deviennent donc propriétaires. Une bonne affaire de régler se dit le gouvernement fédéral, on les a "parqués" dans un territoire aride où pas grand chose ne pousse. Survivront-ils? Bref, on espère ne plus entendre parler de cette nation. Mais oh surprise! On s'aperçoit que le sous-sol des terres Osages regorge de pétrole. Il est nécessaire et primordial d'exploiter cette ressources dans le courant du développement économique du début du 20 e siècle. Et donc, les exploitants des compagnies pétrolifères doivent payer des redevances aux propriétaires des parcelles de terrains: les Osages. On parle ici de millions et de millions de dollars. Les Osages sont devenus un peuple autochtone immensément riche où les blancs étaient à leur service. Le hic c'est qu'un Amérindien à l'époque n'est pas une "vraie" personne, un "vrai" citoyen et c'est par le biais d'un curateur, blanc il va s'en dire, que l'Osage peut bénéficier de son argent

Vous voyez venir ?

Tout le monde veut l'argent des Osages.

Ça commence avec la disparition d'Anna Brown, retrouvée assassinée d'une balle dans la nuque, puis d'un autre homme, puis d'un couple dont la maison explose littéralement au centre ville, puis des Osages qui sont de plus en plus malades et qui finissent par mourir toujours de façon suspecte mais toutefois, indétectable. Les premiers enquêteurs sur ces cas ne trouvent absolument rien, ne prouvent rien et n'accusent personne.

Il y a maintenant 24 meurtres.

Et aucun résultat d'enquête. Entre en scène le FBI , le Bureau, qui en est à ses balbutiements mais qui a déjà à sa tête John Edgar Hoover. Il dépêchera sur le territoire Osage une équipe d'enquêteurs qui finiront par voir la lumière .

Les Osages ont vécu des années sous le règne de la terreur.

Les curateurs ont des Osages sous tutelle qui périssent tous pratiquement de mort violente. Pas une seule famille Osage , semble-t-il qui n'ait pas perdu au moins un membre à cause des droits d'exploitation. Des 24 premiers cas de morts violentes, on peut maintenant les compter par centaines.

De 1907 à 1923, il y a eu 607 morts Osages.

Le taux de mortalité est de 19% annuellement alors que la moyenne nationale , à l'époque, Noirs et Blancs confondus est de 12%. Et tout le monde trouvait ça normal. Personne n'agitait le drapeau. Tous les rouages de la société, du shérif au juge, en passant par les médecins, les avocats, les banquiers, les élus, gouverneurs ou autres étaient complices de ce système meurtrier pour détourner des millions et des millions de dollars. Tous s'arrangeaient pour y trouvaient leur compte, sauf les Osages qui ne savaient plus comment se protéger.

Ce que nous présente "La note américaine" c'est une véritable culture de l'assassinat, du vol et de la spoliation bien établie , avec ses meurtres bien dissimulés, servant la cupidité.

Un documentaire qui se lit comme un roman tellement c'est prenant.

C'est une lecture exigeante, c'est consciencieusement écrit et c'est révélateur de trop de péchés à faire pardonner. À lire.

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Les Naufragés du Wager

Nul besoin d’inventer pour écrire des histoires plus extraordinaires que les plus formidables des fictions : le journaliste et écrivain américain David Grann, plébiscité et adapté par les plus grands noms du cinéma outre-Atlantique, a l’art d’exhumer de la réalité des aventures à ce point incroyables qu’il lui faut se battre, armé de l’irréprochable rigueur de sa documentation et de la précision sans concession de sa plume, pour que leur narration en paraisse plausible.





Il lui aura donc fallu cinq ans d’un minutieux travail d’enquête, à recouper les documents de l’époque, journaux de bord et rapports maritimes, à explorer ouvrages et précis de marine, de chirurgie ou encore d’horlogerie, sans compter les études universitaires sur Stevenson, Melville et Byron – les premiers s’étant inspiré de cette histoire pour leurs romans, le dernier des récits de son grand-père rescapé du naufrage –, à se rendre sur place aussi, sur l’île Wager – ce bout de terre désolée, battue par les tempêtes du Pacifique Sud au large de la Patagonie, où subsistent encore des traces du navire perdu –, pour insuffler la vie dans un récit époustouflant, aussi vrai que nature.





En 1740, le Wager et ses deux cent cinquante hommes appareillent au sein d’une petite escadre de la Couronne britannique, avec pour mission la capture d’un galion espagnol revenant des Indes chargé d’or. Retardée par les avanies d’un recrutement si difficile qu’il a fallu rafler l’équipage parmi les indigents, les repris de justice et les vétérans malades ou estropiés, l’expédition aborde l‘enfer du Cap Horn à la pire des saisons. Drossé sur les rochers d’un bout de terre surgi des ouragans, le Wager se disloque, laissant miraculeusement la vie sauve à une partie de l’équipage et de ses officiers. Habitués à la vie infernale du « monde de bois », cette prison flottante coupée du monde où sévissent sans merci promiscuité, épidémies – typhoïde, typhus, scorbut – et autorité de fer, les survivants vont pourtant passer, sur leur île déserte, par tous les cercles imaginables de l’enfer. Mutinerie, cannibalisme, meurtre, jalonneront les quelque six mois de la terrible robinsonnade, avant que le groupe, scindé en différentes factions, ne trouve le moyen d’embarquer sur des gréements de fortune pour plus d’un an d’une navigation hagarde vers la civilisation. La poignée de fantômes méconnaissables et à peine humains que le monde stupéfait verra surgir d’un presque au-delà n’en auront pour autant pas fini de se battre pour défendre leur peau. Commencera alors en effet l’heure des comptes, ceux à rendre à la Justice de l’Amirauté au regard de l’impitoyable code maritime britannique. Et l’on ne badine pas, ni avec l’abandon de poste, ni avec la mutinerie…





Loin de la seule restitution journalistique d’une colossale enquête mais sans pour autant s’autoriser la moindre facilité romanesque, la narration s’anime d’une vie qui se nourrit de la puissance d’évocation d’un style net et précis, capable de rendre en quelques mots le grain d’une atmosphère ou d’une situation. Sur un rythme vif et fluide superbement servi par la traduction de Frédérik Hel Guedj, le souffle du récit emporte ainsi le lecteur dans la découverte, passionnante de bout en bout, non pas seulement d’un fait divers hors du commun, mais d’un pan historique édifiant à bien des égards. A travers le microcosme du navire, condensé flottant de l’organisation d’une société et des rapports humains, délégation d’une « civilisation » avide et pressée de piller le monde par tous les moyens – assujettissement barbare de ses propres hommes, piraterie, anéantissement des peuples autochtones comme les malheureux Kaweskars des chenaux de Patagonie également évoqués par Jean Raspail dans Qui se souvient des hommes –, enfin espace clos où, pour leur survie, des hommes se font plus sauvages que des bêtes fauves, c’est un miroir bien peu flatteur que nous tend cette sinistre tragédie. Les autorités de l’époque ne s’y sont d’ailleurs pas trompées, qui ont étouffé l’affaire alors qu’elle faisait sensation, déjà à coup de « fake news » démultipliées par la publication des différentes versions de chaque protagoniste…





Après l’hallucinant The White Darkness, qui nous emmenait dans une mortelle traversée pédestre du contient antarctique, cette nouvelle et tout aussi véridique aventure se lit, elle aussi, le souffle suspendu, fasciné par cette réalité dépassant la plus débridée des imaginations. David Grann est aujourd’hui aux Etats-Unis une star du récit de non-fiction. Gageons que cette réputation ne sera pas démentie de ce côté de l’Atlantique. Coup de coeur.


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Les Naufragés du Wager

Une lecture instructive et captivante

mais ô combien éprouvante !



Car tout au long de cet ouvrage,

j'ai suivi avec beaucoup d'intérêt

le récit très documenté de ce naufrage,

demandant concentration au point de marquer quelques arrêts

mais aussi passionnantes fussent-elles, j'ai lu beaucoup de pages,

plus que je ne les aurai vécues, ce qui est mon grand regret.

Moi qui pensais partir pour un grand voyage,

j'ai pris connaissance de cette histoire sans avoir pu m'y insérer.

Il m'aura surtout manqué l'attachement aux personnages,

ainsi que l'immersion dans ma lecture ; je suis restée à quai.



Mais quel récit mes amis !

Si le style m'a paru administratif,

la matière est dense, riche de recherches documentaires très fournies.

David Grann est vraiment brillant pour restituer des récits non fictifs,

fournissant de nombreux détails très précis

tout en insérant quelques (trop rares) passages immersifs.

Le tout est scindé en cinq parties,

allant du contexte en passant par les préparatifs,

les conditions de navigation, le naufrage, les mutineries,

le jeu mouvant des alliances, la survie sur un récif,

puis le retour de quelques dénutris,

une poignée d'hommes sur leurs esquifs,

s'accrochant à la vie mais à quel prix !

Enfin la cour martiale avec les différentes versions qui laissent pensif.

Vous aurez froid, vous aurez faim et souffrirez de nombreuses maladies,

vous voguerez sur des flots épouvantables mais vous admirerez ces marins combatifs.



Alors emparez-vous de ce livre en prenant soin de vous munir d'un anti-vomitif,

contentez-vous du résumé de la quatrième de couverture et partez à l'aventure

mais sachez qu'il ne s'agit pas d'un « roman d'aventures ».
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The White Darkness

Le portrait d'un aventurier de l'extrême



Habité par le projet fou de relier à pied l'Antarctique d'une extrémité à l'autre sur la trace d'Ernest Shackleton, Henry Worsley, ancien officier de l'armée britannique âgé de 55 ans, part seul et sans assistance afin de réaliser et achever le parcours avorté de son mentor lors de l'expédition Endurance un siècle plus tôt.

Fort de son expérience d'explorateur polaire et de sa préparation en vue de mener celle-ci, il se lance à l'assaut de tout ce blanc le 13 novembre 2015. Chaussé de skis de fond, sanglé dans un harnais de traction, il pousse sur ses bâtons pour avancer avec son traîneau de 147 kg.

1600 km à parcourir, de l'air qui se raréfie, des températures extrêmement basses, des crevasses... Ça fait rêver non ?



« L'homme se sentait comme un grain de poussière dans le néant gelé. Tout autour de lui, il voyait la glace s'étendre jusqu'aux confins de la Terre : de la glace blanche et de la glace bleue, des langues et des saillies de glace. Il n'y avait pas de créatures vivantes en vue. Pas un phoque ni même un oiseau. Rien, à par lui. » (Incipit)



Et c'est David Grann qui s'est emparé de cette histoire extraordinaire pour la restituer avec talent dans cet ouvrage. Écrivain journaliste, il nous livre un récit captivant dans son style journalist-unique, à l'instar de celui qui m'avait déjà séduite lors de la lecture de « La Note américaine ». Il mêle habilement les éléments pour dresser un portrait vivant et attachant de cet homme incroyable. On découvre non seulement son périple mais aussi son obsession de longue date pour Ernest Shackleton qu'il dresse au rang de héros, son attachement à étudier l'homme au-delà de l'explorateur au point de prendre ses décisions en songeant : « qu'aurait fait Shackleton à ma place ? ».

L'auteur se fait explorateur lui aussi, car il examine les raisons ayant poussé H. Worsley dans cette quête de l'extrême, ses motivations, son dépassement hors norme et cette obsession de Shackleton. Le récit est passionnant d'un bout à l'autre, émaillé de nombreuses photos qui rendent le tout encore plus vivant.



J'ai aimé ce court récit que j'ai traversé d'une extrémité à l'autre, confortablement installée dans mon canapé, bien au chaud mais avec toutes mes pensées dans un ailleurs fait de blanc polaire et d'un homme doté d'une force admirable que je ne pourrai oublier. Il incarne le dépassement de soi à la puissance 10.



Un livre à la couverture magnétique, un récit inoubliable.



Merci @wooter pour cette belle recommandation de lecture faite à l'occasion d'un commentaire :-)
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Les Naufragés du Wager

Un grand livre.

Il se dévore comme un époustouflant roman d’aventures, tant l’histoire, pourtant parfaitement authentique, est incroyable et riche en rebondissements. Un sacré divertissement ! Le journaliste américain David Grann, maître de la « narrative nonfiction », dont je découvre enfin la plume addictive et le sens inouï du récit, a fait une longue et minutieuse enquête allant jusqu’à se rendre sur l’île des naufragés. Il a épluché tous les témoignages écrits, dossiers juridiques et journaux de bord pour être au plus proche de la vérité. Son récit est très cinématographique il n’est pas étonnant que le réalisateur Martin Scorsese en ait acquis les droits. Quelle hallucinante force de narration ! Les descriptions de ce périple maudit sont pointues et réalistes, le naufrage (spectaculaire) n’est qu’une épreuve parmi d’autres toutes aussi surprenantes.

En 1740 le navire britannique HMS Wager quitte Portsmouth avec une escadre de plusieurs navires ayant pour mission de piller le trésor d’un galion espagnol. Faute de marins chevronnés la flotte largue les amarres avec à son bord un grand nombre d’éclopés, de vieillards ou autres repris de justice au grand dam des capitaines. Confinés dans les cales sales et étroites une épidémie de typhus puis de scorbut se propage rapidement.

Approchant du redouté cap Horn le Wager perd de vue les autres navires. La proue au vent il flotte dans des eaux en furie sous une météo cataclysmique.

En pleine tempête, à la pire saison et en naviguant à l’estime, il fera naufrage au large de la Patagonie s’écrasant sur le récif d’une île désolée. Sur ce bout de terre, décharnés par le manque de nourriture et transis de froid les rescapés vive à l’état de nature et finissent par se scinder en « factions belliqueuses ».

Pillages, tromperie, meurtre, rumeurs et contre-rumeurs, mutinerie, entraide…les personnalités ne tardent pas à se révéler dans ce que la nature humaine peut avoir de plus héroïque comme de plus vil. Un groupe de survivants faméliques parviendra à rejoindre le Brésil.

D’autres survivants réapparaissent ensuite et accusent les premiers de traîtrise.

Les témoignages s’opposent, une captivante guerre des récits éclate. À chacun sa vérité, la cour martiale anglaise devra trancher.

Un voyage au cœur des ouragans maritimes entre les 40e rugissants et les 50e hurlants mais aussi un voyage au cœur de l’Homme que je conseille vivement.

Coup de coeur évidemment.
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The White Darkness

En 2015, Henry Worsley, ancien officier de l’armée britannique, entreprend à cinquante-cinq ans la traversée pédestre de l’Antarctique, en solitaire et sans assistance. Ce n’est pas sa première expédition polaire, puisque, depuis toujours fasciné par Ernest Shackleton, il avait déjà relié à pied les deux extrémités du continent, en équipe, menant à bien ce que son prédécesseur n’avait pu terminer cent ans plus tôt. Réussira-t-il ce nouvel exploit que les plus grands spécialistes jugent inouï ?





A pied, sans ravitaillement en cours de route, sans chiens ni voile pour l’aider à tirer son traîneau sur les plus de mille six cents kilomètres de son périple, Henry Worsley part pour ce qu’il estime quatre-vingts jours d’épreuves, au travers d’un désert où les températures peuvent atteindre moins soixante degrés, les vents trois cent vingt kilomètres à l’heure, et où l’altitude moyenne de deux mille trois cents mètres s’accompagne de dénivelés abrupts parsemés de dangereuses et traîtresses crevasses. Y sévissent de terrifiants épisodes de whiteout, lorsque l’absence totale de visibilité dans un univers uniformément blanc fait perdre tout repère et jusqu’au sens-même de l‘équilibre. Survivre dans un tel environnement exige une condition physique, un mental et des capacités hors normes. Ce dont notre homme dispose comme personne…





Accompagné d'appréciables photographies, le récit embraye directement au plus profond de l’aventure, instituant dès le début une tension qui ne va pas lâcher le lecteur. Henry Worsley est parvenu aux trois quarts de son trajet et, épuisé, il doute. Doit-il s’entêter ou rester fidèle à cette phrase qui a sauvé son cher Shackleton plusieurs fois : “Mieux vaut un âne vivant qu’un lion mort” ? La réponse attendra la fin du livre, le temps d’un arrêt sur image et d’un long flash-back, qui vont nous permettre de comprendre l’obsession d’Henry pour son héros, l’influence de ce dernier sur toute sa vie et sa carrière, et son inextinguible besoin de dépassement de soi. Ce sont ainsi deux fascinants aventuriers, séparés d’un siècle, que le récit nous fait rencontrer, dans une narration fascinante qui fait la part belle à leurs extraordinaires personnalités, autant qu’aux incroyables rebonds de leurs destins. Plongé depuis son fauteuil dans l’aventure la plus extrême, la plus dépaysante et souvent la plus étonnante, le lecteur captivé en prend plein les yeux. Il ne peut que frémir face au niveau d’engagement de ces hommes, constamment à la limite du point de rupture, et que leurs incursions répétées dans la zone rouge du danger exposent à l’inéluctable.





Les ultimes rebondissements du périple d’Henry Worsley ne seront finalement pas ceux auxquels, ni lui-même, ni le lecteur, pouvaient s’attendre. Après la trépidation et les sensations de l’aventure par procuration, ce dernier n’échappera pas à l’émotion et restera songeur face à la puissance de certains destins. Coup de coeur.


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Les Naufragés du Wager

On a glissé un roman maritime dans ma nouvelle rentrée littéraire.

C'est royal !

De surcroît, c'est une histoire de naufrage, de mutinerie et de meurtre ...

Déjà son titre résonne comme un de ces vieux films de la Warner ou de la Paramount où la tempête ne s'interrompait que pour mieux apercevoir au loin le pavillon noir et menaçant du Jolly Roger.

"Les naufragés du Wager" est un livre écrit par David Grann, et paru en août 2023 aux éditions du Seuil sous la marque des éditions du sous-sol.

C'est un roman historique, qui a coûté à son auteur plusieurs années de recherches dans de vieux rôle d'équipage, d'anciens journaux de bord à moitié fiables et dans les dossiers restants de la "troublante" cour martial qui vint servir d'épilogue à cette aventure.

L'auteur de ce livre, David Grann, s'est aussi longuement immergé dans les récits laissés par ceux qui ont vécu ce drame.

En 1740, une imposante escadre de cinq bâtiments de guerre, commandée par le capitaine George Anson, avait été mobilisée pour aller porter le feu et le fer contre l'ennemi espagnol.

L'escadre anglaise devait traverser l'Atlantique, doubler le Cap Horn, couler, incendier et s'emparer de tous les navires ennemis rencontrés jusqu'aux Philippines.

Un des bâtiment de l'escadre, le "Wager" était commandé par le lieutenant de vaisseau David Cheap qui avait l'ambition d'y prouver sa valeur et de faire plier son destin malheureux de jeune noble désargenté ...

Le roman de David Grann possède toute la vie d'un récit poussé au vent de l'imagination, porté par le souffle de l'aventure.

Mais pourtant il navigue avec toute la précision d'un livre d'Histoire, avec toute la rigueur nécessaire à une bonne tenue dans le genre où il vient s'inscrire.

"Les naufragé du Wager" est un ouvrage captivant, un solide ouvrage de près de 400 pages.

Le "Wager" fût porté disparu lors d'un ouragan non loin du Cap Horn et semblait avoir sombré.

Or voilà que, 283 jours plus tard, des survivants ont réapparu miraculeusement dans une petite crique de la côte méridionale du Brésil.

Que s'est-il passé durant ces 283 jours ?

Six mois plus tard, trois autres survivants réapparaissent sur un esquif et accusent les premiers d'être des mutins.

accusations, contre-accusations !

Une sombre affaire judiciaire va mener jusqu'à une troublante cour martiale ...

Le roman de David Grann est superbe.

Il est charpenté par d'évocatrices expressions de Marine, et agrémenté par de discrètes références littéraires :

Melville, Byron, Cowper et le capitaine Woodes Rogers qui dans son livre "voyage autour du monde" raconta sa stupéfaction de découvrir sur une île déserte un marin écossais du nom d'Alexander Selkirk, abandonné quatre ans plus tôt ... et qui deviendra célèbre sous la plume de Daniel Defoe !

David Grann, ici, dans "les naufragés du Wager" raconte une odyssée tragique et lamentable.

Ses personnages sont peints avec toutes leurs faiblesses mais aussi leur courage désespéré.

Le récit tourne autour du jeune enseigne de vaisseau John Byron et de quelques membres de l'équipage du Wager.

Le "Wager" s'est éventré sur les récifs dans le golfe des Peines, a enfoncé sa coque entre deux roches sur la côte de Patagonie.

Le capitaine David Cheap a perdu le premier bâtiment dont il avait obtenu le commandement et David Grann a tiré de cette histoire un splendide récit maritime.

Un splendide roman maritime et une attachante histoire de bouquiniste* dans la même rentrée littéraire, on voudrait me faire adhérer au principe que l'on ne s'y serait pas pris autrement ...



* "de braves et honnêtes meurtriers" d'Ingo Schulze

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Les Naufragés du Wager

Faaaaake Neeews !

Grâce à David Grann, j’ai réalisé que les fake news remontaient à bien avant le temps de Trump !

En effet, dès 1746, plusieurs gentilhommes britanniques avaient découvert les bienfaits d’une réécriture de l’histoire pour leur postérité et surtout sauver leur peau.

Comme l’indique l’auteur dans son prologue : « Mais ces hommes croyaient que leurs vies mêmes dépendaient de ces récits. S’ils échouaient à proposer une version convaincante des faits, ils risquaient de finir pendus ou ligotés à la vergue d'un navire. » (p.16)

Le journaliste américain nous raconte l’incroyable épopée du Wager, navire marchand reconverti en navire de guerre qui se destine à voler un chargement d’or sur un galion espagnol. Mais en lieu et place d’un flamboyant combat à la Pirate des Caraïbes, les marins embarqués dans cette galère vont plutôt finir décharnés et à moitié morts en Vendredi au fin fond des limbes du Pacifique.

Car non content de faire naufrage au large de la côte patagonienne (qui ne semble être un havre de paix que pour Florent Pagny), le Wager aura subi les pires infortunes ; épidémies de typhus et scorbut vont décimer l’équipage bien avant d’arriver à destination, le passage du Cap Horn s’avère dantesque, les conditions de navigation épouvantables et dévastatrices pour le bateau et les hommes.

« Toutefois, l'objet emblématique de tout quartier d'enseigne de vaisseau était une table en bois. Assez longue pour y allonger un corps, elle servait à l'amputation des membres. Elle avait une double utilité : elle faisait office de table d'opération pour le chirurgien du bord et rappelait les dangers qui guettaient l'équipage : dès que le Wager livrerait bataille, le lieu de vie de Byron serait rempli de scies à os et maculé de sang. (p. 46) »

Si votre orthoptiste vous a demandé de faire l’exercice d’écarquiller les yeux, avec ce bouquin pas besoin de se forcer, tant ce qu’on y apprend permet de vérifier à chaque page l’adage selon lequel la réalité dépasse la fiction.

Désormais je ne verrai plus un marin sur son petit bateau de pêche que comme un cousin éloigné d’incroyables aventuriers et guerriers de la mer, et j’écraserai une petite larme en souvenir de leurs prestigieux ancêtres.

La misère et la souffrance humaines endurées au cours de toutes ces épreuves laisse sans voix, et on tremble avec tous ces pauvres bougres de savoir quel sort leur sera réservé en cour martiale par les juges britanniques sur leurs supposés manquements aux articles de guerre.

S’il m’a fallu un peu de temps pour m’immerger dans les premiers chapitres avec beaucoup de descriptions et de personnages, le jeu en vaut la chandelle, tant on en apprend à chaque page, sur les règles de vie à bord du navire, les relations hiérarchiques entre les hommes, leurs (mé)connaissances en médecine, les épreuves physiques et psychologiques pouvant être endurées par un être humain (et là ce que le lecteur apprend dépasse tout simplement l’entendement).

J’ai également eu quelques difficultés à me faire au ton très froid, journalistique, dénué d’humour, tout est raconté à la troisième personne et j’aurais apprécié plus de vie, de souffle dans l’écriture.

Ces réserves mises à part, la lecture est édifiante, passionnante, une fois plongé jusqu’au cou dans le récit, on ne peut que dévorer l’ouvrage tant l’histoire est incroyable et se suffit largement à elle-même ! Petits mousses, larguez les amarres, et comme le disait la grande exploratrice Dora, « En route pour l’aventure ! »

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Les Naufragés du Wager

1740, le Wager se lance avec cinq autres navires sur les traces d’un galion espagnol transportant un trésor d’une immense valeur. Le vaisseau fera naufrage au large du Cap Horn et son équipage sera porté disparu. Mais voilà que neuf mois plus tard, un radeau accoste le Brésil avec à son bord une trentaine de survivants. Encore trois mois et se produit un nouveau coup de théâtre lorsque trois autres hommes accostent à leur tour et portent un autre récit : celui d’une mutinerie.



Quelle histoire incroyable que celle du Wager ! Elle nous immerge à l’époque d’expéditions hasardeuses, de la construction des empires et de la rivalité entre l’Espagne et l’Angleterre. Les péripéties de l’expédition – maladies, intempéries, naufrage – sont d’autant plus palpitantes qu’elles se doublent d’intrigues d’équipage aux enjeux cruciaux. À rebours de nombreux autres auteurs, David Grann prend le parti de ne rien romancer. Pourtant, ses recherches hallucinantes (lecture de journaux de bord, de notes de l’équipage, de témoignages publiés par plusieurs protagonistes et de travaux d’historiens ou d’anthropologues, complétés par une expédition sur l’île du Wager !) lui permettent de raconter l’histoire presque comme s’il y avait été. C’est captivant, dûment sourcé, éclairant.



Mais comment un récit aussi spectaculaire qui a fait autant de bruit à l’époque a-t-il pu tomber dans l’oubli jusqu’à ce que David Grann décide de le raconter ? Ces pages nous interrogent sur les enjeux de l’écriture de l’Histoire, sur ce que les États en construction ont décidé de conserver – ou pas – dans leurs grands récits. Ainsi, le plaisir de se laisser captiver par les aventures de l’équipage du Wager se double de réflexions sur l’impérialisme et la nature humaine. Très fort !
Lien : https://ileauxtresors.blog/2..
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Les Naufragés du Wager

En 1740 alors qu'il existe un conflit colonial entre l'Angleterre et l'Espagne, le vaisseau de ligne HMS Wager quitte Portsmouth, avec six autres navires. Leur mission secrète est de capturer le trésor d'un galion espagnol.

Mais le HMS Wager avec le mauvais temps est séparé du reste de la flotte dans le passage du cap Horn, pour finalement faire naufrage sur l'île de Wager. Après plusieurs mois dans des conditions de survie épouvantables, quatre-vingt un hommes parviennent à quitter l'île et à reprendre la mer sur une embarcation de fortune. Trois mois et demi plus tard, alors qu'ils ne sont plus qu'une trentaine, aux termes d'un périple de plus 5000 km, ils atteignent le Brésil. À six mois de là trois autres survivants échouent sur la côte chilienne. Les années ont passé quand, de retour en Angleterre, ces hommes réchappés de l'enfer vont s'accuser mutuellement, pensant qu'ils jouent leur vie s'ils ne parviennent pas à convaincre de leur innocence la cour martiale en charge de leur sort. Tous vont pourtant modifier leurs témoignages, après avoir compris la logique de leurs juges.



Cette histoire maritime ne manque pas de susciter de nombreuses émotions à la lecture des conditions des marins affrontant de terribles périls dont beaucoup ne réchappent pas. Un monde aussi dangereux qu'impitoyable, qui l'est plus encore par l'ambition et la sauvagerie de certains, ainsi que par le contexte de guerres coloniales entre États ; les pays colonisés sont pillés et la population est souvent réduite en esclavage. Remarquable dans ses descriptions de la marine militaire du 18e siècle et du naufrage du Wager et de ce qu'il advint de son équipage, ce roman inspiré d'une véritable histoire aurait toutefois mérité une traduction française plus soignée — pour corriger les coquilles, mais aussi pour les faux sens, les anglicismes et les méconnaissances des termes de marine. L'auteur américain avait pris soin de faire relire son travail très documenté par un marin, ce que l'éditeur français aurait été bien inspiré de faire aussi. Malgré tout, un livre prenant que je recommande 😊

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Les Naufragés du Wager

La fin de l’année se rapproche et en ce mois de décembre, une envie d’aventure et de voyage ont été décisifs dans ce choix inspiré par @PetiteBichette que je remercie.



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La magie des livres permet aux lecteurs de remonter les aiguilles du temps dans un mouvement si rapide qu’il en donnerait presque le tournis et de s’arrêter sur l’année 1740, date à laquelle l’Angleterre et l’Espagne sont en guerre depuis peu.

Les navires britanniques sillonnent la mer en vue d’affaiblir les possessions espagnoles en contrôlant les routes maritimes et commerciales entre l’Europe et l’Amérique. Avec une escadre de plusieurs bâtiments, le vaisseau de ligne anglais HMS Wager se voit chargé quant à lui, d’une mission secrète consistant à prendre possession de la cargaison chargée d’or d’un galion espagnol qui croisait sur la côte pacifique de l'Amérique du Sud.



Il quitte le port de Portsmouth avec, à son bord un équipage de 250 marins. Mais pendant la traversée du Cap Horn, le Wager se retrouve isolé des autres bâtiments et s'échoue au large de la Patagonie, sur une île désolée des côtes chiliennes, assaillie par une mer tumultueuse.



*

Le 28 janvier 1742, une chaloupe frêle et délabrée accoste la côte brésilienne avec trente rescapés en haillons et décharnés, malades, voire moribonds, qui racontent comment ils ont survécu à ces mois de famine, de froid et de tempêtes.

En mars 1746, trois hommes amaigris et marqués par les épreuves, le capitaine David Cheap, le lieutenant Thomas Hamilton et le jeune enseigne de vaisseau John Byron, débarquent au port de Douvres avec une version bien différente et assez glaciale.



Que s’est-il réellement passé sur le Wager ? Comment le navire a-t-il fait naufrage ? Pourquoi si peu d’hommes sont-ils revenus de cette expédition ?



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David Grann a choisi la non-fiction narrative pour relater les évènements qui ont entouré l’histoire du Wager.

Passé les premières pages plutôt surprenantes par le ton détaché et descriptif auquel je suis peu habituée, j’ai été emportée par cette histoire passionnante minutieusement documentée.

En outre, le livre est richement illustré par des cartes de la traversée du Wager, des extraits de journaux de bord, des gravures, des portraits peints de plusieurs des personnages principaux, des photos de l’île et des autochtones.



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Ainsi, les recherches poussées de l’auteur sont autant de mémoires de cette traversée périlleuse vers des régions inexplorées, des terres inconnues avec en point d’orgue le passage le plus redouté par les marins, le légendaire Cap Horn.



« Byron entraperçut les lames qui les assaillaient et, peut-être plus terrifiant encore, il entendit gronder ces vagues broyant tout entre leurs mâchoires. Elles cernaient le navire de toute part. Où étaient passés l’aventure et le romanesque, à présent ? »



Il en fallait du courage ou de l’inconscience pour s’engager dans ce passage étroit où se rassemblent des vagues gigantesques et monstrueuses, des courants puissants, et des vents extrêmement violents. Et si on ajoute que la navigation à l’époque se faisait l’ « estime », avec uniquement un sablier pour évaluer le temps et une ligne de nœuds immergée pour évaluer approximativement la vitesse du bateau, on comprend mieux pourquoi ce détroit était un véritable défi pour tout marin et un lieu ayant la triste réputation d’être un cimetière marin.



« Audacieux étaient les Hommes qui les premiers sur l’Océan

Étendirent les Voiles nouvelles, quand le naufrage était le néant :

Nous trouvons plus de Dangers chez l’HOMME à présent,

Que dans les Récifs, les Lames et le Vent. »



Si David Grann relate avec beauté les dangers de l’océan, il restitue aussi à merveille le quotidien à bord de ces navires de guerre, décrivant leurs conditions de vie déplorables à bord, le manque d’hygiène et les odeurs rebutantes, l’épuisement des hommes et les maladies, le manque de nourriture saine et d'eau, la vermine et la présence de rats circulant partout, la promiscuité et l’horreur des combats. De quoi donner des frissons !



*

L’auteur tisse également une véritable intrigue marquée par des drames humains et qui s’achèvera par un procès en cour martiale dont la conclusion sera pour le moins inattendue en ce qui me concerne.

Pour cela, David Grann fait revivre quelques personnages et à travers eux, il dessine des comportements humains où se révèlent dans chaque homme le courage, la témérité, le sens du devoir, la loyauté, mais aussi l’ambition, le désespoir, la peur, la lâcheté jusqu’à l’animalité.



L’histoire devient ainsi un récit de survie où les rescapés, face à des conditions climatiques et un environnement extrêmement éprouvants, tenaillés par le manque de vivres et d’eau, épuisés par de longs mois en mer, tiraillés par des rivalités, vont peu à peu sombrer dans la violence et le meurtre, le déshonneur et la trahison, le vol et la sauvagerie, jusqu’à la mutinerie et même le cannibalisme.



« … un homme qui part en mer sombre souvent dans des profondeurs troublées où “son âme succombe”. »



*

Pour finir, j’ai aimé ce récit de naufrage et de survie, de voyage et de traversée maritime où l’océan est majestueux, indomptable, cruel. J’ai aimé ce récit à hauteur d’homme où se révèle le meilleur comme le pire dans des conditions extrêmes. J’ai aimé naviguer dans une autre époque et un autre lieu, partir à la rencontre des peuples autochtones, les kawésqars, les voir vivre avec simplicité, en harmonie avec la nature dans ces régions inhospitalières, là où des hommes dits civilisés et supérieurs ont vainement tenté de survivre.

Un récit captivant, addictif que je vous encourage à découvrir si vous aimez les récits maritimes et historiques.
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La Note américaine (Killers of the Flower Moon)

Qui veut la mort des membres de la riche tribu indienne Osage en ce début de 20 ème siècle ? Intriguant, n'est-ce pas ?



Vous le saurez en lisant ce documentaire qui reconstitue minutieusement une des toutes premières enquêtes du FBI, de Edgar J. Hoover .



C'est aussi passionnant que le meilleur des polars, plein de rebondissements et je vous en recommande sincèrement la lecture. La réalité surpasse souvent la fiction pour une affaire complexe qui nous en apprend aussi beaucoup sur la naissance d'un État de droit dans un environnement violent de l'ouest profond .



On est encore imprégné des guerres indiennes avec le racisme ambiant. Les Indiens Osage ont vécu des déplacements successifs de population sous la pression des fermiers blancs jusque dans ce coin perdu de l'Oklahoma, territoire caillouteux où ils espéraient qu'on leur ficherait enfin la paix, jusqu'à ce qu'on y trouve du pétrole.



Les voilà riches à millions eux et leurs héritiers, mais toujours citoyens de seconde zone placés sous tutelles jusqu'en 1931. Cette fortune attire les brigands de toute sorte, escrocs, petits et grands, tuteurs d'Indiens peu scrupuleux, qui épousent pour hériter, volent et disparaissent, ce qu'hypocritement l'on désignait du doux vocable « d'Indian Business »



C'est alors que germa l'idée dans le cerveau de quelques uns de faire disparaître la tribu, et tous ceux qui seraient témoins des meurtres, pour s'accaparer la rente pétrolière. Ça fait subitement beaucoup de gens révolvérisés , empoisonnés, accidentés et la complicité des autorités locales devient flagrante, justifiant l'intervention d'une police nationale déconnectée des intérêts locaux, impliqués dans cette prédation généralisée . C'était une belle occasion pour l'ambitieux Hoover de valoriser son administration.



C'est l'intègre et tenace agent Tom White, un Texan, qui cherche à confondre les meurtriers, tout en perfectionnant une technique scientifique pour amener des preuves solides devant un tribunal . Non seulement l'enquête est longue et éprouvante , mais il est tellement difficile d'obtenir des condamnations sévères d'une justice corrompue et raciste.



De nombreuses photos des protagonistes de l'affaire figurent dans cet ouvrage. Dommage qu'elles soient si sombres et si peu lisibles pour la plupart . Le titre original est plus parlant que ce titre français pas très clair, qui risque de faire tomber ce livre passionnant dans les oubliettes de l'édition. Alors passez outre, et partez avec David Grann dans une page d'histoire sombre et méconnue de l'Amérique .





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Les Naufragés du Wager

Littérature du réel



Quel livre époustouflant! J’ai un peu de mal à m’en remettre, il faut bien dire. J’ai encore des relents de mal de mer, je digère mal la chair de mes semblables, j’ai du sang de navet et ne sais pas me servir de mes dix doigts. Bref, je serais mort cent fois sur l’île du Wager. Mais bien avant probablement. Putréfié par le scorbut ou tombé de la dunette dans les embruns glacés. Emporté par une mauvaise fièvre ou empoisonné par des crottes de rat. Je n’aurais jamais dépassé les cinquantièmes Hurlants. Car le tour de force de David Grann est de nous embarquer dans ce récit de non-fiction à l’instar d’un thriller palpitant (comme il avait pu le faire dans « La Note américaine »)

L’auteur a passé des années à reconstruire une histoire étouffée par l’Histoire car c’est sa spécialité : déterrer les Grands Scandales, les ré-organiser le plus factuellement possible et enfin leur donner du sens.

 David Grann a compulsé les journaux de bord tenus par les marins et les officiers et il met à notre disposition une bibliographie « sélective » de plus de trois cents livres. Il n’écrit pas à la légère…



Une escouade anglaise avec six vaisseaux, sous le commandement du commodore Anson, est chargée de retrouver un navire espagnol contenant un trésor, quelque part dans le Pacifique. Et de faire main-basse dessus : nous sommes en guerre.

Nous embarquons sur un gros vaisseau de ligne rafistolé, le Wager, avec un équipage d’éclopés, de psychopathes, d’ivrognes, d’embrigadés de force et de quelques vrais marins.

Sans doute connaissez-vous l’histoire, il y a eu beaucoup de billets et l’auteur la résume dans le prologue :

Le Wager s’échoue après le passage compliqué du Cap-Horn, après une succession de tempêtes et d’épidémies. En mai 1741 il se fracasse en Patagonie sur la plus inhospitalière des îles. 145 rescapés tentent de survivre, forment des factions, s’étripent, pactisent brièvement avec les autochtones. Au final ,une poignée finissent par rejoindre le Royaume-Uni en passant par le détroit de Magellan sur un rafiot de fortune. Le capitaine, David Cheap, les rejoint avec deux hommes quelques mois plus tard. Une « guerre des récits » commence et tout ce petit monde se retrouve en cour martiale en Avril 1746 .



David Grann va prendre tout son temps pour déployer son histoire.

Je me suis évidemment complètement identifié au jeune Lord Byron, 16 ans et grand-père du poète ( mais il y a aussi ce gars que j’aime bien, le canonnier, John Bulkeley…)

Car le talent de l’auteur est de transformer un récit potentiellement un peu pénible en livre d’aventures grand format. Et, comme dans les meilleures histoires de survie, il décrit minutieusement les horreurs, les trahisons mais aussi le courage et l’entraide. Et la zone grise au milieu, bien sur.

Nous allons avoir très très froid, on mangera donc un peu n’importe quoi, mais on sera astucieux et bricoleurs, on fera les bonnes alliances, on a les bons gènes, on sera un des rares à survivre…



La dernière partie du livre est édifiante car, de retour en Angleterre, plusieurs histoires vont s’affronter ! Une nouvelle guerre commence. Par livres interposés dans un premier temps puis face aux tribunaux. Dans les alcôves du pouvoir, on va s’affairer…



J’ai refermé ce livre passionnant un peu secoué par les soubresauts de cette histoire, mais enrichi sur la question de la fabrique des Grands Récits. La manière dont ils sont façonnés, interprétés, gommés ne se trouve pas dans les manuels d’Histoire. David Grann nous en fournit une preuve éclatante et nous invite à faire un tour là-bas, sur un caillou hostile battu par les vents, au fin fond de la Patagonie .

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Un crime parfait

Comment peut-on parler de "crime parfait" , à moins d'en être l'auteur et d'être laissé en paix par la police et la justice ? C'est la question que je me suis posée en commandant ce mini-thriller. Comme le fascicule ne compte que 79 (soixante-dix-neuf) pages, je serai en toute logique vite fixé !



En l'an 2000, 3 pêcheurs découvrent dans un méandre de la rivière Oder à Wroclaw en Pologne le corps d'un homme gravement mutilé. Cela allait faire 4 semaines que le noyé, Dariusz Janiszewski, avait disparu de son domicile, selon son épouse.

Le pauvre Janiszewski a connu une fin carrément atroce : affamé, torturé, et, les mains liées dans dos, jeté vivant aux poissons !

L'homme, 35 ans, est un personnage plutôt banal qui a mené une vie tout aussi banale, qui n'offre rien de nature à provoquer une telle violence.

L'enquête policière, faute d'indications valables, n'aboutit naturellement pas.



Crime parfait ?

Pas si vite !



Au commissariat de police de Wroclaw, il y a un enquêteur, le commissaire Jacek Wroblewski, pour qui un crime parfait ou impuni est une horreur et une abomination et le dossier Janiszewski l'obsède à tel point que le courageux policier y passe de très nombreuses heures de son temps libre dessus.



Puis, 3 ans après cet affreux meurtre, la patience et la persévérance de Jacek sont récompensées dans la mesure où la vente sur internet du téléphone portable ayant appartenu à l'assassiné conduit notre policier à l'identité d'un drôle de zèbre : un jeune intellectuel de 30 ans, qui réside pour le moment en France.



Krystian Bala est, en effet, tout le contraire de banal : étudiant exceptionnellement brillant en philosophie à l'université de Wroclaw, jeune marié, divorcé et père d'un fils Kacper, coureur de jupons invétéré, entrepreneur de commerce dépensier et ruiné et auteur d'un ouvrage scandaleux, titré "Amok".



Et avec ce bouquin, à mon avis, l'histoire se gâte.



Non seulement l'auteur ne mentionne nullement le fait que le grand Stefan Zweig a publié, en 1922, un ouvrage avec ce titre "Amok ou le fou de Malaisie", mais la longue énumération des influences philosophiques et littéraires de Bala a quelque chose d'indigeste : Dostoïevski, Wittgenstein, Nietzsche, Jean-François Lyotard, Jacques Derrida, Georges Bataille, Michel Foucault etc. Trop c'est trop ! Surtout pour un thriller de si peu de pages.



Aux amateurs de polars, il reste bien sûr la question de savoir si notre brave commissaire va arrêter le ou les meurtriers et le rôle précis de Krystian Bala dans cette sombre affaire ?



Deux facteurs sauvent le bouquin. Il y a l'exemplaire traduction par Violaine Huisman, l'auteure du magnifique ouvrage "Fugitive parce que reine", paru en 2018 et maintenant disponible en poche (folio).



Et la situation géographique du livre à Wroclaw, Breslau en Allemand, la ville d'un nombre de personnages illustres, dont peu de villes peuvent se vanter : Ferdinand Lassalle (1825-1864), théoricien du socialisme ; Aloïs Alzheimer (1864-1915), qui ne nécessite aucune présentation ; la grande philosophe Edith Stein (1891-1942) ; Dietrich Bonhoeffer (1906-1945), le courageux pasteur protestant ayant résisté ouvertement à Hitler ; le célèbre historien Walter Laqueur (1921-2018)....

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Les Naufragés du Wager

Le 18 septembre 1740, une escadre de six bateaux de guerre anglais quitte la rade de Spithead pour harceler les colonies espagnoles. Non sans mal, 2000 hommes sont embarqués, seulement 188 reviendront ; à la fois un exploit maritime et un désastre. Les navires parviennent à franchir le cap Horn, mais le Wager est séparé des autres ; il échoue alors sur une île, 140 hommes rejoignant la terre en canots.



Le récit se lit comme un roman. J’ai été surprise par le peu de moyens de cette époque pour se repérer ou estimer la vitesse d’un navire alors que les marins se lançaient dans un inconnu aux multiples dangers. J’ai aussi été fascinée par ceux qui ont survécu. Certaines ellipses « un mois plus tard » me laissaient perplexe : comment ces marins qui mouraient de faim, avaient-ils pu subsister jusque-là, tout en maîtrisant une embarcation de fortune ? Un roman d’aventures, donc, mais sombre, nous ne sommes pas chez Jules Verne.


Lien : https://dequoilire.com/les-n..
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La Note américaine (Killers of the Flower Moon)

Est ce de l'anti americanisme primaire que de reprendre les propos du magasine Inrockuptibles qui déclarent que ce livre est " avant tout un grand livre sur ce quoi les États Unis sont fondés : le meurtre, la discrimination." ? Cet ouvrage construit sur une recherche d'une densité phénoménale dénonce,en effet,une page de l'histoire américaine peu connue et pour cause! Nous sommes loin des défenseurs du bien contre le mal !

Il se lit comme un thriller bien que les faits soient dramatiquement réels. Histoire commencée en 1890 lorsque le gouvernement décide d'intensifier sa campagne d'assimilation en octroyant des parcelles de propriété aux Indiens Osages afin que les pionniers puissent s'emparer du reste. Contrairement aux blancs,les Osages sont conscients de la richesse des sols et témoins de ce qui c'est passé pour les Cherokee,ils réussissent à inclure une clause dans le contrat : "tout pétrole,gaz, charbon ou autre minerais sur ces terres...sont,par la présente, réservés à la tribu.". Ils vont alors devenir le peuple le plus riche qui ait jamais existé pour leur plus grand malheur. La cupidité,la jalousie et le racisme des blancs va ,en effet, entraîner leur perte par ce qui sera appelé le Règne de la terreur. Tout d'abord, dans le mépris le plus abjecte, l'état va imposé des tuteurs à tous les Osages non métissés afin qu'il ne puisse plus gérer eux même leur argent. Les meurtres vont s'instaurer au profit d'héritiers douteux bien en mèche avec les tuteurs,les médecins,les croque morts etc. David Grann permet de reconstituer toute ce macabre complot dans lequel les institutions les plus sélectes étaient impliquées. La corruption était totale. Lorsque les Osages désiraient qu'une enquête soit menée pour retrouver les assassins de leurs proches ils devaient eux même payer à prix d'or les enquêteurs,eux même complètement impliqués dans les crimes. On découvre deux hommes,dont Hooper, à l'origine du FBI et Tom White,un agent qui vont tout mettre en œuvre pour découvrir les meurtriers. Leur mission accomplie le plus dur restait cependant à faire car les institutions étaient pourries jusqu'à la moelle. L'auteur va cependant beaucoup plus loin dans ses recherches et trouvera que les 4 ans du règne de la terreur n'étaient que la partie émergée de l'iceberg. En 2015,lorsque David Grann ressort des archives du FBI,des journaux,qu'il interroge des descendants des Osages,il constate que les meurtres ont débuté bien avant 1921 et ont continué bien plus longtemps que 4ans,ce qui fait passer le nombre d'une vingtaine de meurtres à des centaines ! Au point de parler "d'une véritable culture de l'assassinat".

Bien que je ne sois pas une habituée de ce type de lecture j'ai été passionnée et révoltée par cet ouvrage. J'ai énormément appris avec beaucoup de plaisir sur l'Amérique des pionniers et leurs descendants.

Martin Scorsese devait tourner le film de cette " Note américaine" mais le méchant Corona a bloqué le tournage...il paraît cependant que rien n'est perdu et que Du Caprio et De Niro devraient y briller !....
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Les Naufragés du Wager

On comprend tout de suite, en en allant consulter la table des matières, l'importance du travail de recherche effectué par David Grann : 5 parties flanquées d'un prologue et d'un épilogue, 4 pages de remerciements, 41 pages de notes et une bibliographie de 16 pages… Voilà assurément un ouvrage documenté. Je connaissais l'histoire dans les très grandes lignes, je me demande bien d'où je la tiens, d'ailleurs. Au milieu du XVIIIe siècle, un navire de Sa Majesté britannique sombre peu après le difficile passage du cap Horn. Les survivants se retrouvent sur une petite île désolée et peinent à survivre. Séparément, deux groupes de naufragés vont réussir à s'en sortir, mais l'histoire qu'ils racontent à l'arrivée n'est pas la même. Ça, c'est l'histoire que je connaissais et je la trouve maintenant bien pauvrement résumée ! Les Naufragés du Wager raconte une véritable épopée. Si j'excepte le premier chapitre que j'ai trouvé un peu indigeste, David Grann a réussi à me faire voyager avec l'équipage de ce pauvre bateau, pas du tout conçu pour la guerre, mais pour la marine marchande. Je vous laisse découvrir pourquoi un tel navire fera partie d'une escadre partie se battre contre les Espagnols, là-bas en Amérique du Sud. David Grann détaille la constitution de l'équipage, des nobles qui forment le commandement aux matelots des rangs les plus bas, explique comment se passe l'enrôlement et comment se déroule la vie à bord. Il donne des détails surprenants et instructifs : l'origine du comptage en noeuds de la vitesse d'un navire, la manière de soigner le typhus, le travail d'un chirurgien de marine (!), les effets du scorbut, le poids du déterminisme social, etc. Il décrit aussi la vie des naufragés tentant de survivre sur leur île pelée, épuisés par les conditions climatiques dantesque et la faim qui les tenaillent tous. Les personnalités les plus fortes vont finir par s'affronter : le capitaine Cheap possède l'autorité légitime, mais le canonnier John Bulkeley lui oppose son charisme, sa connaissance et son respect des hommes comme de la mer. Mutinerie ? vous avez dit mutinerie ? On s'attachera aussi à suivre les hésitations et les revirements d'un jeune homme de 16 ans au début du récit, John Byron, dont le petit-fils deviendra un immense poète. John le sait bien, cadet de famille, il n'a que deux solutions pour faire ses preuves : entrer dans les ordres ou s'engager dans la marine. Les voyages, vers le Brésil pour les uns, vers l'île de Chiloé pour les autres, se révèlent difficiles et périlleux. Les naufragés seront secourus momentanément par des membres de tribus autochtones, les Kawésqars, aptes à survivre dans les pires conditions. Mais certains marins britanniques se comporteront de manière tellement ignoble envers ces hommes et envers les femmes qu'ils les font fuir. le retour en Angleterre et l'accueil seront aussi des épreuves que David Grann raconte sans prendre parti, en tentant de coller aux documents qu'il a recueillis. Il fouille chacun des personnages ayant joué un rôle important dans cette histoire en se basant sur leurs journaux, sur des témoignages, et en tenant compte des contradictions. Les conclusions du procès où les deux versions de l'histoire s'affrontent laissent sans voix… Si je me suis parfois perdue, surtout au début, et si j'ai trouvé certains passages répétitifs (les tempêtes, la faim), je ne me suis jamais ennuyée. En 2025 sortira un film de Martin Scorsese avec Leonardo DiCaprio inspiré du livre de David Grann. J'ai retenu à la bibliothèque La Note américaine et je suis en cinquième position…



[Lu dans le cadre du Grand Prix des lectrices de Elle 2024]
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