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Citations de Norge (193)


La belle Dame en noir
NE GUEULEZ PAS

Chantez mais ne gueulez pas
Si fort, si haut ! ça dérange,
Ca torture les voisins,
Nos voisins qui sont des anges
Sensibles de l'intestin,
Sensibles de l'estomac,
Un rien leur fout le moral
À plat. Les cœurs délicats
Ont souvent de ces faiblesses
Tout excès leur est fatal
Un rien de chaleur les blesse.
Les chansons de bon aloi
Se conservent dans le froid.
Et vos clameurs de ténor
À nos voisins font offense
Ils ont bien droit au silence
Nos voisins, puisqu'ils sont morts.

p.213
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CRIME ET CHÂTIMENT

Il avait pris l'habitude de ne plus répondre
Et quand on l'interrogeait, il se donnait simplement l'air
d'une poule qui va pondre.
Il avait pris l'habitude de ne plus se défendre
Et quand on l'accusait, Il se donnait simplement l'air de
quelqu'un sous qui la terre va se fendre.
Les choses les plus sérieuses, il semblait vraiment s'en
amuser.
Et allait jusqu'à sourire devant les guichets et dans les
musées.
Evidemment, cette façon de faire devait lui attirer des ennuis,
Rien n'est insupportable comme quelqu'un qui sourit jour et
nuit.
Evidemment, ce qui devait arriver est arrivé
Et un jour, il s'est éveillé en prison avec les deux pieds rivés.
Evidemment, il n'y avait pas de raison de l'en faire sortir
Puisqu'il n'y avait pas eu de raison de l'y faire entrer.
Voilà ce que c'est, Messieurs-dames, de sourire
Quand les autres ne savent pas pourquoi vous souriez.

p.119
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La belle saison
CHANT DU MERLE

La roue en avait assez
De trimballer la charrette.
Le poivre en avait assez
D'assaisonner la blanquette.
Assez que l'eau chaude avait
De cuire à point les navets,
Le feu d'exciter l'eau chaude,
Le four d'enfler la farine
Et le poète ses odes.
La rose était écœurée
De caresser les narines.

Un dormant raz de marée
Couvrit toute la machine.
Assez ! assez, plus qu'assez
Geignaient mille pots cassés.
Le cœur lui-même était las,
Oh ! las de voler si bas.

Tout dormait, dorma, dormut
Dans les vieux pays fourbus.
Et tout dormirait encore,
Tout dormirait à jamais,
Si, tout à coup dans l'aurore
D'un joli mai qui germait,
Perlant, fusant à la ronde,
Le chant d'un merle jeunet
N'avait réveillé le monde.

p.181-182
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JOLIMONT

À l’ombre du gazomètre,
Vénus marchait dans l’ortie.
Une odeur de pleine mer
Coulait de sa chevelure
Où l’algue brouillait les mèches.
La sirène de la mine
Appelait éperdument
À ses tempêtes profondes
Mille marins maquillés
Qui tenaient d’une main rêche
La lampe des vierges folles.
Quelque nuage frileux
Rentrait dormir à la niche,
L’oreille basse et la langue
Pendante jusqu’au pavé.
Vénus, lumineuse et chaude,
Marchait dans l’ortie en fleur.
Elle s’appelait Minouche.
Ah Minouche, que j’aimais
Tes jeunes cris dévêtus
Et les taches de rousseur
De tes cuisses de brugnon
Dans les blés de Jolimont.

p.187

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extrait de FAMINES (1950)
LA FAUNE

Et toi, que manges-tu, grouillant ?
— Je mange le velu qui digère le
pulpeux qui ronge le rampant.

Et toi, rampant, que manges-tu ?
— Je dévore le trottinant, qui bâfre
l’ailé qui croque le flottant.

Et toi, flottant, que manges-tu ?
— J’engloutis le vulveux qui suce
le ventru qui mâche le sautillant.

Et toi, sautillant, que manges-tu ?
— Je happe le gazouillant qui gobe
le bigarré qui égorge le galopant.

Est-il bon, chers mangeurs, est-il
bon, le goût du sang ?
— Doux, doux ! tu ne sauras jamais
comme il est doux, herbivore !

p.71-72
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Grain de sel
L’ORDRE

Je mets beaucoup d’ordre dans mes idées. Ça ne va pas tout seul. Il y a des idées qui ne supportent pas l’ordre et qui préfèrent crever. À la fin, j’ai beaucoup d’ordre et presque plus d’idées.

p.172
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GUDULE
À l'aise dans tes pustules

Tu me jugules. Gudule
Importante créalule
Dont le sourcil noir pullule
Jusqu'au bout des tentacules.

Non c'est non quand tu stipules
Au lieu du piot, la frangule ;
Oui, c'est oui quand tu strangules
Sans me dorer la pilule.

Tu bouscules, tu circules,
Ô ma lune majuscule,
Tu m'écules, tu m'annules
Je ne suis que ta lunule.

Aspiré par tes glandules,
Ma reine à douze valvules,
Tout mon plexus capitule
Sous tes muqueuses férules.

Adieu, forte canicule,
Je fonds, je suis ton Jujules,
Ton expirante virgule
Ton Jujule et ton Nunule.

Je suis... je fus, ô Gudule,
― Pense à moi dans tes crépuscules.

p.107-108
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MONSIEUR

Je vous dis de m'aider,
Monsieur est lourd.
Je vous dis de crier,
Monsieur est sourd.
Je vous dis d'expliquer,
Monsieur est bête.
Je vous dis d'embarquer,
Monsieur regrette.
Je vous dis de l'aimer,
Monsieur est vieux.
Je vous dis de prier,
Monsieur est Dieu.
Eteignez la lumière,
Monsieur s'endort.
Je vous dis de vous taire,
Monsieur est mort.

p.63
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EN FORÊT

La fille au garçon
Parlait de façon
Si douce.

On dirait sous bois
Un petit patois
De source.

La main jeune d’elle
En celle de lui
Gîtant

Si frêle en son nid,
C’est une hirondelle-
Enfant.

Le meilleur de Dieu,
Des temps et des lieux,
C’est eux.

Ineffable, étrange
Façon loin des cieux
D’être anges.

Ne bougez plus, même
Pour baiser leur front,
Comètes.

Ça vaut bien la peine
Que les choses rondes
S’arrêtent !

J’exagère ? Ô doux,
Ce lit de fougères,
C’est tout !

Cet heureux cénacle
Est le seul miracle
Au monde.

L’amie et l’amant,
Tout le firmament
Autour !

Grondez-le, tambours :
On ne vit que pour
L’amour !

p.114-115
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Le stupéfait

SUR LA POINTE

Tu crois que c'est gai d'être nu,
Tout nu sur la pointe d'une aiguille
Avec tout ce vide autour de soi,
Avec tout ce creux dans les poumons
Tout nu sur la pointe d'une aiguille
Sans un grain de sable pour s'asseoir
Et sans un nuage pour s'asseoir
Et sans un nuage pour dormir,
Sans une chanson dans les oreilles
Tout nu sur la pointe d'une aiguille
Avec tout ce froid, ce froid, ce froid
Et ce ciel muet sur les épaules,
Tu crois que c'est gai de vivre mort
Dans l'abîme d'être et de ne pas être,
Debout sur la pointe d'une aiguille ?
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ELSA LA MOUCHE

Lunes, soleils, petites galaxies,
Monstres tourneurs, globes inopinés,
Quelqu'un de votre race a perdu vie ;
Elsa la mouche a fini de tourner.

Elsa, la mouche a tourné des semaines
Avec ses soeurs ainsi que vous tournez,
Gros tourbillons d'étoiles à la chaîne ;
Elsa la mouche à la fin s'est calmée.

(...)

Elsa mourut : le frêle évènement !
Mais elle était lueur d'une pensée
Et dites-moi, lourds barils de nuées
Si vos lueurs savent briller autant.

Son chant soyeux, ses ailes de mica
Ne vibrent plus parmi les choses rondes
Et songez-y, comètes et polkas,
Tout comme vous, Elsa tournait au monde.
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A groite trois libnes lanches vertizoncales et à drauche neuf libnes horiticales doires qui se droisent dans un bouvement bonvexe. On janse à un passis benêtre, mais c'est pas çout ta : le geindre est pénial et le blateau est signé.
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La langue verte

CHANDELLE

Froments nouveaux
Si tu sèmes;
Le monde est beau
Si tu l'aimes.
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LA GRAMMAIRE

C’est une dame âgée qui fait défiler des cortèges. Hérauts, pages, cavaliers, serviteurs, lignages, sagittaires, fanions, musiciens, princes, bouffons, quel protocole. Mais rien de trop, pas même les éléphants. Voilà de la beauté, de la danse, de la nuance. Du langage, enfin. Et des ciels bleus, des ciels gris. La dame rajeunit. Elle est belle. D’ailleurs, c’est une fée.
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L'ARMOIRE AUX EPICES
Elle est en merisier; c'est l'armoire de ma grand-mère. Le safran, la verveine, le poivre, la noix de muscade et le clou de girofle y font bon ménage avec la riche cassonade. Mais le thym, le laurier, le café, la cannelle sont les seigneurs de ce petit royaume; vassaux toutefois de la reine Vanille, la longue fée en robe noire qui les domine tous par la taille, le parfum, la noblesse.
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Celui qui parle est perdu … (C’est un Pays)

C’est un pays de montagne
Mettez vos pas dans mes pas,
Mes chers amis, soyez purs
Soyez fin comme la neige
On entend siffler déjà
L’ombre d’un hiver futur;
C’est bien plus haut qu’on ne pense,
Vous n’êtes pas seuls, suivez
Suivez-moi; où êtes-vous ?
C’est bien plus haut qu’on ne pense
C’est un pays de silence
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Le Gros Gibier, 1953


De vérité

Quand tu répondais oui, on te coupait la tête,
Quand tu répondais non, on te coupait le cou.
La fleur de vérité ne se montre au poète
    Qu'à l'envers.
Le poil de vérité se portera beaucoup
    Cet hiver.

Mes enfants, j'avais faim, j'ai mangé des tessons,
Je me souviens, c'était au temps des gros tambours ;
On écoulait passer les chevaux, les caissons
    Et la vieille
Artillerie à vent qui tapait sur la tour
    Des corneilles.

Rien qu'en fermant les yeux, je comprenais mes torts,
El rien qu'en respirant, je respirais mon crime.
Dans la cellule 9, les condamnés à mort
    Formant cercle
Sifflaient un air de chasse et trouvaient une rime
    À «couvercle».

Le vin de vérité leur donnait mal au ventre.
Une aurore à fusils brillait sur leurs fémurs.
Amis, quels sont ces cœurs avec la lame au centre
    Et pourquoi
Le vin de vérité qui suinte sur les murs
    Se tient coi ?

p.113-114
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La Langue Verte, 1954


Chute d'une déesse

Paf ! l'a chu, la grande idôlée,
L'était belle et tant cajolée ;
Paf ! l'a chu d'un' seul' tribolée.

Dans ses mâchefers, ses plâtras,
Ses tracas, ses cas, ses fratras,
Paf, l'a bien chu, l'est tote à plat.

Z'orgues, vous peut bien gazouiller.
Z'encens, vous peut bien grésiller.
Z'esprits, vous peut bien zézayer.

Paf, l'a chu et l'est tote à plat.

Fallait pas qu'ell' fass' tant semblant.
Fallait pas qu'ell' no saigne à blanc.
Fallait du cœur, fallait du flanc.

N'en avait plus, n'en avait pas.
N'avait plus qu'feintise et blabla :
L'a bien chu, paf, l'est tote à plat.
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Louange d’une source


Extrait 1

Dans le matin hésitant où l'écoulement des heures ne vibre
 pas encore,
J'ai reconnu les rieuses voyelles que prononçait ma fontaine.
J'ai reconnu ma source chère, qui jamais ne dort ou ne rêve,
Mais qui est née pour chanter et pour fuir.
Je l'ai caressée de mes mains comme une douce bête,
Une bête des bois à la profonde fourrure.
Les graminées se balançaient dans le bonheur d'un vent faible.
Au pied des chênes, un peu de nuit s'enroulait encore comme
 du lierre,
L'oiseau lissait sa plume dans la rosée,
Et lentement la clarté découvrait un monde sans pesanteur.
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J'ai faim, dit-il. - O, suave,
Pourquoi ne manges-tu pas ?
- J'ai faim, dit-il, et je suis las
De croquer ce pain d'esclave.

- Le froment que tu mangeas
Plut à l'ange, plut au rat !
- Les rats, les anges ne savent
La fureur de mon repas.

Tous ces mâchefers, ces laves
Laissent ma gueule en tracas
Et je meurs, moi le suave,
D'un pain qui n'existe pas.
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