A Madame Roger des Genettes
Croisset, dimanche 2 mai 1880
Un mot seulement .
Serez-vous à Paris vers la fin de ce mois et le commencement de l'autre ? Mon intention est de m'y rendre, dans quinze jours, ou trois semaines . J'y resterai du 25 mai au 15 juin environ .
Comme j'ai envie de vous voir ! que dechoses j'ai à vous dire ! sans compter que je brûle de vous lire l'histoire de mes bonshommes .
Mille tendresses de votre vieil ami .
A Louise Colet,
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[Croisset], nuit de jeudi, heure, [fin octobre 1851 ]
Pauvre enfant ! Vous ne voudrez dons jamais comprendre les choses comme elles sont dites ? Cette parole, qui vous semble si dure, n'a pourtant pas besoin d'excuses ni decommentaires et, si elle est amère, ce ne peut être que pour moi . Oui, je voudrais que vous ne m'aimiez pas et que vous ne m'eussiez jamais connu et, en cela, je crois exprimer un regret touchant votre bonheur . Comme je voudrais n'être pas aimé de ma mère, ne pas l'aimer, ni elle ni personne au monde, je voudrais qu'il n'y eût rien qui partît de mon coeur pour aller aux autres, et rien quii partît du coeur des autres pour aller au mien . Plus on vit, plus on souffre . Pour remédier à l'existence, n'a-t-on pas inventé, depuis que le monde existe, des mondes imaginaires, et l'opium, et le tabac, et les liqueurs fortes, et l'éther ? Béni celui qui a trouvé le chloroforme ! Les médecins objectent qu'on en peut mourir . c'est bien de cela qu'il s'agit ! C'est que vous n'avez pas suffisamment la hained la vie et de tout ce qui s'y rattache . Vous me comprendriez mieux si vous étiez dans ma peau et, à la place d'une dureté gratuite, vous verriez une commisération émus, quelque chose d'attendri et de généreux, il me semble . Vous me croyez méchant, ou égoïste pour le moins, ne songeant qu'à moi, n'aimant que moi . Pas plus que les autres, allez ; moins peut-être, s'il était permis de faire son éloge . Vous m'accorderez toutefois le mérite d'être vrai . Je sens peut-être plus que je ne dis, car j'ai relégué toute emphase dans mon style ; elle s'y tient et n'en bouge pas . Chacun ne peut faire que dans sa mesure . Ce n'est pas un homme vieilli comme moi dans tous les excès de la solitude, nerveux à s'évanouir, troublé de passions rentrées, plein de doutes du dedans et du dehors, ce n'est pas celuil-à qu'il fallait aimer . Je vous aime comme je peux ;mal, pas assez, je le sais, je le sais, mon Dieu ! A qui la faute ? Au hasard ! A cette vieille fatalité ironique, qui accouple toujours les choses pour la pius grande harmonie de l'ensemble et le plus grand désagrément des parties . On ne serencontre qu'en se heurtant et chacun, portant dans ses mains ses entrailles déchirées, accuse l'autre qui ramasse les siennes . Il y a des bons jours cependant, des minutes douces . J'aime votre compagnie, j'aime votre corps, oui, ton corps, pauvre Louise, quand, apppuyé sur mon bras gauche,il se renverse la tête en arrière et que je baise sur le cou !, Ne pleure plus, ne pense ni au passé ni à l'avenir, maisà aujourd'hui . 3Qu'est-cequ ton devoir ? L(exigence de chaque jour", a dit Goethe . Subis-la cette
exigence et tu auras le coeur tranquille .
Prends la vie de plus haut, monte sur une tour (quand même la base craquerait,crois-la solide ) ; alors tu ne verras plus rien que l'éther bleu tout autour de toi . Quand ce ne sera pas du bleu, ce sera du brouillard;qu'importe, si tout y disparait noyé dans une vapeur calme . Il faut estimer une femme pour lui écrire des choses pareilles .
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La beauté a un sexe : celui de la femme. "Elle est le spectacle le plus admirable, la merveille la plus rare et à moins d'être aveugle, chacun avouera que Dieu a rassemblé chez la femme ce que l'Univers possède de plus beau" (H. C. Agrippa, "De la supériorité des femmes", 1509).
[Éros Renaissant]
Face à la menace, l'Église se trouve conduite non seulement à admettre la prostitution légale comme un moindre mal, mais à l'organiser : avant qu'elle ne soit reprise en charge par les municipalités, c'est l'Église qui a administré la prostitution publique.
[Éros Médiéval]
A quatre pattes, la femelle faisait de ses organes génitaux une évidence. Avec la station debout, le sexe féminin se dérobe au regard, il devient une absence, un manque, une énigme : déjà presque une idée. C'est le début du mystère féminin.
[Éros Antique]
"En amour, les deux sexes sont égaux et le plaisir doit être équitablement réparti. Si les partenaires ne ressentent pas une jouissance égale une fois l'acte accompli, il n'est pas juste de prétendre qu'ils ont fait l'amour." (Ovide)
[Éros Antique]
Soupçonnés d'anthropophagie et des usages les plus étranges, les Indiens d'Amérique et des Caraïbes posent à la chrétienté un problème fondamental : appartiennent-ils à l'humanité ? Ont-ils une âme ? La controverse de Valladolid, en 1550, leur en accorde définitivement le bénéfice mais sans rien changer aux habitudes des colonisateurs, qui persistent à violer par milliers les jeunes Indiennes : une façon comme une autre d'enseigner à ces sauvageonnes que l'amour civilisé ne se pratique pas à quatre pattes, mais exclusivement face à face, dans cette disposition honorable des corps que l'on nommera la "position du missionnaire".
[Éros Renaissant]
Une tendance profonde à la chasteté s'était déclarée dans le Haut-Empire romain aux Ier et IIe siècles, bien avant la diffusion du christianisme en Occident, avec un cortège de nouveaux interdits : restriction de la vie sexuelle au cadre conjugal, condamnation de l'avortement et du divorce, réprobation des passions amoureuses, de la bisexualité et de l'homosexualité. A ce "puritanisme de la virilité", la secte chrétienne ajoute l'exigence d'une chasteté absolue d'autant plus radicale que la fin du monde est proche : "Que désormais ceux qui ont femme vivent comme s'ils n'en avaient plus" (Paul, I Corinthiens, VII, 29).
[Éros Antique]
Tandis que les libertines s'amusent entre elles en se passant des hommes, l'âge classique ressuscite l'idée médiévale d'un saphisme luciférien. La chasse aux sorcières qui sévit jusqu'à la fin du XVIIe siècle envoie au bûcher la femme qui réserve ses charmes à ses semblables. Mais le diable commence à faire long feu et, en 1647, la science tranche l'énigme des tribades : le vrai coupable n'est pas Satan, mais le clitoris.
[Éros Classique]