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Critiques de Spinoza (76)
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Correspondance

Cher Monsieur Spinoza,

J'ai terminé la lecture de vos œuvres complètes ce qui m'a pris plusieurs mois et je suis totalement admiratif même si la date de la dernière lettre de votre correspondance me rappelle tristement que votre vie s'est terminée en 1677. Comme vos correspondants j'avais beaucoup de questions à vous poser mais en tous les cas je constate que votre esprit est toujours vivant - clin d’œil à votre proposition n°23 de l'Ethique (5ième partie) : "L'esprit humain ne peut être absolument détruit avec le corps, mais il en subsiste quelque chose qui est éternel". Encore récemment un numéro hors-série du magazine le Point expose votre philosophie ; vous serez certainement heureux de savoir que vos recommandations pour accéder à la béatitude ou joie de la conscience de soi sont accessibles à la masse, même si je sais bien que vous n'avez jamais rechercher le renom.



Les qualificatifs d' « athéisme » ont souvent été utilisés par vos correspondants, plus tard d'autres ont parlé de « panthéisme », et au jour où parait ce magazine vous êtes un « ultra-moderne ». Des mots que vous trouverez sûrement réducteurs.



En tous les cas je crois que nous avons tous bien besoin de lire vos correspondances pour mieux comprendre votre philosophie. Vous avez démontré sans relâche et avec le plus grand respect comment l'attachement excessif aux Écritures sacrées biaise tous les raisonnements jusqu'au délire parfois. Sachez qu'en ce moment une secte barbare, appelée Daesh, affiliée à l'Islam nous pose également beaucoup de soucis et je crois qu'il appartient à chacun de lire et d'interpréter vos recommandations. Ainsi l’État ne doit pas laisser se développer des doctrines purement spéculatives qui menacent sa sécurité, mais derrière tout ça il y aussi des phénomènes de psychologie de masse difficiles à comprendre.



Vous ne vous êtes pas étendu sur l'islam et d'ailleurs vous ne vous êtes pas résolu à considérer sérieusement l'islam comme une religion révélée par un prophète. Mais comme vous l'avez déjà indiqué dans votre Traité des Autorités Théologique et Politique « si donc on lit les récits de l’Écriture sacrée et qu'on y croie sans tenir compte de la doctrine qu'elle s'est proposée d'enseigner par leur moyen et sans corriger sa vie (…) alors on peut ignorer complètement ces récits ».



Nous avons une autre aberration, une secte dite « d'extrême droite » qui véhicule elle aussi la haine et menace également notre démocratie par les mêmes mécanismes de psychologie de masse. Mais vous dites tout simplement : « Les aberrations idéologiques et criminelles se résolvent par des règles naturelles, qui font que les hommes menacés s'accordent entre eux pour y mettre fin et ce d'autant plus efficacement qu'ils sont guidés par la Raison ».



Pour ne pas vous prendre trop de temps, je voulais vous signaler aussi que vos collègues scientifiques Boyle et Huygens notamment, dont vous avez fait mention dans vos correspondances, ont fait aboutir des découvertes importantes.



Voilà ! Que votre Esprit demeure, je boirai ce soir une bière en votre honneur.

.

A très bientôt



Amicalement
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Correspondance

Je n’aurais jamais compris l’intérêt de ce livre si je n’avais pas fréquenté ceux qui se prétendent pontes de la philosophie –comme quoi, ça peut servir d’aller à l’université de temps en temps, mais pas la peine de se sacrifier une année d’assiduité pour autant : un cours suffit amplement.





On pourrait reprendre Michel Houellebecq qui, dans « Soumission », soulignait avec regret la perte vive d’énergie que subissent les étudiants lorsqu’ils doivent se consacrer à l’écriture d’un mémoire ou d’une thèse dont le sujet leur échut dans une conjonction déplorable de contingences. Bref, Michel Houellebecq notait : « Des milliers de thèses ont été écrites sur Rimbaud, dans toutes les université de France, des pays francophones et même au-delà, Rimbaud est probablement le sujet de thèse le plus rabâché au monde, à l’exception peut-être de Flaubert, alors il suffit d’aller chercher deux ou trois thèses anciennes soutenues dans des universités de province, et de les interpoler vaguement, personne n’a les moyens matériels de vérifier, personne n’a les moyens ni même l’envie de se plonger dans les centaines de milliers de pages inlassablement tartinées sur le voyant par des étudiants dépourvus de personnalité ». Et bref encore, on peut sans doute appliquer cette observation à Spinoza dans le domaine de la philosophie et rêver aux milliers de thèses pondues à son sujet. Certains étudiants, plus margoulins que les autres, voulurent sans doute donner un cachet de légère originalité à leur défécation scolaire en s’intéressant à des textes de seconde zone (cette correspondance), certains allant même jusqu’à délirer complètement en soupçonnant le philosophe d’occultisme. Mais je suis injuste : pas besoin d’attendre la tertiarisation de la société pour voir se multiplier ce genre de thèses ; déjà, dans les siècles plus lointains qui suivirent la disparition de Spinoza, les hommes privilégiés qui pouvaient se permettre de survivre le nez dans des bouquins s’étaient amusés à ce genre de divagation.





A mon tour de m’inscrire dans la lignée de ces érudits impuissants. Bien sûr, je ne pense pas que Spinoza ait voulu cacher quoi que ce soit dans ses lettres. Il n’était pas outrecuidant au point de croire que de pauvres tâcherons s’épuiseraient à faire son exégèse après sa mort. S’il se contredit parfois, s’il passe souvent du ton sérieux au ton exalté, s’il écrit sur la religion pendant des pages pour ensuite répudier d’un crachat ces questions, ce n’est pas qu’il soit fou (quoique), c’est qu’il est humain comme nous tous, s’adaptant à l’intelligence de ses interlocuteurs et ne reniant pas, de temps en temps, le plaisir d’un changement brusque d’opinion. Comme disait ce fameux professeur de philosophie, que je n’ai vu qu’une fois (plutôt sobre le matin et carrément déjanté l’après-midi, après un repas franc-maçon bien arrosé) : « Il n’y a pas une philosophie de Spinoza mais DES philosophies ! » (et il rebondissait sur sa table, exalté par cette idée dantesque). Certes.





Mais moi, ce que je trouve le plus drôle, c’est lorsque Spinoza parle de religion. Plutôt surpris par la virulence des lettres de ses premiers détracteurs –qui voulaient tantôt le faire passer pour athée, tantôt pour musulman, tantôt pour d’autres trucs-, il se défend assidûment de n’appartenir à aucune de ces confréries. Il croit encore que l’avenir de sa carrière se jouera de cette lutte d’opinions. Mais le temps passe, la mort approche, Spinoza bien malade se fiche de ce qu’on en pensera et les dernières lettres sont assez jubilatoires, qui défroquent les chrétiens et les musulmans en une phrase (« Et je croirais volontiers que pour tromper le peuple et pour contraindre l’âme des hommes, il n’y a pas mieux [que l’Eglise romaine], s’il n’y avait aussi l’organisation de l’Eglise mahométane, qui est encore loin au-dessus, car depuis l’époque où cette superstition a commencé, aucun schisme n’est né dans cette Eglise » [ce qui n’est plus vrai maintenant mais on reconnaîtra au moins dans cette erreur que Spinoza ne possédait pas le don de clairvoyance]), et il n’épargne pas non plus les juifs (« Les miracles qu’ils racontent […] pourraient épuiser mille bavards. Mais ce dont ils sont le plus fiers, c’est qu’ils comptent, de loin, plus de martyrs que toute autre nation, et que leur nombre augmente chaque jour, souffrant pour la foi qu’ils professent avec une singulière constance d’âme »). Lire à cet égard la lettre 76 adressée à Albert Burgh, un ancien disciple de Spinoza qui n’avait rien compris à son enseignement et qui ne crut rien avoir à faire de mieux que de se convertir au christianisme, et de vouloir ensuite convaincre son maître de l’absolue justesse de sa décision (ce à quoi Spinoza lui répondit, avec l’art de la formule : « O garçon sans esprit, qui t’a donc charmé au point de te faire croire que tu avales, puis que tu as dans les intestins, le Suprême Eternel ? »).





Résumons à présent les nobles et précieuses raisons qui peuvent nous induire à lire cette Correspondance :

- Ça cause de religion, et pas que de philosophie.

- On découvre un Spinoza guère préoccupé des convenances sociales, envoyant chier ses interlocuteurs lorsqu’ils veulent le convaincre d’une idée née d’une quelconque malformation cérébrale (exemple de la lettre 48 de Jarig Jelles, libertin souhaitant fonder une nouvelle Torah. Mal tombé, Spinoza est indifférent aux dogmes religieux).

- Si on n’a rien compris à l’Ethique ou au TTP, tous les petits résumés se trouvent ici.





Enfin, on apprendra que Spinoza était un fort goulu buveur de bière, G. H. Schuller réconfortant ses tripes dans une lettre fort avisée en lui signalant que « Le seigneur Bresser est revenu de Clèves. Il a envoyé ici une grande quantité de la bière locale ; je lui ai demandé de vous en réserver une demi-tonne, ce qu’il a promis de faire, en vous faisant ses amicales salutations ». Ainsi pouvons-nous en conclure que Spinoza était éthiquement un brave type.

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Correspondance - Spinoza/Blyenbergh : Lettr..

une correspondance entre Blyenbergh et Spinoza sur le mal et la croyance en Dieu qui nous permet de voir deux opinions différentes débattre. je le conseille à tous les amoureux de la philosophie
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Correspondance - Spinoza/Blyenbergh : Lettr..

Pas facile de se lancer dans la philo.



Ce petit livre regroupe les lettres que ce sont échangées, entre 1664 et 1665, le philosophe Spinoza et un courtier en grain, Blyenbergh, plein de curiosité pour la philosophie de Spinoza. C’est plutôt touffu pour moi, et écrit et traduit selon les règles de l’époque. Je suis bien content que le livre – qui s’adresse avant tout à des lycéens au minimum – contiennent de l’analyse de texte qui m’a aidé à éclairer ce que je lisais.



C’est Blyenbergh qui commence l’échange, en déclarant qu’il est fan de l’auteur et qu’il a des questions sur son livre « Les principes de la philosophie de Descartes ». Spinoza répond avec joie, croyant avoir affaire à un homme qui s’intéresse aux raisonnements philosophiques. Mais la deuxième lettre arrive comme un coup de théâtre. Blyenbergh, qui est calviniste, avoue que s’il doit choisir entre une explication philosophique et une affirmation issue de l’Écriture, c’est la deuxième qui l’emportera sans discussion. Spinoza comprend alors que leurs axiomes de base sont discordants, car lui voit l’Écriture comme une parabole destinée à expliquer les lois de Dieu au « vulgaire » (à celui qui ne réfléchit pas dessus), et donc certainement pas comme le Verbe incarné.

Les rapports se tendent dès lors. Les deux hommes font un usage intensif de raisonnements logiques directs ou par l’absurde, mais ils ne peuvent s’accorder car leurs points de départ ne sont pas les mêmes. Spinoza s’en aperçoit immédiatement mais tente malgré tout d’expliquer sa position, Blyenbergh ne comprend pas et insiste. Ils se voient physiquement une fois. Mais, lassé, Spinoza finit par rompre le contact.



Il ne faut pas voir ici l’affrontement d’un érudit et d’un ignare fondamentaliste. Les deux hommes savent raisonner, mais Spinoza est peut-être plus affuté. On saisit certains éléments de la philosophie de Spinoza qui s’éloigne de la théologie. Il n’est pas en accord avec Descartes, par exemple sur le libre arbitre (Spinoza ne croit pas que cela existe, Descartes oui). Il ne croit pas qu’il existe quelque chose comme le Mal absolu, que Blyenbergh assimile au péché originel par exemple.

Les positions de Spinoza en plein XVIIe siècle ne sont pas faciles à tenir. D’autres ont été menacés du bûcher relativement peu de temps auparavant (Galilée c’est 40 ans avant). Lui-même a été exclu de la synagogue en 1656, avec des mots d’une violence incroyable : « Nous le maudissons comme Élie maudit les enfants et avec toutes les malédictions que l’on trouve dans la Loi. Qu’il soit maudit le jour, qu’il soit maudit la nuit ; qu’il soit maudit pendant son sommeil et pendant qu’il veille, etc. ».



Un livre peu facile à lire pour moi, donc, mais assurément intéressant, et éclairci par le dossier associé.

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De la droite manière de vivre

Le livre est petit et peut donc sembler être un point d'entrée intéressant pour s'attaquer à Spinoza ... Malheureusement, il est quasi infernal de faire la distinction entre les notes de l'auteur, celles du traducteur et celles de l'éditeur.

Par ailleurs la présentation du traducteur aurait dû se trouver en début d'ouvrage plutôt qu'en fin d'ouvrage au vu des nombreuses notes qui relèvent d'avantage du commentaire critique plutôt que d'une contextualisation pour des lecteurs (la traduction date du 19e siècle).



Comme d'hab, je pinaille plus sur le contenant (édition) que sur le contenu.
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De la liberté de penser dans un Etat libre

Ce petit volume est constitué par le chapitre XX du Traité Théologico-politique (Tractatus theologico-politicus, traduction d'Emile Saisset, 1872) que Spinoza fit publier anonymement en 1670 précédé de la préface de ce livre. Un cours préambule de François L'Yvonnet situe l'oeuvre dans son contexte historique et en guise de postface on trouvera dans la Lettre de Lambert de Velthuysen à Jacob Osten (Utrecht, le 24 janvier 1671) un résumé du Traité de Spinoza et un compte rendu des opinions de celui-ci..
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De la liberté de penser dans un Etat libre

Spinoza fut en son temps un proscrit. On l'accusait du pire des scandales : l'athéisme. Il était donc un danger pour l'Etat. Or, la lecture de ce petit texte qui tient aujourd'hui de l'évidence prouve qu'on peut s'écarter des préceptes religieux pour penser et pour vivre. Il montre même que la liberté de croyance est une condition nécessaire à la sécurité et à la paix dans un Etat libre, c'est-à-dire démocratique. Comme la croyance individuelle est un acte libre, en interdire l'expression, c'est créer des révoltés qui seront des sources de danger. Bref, la liberté est la garantie de la sécurité. Spinoza le hurlait dans le désert. Hurlons-le avec lui!
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Éthique

La nature comme chant du possible.



Si l’existence précède l’essence, c’est que l’essence est possible, et donc la possibilité précède l’existence. La possibilité n’est ni l’essence, ni l’existence, mais la condition première de réalisation d’une existence. La possibilité contient donc l’essence de cette existence – à titre de possibilité. C’est en ce sens que l’essence peut précéder l’existence - qui la précède. En fait, l’antériorité de l’essence ou de l’existence est une fausse question, dans la mesure où l’existence et l’essence sont ontologiquement unies comme possibilité et que la possibilité ne dépend pas de sa réalisation physique pour exister. Autrement dit, l’existence de la possibilité est d’essence métaphysique. Si l’on entre dans les détails, juste ce qui est nécessaire, on s’aperçoit en effet que la question de l’antériorité ne se pose pas sur le plan physique, mais seulement sur le plan métaphysique. Sur le plan physique, il apparaît qu’émergent dans l’univers, de fait, des entités complexes à partir d’entités plus simples, mais que ces entités complexes ont des propriétés que n’ont pas en elles-mêmes, dans leurs caractéristiques physiques et aussi loin qu’on puisse les analyser, les entités plus simples, mais qu’elles les ont par contre à titre de pure possibilité ; de façon métaphysique. Un caillou ne contient pas en lui-même une maison, et ne comporte aucune des propriétés distinctives de ce qu’est une maison. Les propriétés de la maison sont des nouveautés qui demandent, pour être comprises, de ne pas se borner à analyser, même si c’est de façon extraordinairement fine, précise et efficace, les données physiques du constituant caillou. Pour comprendre la maison, il faut admettre que la maison était essentiellement possible sans pour autant exister en aucune façon physiquement dans le caillou. Ainsi la chronologie de l’émergence des choses n’est pas leur ontologie, et les propriétés physiques des choses n’en sont en rien l’essence, mais juste la façon d’exister. L’essence ne précède pas nécessairement l’existence, mais elle la précède possiblement, tandis que l’existence doit nécessairement précéder l’essence, mais en tant que possibilité de son émergence. Comme l’avait diagnostiqué Kierkegaard, le possible est la plus lourde des catégories. Il ne s’ensuit pas que toute possibilité doive nécessairement donner lieu à une existence, comme si c’était une nécessité, ce qui détruit l’idée même de possibilité, mais il s’ensuit que la possibilité emprunte les chemins de la nécessité pour donner lieu à une existence, d’où émergera une essence, pour conclure à son identité.

Il ressort de ce rapide périple métaphysique – sans temps mort, sans entraves – que tout ce qui existe a d’abord dû exister comme possibilité, et ceci n’est à son tour possible que métaphysiquement, sans quoi la chose existerait physiquement avant d’exister physiquement, ce qui est peut-être possible, mais juste comme absurdité. Cette antériorité ontologique du possible est simplement rationnelle, et cette rationalité est juste naturelle. Mais évidemment, aucun discours physicaliste ne saurait en balbutier ne serait-ce que la première phrase. La science physique reste clouée au sol, irremplaçable certes, sur lequel se dresse la maison de la connaissance. Il se peut que le petit poucet physicien retrouve, à l’aide de ses petits cailloux qu’il connait si bien, le chemin de la maison ; mais pour qu’il trouve la maison, qui est certes devant ses yeux, il faudra qu’il lève la tête.

Il ressort ensuite de ce plaisant voyage de raison, que la nature n’est pas une entité seulement physique, ni métaphysique, mais qui unit les deux, non comme les étages séparés d’une maison, mais comme l’unité de ses constituants. Et il en ressort enfin que ce qui unit ces constituants, c’est la possibilité comme totalité infinie ontologiquement antérieure à tout ce qui existe – du fait que tout ce qui existe peut –ou non – exister.

L’essence de la nature est que tout est possible, pas n’importe quoi, pas n’importe comment, mais naturellement.



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Éthique

S'il n'y avait qu'une chose à dire à propos de l'éthique de Spinoza : il nous livre le secret du bonheur.

Le chemin livré par Spinoza n'est facile ni à lire ni à vivre mais il propose une voie morale intéressante, conforme à la nature de chacun, en se laissant guider par son être mais sans se laisser dominer par ses passions.

Spinoza est un maître à lire et relire. Dommage qu'il soit si difficile à lire, même après une première lecture. On lui préférera sans doute le livre que lui a consacré Frederic Lenoir pour une première approche.
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Éthique

La lecture de l'Ethique est assez ardue. le lecteur contemporain n'a guère l'habitude de ce style scolastique avec ses propositions, démonstrations, ses scolies et corollaires.

Avant de lire l'Ethique, j'ai eu la chance de tomber sur le livre d'Alain « Spinoza » qui est une explication claire de cet ouvrage et nous le fait lire sous un angle plus serein.

Ces quelques notes sont un résumé de notes beaucoup plus vastes que j'ai prises au fil de ma lecture et un condensé de ce que j'ai pu modestement en retirer.

Par là même, la lecture est une sorte de répétition d'une hypothèse mathématique que l'on démontre et que l'on explique ensuite. Les scolies sont des moments de repos de l'esprit dans lesquelles l'auteur donne des exemples plus probants.

Spinoza part de l'existence de Dieu en tant que « substance constituée d'une infinité d'attributs dont chacun exprime une essence éternelle et infinie. »

Il s'est proposé, dans son Ethique (Spinoza, pas Dieu) de procéder comme dans la géométrie. Si j'ai bien compris, je peux considérer que Dieu est le cercle (infini et éternel) qui englobe tout : la Nature, les hommes, les animaux et objets.

Dieu est en l'homme. Il est à la fois ordre et confusion, essence et existence mais l'homme doit se méfier de son imagination -l'idée de confusion - qui l'entraîne à avoir une notion fausse de la divinité car « Dieu est tout et perfection. » Seul l'homme est trompé par ses propres sens :



« Car la perfection des choses doit s'estimer seulement par leur nature et leur puissance, et elles ne sont donc pas plus ou moins parfaites parce qu'elles plaisent aux sens de l'homme ou les offensent, conviennent à la nature humaine ou lui répugnent. »



L'homme passe à travers trois sortes de connaissances : le premier genre qui est l'imagination, le fantasme, l'idée confuse, le deuxième qui est la raison, la logique la connaissance apprise, enfin le troisième genre qui est l'intuition de l'Ame ou science intuitive qui est



« … l'idée adéquate de l'essence formelle de certains attributs de Dieu, à la connaissance adéquate de l'essence des choses. »



Il va donc falloir distinguer les causes et les idées adéquates (issues de Dieu et revenant à lui) et les causes et idées inadéquates, issues de l'imagination, imparfaites et vagues.

Il ne lui reste plus qu'à faire en sorte que la Raison prenne le pas sur les Passions, affects ou affections – cela dépend certainement des traductions – car l'ouvrage fut d'abord écrit en latin, langue de communication intellectuelle de l'époque, pour atteindre la Béatitude aspiration suprême de l'Ame car elle contient l'Amour divin : puisque Dieu « s'aime lui-même » et que Dieu est cause de tout, alors Dieu aime les hommes et cela est une seule et même chose.

Spinoza va démontrer, fouiller, prouver comment l'homme peut parvenir à la Joie, ne pas se laisser envahir par la Tristesse et son cortège de passions du corps corruptible mais au contraire la rejeter pour une Béatitude qui participe de l'éternité des choses puisque il est quelque chose d'éternel dans la Raison elle-même. La Béatitude ,selon Spinoza amène l'homme à une grande liberté et le libère du joug des passions sensuelles.



« La Béatitude n'est pas le prix de la vertu, mais la vertu elle-même ; et cet épanouissement n'est pas obtenu par la réduction de nos appétits sensuels, mais c'est au contraire cet épanouissement qui rend possible la réduction de nos appétits sensuels. »



Tout cela est bien sûr à l'opposé des religions du martyre où les fidèles pensent que plus ils souffrent, plus ils méritent le paradis. Or il semble que pour Spinoza, le paradis soit dans cette Béatitude à la fois immanente et éternelle, lorsque l'homme est libéré de ses passions. Mais pour y parvenir, il faudra quand même faire des efforts car :



« Comment serait-il possible, si le salut était sous la main et si l'on pouvait y parvenir sans grand-peine, qu'il fût négligé par presque tous ? Mais tout ce qui est beau est difficile autant que rare. »



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Éthique

Ouvrage extrêmement intéressant réparti en (5 champs de réflexions à la fois juste et essentiels . Une lecture enrichissante basée à la fois sur la nature de l'Homme oscillant entre aspiration et bassesse
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L'éthique

Un livre qui me réconcilie avec la philosophie et que je regrette de ne pas avoir découvert plus tôt. J’ai bien eu un peu de mal à m’y mettre et si comme moi, vous êtes béotien, je ne peux que vous conseiller les cours magistraux en vidéo de Jean-François Moreau, disponibles gratuitement sur https://www.canal-u.tv, qui m’ont beaucoup aidé. Une lecture continue de l’éthique, disponible sur Spinoza.fr peut aussi être une aide intéressante. Sur la forme, la méthode géométrique retenue par l’auteur peut dérouter mais la progression dans les idées qui en résulte est très efficace. Sur le fond, l’approche positive et joyeuse de Spinoza est très séduisante. Pour le reste, je vous renvoie à la critique de Colimasson, trés bien faite et qui correspond parfaitement à mon ressenti de cette lecture.
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L'éthique

L'Ethique est vraiment un livre compliqué.

Sa forme, construite en une succession de démonstrations, suit un modèle mathématique qui rend le texte aride.



Je m'étais préparé à la lecture de cette oeuvre intimidante en lisant et visionnant des explications de texte.

Cela ne m'a pas empêcher de m'arracher les cheveux sur de nombreux passages.



Heureusement, le livre contient 2 niveaux ce lectures:

-Les propositions qui sont des affirmations 'facilement' compréhensibles.

-Les démonstrations et corollaires, qui sont des raisonnements souvent complexes, voir obscurs.



Malgré tout, j'ai pu saisir la force, l'originalité et le non conformisme du message de Spinoza.

Les idées les plus marquantes que j'ai notées sont:

-Le Panthéisme: Dieu est Tout, il est à la fois l'univers et la nature. Chaque être vivant et élément de matière n'est qu'une partie de Dieu.

-Le Déterminisme: Le monde est causal, tout destin est prédéfini et notre sensation de liberté n'est qu'une illusion due a notre ignorance du fonctionnement de l'univers dans sa globalité.

-Le Conatus: Chaque être tends a persévérer et s'affirmer dans son existence. J'y fois une sorte de volonté de puissance Nietzschéenne s'accordant à la métaphysique de Spinoza



Une bonne moitié du livre détaille méticuleusement les affects de l'homme et les interactions entre elles. Cette partie, bien que systématique et méthodique, m'a paru confuse, mystique et trop théorique.



Cette lecture a été ardue mais m'a permis d'aller 'voir' à la source des concepts forts qui m’intéressaient tant ils sont a contre courant.

Il faudra que je le relise un jour pour éclaircir cette première visite.
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L'éthique

Le célèbre texte de Spinoza, l’Éthique, a été traduit plusieurs fois. Robert Misrahi nous en propose une version plus proche du texte original, incluant la totalité de la doctrine, attentif à la définition de chaque terme dans le système global de la pensée du philosophe, et respectant le rythme du texte et la logique de la langue latine. Une très bonne chose pour l’accès à ce texte austère mais vivifiant, proposant une véritable philosophie pour la conduite de l’existence, fondée sur la puissance de la joie.



Partant du principe que Dieu est la Nature et que l’homme y participe, Spinoza nous démontre mathématiquement comment l’homme, par la connaissance, va vaincre sa servitude, c'est-à-dire sa soumission aux affects - regret, émulation, reconnaissance, gratitude, bienveillance, colère, vengeance, cruauté, férocité, peur, audace, pusillanimité, épouvante, humanité, modestie, ambition, intempérance, ivrognerie, avarice, luxure… - pour atteindre la béatitude qui est la vertu même.



Et cela par l’exercice de la Raison, qui lui permet de se concevoir adéquatement lui-même et les objets qui l’entourent. En effet « Le plus grand orgueil ou le plus grand mépris de soi est la plus grande ignorance de soi. »

Il n’y a pas de Dieu providence, pas de libre-arbitre, pas de bien et de mal, la Nature est un tout. Il y a soit des idées inadéquates qui rendent l’homme passif et le tirent vers la tristesse qui engendre haine et division, soit des pensées adéquates qui font que l’homme persévère dans son être, comprend quel est son champs d’action, agit bien et vit heureux.



Le chemin de la sagesse est aride mais accessible à tous, c’est la grande modernité de Spinoza, au-delà de tous les dogmatismes qui enferment l’homme dans le malheur, de proposer une philosophie universelle.

Une lecture salutaire bien que difficile, qui nous offre des clés précieuses pour notre vie quotidienne soumise à tous ces affects qui ne sont que des idées confuses. Or chacun a le pouvoir de se comprendre lui-même et de moins les subir. CQFD

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L'éthique

Pour le bouddhiste que je suis, le Dieu de Spizona est incroyablement identique à la Nature du Bouddha..

D'un point de vue logique, pour moi, les démonstrations de Spizona n'en sont pas, manquant par trop de rigueur, en particulier la proposition VII censée démontrer l'existence de Dieu.

Comme si Spinoza avait eu la Réalisation, mais avait essayé de la justifier de façon cartésienne, ce qu'il n' a pas réussi à mon avis, en admettant que cela soit possible.
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L'éthique

La nouvelle édition de l’Éthique, dirigée par Maxime Rovere, confirme l’intérêt pour le philosophe hollandais, qui ne cesse d’être relu.
Lien : https://www.la-croix.com/Cul..
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L'éthique

Voici l'œuvre principale de Spinoza (celui qu'on surnomme souvent comme le philosophe de la joie), qui sera publié pour la première fois après sa mort. Ecrit dans une langue austère, pas toujours très agréable, se servant comme Descartes de la logique mathématique pour étayer ses thèses, l'auteur donne de la symbolique de Dieu une tout autre image, bien loin de celle dont ses contemporains étaient habitués. Ce qui lui valut pas mal d'animosités et même une agression à coup de poignard.



Pour Spinoza, Dieu c'est la nature (panthéisme) et tout est dans la nature y compris les êtres humains, donc tout est en Dieu. Il rejette également en bloc l'idée selon laquelle Dieu aurait une pensée et existerait sous un anthropomorphisme humain. Il dit aussi que "le désir est l'essence même de l'homme, en tant que conçue comme déterminée de quelque façon à faire quelque chose".



Assurément l'un des plus importants et plus grands philosophes avec Nietzsche.
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L'éthique

Edition annotée et traduite sous la direction de Maxime Rovère



" Que peut ajouter, après tant d’autres, une nouvelle traduction française ? Les plus utilisées aujourd’hui semblent suffire à tous les usages. Celle de Charles Appuhn a certes vieilli, mais reste utilement praticable (Flammarion, « GF »), celle de Robert Misrahi est fluide (Livre de poche), et Pierre-François ­Moreau a proposé récemment la plus savante et précise des versions françaises (PUF). Doit-on relever le défi une nouvelle fois ? Peut-on apporter, sur ces pages mille fois scrutées, de nouvelles ­lumières ? A ces deux questions, le philosophe Maxime Rovère, à qui l’on doit notamment Le Clan Spinoza (Flammarion, 2017), répond oui sans hésitation"

Citation Roger Pol-Droit Le Monde 12 Nov. 2021
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L'éthique

Ce livre, je l'ai lu plusieurs fois. A deux reprises dans une édition de poche en en sentant la puissance sans bien en comprendre la portée. Cela tenait pour partie à la traduction de Roland Caillois, pas toujours systématique. Ma vie a été bouleversée par la traduction de Robert Misrahi. Pour dire les choses sans y réfléchir 107 ans, je crois que j’y ai trouvé la joie que procure : (1) le fait de ne pas vivre en s’imaginant au centre du monde – le monde qui nous entoure est plus intéressant que soi (si tant est qu’on puisse se penser hors du reste) et Spinoza offre « une vie hors de soi » passionnante ; (2) le fait de ne pas percevoir le monde à travers une interprétation finaliste – les choses sont par nécessité et non par conformité à une fin. Enfin, Spinoza fournit des catégories bien précises pour penser correctement des choses un peu obsédantes (Dieu). Mention spéciale : une pensée émancipée du dualisme corps-esprit. Ça a l’air un peu académique mais c’est une avancée anthropologique cruciale qui n’a pas fini de transformer le monde. Nous sommes un corps, c’est-à-dire de la matière organisée, y compris dans les aspects qui nous paraissent les plus immatériels (la pensée). Je recommande spécialement ce livre aux personnes dépressives, il soulage énormément et apporte un cadre suffisamment cohérent pour vivre joyeux.
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L'éthique

Qui veut tirer à soi le spinozisme en fera une passion triste. Spinoza est le lieu réflexif où peuvent se retrouver unis les croyants libres et les athées ouverts, parce que sa pensée tient unis la matière et l’esprit, le sensible et l’intellectif, la physique et la métaphysique, le simple et le sublime. Tout ceci se trouve réuni dans l’idée d’une nature qui partout et de toutes les façons possibles se développe pour réaliser toutes ses potentialités ; pas celles que nous pourrions lui attribuer, mais celles qui reposent dans son insaisissable unité et dont elles procèdent. Spinoza nous propose la plus vaste entreprise de détournement jamais conçue : détourner nos passions tristes en passions joyeuses, détourner nos joies finies en autant de moments d’une éclosion infinie : maintenir unies, dans notre croissance existentielle, les formes du fini et la saveur infinie, sculpter toute chose – une œuvre, un acte, une parole, un désir, un élan, une émotion, les leçons d’un échec, les blessures de la vie… - dans une expression matérielle nécessairement délimitée, mais unie à une expression spirituelle infiniment ouverte à toutes les éclosions possibles. Selon Spinoza, la joie signale le chemin, et elle est la sève qui fait croître l’individualité en direction de son accomplissement ; elle est la vie qui apprend à se réjouir sans limites.

De quoi se réjouit la vie ? D’elle-même allant s’élargissant vers ses propres floraisons. Spinoza fixe une sorte de but à cette dynamique de dépassement-détournement-croissance : il l’appelle béatitude, tout en se gardant bien de l’enclore dans une définition, mais c’est sans doute le moment à partir duquel la nouveauté devient éternelle, et l’éternité nouvelle. Pour finir, Spinoza nous propose non pas de vivre les pieds sur terre et la tête dans les étoiles, mais en faisant croître leur réciprocité. D’avoir les pieds chaussés d’étoiles, de devenir des étoiles qui marchent sur la terre.

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