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Critiques de Spinoza (76)
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L'éthique

Selon moi, l'un des plus grands livres jamais écrit, et surtout, l'un des plus importants. Soyons honnêtes, c'est aussi l'un des plus difficiles à lire. Personnellement, le plaisir de lecture que j'y ai trouvé ne naissait que du fond, des idées proposées dans l'œuvre. La manière d'écrire en propositions, qui se suivent comme dans un traité de géométrie, et qui s'entrecoupent par des scolies rend la lecture difficile, voire même inaccessible. Pour autant, si vous arrivez à surmonter cet obstacle, alors vous tomberez sur un écrit unique. La grande thèse de Spinoza consiste en cela que la nature est inféodée à la causalité, et donc que l'esprit aussi, et que, partant de cette affirmation, il est possible de déduire à partir de simples axiomes de départs les vérités les plus importantes et enfouies. Ce livre prônant un déterminisme absolu résonne encore très bien avec notre actualité et les nouvelles connaissances que nous acquérons chaque jour. La liberté humaine n'est qu'une illusion, la plus dramatique qui soit, car elle a la source de la plupart de nos malheurs, de nos incompréhensions et de nos espoirs. Toutefois, bien que ce livre porte sur Dieu, la connaissance et bien d'autres sujets métaphysiques et principalement philosophiques, il est d'abord un livre sur l'éthique, les passions et la liberté humaine. Il est facile de l'oublier, néanmoins le dessein premier de Spinoza est de nous aider à atteindre la suprême béatitude. Chaque proposition, depuis le début de l’œuvre, n'est là que pour amener le lecteur à la partie finale du livre, celle sur la liberté, celle qui nous permet de grandir, d'agir moralement et de nous guider à travers une existence parsemée de tristesse, de joie et qui s'accomplira nécessairement par la mort. Ce livre, contrairement à ce que l'on peut penser, ne nous apprend pas à mourir, mais à vivre. Malgré son apparence absconse et rebutante, je conseille sa lecture à quiconque cherche à mieux se connaître et à mieux connaître la nature du monde.
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L'éthique

Ce n'est pas le bouquin de philo le plus fastoche à lire.

Le début peut te rebuter surtout si tu es dyscalculique.

Mais après c'est bien.

Baruch pense que nous sommes des êtres déterminés, comme avant lui les stoïciens et après lui Nietzsche...

Mais c'est pas grave, comprendre comment nous fonctionnons et comment le monde fonctionne t'apporteras la joie.

Et même, si tu es sage, la béatitude...
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L'éthique

Au sein de "L'Éthique" de Spinoza, publiée post-mortem en 1677 pour éviter la censure, l'auteur déploie une rigueur méthodologique rappelant la précision des géomètres. En effet, se laissant guider par une démarche où se succèdent définitions et axiomes, Spinoza aspire à ériger une construction philosophique aussi irréfutable que les théorèmes mathématiques. Les définitions, dépourvues d'ambiguïté, et les axiomes, énoncés comme des vérités indiscutables, constituent les piliers sur lesquels s'édifient les démonstrations ultérieures. Par exemple, il définit la "cause de soi" comme ce dont l'existence découle nécessairement de sa nature même, tandis que la "substance" est ce qui se conçoit indépendamment de toute autre notion. Ces concepts fondamentaux, appliqués à Dieu, révèlent une conception radicalement nouvelle de la divinité comme immanente à la nature. Ainsi, Dieu n'est pas conçu comme une entité transcendante, mais comme la Nature elle-même, définie par une infinité d'attributs. Spinoza, en intégrant cette vision dans une méthode de déduction géométrique, confère à son œuvre une modernité inédite, tout en exposant, avec subtilité, des idées à la fois novatrices et controversées, dont la portée athée, dissimulée pour éviter les foudres de la censure, n'en demeure pas moins révolutionnaire pour son époque.
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De la droite manière de vivre

Le livre est petit et peut donc sembler être un point d'entrée intéressant pour s'attaquer à Spinoza ... Malheureusement, il est quasi infernal de faire la distinction entre les notes de l'auteur, celles du traducteur et celles de l'éditeur.

Par ailleurs la présentation du traducteur aurait dû se trouver en début d'ouvrage plutôt qu'en fin d'ouvrage au vu des nombreuses notes qui relèvent d'avantage du commentaire critique plutôt que d'une contextualisation pour des lecteurs (la traduction date du 19e siècle).



Comme d'hab, je pinaille plus sur le contenant (édition) que sur le contenu.
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Correspondance - Spinoza/Blyenbergh : Lettr..

Pas facile de se lancer dans la philo.



Ce petit livre regroupe les lettres que ce sont échangées, entre 1664 et 1665, le philosophe Spinoza et un courtier en grain, Blyenbergh, plein de curiosité pour la philosophie de Spinoza. C’est plutôt touffu pour moi, et écrit et traduit selon les règles de l’époque. Je suis bien content que le livre – qui s’adresse avant tout à des lycéens au minimum – contiennent de l’analyse de texte qui m’a aidé à éclairer ce que je lisais.



C’est Blyenbergh qui commence l’échange, en déclarant qu’il est fan de l’auteur et qu’il a des questions sur son livre « Les principes de la philosophie de Descartes ». Spinoza répond avec joie, croyant avoir affaire à un homme qui s’intéresse aux raisonnements philosophiques. Mais la deuxième lettre arrive comme un coup de théâtre. Blyenbergh, qui est calviniste, avoue que s’il doit choisir entre une explication philosophique et une affirmation issue de l’Écriture, c’est la deuxième qui l’emportera sans discussion. Spinoza comprend alors que leurs axiomes de base sont discordants, car lui voit l’Écriture comme une parabole destinée à expliquer les lois de Dieu au « vulgaire » (à celui qui ne réfléchit pas dessus), et donc certainement pas comme le Verbe incarné.

Les rapports se tendent dès lors. Les deux hommes font un usage intensif de raisonnements logiques directs ou par l’absurde, mais ils ne peuvent s’accorder car leurs points de départ ne sont pas les mêmes. Spinoza s’en aperçoit immédiatement mais tente malgré tout d’expliquer sa position, Blyenbergh ne comprend pas et insiste. Ils se voient physiquement une fois. Mais, lassé, Spinoza finit par rompre le contact.



Il ne faut pas voir ici l’affrontement d’un érudit et d’un ignare fondamentaliste. Les deux hommes savent raisonner, mais Spinoza est peut-être plus affuté. On saisit certains éléments de la philosophie de Spinoza qui s’éloigne de la théologie. Il n’est pas en accord avec Descartes, par exemple sur le libre arbitre (Spinoza ne croit pas que cela existe, Descartes oui). Il ne croit pas qu’il existe quelque chose comme le Mal absolu, que Blyenbergh assimile au péché originel par exemple.

Les positions de Spinoza en plein XVIIe siècle ne sont pas faciles à tenir. D’autres ont été menacés du bûcher relativement peu de temps auparavant (Galilée c’est 40 ans avant). Lui-même a été exclu de la synagogue en 1656, avec des mots d’une violence incroyable : « Nous le maudissons comme Élie maudit les enfants et avec toutes les malédictions que l’on trouve dans la Loi. Qu’il soit maudit le jour, qu’il soit maudit la nuit ; qu’il soit maudit pendant son sommeil et pendant qu’il veille, etc. ».



Un livre peu facile à lire pour moi, donc, mais assurément intéressant, et éclairci par le dossier associé.

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Traité de la réforme de l'entendement

C'est un texte court mais dense qui peut se lire comme propédeutique à l'Éthique. L'enjeu consiste à parvenir au "vrai bien". La vérité est toujours celle des idées claires et distinctes, et repose donc sur la connaissance des essences. Les idées confuses sont nécessairement fausses, et elles sont aussi, par là, dépourvues de simplicité ou ne laissent pas décomposer en parties suffisamment simples.

Inachevé, cet ouvrage ne présente pourtant à mes yeux aucune obscurité, contrairement à ce que j'ai pu lire ici et là. Il est remarquablement clair, concis et direct.

C'est aussi un texte qui reste assez cartésien sur un certain nombre de points.
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L'éthique

Pas simple à lire, par moment même un peu rebutant, ce texte, au fur et à mesure de sa découverte vous fait toucher du doigt un univers particulier et total. Il a été pour moi une révélation, une très agréable révélation, j'ai adoré, au fil du déroulement très mathématique et totalement logique de cette succession d'affirmation, la vérité Spinozienne qui m' a fort plu..

A lire même si c'est parfois, souvent un peu... brut.
Lien : https://www.babelio.com/ajou..
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Traité politique

Spinoza rédige le Traité politique de 1675 à 1677 alors qu’il est mourant. Dans la continuité du Traité théologico-politique de 1670, cette œuvre s’en distingue pourtant, notamment du fait de l’évolution de sa conception de la politique.

C’est dans ce contexte qu’il s’interroge sur la multitude et le corps politique. Dès le Traité théologico-politique, la finalité de la politique et de l’État s’incarne, selon lui, dans la liberté. Toutefois, dans ce texte, il s’agit de savoir comment tendre vers cette liberté tout en garantissant la stabilité du corps politique. L’État ne doit pas seulement garantir la paix et la sécurité, mais aussi la liberté. Pour ce faire, Spinoza use d’une méthode réaliste : on doit s’appuyer sur la nature humaine et le fonctionnement réel des États pour maintenir le corps politique et sa stabilité, et non pas sur une conception idéalisée du corps politique.



Dans un premier temps, Spinoza présente les principes fondateurs de l’État (chapitre I à V); puis, il décrit les trois imperia, les trois types d’État que sont la monarchie, l’aristocratie et la démocratie (chapitre VI à XI). Spinoza est décédé en laissant le chapitre XI sur la démocratie inachevé, même s’il a tout de même précisé ce que ce type d’État signifiait selon lui : il est « entièrement absolu » (chapitre XI), c’est la souveraineté que « possède la multitude toute entière ».



La démocratie est en réalité présentée comme un mouvement, une étape vers l’accomplissement de la multitude. L’affirmation de la souveraineté de la multitude, pour Spinoza, c’est son conatus, c’est-à-dire la puissance de tout « étant », son effort naturel pour persévérer, conserver et même augmenter sa puissance d'être. Ainsi, les deux questions centrales que Spinoza développe tout au long de son traité sont le droit naturel des hommes (leur conatus, leur puissance d’exister et d’agir) comme le fondement réel de l’État, de la souveraineté, et le principe de paix et de concorde comme finalité au sein de cet État.

La mort empêche Spinoza de finir ce traité et cela nous manque vraiment. Cette version est issue de la traduction de Bernard Pautrat, le meilleur traducteur français de Spinoza.
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L'éthique

Il y a des années, des décennies à présent, j’ai eu la chance d’étudier trois des cinq parties de l’Ethique avec un excellent professeur de philosophie. Je n’en ai gardé aucun souvenir élaboré. Mais l’impression vaporeuse qu’il y avait là quelque chose qui méritait qu’on y revienne s’est trouvée vivifiée à différentes occasions récentes. Soit que la presse encense le « miracle Spinoza », mentionne tel ou tel spinoziste, que Lionnel Naccache en prenne le modèle pour écrire son Apologie de la discrétion(1), soit que je lise « Cohabiter avec ses fauves, l’éthique diplomatique de Spinoza » dans Manières d’être vivant de Morizot ou que je sente si souvent dans les propos de Michel, à fleur de ligne, des concepts spinozistes que je ne saisissais que partiellement, à chaque fois, la possibilité de l’Ethique revenait s’actualiser.



Intimidée par la réputation du livre, j’avais commencé à tourner autour et envisagé sur des conseils amis de lire plutôt une biographie de Spinoza. Et puis, je suis tombée sur un article de Philosophie magazine « comment lire l’Ethique » qui proposait différents chemins dans l’œuvre (2) et recommandait l’édition commentée sous la direction de Maxime Rovere. A droite, le texte, à gauche des notes éclairant le contexte, la structure, proposant des parallèles avec la pensées d’auteurs qu’a pu lire ou fréquenter Spinoza. Une Ethique main dans la main, pour néophyte comme pour philosophe aguerri. C’en était assez pour que je saute le pas. 900 pages ? Même pas peur !



Il y a certaines œuvres qui pâtissent du bruit qui les entoure et de la montagne qu’on s’en fait. Et puis il y a l’Ethique. Jamais je n’aurais imaginé recevoir aussi puissamment le choc de cette lecture.



Durant les quelques semaines où je m’y suis livrée tous les jours une heure ou plus, j’ai connu des états de jubilation intellectuelle que je ne soupçonnais pas possibles. Je me suis trouvée, habitée de la compréhension que j’en faisais, portée à passer tout ce à quoi je pensais au crible de cette analyse et la trouver à chaque fois (à chaque fois !) d’une pertinence et d’une utilité confondantes.



Pour que son propos s’ancre dans les esprits de la manière la plus claire possible, que l’on soit sensible aux articulations logiques faisant découler les concepts les uns des autres, Spinoza choisit la voie de la démonstration euclidienne. Des définitions en prémisses, quelques axiomes, à partir desquels il formule des propositions qu’il démontre ensuite point par point. Parfois de deux manières successives, faisant appel pour ce faire à telle ou telle proposition antérieurement démontrée. Un scolie ou deux, quelques corolaires et ainsi, brique par brique, le monde est fondé.



Moi qui ai des souvenirs pleins de désarroi de mes cours de mathématiques, je n’aurais jamais imaginé que cela me plaise autant. Je ne vous cache pas avoir relu plusieurs fois certaines propositions à haute voix. Avoir passé plus de temps à rebours dans le livre, à compulser les propositions et démonstrations précédentes qu’à réellement progresser.



Anna a été le bienveillant témoin de mes interrogations, de mes errements, le correspondant attentif avec qui partager mes découvertes et émerveillements, je l’en remercie vivement ici à nouveau. Je crains d’ailleurs qu’elle ait pâti autant que moi de ma perplexité au sujet de la proposition 38 de la deuxième partie. « Les choses qui sont communes à tout, et sont autant dans la partie que dans le tout, ne peuvent se concevoir qu’adéquatement. » Mon esprit cartésien refusait que le tout se retrouve dans les parties puisqu’on avait préalablement démontré l’exclusivité des attributs au moyen de la proposition « Les modes d’un attribut de Dieu, quel qu’il soit, ont pour cause Dieu, en tant qu’il est considéré seulement sous l’attribut dont ils sont les modes, et sous aucun autre. » (IIP6) laquelle proposition pour être démontrée renvoie à IP10 et IA4. (Je tiens disponible la réponse à ce mystère à qui en fera la demande, évidemment mais des indices pour y répondre se cachent déjà dans la suite de cette critique).



Cet itinéraire de recherche autour de la proposition IIP38 illustre assez bien le cheminement qui a été le mien au cours de cette longue lecture. A croire que je lisais désormais de droite à gauche, de gauche à droite, selon toutes les directions possibles ce qui, croyez-moi, est tout à fait spinoziste. Car sous les dehors très carré de la démonstration, bruisse une souplesse d’approche, une sensibilité à la nuance et à la variation qui n’ôtent rien à la rigueur mais l’enrichissent au contraire d’une épaisseur propre à envelopper toute la vie.



Car quel est le sujet de l’Ethique ? Comme d’autres œuvres de son époque, le livre vise à nous doter d’un manuel de bon comportement. Il traite donc des questions du bien et du mal et de la manière de se gouverner. Oui mais, on ne se gouverne bien que lorsque l’on sait ce qu’est le bien. Et pour que ces recommandations soient pleinement opérantes, Spinoza ne les fait reposer sur aucune loi préexistante, sur aucun dogme religieux de facto. Il entreprend de les fonder en… métaphysique. On ne peut guère remonter plus avant la chaine des causalités devant nous mener à une décision éclairée !



Il part donc de Dieu dont il prouve l’existence et l’infinité (3) (partie 1) pour faire exister la « nature et origine de l’esprit » (partie 2) soit l’existence des corps, des choses, de l’esprit, la manière dont tout cela fonctionne les uns par rapport aux autres. Il propose ensuite de revenir à « l’origine et nature des affects » et passe en revue, dans un dialogisme étroit avec le Les passions de l’âme de Descartes, les principaux sentiments, émotions qui nous meuvent (troisième partie). On y apprend à voir que rien n’existe de tout cela en dehors de l’idée qu’on s’en fait. Avec la quatrième partie, on est assez outillé pour comprendre les notions de péché et de vertu selon une logique propre à notre motivation à persister dans notre être ou selon celle d’un collectif (oui, l’Ethique est également utile pour réfléchir sur un projet politique de société). Tout ce qui rend joyeux augmente notre puissance à être, tout ce qui nous rend triste la minore. Pour vivre selon son être, il s’agira donc de balancer une passion délétère par un affect plus puissant et porteur de joie. La cinquième partie traite de « la puissance de l’intellect, autrement dit la liberté humaine ». On y apprend que la liberté, c’est notre capacité à vivre sans dépendre d’aucune autre cause que celle pour laquelle on est là, c’est-à-dire le déploiement de l’être divin à travers le mode particulier dont nous sommes une chose singulière. Passer nos émois au crible de notre intellect est le plus sûr moyen d’en faire des causes clairement comprises et partant d’en diminuer la puissance nocive.



Voilà, l’existence de Dieu, la nôtre, la mort, le temps, la mémoire, la conscience de soi, l’éternité, l’amour, le désir, la joie, le bien, le social, la tristesse, la liberté, les autres vies qu’humaines, notre raison d’être, la manière de comprendre ce qui nous anime, ce qui explique tel ou tel comportement, la manière d’envelopper l’infini par la puissance de l’intellect. Tout ça, il y a tout ça dans l’Ethique. Et pas à la manière barbare dont je viens de l’énoncer selon une énumération hachée et dénuée de sens. Mais relié, expliqué, découlant nécessairement d’un principe de vie fondateur, infini, en éternel accomplissement que nous expansons dans la joie.



Mais quelle claque !



Vous l’aurez compris, j’ai été conquise comme aucun livre ne m’avait jamais conquise. Dans l’ensemble et dans certains détails qui ont achevé de me liquéfier de joie : la conception du corps comme un ensemble de plusieurs éléments en perpétuel mouvement, régénération, évolution. Le temps comme une donnée propre à un ressenti et non une réalité (Spinoza est-il quantique ? Rien dans sa conception philosophique ne semble l’empêcher, vu de ma fenêtre étroite en tout cas). Et bien sûr, ce jeu magistral entre une composition géométrique et un appel abyssal à l’infini des causes, de Dieu, de la création en permanent état d’être, sans finalité ni volonté. Aaarff !



Voilà une critique sans bestiole ni référence proustienne, s’étonneront certains amis facétieux et fidèles. J’ai bien trouvé quelques esprits animaux mais ils habitent plutôt chez Descartes et Spinoza ne leur reconnait pas beaucoup de crédit. Proust en revanche, il y a ! Pour Anna et Anne-Sophie donc, cette prolepse à la future Recherche du Temps perdu (dans un monde où le temps est une vue de l’esprit, tout est possible) qui démonte le mécanisme fautif de la réminiscence : lorsqu’on est affecté par une chose et qu’une autre est là au même moment, on conçoit un amalgame entre les deux. Par exemple, au hasard, vous pensez à un joli visage dont l’évocation vous fait des frissons partout [A] au moment où vous voyez des aubépines en fleur [B]. Il est évident que « lorsque l’esprit sera affecté ensuite par la vraie cause du premier [affect] [B] laquelle n’augmente ni ne diminue par elle-même sa puissance de penser [en elles-mêmes, les aubépines n’ont aucune influence sur vos états d’âme], aussitôt, il le sera aussi par l’autre [A] [vous voyez des aubépines, vous avez des frissons partout] (…) C.Q.F.D. » (IIIP15D) (4)



Alors sans crainte, avec un peu de temps devant vous, la confiance dument réaffirmée en votre intelligence (il n’y a aucun orgueil à le concevoir, c’est la marque de notre appartenance à la substance divine), lisez l’Ethique dans la merveilleuse édition de Maxime Rovere (5), vous ne risquez rien d’autre que d’y trouver une philosophie pour toute votre existence (et de commencer toutes vos phrases par « Spinoza écrit que… »).





********

(1) Maintenant que j’ai lu l’Ethique, je peux bien confirmer l’opinion peu avantageuse que j’avais de cette Apologie de la discrétion et de son auteur. Quel poseur éhonté d’oser prendre la même forme de démonstration euclidienne pour barbouiller une réflexion brouillonne sans commune mesure avec le chef d’œuvre de subtilité et de d’intelligence livré par Spinoza ! Une telle arrogance, même cachée sous l’hommage appuyé et l’autodérision me laisse pantoise.

(2) J’ai finalement choisi le plus simple : de la première à la dernière ligne, dans l’ordre mais avec les mille retours en arrière, pistes tracées à rebours qu’impose une telle entreprise.

(3) Pour les allergiques au mot « Dieu », vous pouvez le remplacer, c’est Spinoza lui-même qui l’écrit par « substance infinie », « nature » (au sens de tout ce qui existe, a existé ou existera, les idées comme les choses). Rien à voir donc avec le Dieu auquel on voue un culte et qui attendrait des hommes tel ou tel comportement. D’ailleurs le Dieu selon Spinoza n’attend rien, ne veut rien, il est. Il n’est pas extérieur à la création non plus, il est sa création, il est nous, nous sommes lui et l’univers entier de même. Je m’en remets pas…

(4) Je précise qu’il n’y a aucune condamnation morale de la part de Spinoza. Il ne nous dit pas que c’est idiot d’aimer les aubépines en fleur parce qu’on a été amoureux. Ou d’être amoureux. Il explique comment ça fonctionne et d’où nous viennent nos sentiments, nos émotions. D’ailleurs, on ne pourrait guère faire autrement car ce qui nous arrive provient de l’infinité de choses extérieures à nous (Albertine, une pluie persistante, l’arbre en face de moi, un petit creux quand midi approche…) qui, directement ou non, nous impactent de leurs effets. Il y a donc une grande tendresse chez Spinoza pour toutes les manières que nous avons de faire avec ce qui nous tombe dessus, avec ce que nous croyons qui nous tombe dessus, une grande empathie dans sa capacité à saisir toutes les raisons infondées sur lesquelles on se gouverne. Cet homme est délicieux.

(5) Autre effet secondaire à cette lecture, transitoire je l’espère, le recours aux notes de bas de page qui, dans l’édition de Maxime Rovere, poursuivent le dialogue avec le texte, mettent en lumière ses multiples influences, rendent tant sa somptueuse, géniale inventivité que tout ce que Spinoza doit à des influences stoïciennes, « aristotélicienne judéo-musulmane d’ascendance médiévale » (note 753) outre sa lecture attentive de Descartes et Hobbes, ses contemporains.

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Oeuvres complètes

Cette version de Spinoza est rendue obsolète par la nouvelle version de Bernard Pautrat. On trouvera dans cette dernière de nombreux ajouts, et des traductions beaucoup plus fines. La chronologie de Fabrice Zagury est excellente. L'introduction par Bernard Pautrat est remarquable. La quête de Spinoza était celle de l'éternité. Souhaitons au lecteur cette même recherche, et pourquoi pas de la trouver.
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L'éthique

Un livre très difficile à aborder, brutal dans ses concepts dès la première page. Spinoza écrit ce livre comme une démonstration mathématique mais cela ne fonctionne pas en philosophie et certaines propositions ou axiomes peuvent être remis en question, ce qui fait s'écrouler l'ensemble de l’œuvre qui reste très complexe à aborder et que je ne conseille pas aux personnes peu au fait des philosophes du 17èmes siècle ou peu habitués à lire des textes philosophiques.

La traduction est celle de Bernard Pautrat, considéré comme le meilleur traducteur de Spinoza.
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L'éthique

Certains ouvrages sont parfaits. D’autres ont une forme magnifique mais manquent de fond, d’autres encore ont un très bon fond mais une forme indigeste. Pour moi, l’Ethique de Spinoza se range dans cette dernière catégorie. L’on connaît la phrase de Nicolas Boileau qui dit ceci : «  Ce que l’on conçoit bien s’énonce clairement, et les mots pour le dire arrivent aisément», et bien pour cet ouvrage la clarté n’est pas au rendez-vous… C’est pourquoi une étoile manque à ma note.. S’attaquer à la lecture de l’Ethique de Spinoza est un gros projet… Cela ne se lit pas sur le bord d’une piscine, mais plutôt derrière un bureau avec stylo et stabilo (ce qui n’est d’ailleurs pas pour me déplaire). La forme très (trop ?) scientifique pour présenter des idées aussi fortes fragilise le développement par ce côté « rigide » des axiomes et lemmes que vous devrez accepter sans plus questionner leur bien fondé pour accéder aux principes de l’Ethique. Et malgré tout, l’effort sera grandement récompensé et la pensée de Spinoza ne vous quittera plus après la lecture. Il s’agit d’un ouvrage incontournable pour tout passionné de philosophie et/ou de spiritualité ! Spinoza est une haute et raide montagne à gravir, mais la vue depuis le sommet est splendide! Je conseille !
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L'éthique

"Ethique" de Spinoza est un livre dense et complexe qui peine à captiver l'attention du lecteur moyen. Les longues digressions philosophiques et le style aride rendent la lecture fastidieuse et décourageante.



En outre, la structure rigide et linéaire de "Ethique" de Spinoza entrave la fluidité de la lecture et rend difficile la navigation entre les concepts clés. Les nombreux axiomes et propositions numérotés donnent à l'ouvrage une impression de fragmentation, ce qui peut dérouter le lecteur et entraver sa compréhension globale de la philosophie de Spinoza.



Finalement, le manque d'exemples concrets et d'applications pratiques limite l'applicabilité de sa philosophie dans la vie quotidienne, la rendant ainsi peu pertinente pour le lecteur moyen en quête de réponses concrètes.
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L'éthique

J’ai lu Spinoza.

Là, d’emblée ça envoie du lourd, non ?

Bon, « j’ai compris Spinoza » aurait tout de même plus de prestige.

Mais chaque chose en son temps.

Je le sentais moyen, ayant parcouru la préface annonçant une lecture difficile, rendue encore plus ardue par le parti pris du traducteur qui justifiait sa volonté de coller au plus près du texte original une glose hermétique.

Je confirme : avaler le penseur batave n’est pas à la portée de tout le monde.

Personne du reste n’envisagerait de courir un marathon s’il n’est capable que d’aller de sa chambre au salon.

Ethique se compose de cinq parties.

Dans la première, Spinoza parle de Dieu, plus exactement il entend prouver mathématiquement son existence – tout le livre est basé sur ces démonstrations : nous sommes au siècle de Descartes, ne l’oublions pas.

Ca commence mal. Je n’ai jamais compris pourquoi un philosophe, penseur raisonnable estimant que les questions sont le plus souvent plus importantes que les réponses, dont le doute est sa force motrice, s’acharne à prouver l’existence de la croyance la plus basique. Un être supérieur qui aurait réponse à tout, qui serait Tout.

Je soupçonne une explication toute simple : à cette époque, on ne rigolait pas trop avec les idées nouvelles, subversives, anticonformistes et je devine que certains ont préféré adhérer à la pensée globale, tout en lui donnant des airs cartésiens. Croire en Dieu, oui, mais prouvé scientifiquement, du moins mathématiquement. Question de survie… ou de lâcheté.

Cependant, quelque chose m’a troublé. Si, dans la première partie, Spinoza parle sans détour de Dieu, dans les autres (où il entend lister et expliquer les émotions et sentiments purement humains en offrant une sorte de manuel pour s’affranchir de ces émotions qui nous pourrissent la vie), à plusieurs reprises, il écrit « Dieu ou la Nature ».

Ah, ah, Dieu ne serait-il plus seul maitre à bord ?

Et là, ce fut la Révélation.

Pari gagné pour Spinoza puisque, à 57 ans, je peux l’affirmer : c’est en le lisant que je me suis mis à croire en Dieu. Enfin, je me suis rendu compte que j’y croyais depuis pas mal d’années… peut-être depuis toujours, sans m’en rendre compte !

Dieu est partout, omnipotent et tout puissant.

Il y a quelque chose qui correspond tout à fait à cette définition : la Nature ! Mon Dieu, à qui je dois respect et amour, n’est rien d’autre que tout ce qui m’entoure, la moindre molécule, le plus petit atome et, jamais au grand jamais, je ne dois lui être supérieur.

« On ne commande à la nature qu’en lui obéissant ».



Ainsi, même si vous ne comprenez pas toute la pensée d’un philosophe obscur, même si les mots évoquent mal les images (comme dans tout bon traité, Spinoza ne donne pas d’exemples, il reste essentiellement théorique), même si la glose est impénétrable, même si les concepts vous échappent, il y a toujours quelque chose à extraire d’un manuel de philosophie – j’oserais ajouter : de tout livre. Les idées des autres aident à nous faire réfléchir, comme dans une partie de tennis où l’on ne saurait jamais, à l’avance, quand où et comment la balle va rebondir.

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Éthique

S'il n'y avait qu'une chose à dire à propos de l'éthique de Spinoza : il nous livre le secret du bonheur.

Le chemin livré par Spinoza n'est facile ni à lire ni à vivre mais il propose une voie morale intéressante, conforme à la nature de chacun, en se laissant guider par son être mais sans se laisser dominer par ses passions.

Spinoza est un maître à lire et relire. Dommage qu'il soit si difficile à lire, même après une première lecture. On lui préférera sans doute le livre que lui a consacré Frederic Lenoir pour une première approche.
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Éthique

La lecture de l'Ethique est assez ardue. le lecteur contemporain n'a guère l'habitude de ce style scolastique avec ses propositions, démonstrations, ses scolies et corollaires.

Avant de lire l'Ethique, j'ai eu la chance de tomber sur le livre d'Alain « Spinoza » qui est une explication claire de cet ouvrage et nous le fait lire sous un angle plus serein.

Ces quelques notes sont un résumé de notes beaucoup plus vastes que j'ai prises au fil de ma lecture et un condensé de ce que j'ai pu modestement en retirer.

Par là même, la lecture est une sorte de répétition d'une hypothèse mathématique que l'on démontre et que l'on explique ensuite. Les scolies sont des moments de repos de l'esprit dans lesquelles l'auteur donne des exemples plus probants.

Spinoza part de l'existence de Dieu en tant que « substance constituée d'une infinité d'attributs dont chacun exprime une essence éternelle et infinie. »

Il s'est proposé, dans son Ethique (Spinoza, pas Dieu) de procéder comme dans la géométrie. Si j'ai bien compris, je peux considérer que Dieu est le cercle (infini et éternel) qui englobe tout : la Nature, les hommes, les animaux et objets.

Dieu est en l'homme. Il est à la fois ordre et confusion, essence et existence mais l'homme doit se méfier de son imagination -l'idée de confusion - qui l'entraîne à avoir une notion fausse de la divinité car « Dieu est tout et perfection. » Seul l'homme est trompé par ses propres sens :



« Car la perfection des choses doit s'estimer seulement par leur nature et leur puissance, et elles ne sont donc pas plus ou moins parfaites parce qu'elles plaisent aux sens de l'homme ou les offensent, conviennent à la nature humaine ou lui répugnent. »



L'homme passe à travers trois sortes de connaissances : le premier genre qui est l'imagination, le fantasme, l'idée confuse, le deuxième qui est la raison, la logique la connaissance apprise, enfin le troisième genre qui est l'intuition de l'Ame ou science intuitive qui est



« … l'idée adéquate de l'essence formelle de certains attributs de Dieu, à la connaissance adéquate de l'essence des choses. »



Il va donc falloir distinguer les causes et les idées adéquates (issues de Dieu et revenant à lui) et les causes et idées inadéquates, issues de l'imagination, imparfaites et vagues.

Il ne lui reste plus qu'à faire en sorte que la Raison prenne le pas sur les Passions, affects ou affections – cela dépend certainement des traductions – car l'ouvrage fut d'abord écrit en latin, langue de communication intellectuelle de l'époque, pour atteindre la Béatitude aspiration suprême de l'Ame car elle contient l'Amour divin : puisque Dieu « s'aime lui-même » et que Dieu est cause de tout, alors Dieu aime les hommes et cela est une seule et même chose.

Spinoza va démontrer, fouiller, prouver comment l'homme peut parvenir à la Joie, ne pas se laisser envahir par la Tristesse et son cortège de passions du corps corruptible mais au contraire la rejeter pour une Béatitude qui participe de l'éternité des choses puisque il est quelque chose d'éternel dans la Raison elle-même. La Béatitude ,selon Spinoza amène l'homme à une grande liberté et le libère du joug des passions sensuelles.



« La Béatitude n'est pas le prix de la vertu, mais la vertu elle-même ; et cet épanouissement n'est pas obtenu par la réduction de nos appétits sensuels, mais c'est au contraire cet épanouissement qui rend possible la réduction de nos appétits sensuels. »



Tout cela est bien sûr à l'opposé des religions du martyre où les fidèles pensent que plus ils souffrent, plus ils méritent le paradis. Or il semble que pour Spinoza, le paradis soit dans cette Béatitude à la fois immanente et éternelle, lorsque l'homme est libéré de ses passions. Mais pour y parvenir, il faudra quand même faire des efforts car :



« Comment serait-il possible, si le salut était sous la main et si l'on pouvait y parvenir sans grand-peine, qu'il fût négligé par presque tous ? Mais tout ce qui est beau est difficile autant que rare. »



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L'éthique

Edition annotée et traduite sous la direction de Maxime Rovère



" Que peut ajouter, après tant d’autres, une nouvelle traduction française ? Les plus utilisées aujourd’hui semblent suffire à tous les usages. Celle de Charles Appuhn a certes vieilli, mais reste utilement praticable (Flammarion, « GF »), celle de Robert Misrahi est fluide (Livre de poche), et Pierre-François ­Moreau a proposé récemment la plus savante et précise des versions françaises (PUF). Doit-on relever le défi une nouvelle fois ? Peut-on apporter, sur ces pages mille fois scrutées, de nouvelles ­lumières ? A ces deux questions, le philosophe Maxime Rovère, à qui l’on doit notamment Le Clan Spinoza (Flammarion, 2017), répond oui sans hésitation"

Citation Roger Pol-Droit Le Monde 12 Nov. 2021
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L'éthique

Suis-je le seul à trouver que Spinoza pinaille ? Il y a bien quelques intuitions sublimes, mais cette fâcheuse manie de tout ramener à Dieu fini par peser. J'en suis au milieu, alors peut-être que la chute va être plus motivante. En tout cas pour l'instant, je suis un peu déçu.
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Traité théologico-politique

D’abord paru sous le couvert de l’anonymat en 1670, le Traité théologico-politique fut rapidement attribué à Spinoza et immédiatement qualifié d’œuvre impie par les autorités politiques et religieuses de son temps. C’est que, bien qu’il se défende de l’accusation d’athéisme portée à son encontre, le philosophe ne ménage pas l’Église, il remet en question de nombreux dogmes religieux et dénonce la thèse d’un auteur unique et inspiré par Dieu — en la personne de Moïse — pour les cinq livres de l’Ancien Testament constituant la Torah des Juifs. Bousculant les bien-pensants de son temps, il défend avec ardeur la liberté de s’exprimer et l’exercice de la raison dans l’analyse des fondements théologiques et politiques de la société. Ainsi, ce traité de philosophie pratique a-t-il jeté les bases de nos démocraties modernes fondées sur la séparation des pouvoirs temporel et spirituel. Ses analyses, subversives et iconoclastes à bien des égards, ont contribué à la lecture critique des Saintes Écritures et ont inspiré de nombreux penseurs après lui. Aujour­d’hui encore, la radicalité de son propos et la réjouissante liberté de ton dont il use ne peuvent qu’enchanter le lecteur moderne et l’inciter à retourner aux sources de ce texte philosophique et politique majeur de l’Occident.
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Éthique

La nature comme chant du possible.



Si l’existence précède l’essence, c’est que l’essence est possible, et donc la possibilité précède l’existence. La possibilité n’est ni l’essence, ni l’existence, mais la condition première de réalisation d’une existence. La possibilité contient donc l’essence de cette existence – à titre de possibilité. C’est en ce sens que l’essence peut précéder l’existence - qui la précède. En fait, l’antériorité de l’essence ou de l’existence est une fausse question, dans la mesure où l’existence et l’essence sont ontologiquement unies comme possibilité et que la possibilité ne dépend pas de sa réalisation physique pour exister. Autrement dit, l’existence de la possibilité est d’essence métaphysique. Si l’on entre dans les détails, juste ce qui est nécessaire, on s’aperçoit en effet que la question de l’antériorité ne se pose pas sur le plan physique, mais seulement sur le plan métaphysique. Sur le plan physique, il apparaît qu’émergent dans l’univers, de fait, des entités complexes à partir d’entités plus simples, mais que ces entités complexes ont des propriétés que n’ont pas en elles-mêmes, dans leurs caractéristiques physiques et aussi loin qu’on puisse les analyser, les entités plus simples, mais qu’elles les ont par contre à titre de pure possibilité ; de façon métaphysique. Un caillou ne contient pas en lui-même une maison, et ne comporte aucune des propriétés distinctives de ce qu’est une maison. Les propriétés de la maison sont des nouveautés qui demandent, pour être comprises, de ne pas se borner à analyser, même si c’est de façon extraordinairement fine, précise et efficace, les données physiques du constituant caillou. Pour comprendre la maison, il faut admettre que la maison était essentiellement possible sans pour autant exister en aucune façon physiquement dans le caillou. Ainsi la chronologie de l’émergence des choses n’est pas leur ontologie, et les propriétés physiques des choses n’en sont en rien l’essence, mais juste la façon d’exister. L’essence ne précède pas nécessairement l’existence, mais elle la précède possiblement, tandis que l’existence doit nécessairement précéder l’essence, mais en tant que possibilité de son émergence. Comme l’avait diagnostiqué Kierkegaard, le possible est la plus lourde des catégories. Il ne s’ensuit pas que toute possibilité doive nécessairement donner lieu à une existence, comme si c’était une nécessité, ce qui détruit l’idée même de possibilité, mais il s’ensuit que la possibilité emprunte les chemins de la nécessité pour donner lieu à une existence, d’où émergera une essence, pour conclure à son identité.

Il ressort de ce rapide périple métaphysique – sans temps mort, sans entraves – que tout ce qui existe a d’abord dû exister comme possibilité, et ceci n’est à son tour possible que métaphysiquement, sans quoi la chose existerait physiquement avant d’exister physiquement, ce qui est peut-être possible, mais juste comme absurdité. Cette antériorité ontologique du possible est simplement rationnelle, et cette rationalité est juste naturelle. Mais évidemment, aucun discours physicaliste ne saurait en balbutier ne serait-ce que la première phrase. La science physique reste clouée au sol, irremplaçable certes, sur lequel se dresse la maison de la connaissance. Il se peut que le petit poucet physicien retrouve, à l’aide de ses petits cailloux qu’il connait si bien, le chemin de la maison ; mais pour qu’il trouve la maison, qui est certes devant ses yeux, il faudra qu’il lève la tête.

Il ressort ensuite de ce plaisant voyage de raison, que la nature n’est pas une entité seulement physique, ni métaphysique, mais qui unit les deux, non comme les étages séparés d’une maison, mais comme l’unité de ses constituants. Et il en ressort enfin que ce qui unit ces constituants, c’est la possibilité comme totalité infinie ontologiquement antérieure à tout ce qui existe – du fait que tout ce qui existe peut –ou non – exister.

L’essence de la nature est que tout est possible, pas n’importe quoi, pas n’importe comment, mais naturellement.



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