Inutile de vous le cacher, vous le savez sûrement déjà : La mort d’une sirène est dans mon top 3 de la littérature policière, ex-æquo avec La fille dans le brouillard. Tous deux ont la première place, rien que ça ! La question étant de savoir : pourquoi un polar historique danois remporte cette prestigieuse place sur mon podium ?
Attendu avec impatience et anticipation, dévoré avec gourmandise, ce roman écrit à six mains m’a vrillé le cœur avant même que je ne l’ai entre mes mains avides : vous connaissez Hans Christian Anderson ? Ou La petite sirène ? C’est la genèse de ce fabuleux, et triste, conte danois que le trio d’auteurs nous propose de revisiter. Comment dire non à pareille tentation ?
Ce qui saute aux yeux dès les premières pages, c’est l’écriture diablement efficace, tranchante et délicieusement exquise du trio, alors qu’on s’immerge dans un Copenhague pauvre et misérable dont la saleté est si bien retranscrite qu’on peut même sentir l’odeur fétide de l’île du Mort, là où l’on vide les pots de chambre de la ville. Je tiens à souligner au passage que la narration au présent est portée à merveille par une traduction agréable. Rien ne nous est épargné dans La mort d’une sirène : ni les relents de dégoût, ni les frissons de douleur, ni le goût amer d’une fin à nous fendre le cœur, parce que même nous, lecteurs, n’arrivons pas à voir une autre issue que celle-ci.
Le style est donc un délice sans temps morts ni longueurs, mais qu’en est-il des personnages ? Peu nombreux, mais ô combien attachants ! Molly, prostituée et sœur de la victime, et Hans Christian, que l’on imagine un gaillard courageux et un cousin de Sherlock Holmes et qui se révèle en réalité un jeune homme incertain, isolé et pas franchement taillé pour les enquêtes policières. Cette manière de dépeindre ce duo, sans lui imputer une romance inutile en plus, les rend plus durs à quitter une fois la dernière page achevée. On se sent démunis à leur côté, on cherche à les sauver d’une mort potentielle, et on se réjouit de leurs succès, jusqu’aux dernières lignes. Une empathie directe pour ces êtres de papier qui se transforment en êtres réels le temps de la lecture.
Molly et Hans Christian sont un élément important, mais il n’y aurait pas d’intrigue sans Madame Krieger, qui vient les compléter dans ses propres chapitres ! Si son implication dans les meurtres n’est jamais un mystère puisqu’on la rencontre dès les premières pages, il demeure une question que La mort d’une sirène nous pose directement : pourquoi Madame Krieger mutile ses victimes ? Les motifs apparaissent lointains au début, auréolant notre meurtrière d’une brume de mystères.
En réalité, ce mystère ne m’apparaît pas comme un réel mystère, dans la mesure où je l’ai deviné dès les premières apparitions de notre amie. Pour autant, le fait de savoir, déjà au début, ne gâche en rien la lecture, au contraire ! Ce qui m’a intéressé tout du long, c’est le pourquoi. Pourquoi, au fond d’elle, qu’est-ce qui la motive et la pousse, qu’est-ce qui lui donne cette force destructrice ? Des motivations que l’on finit par découvrir par une écriture encore une fois magistrale, dans une fin au goût amer, mais réaliste.
Ce que j’en retiens, après avoir lu le roman, après l’avoir laissé deux semaines et m’être interrogée régulièrement, c’est ce constat troublant : malgré toute l’horreur des crimes, malgré les refoulements de bile et la stupéfaction à la lecture des différents sévices et des scènes graphiques, il m’a été impossible, et m’est toujours impossible d’ailleurs, d’éprouver une once de dégoût pour celle que l’on devrait voir comme un monstre. Une antagoniste de génie, attachante malgré elle, dont on retient la tristesse et le désespoir pour en arriver à ce qu’elle a fait.
La mort d’une sirène est une ingénieuse genèse d’un conte, qui reprend avec merveille l’essence de l’histoire pour la façonner ainsi, dans un Copenhague aux relents de saleté, à la royauté impie d’elle-même et bien protégée dans son cocon, et où la Justice n’a qu’une vague définition. Un conte d’amour, de sacrifice et d’ouverture d’esprit, aussi, à travers les personnages portés par une écriture sans fioriture, aussi tranchante que les couteaux de Madame Krieger. Et enfin, c’est Anderson dont on parle, la fin nous déchirera forcément de l’intérieur…
Coup de cœur et première place sur mon podium pour ce trio de plumes que je vais suivre assidûment ! Et si vous ne l’avez pas deviné : je vous recommande ce polar, voire ce thriller historique avec force !
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